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09/05/2018 | FRANCE | N°17/01405

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0717, 09 mai 2018, 17/01405


AV/RN/SA
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 09 Mai 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/01405

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 OCTOBRE 2017 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE
No RG17/00034

APPELANT :

Monsieur [J] [F]
Domicilié chez Me Petra Cramer
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Petra CRAMER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [I] [L]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Lau

rent ERRERA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des ar...

AV/RN/SA
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 09 Mai 2018

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/01405

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 OCTOBRE 2017 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE
No RG17/00034

APPELANT :

Monsieur [J] [F]
Domicilié chez Me Petra Cramer
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Petra CRAMER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [I] [L]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Laurent ERRERA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 FEVRIER 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Georges LEROUX, Président de chambre et Madame Sylvie ARMANDET, Conseillère, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Georges LEROUX, Président de chambre
Madame Sylvie ARMANDET, Conseillère
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;

- signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
**

EXPOSE DU LITIGE :

Entre le 15 mars et le 8 septembre 2015, M. [J] [F] a été accueilli sur le domaine agricole [Localité 3] situé à [Localité 2], propriété de Mme [I] [L], laquelle recourait à la pratique du "woofing", qu'elle présente comme consistant "à accueillir sur des exploitations agricoles biologiques des personnes majeures afin de leur faire découvrir un autre mode de vie tourné vers la nature, avec la possibilité pour ces derniers de se voir offrir le gîte et le couvert". Au cours de son séjour, il a accompli un certain nombre de tâches sur le domaine.

Invoquant l'existence d'un contrat de travail et sollicitant, notamment à ce titre, un rappel de salaire et la résiliation judiciaire dudit contrat aux torts de Mme [L], il a saisi le Conseil de prud'hommes de Carcassonne, section agriculture, lequel, par jugement du 31 octobre 2017:
- s'est déclaré incompétent pour répondre aux questions posées ;
- a invité les parties à mieux se pourvoir dans le cadre de la juridiction compétente ;
- a débouté les parties de toute autre demande.

Par déclaration enregistrée au greffe le 6 décembre 2017, M. [F] a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Au soutien de son appel, il expose que :
- il a été embauché à compter du 15 mars 2015 par l'intimée "de facto en qualité de responsable technique, employé à la ferme" et "homme à tout faire" ;
- bien qu'aucun contrat écrit n'ait été conclu, des horaires étaient convenus, au même titre que l'accomplissement de tâches et une rémunération à hauteur de 25 euros bruts de l'heure ;
- il démontre qu'il travaillait sous la subordination de l'intimée, les tâches qui lui incombaient n'entrant pas dans le cadre de la "Charte de woofing", laquelle ne porte que sur des activités d'ordre agricole ;
- il a perçu des rémunérations en espèces et en nature, en contrepartie de l'accomplissement de son travail ;
- les conditions d'exécution de son travail ne caractérisent pas une activité de "woofing" ;
- il n'est pas inscrit en qualité de "woofer" auprès de l'association des WOOFERS France, cette inscription semblant obligatoire pour bénéficier de ce "statut" ;
- à défaut de contrat de travail écrit, l'employeur ne saurait arguer de l'existence d'un contrat de travail verbal conclu pour une durée déterminée ;
- il a accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées entre le mois de mars et septembre 2015 ;
- il s'est tenu à la disposition de l'intimée entre le 9 septembre 2015 et le 1er mai 2016, date à laquelle il a trouvé un nouvel emploi, de sorte qu'il est fondé à obtenir un rappel de salaire ;
- le manquement de son employeur à l'obligation de lui faire passer une visite médicale lui cause un préjudice qu'il convient de réparer ;
- son employeur a commis le délit de travail dissimulé, ce qui justifie que lui soit versée une indemnité ;
- les manquements de l'intimée à ses obligations d'employeur justifient la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de cette dernière.

Il demande par conséquent à la cour de :
- réformer le jugement déféré ;
- condamner l'intimée à lui verser une somme de 10 002 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre le 15 mars et le 8 septembre 2015 (après déduction d'une somme de [1 700 + 375] euros nets), outre une somme de 1 002 euros au titre des congés payés y afférents ;
- condamner l'intimée à lui verser une somme de 11 502 euros bruts à titre de rappel de salaires pour la période comprise entre le 9 septembre 2015 et le 30 avril 2016, outre une somme de 1 150 euros au titre des congés payés y afférents ;
- condamner l'intimée à lui verser une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut de visite médicale d'embauche ;
- condamner l'intimée à lui verser une somme de 8 745 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
- dire que sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
- fixer la date de rupture des relations contractuelles au 30 avril 2016 ;
- condamner l'intimée à lui verser la somme de 24 590 euros nets à titre de salaire non réglé pour toute la période travaillée ;
- condamner l'intimée à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner l'intimée à lui verser une somme de 1 466 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre une somme de 146 euros au titre des congés payés y afférents ;
- condamner l'intimée à lui verser une somme de 293 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;
- ordonner à l'intimée la remise des bulletins de paie ainsi qu'une attestation Pôle Emploi conforme, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à venir, la cour se réservant le droit de liquider ladite astreinte ;
- ordonner à l'intimée de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux compétents, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à venir, la cour se réservant le droit de liquider ladite astreinte ;
- condamner l'intimée à lui verser une somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner l'intimée aux entiers dépens des deux instances ;
- déclarer l'arrêt exécutoire dès sa signification à partie.

