Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale (anciennement 2 e chambre)
ARRET DU 21 JANVIER 2020
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02733 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NFGZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 AVRIL 2017
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
N° RG 2016j131
APPELANTE :
Madame [W] [J] épouse [V]
née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Olivier REDON de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Laura MARCHAND, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTIMEE :
SA BANQUE POPULAIRE DU SUD, et pour elle son représentant légal, domicilié ès qualités au siège social sis
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Harald KNOEPFFLER de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 07 Novembre 2019
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 NOVEMBRE 2019,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre
Madame Anne-Claire BOURDON, conseiller
Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
Par jugement en date du 3 avril 2017, le tribunal de commerce de Perpignan a dit que la Banque Populaire du Sud ne peut se prévaloir des engagements de Monsieur [B] [V] et débouté la Banque de toutes ses demandes faites à son encontre ; dit que l'engagement de Madame [W] [V] en date des 17 janvier 2013 et 1er juillet 2013 n'est pas disproportionné à son patrimoine, débouté la banque de ses demandes de paiement de la somme de 14.764,32 euros au titre du découvert du compte courant en rejetant les intérêts de retard du 22 avril 2015 au 3 mai 2016 d'un montant de 1.756,14 euros et ramené la créance à la somme de 13.008,18 euros ; condamné Madame [V] au paiement de cette somme ; dit que la banque n'a pas rempli ses obligations en matière d'information annuelle de la caution et la déchoit de son droit aux intérêts ; dit que les intérêts payés s'imputeront d'abord sur les intérêts dus et ensuite sur le principal de la dette des cautions ; débouté partiellement la Banque de sa demande de paiement de la somme de 319.961,89 euros au titre des sommes dues sur l'emprunt de 260.000 euros et retient la somme déclarée et retenue de 309.500,10 euros de laquelle il convient de déduire la somme de 16.327,13 euros ; dit que la somme due au titre de l'emprunt s'élève à celle de 293.172,97 euros et condamné Madame [V] à payer 50% de cette somme, soit celle de 146.586,49 euros et ce, avec exécution provisoire.
Madame [J] épouse [V] a relevé appel de cette décision le 16 mai 2017 et dans ses dernières écritures en date du 6 juillet 2017, elle demande à la cour, à titre principal, de prononcer la nullité de l'engagement de caution ; de débouter la banque en toutes ses demandes faites à son encontre ; subsidiairement de confirmer la décision en ce qu'elle a prononcé la déchéance du droit aux intérêts ; dire que la créance de la banque sera de 293.172,97 euros au titre du prêt et de 13.008,16 euros au titre du découvert en compte.
Dans ses dernières écritures en date du 5 septembre 2017, la BP SUD demande à la cour de déclarer irrecevable comme nouveau en cause d'appel le moyen de nullité du cautionnement ; de débouter Madame [V] en toutes ses demandes ; de la condamner à payer la somme de 14.764,32 euros outre intérêts au taux contractuel de 13.10 % à compter du 4 mai 2016 au titre du solde débiteur du compte et celle de 319.961,89 euros outre intérêts au taux contractuel de 3.28 % à compter du 4 mai 2016 au titre du prêt de 260.000 euros et ce dans la limite additionnelle de 169.000 euros.
La Banque Populaire du Sud a consenti le 25 janvier 2013 un prêt d'un montant de 260.000 euros à la SARL MAISON D'[W] ; Monsieur et Madame [V], co-gérants, se sont portés, chacun, caution solidaire de tous les engagements de la société les 17 et 18 janvier 2013 pour 50% de cet emprunt à hauteur de 169.000 euros chacun.
Le 30 octobre 2013, la SARL MAISON D'[W] a été placée en redressement judiciaire, suivi le 22 avril 2015 par la liquidation de la société.
Le 23 juin 2015, la Banque Populaire du Sud a déclaré sa créance à hauteur de la somme de 322.508,26 euros et mis en demeure les cautions d'honorer leurs engagements.
Elle a assigné les deux cautions par acte en date du 29 avril 2016.
Madame [J] épouse [V] indique que son engagement de caution n'a été souscrit qu'en considération de l'engagement de caution de son mari, ajoutant que le couple est marié sous le régime de la séparation de biens ; qu'elle pensait que son mari, également caution, serait tenu de faire face aux dettes de la société, ce qui n'est plus le cas au regard de la décision du premier juge ; elle indique que son consentement a été vicié par une erreur substantielle ; subsidiairement elle soutient le caractère disproportionné de ses engagements de caution ; enfin, elle indique que la créance de la banque a été admise sans stipulation des intérêts contractuels et que celle-ci n'a pas contesté la décision du juge-commissaire ; elle sollicite enfin la confirmation de la décision en ce qu'elle a débouté la banque en ses autres demandes ;
La banque indique que les engagements ne sont pas disproportionnés et qu'ils sont réguliers ; que la demande de nullité est faite pour la première fois en cause d'appel.
