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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1° Chambre B
ARRET DU 09 JANVIER 2018
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/03318
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 MARS 2015
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 14/00754
APPELANT :
Monsieur [M] [P]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Bruno OTTAVY, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Pauline MANGEANT, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame [U] [G]
née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 7] (91)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Me André BRUNEL, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Marie pierre DAMON, avocat au barreau de MONTPELLIER,
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 13 Novembre 2017
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 DECEMBRE 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, chargé du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre
Madame Chantal RODIER, Conseiller
M. Christian COMBES, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Nadine CAGNOLATI
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Mme Nadine CAGNOLATI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Les Faits , la procédure et les prétentions :
Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Montpellier en date du 20 mars 2015 ;
Vu l'appel relevé par M. [P] , en date du 29 avril 2015, dont la cour a vérifié la régularité ;
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de l'appelant en date du 2 mars 2016 ;
Vu les conclusions de Mme [G] , intimée , en date du 9 septembre 2015 ;
Vu les conclusions récapitulatives de l'intimée en date du 12 novembre 2017 ;
Vu les conclusions en date du 15 novembre 2017 de l'appelant aux fins principales de rejet des conclusions adverses tardives', ou de révocation de l'ordonnance de clôture, qui sont recevables en vertu de l'article 783 alinéa deux du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 novembre 2017 ;
Attendu que les conclusions de l'intimée déposées la veille de la clôture, avec communication de 16 pièces supplémentaires, portent incontestablement atteinte au principe du contradictoire , ce qui fonde l'incident de rejet , la cour étant saisie par les conclusions respectives en date du 2 mars 2016 et du 9 septembre 2015, avec maintien de l'ordonnance de clôture en date du 13 novembre 2017
SUR Ce':
Attendu que Mme [G] produit une pièce numéro un qui est un document en date du 15 janvier 2011, signé par les deux parties, avec la mention lu et approuvé, par lequel le soussigné [M] [P], ci-après dénommée le débiteur, reconnaît par les présentes devoir légitimement à [U] [G], ci-après dénommée le créancier, « qui accepte la somme de 200'000 € (deux cent mille euros ) pour prêt de pareille somme qu'il lui a fait à la date du 6 octobre 2010 » ;
Attendu que le débiteur s'obligeait ensuite à rembourser au créancier la somme de 200'000 € , selon un échéancier dont il n'est pas contesté qu'il n'a pas été respecté, puisqu'aussi bien le débiteur allégué conteste la dette, et n'a payé aucune somme ;
Attendu que si l'on peut s'interroger sur la nature juridique exacte de ce document, il ne saurait être considéré qu'il s'agit d'une promesse de prêt, stricto sensu, puisque ce document fait bien mention d'une remise de la somme litigieuse à titre de prêt, en date du 6 octobre 2010 ;
Attendu que la contestation par le débiteur allégué de la remise de cette somme ne modifie pas ipso facto la nature juridique de ce document pour en faire une promesse de prêt';
Attendu qu'en l'absence de démonstration d'une promesse de prêt, la non-exécution alléguée de cette promesse ne saurait donner lieu à des dommages-intérêts à hauteur de 10'000 € ;
Attendu que Mme [G] évoque ensuite en page trois de ses conclusions le caractère synallagmatique de ce document ;
Mais attendu que le même document porte en en-tête, avec une écriture manuscrite sensiblement différente des mentions précitées, le terme de « reconnaissance de dette [M] [P] à [U] [G] 15. 01. 2011 » ;
Attendu qu'en toute hypothèse, à admettre qu'il s'agisse d'un contrat synallagmatique établissant l'existence d'un prêt, avec échéancier de remboursement auquel s'engage le débiteur, la cour estime que la démonstration de la tradition des fonds est imparfaite, ainsi que le soutient M. [P]';
Attendu qu'une obligation dans un cadre synallagmatique doit être causée , l'obligation de remboursement reposant sur la tradition des fonds prêtés ;
Attendu qu'en l'espèce, Mme [G] produit un acte de délégation (pièce numéro huit en date du 6 octobre 2010, par lequel en qualité de délégante , elle délègue à la société générale les droits détenus sur le délégué SOGECAP , débiteur de Mme [G] au titre d'un contrat séquoia d'assurance-vie dont la date d'effet est le 6 novembre 2002, avec une valeur de rachat au 5 octobre 2010 de 212'46 4,57 euros' );
Attendu que cet acte de délégation fait État du prêt consenti par la société générale, à hauteur de 200'000 €, pour une durée d'un an';