En réplique, Mme [L] indique que :
- il n'existe aucun contrat de travail entre elle et l'appelant, ce dernier ayant été accueilli en qualité de "woofer" ;
- l'appelant n'était pas placé sous un lien de subordination, en ne se voyant pas imposer de travail et en travaillant pour son propre compte ;
- les activités exercées par l'appelant sur le domaine ne peuvent être qualifiées de prestations de travail, et s'apparentent davantage à du loisir;
- l'appelant n'a jamais bénéficié de rémunération, tant en espèces qu'en nature : il était hébergé par elle dans le cadre du "woofing" et elle lui a par ailleurs versé une somme à titre de prêt pour développer son activité d'achat et de revente de véhicule ;
- la qualité de "woofer" n'est pas subordonnée à l'adhésion à WOOF France ;
- dès lors qu'il n'a jamais été son salarié, l'appelant n'est pas fondé à demander des sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de visite médicale d'embauche, d'indemnité pour travail dissimulé et au titre de la rupture d'un contrat de travail inexistant ;
- l'appelant ne démontre pas être resté à sa disposition à compter du 9 septembre 2015, ni qu'elle le lui a demandé ;
- dès lors qu'aucun contrat de travail n'a été conclu entre les parties, la demande de résiliation judiciaire est infondée, au même titre que les demandes de délivrance de bulletins de paie, d'une attestation Pôle Emploi et de régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux.

Elle demande donc à la cour de :
- confimer le jugement en ce qu'il a débouté l'appelant de ses demandes au motif qu'il n'existe pas de contrat de travail entre les parties ;
en tout état de cause,
- dire qu'il n'y a pas de relation de travail entre les parties ;
- dire qu'elle n'avait aucune obligation en matière de droit du travail et de droit de la sécurité sociale à l'égard de l'appelant ;
- dire que l'appelant n'a droit à aucun salaire, indemnités de nature salariale et / ou à titre de dommages et intérêts ;
à titre reconventionnel,
- condamner l'appelant à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner l'appelant aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux écritures auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats à l'audience du 27 février 2018.

MOTIFS :

Sur l'existence d'un contrat de travail :

L'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le contrat de travail se caractérise ainsi par l'exécution d'une prestation de travail sous la subordination d'un employeur moyennant le versement d'une rémunération.

En particulier, le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

La charge de la preuve du lien de subordination qui caractérise l'existence d'un contrat de travail incombe, en l'absence d'écrit, à celui qui se prévaut d'un tel contrat.

En l'espèce, il est constant qu'entre les mois de mars et septembre 2015, M. [F] a été hébergé par Mme [L] dans le domaine agricole qu'elle possède et qu'il y a exercé diverses tâches.

S'il soutient qu'il était assujetti à des horaires et était tenu de commencer sa journée de travail à 7 heures, six jours sur sept, "pour s'occuper des animaux puis assurer l'accompagnement des Woofers aux divers endroits sur le domaine", et alors que l'intimée reconnaît qu'il a pu effectuer les activités agricoles de son choix sur le domaine, l'appelant ne produit pas d'élément suffisant pour établir si les conditions d'exécution de ces activités étaient de nature à caractériser l'accomplissement d'une prestation de travail sous la subordination de Mme [L].

Ainsi, l'agenda manuscrit qu'il verse aux débats, lequel mentionne qu'il a travaillé huit heures par jour entre le 15 mars et le 9 septembre 2015 (en dehors de quelques jours de repos) ne saurait, à lui seul, démontrer qu'il a travaillé pour le compte de Mme [L] au cours de cette période.

Par ailleurs, l'attestation établie par M. [B] [M] ne comporte pas d'élément suffisamment circonstancié pour démontrer si le partage des tâches des woofers, les activités de création de cadre dans un potager auxquelles il se serait livré pendant trois jours avec l'appelant et le vidage des toilettes écologiques accompli par ce dernier, résultaient de directives de la propriétaire des lieux.