MOTIFS DE LA DECISION :
En ce qui concerne la demande de nullité faite pour la première fois en cause d'appel et dont la banque demande l'irrecevabilité comme moyen nouveau soulevé pour la première fois en cause d'appel, la cour constate que cette demande de Madame [J] découle très directement de la décision du premier juge qui a constaté le caractère disproportionné des engagements de Monsieur [V] dans sa décision en date du 3 avril 2017.
La cour constate que la banque n'a pas relevé appel de ce chef de disposition et que donc la nullité de l'engagement de caution de Monsieur [V] au titre de cette décision est devenue définitive.
La cour dira aussi que Madame [J] ne pouvait pas soutenir cet argument devant le premier juge alors même que l'engagement de Monsieur [V] n'avait pas encore été annulé.
La cour rappellera qu'il résulte des dispositions de l'article 556 du code de procédure civile que : « Les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément. ».
La cour rappellera que devant le premier juge, Madame [J] a fait soutenir la nullité de ses engagements de caution pour cause de disproportion ; que donc la demande basée sur une nouvelle cause de disproportion découlant de la disparition de l'engagement de l'autre caution découle directement de la demande faite en première instance et ne saurait être considérée comme nouvelle en cause d'appel.
La Banque Populaire du Sud sera déboutée de ce chef de demande.
Madame [J] entend faire prononcer la nullité de son engagement de caution au titre des dispositions de l'article 1110 du code civil selon lequel : « l'erreur est une cause de nullité de la convention lorsqu'elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet ».
La cour rappellera qu'il résulte d'une jurisprudence constante et sur la base de cet article que : « en cas de pluralité de cautions, dont l'une vient à disparaître ultérieurement, les autres cautions peuvent invoquer la nullité de leur engagement pour erreur sur l'étendue des garanties fournies au créancier en démontrant qu'elles avaient fait du maintien de la totalité des cautions la condition déterminante de leur propre engagement. »
La cour constate au cas d'espèce que la Banque Populaire du Sud a consenti le 25 janvier 2013 un prêt d'un montant de 260.000 euros à la SARL MAISON D'[W] ; que Monsieur et Madame [V], co-gérants, se sont portés, chacun, caution solidaire de tous les engagements de la société les 17 et 18 janvier 2013 pour 50% de cet emprunt à hauteur de 169.000 euros chacun.
La cour constate aussi que les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et que l'engagement de caution de chacune des deux parties doit être examiné au regard de leur patrimoine respectif.
La cour rappellera qu'il est constant qu'au jour de son engagement, Madame [J] était certes propriétaire d'un patrimoine immobilier évalué à la somme de 250.000 euros qui lui permettait théoriquement de faire face à la totalité de ses engagements de caution à hauteur de la somme de 169.000 euros et 53.000 euros.
La cour dira cependant qu'il ne s'agit là que d'une évaluation hypothétique d'un patrimoine immobilier ; que par ailleurs Madame [J] n'avait aucun revenu régulier.
La cour dira aussi qu'en acceptant de se porter caution en même temps que son époux, dont elle était séparée de biens en raison de leur contrat de mariage, Madame [J] entendait être co-engagée aux côtés de celui-ci et ainsi faire en sorte que son engagement soit diminué de la part prise en charge par celui-ci.
La cour dira encore que la disparition de l'engagement de caution de Monsieur [V] résultant de la décision du tribunal de commerce de Montpellier du 3 avril 2017 a modifié de manière importante l'étendue de l'engagement de Madame [J].
La cour dira qu'il ne résulte nullement des actes produits en la procédure que Madame [J] ait été avertie de cette possibilité de se retrouver seule caution et donc tenue en totalité des engagements de caution.
La cour dira qu'il résulte parfaitement de l'engagement de Madame [J] qu'elle avait entendu faire de l'engagement de caution des deux époux une condition déterminante au maintien de son propre engagement de caution.
En conséquence la cour constate la nullité de l'engagement de caution de Madame [J] en raison de la disparition de l'engagement de caution de Monsieur [V] et déboute la Banque Populaire du Sud en toutes ses demandes au titre de la décision et des chefs appelés.
Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des deux parties la charge de ses entiers frais irrépétibles et dépens de toute la procédure.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit Madame [J] en son appel et le déclare régulier en la forme,
Déboute la Banque Populaire du Sud de sa demande d'irrecevabilité faite à l'encontre de Madame [J],
Au fond,
Dit que Madame [J] a fait du maintien de l'engagement de caution de Monsieur [V] une condition déterminante au maintien de son propre engagement de caution,
Constate la disparition de l'engagement de caution de Monsieur [V],
Déboute la Banque Populaire du Sud en toutes ses demandes envers Madame [J] du chef de ses engagements de caution,
Dit qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des deux parties la charge de ses entiers frais irrépétibles et dépens de toute la procédure.
Le greffier Le président
YBS