Mais attendu que la seule démonstration d'un prêt qui soit régulièrement communiquée dans le présent débat est en date du 7 novembre 2011 (pièce numéro neuf)';
Et attendu qu'en toute hypothèse, rien ne démontre que M. [P] ait bénéficié des 200'000 €, même s'il est très vraisemblable qu'un prêt de 200'000 € ait été accordé avec un calcul de valeur de rachat de l'assurance vie au 5 octobre 2010, soit la veille de la date mentionnée dans l'acte de reconnaissance de dette, et délégation sur le fondement de l'assurance vie séquoia pour garantir le paiement de ce prêt , le document daté du 7 novembre 2011 ne constituant qu'un avenant ;
Attendu que reste l'analyse du document précité selon les critères de la reconnaissance de dette, mention que ce document comporte en en-tête , étant précisé que dans ce cadre juridique stricto sensu la remise des fonds est présumée, et que précisément l'analyse faite supra des deux pièces bancaires (numéro huit et neuf de l'intimée) interdit de retenir comme le soutient M. [P] qu'il rapporte la démonstration de ce que les fonds ne lui ont pas bénéficié';
Attendu qu'au contraire, Mme [G] démontre de façon certaine qu'un prêt lui a été consenti par la société générale de 200'000 €, à la date où le document précité indique que le prêt a été consenti , avec délégation de sa part d'un contrat d'assurance-vie dont la valeur a été estimée toujours à la même date, pour constituer garantie du prêteur';
Attendu que dans le cadre d'une reconnaissance de dette, contrairement au cadre juridique synallagmatique, il n'appartient pas au prêteur de rapporter la preuve que les fonds ont été remis , et les éléments précités interdisent de retenir avec M. [P] , sur qui reposerait la charge de cette preuve, que les fonds n'ont pas été remis, ou qu'ils lui ont été remis sur une cause illicite, ce qui n'est pas soutenu ;
Attendu que cette analyse est d'autant plus fondée juridiquement qu'en réalité, si l'on se réfère expressément aux conclusions de l'appelant du 2 mars 2016, en page deux, ce dernier soutient qu'il avait effectivement un projet d'investissement immobilier à la réunion, que les banques ont exigé l'apport personnel mais qu'il n'avait pas de fonds disponibles, et qu'il a donc demandé à sa belle mère d'accepter de lui prêter entre 5000 et 10'000 €';
Attendu qu'il soutient que pour parvenir à un montant de
200'000 € tels que réclamées, sa belle-mère s'est livrée à un faux grossier, en rajoutant la somme de 200'000 €, et la mention « pour prêt de pareille somme qu'il lui a fait à la date du 6 octobre 2010 », outre les mentions relatives au remboursement ;
Attendu que si Mme [G] ne conteste pas effectivement son écriture manuscrite, il n'en demeure pas moins que la plainte pour faux de son adversaire, au vu des pièces régulièrement communiquées, n'a nullement débouché ni sur une poursuite, ni a fortiori sur une condamnation, ce qui ne permet en aucune manière de retenir que le document litigieux constitue un faux matériel ou intellectuel ;
Attendu qu'au plan civil, il reste un commencement de preuve par écrit, imparfait au regard de l'article 1326 du Code civil et des mentions obligatoires d'une reconnaissance de dette, mais qui peut être complété par des éléments extrinsèques opposables au débiteur allégué';
Attendu qu'à cet égard, Mme [G] justifie en pièce numéro deux d'un courrier le 10 novembre 2011 adressé à [Localité 9], avec la mention RAR , qui réclame le remboursement, en précisant qu'il s'agissait d'un achat de terrains au tampon à la réunion, et que le remboursement devait intervenir avec les intérêts, le tout se fondant sur la reconnaissance de dette précitée ;
Attendu que M. [P] reconnaît avoir reçu un courrier recommandé, mais affirme que l'enveloppe était vide, ce qui constitue un deuxième reproche très peu vraisemblable envers une belle-mère déjà accusée de faux et de tentative d'escroquerie au jugement ;
Attendu qu'à pousser cette logique, et si Mme [G] avait falsifié la reconnaissance de dette qu'elle communique en toute hypothèse dans le cadre contentieux, la cour ne discerne pas l'intérêt d'envoyer à l'époque un courrier vide ;
Attendu qu'en toute hypothèse, M. [P] n'a pas honoré sa belle-mère d'une réponse ;
Attendu que le 12 mars 2012, le conseil de Mme [G] adressé un courrier de mise en garde très explicite, sur le fondement du « contrat synallagmatique écrit intitulé reconnaissance de dette enregistré au service des impôts de [Localité 6] », l'adresse utilisée étant chez Mme [J] (dont personne ne conteste il s'agissait de la nouvelle compagne) au [Adresse 10] ;
Attendu que ce courrier recommandé n'a pas été réclamé, ni honoré d'une réponse';
Attendu qu'un troisième courrier en date du 23 octobre 2013, similaire à celui précité, a été envoyé par le même conseil à M. [P] , au [Adresse 3], en recommandé (qui n'est pas justifié), et par télécopie au [XXXXXXXX01], ce qui est justifié par le rapport de contrôle de transmission avec la mention OK (pièce numéro cinq) ;
Attendu que ce courrier n'a pas été honoré d'une réponse, alors même que la plainte en date du 6 octobre 2014 auprès du procureur de la république mentionne bien comme adresse de M. [P] au [Adresse 3] ;