Plus généralement, en rapportant, de manière imprécise, que l'appelant était "responsable pour les tâches à l'extérieur", ladite attestation ne prouve pas que ce dernier était engagé par Mme [L] dans le cadre d'une relation de travail salariée. De même, l'affirmation ambigüe selon laquelle, "selon [I] [[L]], [J] [[F]] (...) étai[en]t salarié(s)" ne démontre pas qu'il exerçait une prestation de travail caractérisant une relation de travail salariée.

En outre, s'il n'est pas contesté par l'intimée que M. [F] a accompli des travaux dans une maison située sur son domaine, l'appelant n'apporte pas d'élément de nature à démontrer qu'il aurait agi sous la subordination de son hôte. A cet égard, l'attestation établie par M. [U] [F], frère de l'appelant, selon lequel, notamment, l'appelant avait reçu de l'intimée la promesse qu'il pourrait occuper l'habitation en question aux termes des travaux n'est pas de nature à démontrer qu'il aurait travaillé sous l'autorité de la propriétaire.

L'attestation établie par M. [N] et faisant état de ce que l'appelant lui avait demandé conseil pour un écoulement de béton et rapporte, de façon indirecte et imprécise, que "Mme [L] voulait qu'il [M. [F]] coule du béton dans la grange" ne saurait prouver que l'appelant menait ces travaux sous l'autorité de son hôte.

En tout état de cause, les photographies de la maison en chantier produites par l'appelant ne sont pas de nature à établir que les travaux qu'il avait effectués (dont l'importance et la nature ne sont au demeurant pas déterminés) intervenaient sous l'autorité de l'intimée.

Par ailleurs, la circonstance selon laquelle, ainsi qu'en atteste M. [C], l'appelant aurait réparé un van appartenant à l'intimée, ne saurait démontrer qu'il travaillait pour le compte de cette dernière. Sur ce point, il résulte des attestations établies par M. [A] et Mme [N] [L] (soeur de l'intimée) qu'il exerçait une activité professionnelle de réparation de véhicules pour son propre compte, sur le domaine de l'intimée.

Enfin, bien que l'appelant fasse valoir qu'il était tenu de procéder à l'entretien des machines et du matériel, il ne produit pas d'élément probant au soutien de ses affirmations. Outre le fait qu'il ne saurait se borner à produire des photographies de véhicules au soutien de ses affirmations, l'intimée, de son côté, verse aux débats diverses factures démontrant qu'elle a recouru à des prestataires afin de procéder à des travaux d'entretien de ses engins agricoles ainsi que de sa maison.

De façon générale, bien qu'il soit établi que M. [F] a, ponctuellement, accompli diverses tâches durant son séjour sur le domaine de Mme [L], il ne démontre pas qu'il a accompli ce travail sous l'autorité de cette dernière et qu'elle avait le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner ses manquements.

Ainsi, sans qu'il n'y ait lieu de statuer quant aux sommes et avantages dont il prétend avoir bénéficié, M. [F] ne démontre pas l'existence d'un contrat de travail conclu avec Mme [L], en l'absence de réalisation d'un travail sous la subordination de cette dernière. Dès lors, il ne saurait arguer de ce qu'il a été "embauché (...) de facto en qualité de responsable technique, employé à la ferme et homme à tout faire", indépendamment de la question de savoir s'il pouvait être qualifié de "woofer" (cette qualification n'étant pas, en soi, exclusive du statut de salarié).

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré.

Sur les autres demandes :

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties, ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d'appel.

M. [F], qui succombe en appel, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Carcassonne le 28 février 2017 ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne M. [J] [F] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0717
Numéro d'arrêt : 17/01405
Date de la décision : 09/05/2018

Analyses

Si la pratique du « woofing¿ consistant à accueillir des volontaires dans une ferme biologique pour leur faire découvrir un mode de vie tourné vers la nature en leur offrant le gîte et le couvert n'est pas exclusive du statut de salarié, la charge de la preuve du lien de subordination qui le caractérise incombe, en l'absence d'écrit, à celui qui s'en prévaut. Même alors que l'exploitante reconnaît que le demandeur a pu effectuer les activités agricoles de son choix sur le domaine, les attestations peu circonstanciées indiquant qu'il a partagé les tâches des woofers, participé à la création d'un cadre dans un potager et au vidage des toilettes écologiques, réparé un van et donné des conseils pour couler du béton dans une grange ne suffisent pas à établir qu'il menait ces travaux sous l'autorité de son hôte. Dès lors, il ne saurait arguer de ce qu'il a été embauché de facto en qualité de responsable technique, employé à la ferme et homme à tout faire.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Carcassonne, 31 octobre 2017


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2018-05-09;17.01405 ?
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