Attendu que M. [P] ne disconvient nullement par ailleurs , dans ses conclusions, du projet immobilier qui était le sien sur l'île de la Réunion, du refus des banques de financer, et de sa demande à sa belle-mère d'un prêt entre 5000 et 10'000 € ; qu'il s'agit bien là d'un élément extrinsèque qui lui est opposable, la question étant réduite à celle du montant prêté, mais ses affirmations se heurtant sur ce volet au fait qu'un prêt a été consenti à la même époque pour 200'000 € à sa belle-mère , en garantie duquel elle aurait donc délégué sans raison précise au prêteur son contrat d'assurance-vie, et surtout à l'absence de suite de la plainte pour faux, qui interdit de retenir que la mention de 200'000 € sur la reconnaissance de dette procède d'un tel faux matériel ou intellectuel , c'est-à-dire de retenir que sans le consentement de l'intéressé et sans délivrer un seul euro, Mme [G] ait rempli frauduleusement la reconnaissance de dette, pour un montant de 200'000 €';
Attendu que Mme [G] produit aussi un courrier électronique , qui comporte en titre la mention « nouvelle de mon notaire » , adressé le 22 janvier 2011 par [M] [P] à [Courriel 8] , et dont les termes sont sans ambiguïté : « j'ai eu mon notaire, il m'a confirmé que pour l'assurance c' était normal, étant donné que tu m'avais prêté 200'000 € formalisés par la reconnaissance de dette (normale aussi). Donc c'est toi qui me prêtes, je te suis redevable de 200'000 €. ... » ;
Attendu que M. [P] conteste formellement avoir adressé cet e-mail, fait état de la facilité à confectionner une adresse et à modifier les contenus, en se fondant sur les articles 1316-un et 1316-quatre du Code civil ; que pour autant, il ne conteste pas sérieusement la datation de cet e-mail ;
Et attendu que s'agissant de la démonstration de l'envoi d'un tel e-mail, les dispositions des articles précités ne sont pas applicables au courrier électronique produit pour faire la preuve d'un fait, dont l'existence peut être établie par tout moyen de preuve, lesquels sont appréciés souverainement par les juges du fond';
Attendu qu'en l'espèce, la question est de savoir si ce document prouve l'élément extrinsèque consistant en l'envoi d'un e-mail, dont le contenu serait opposable à M. [P] , y compris en l'absence de certification électronique ;
Et attendu que la cour estime que le contenu détaillé de ce courrier, que le premier juge a repris avec pertinence dans son intégralité, fait état d'éléments qui à l'époque ne pouvaient être connus que de M. [P] , et d'un argumentaire qui ne pouvait être développé que dans son intérêt , notamment lorsqu'il rappelle que [W], sa concubine fille de Mme [G] , pourra profiter de son investissement immobilier au Tampon , et qu'il convenait de solder le prêt pour qu'il n'y ait plus d'intérêt à payer', analyse qui lui appartient mais dont la cour ne voit pas l'intérêt qu'il y aurait eu pour un faussaire à la développer , y compris et surtout pour Mme [G] , seule faussaire envisageable selon la thèse de M. [P] ;
Attendu que la cour relève enfin que la fausseté de cet e-mail n'a jamais été soutenue en premier ressort ;
Attendu qu'en conclusion, la cour estime que le commencement de preuve constitué par reconnaissance de dette en date du 15 janvier 2011, juridiquement considérée en tant que telle, est complété à suffisance par le projet d'un projet immobilier à la réunion nécessitant un financement refusé par les banques, l'absence de toute réponse aux courriers recommandés précis de mise en demeure, l'absence de contestation en premier ressort de l'auteur de l'e-mail précité, et par les termes précis de ce document';
Attendu que la première mise en demeure, qui se révèle fondée, est en date du 10 novembre 2011, avec depuis une résistance consistant à protester d'une promesse de prêt, qui ne peut exister que dans l'esprit très peu juridique d'un lecteur moyennement attentif du document central constitué par la reconnaissance de dette , à se plaindre d'un faux au moyen d'une plainte dont on ne précise pas la suite , tout en reconnaissant que l'on a eu un projet immobilier au tampon, et qu'on a demandé à sa belle-mère de l'aider financièrement, mais seulement à hauteur de 5000 ou 10'000 € , ce qui là aussi revient à protester d'un faux lorsque Mme [G] aurait inscrit 200'000 €, la cour ignorant là aussi le sort de la plainte'; que cette défense va même jusqu'à plaider l'enveloppe vide du courrier de mise en demeure, avant même tout contentieux ce qui revient à soutenir qu'au-delà de sa malhonnêteté, Mme [G] est d'une négligence très originale';
Attendu que le premier jugement sera donc confirmé, y compris sur la résistance abusive, la cour n'estimant pas justifié d'allouer une somme supplémentaire en cause d'appel au même titre , ou au titre d'un préjudice moral';
Attendu qu'en revanche, une somme de 2000 € est parfaitement justifiée au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel
PAR CES MOTIFS ,
LA COUR statuant contradictoirement :
Déclare l'appel infondé ;
Confirme le jugement de premier ressort ;
Condamne l'appelant aux entiers dépens, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile, outre le paiement à l'intimée d'une somme de 2000 € au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel.
Le greffier, Le Président,
NC/GT