COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 22/00231 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PORV
O R D O N N A N C E N° 2022 - 233
du 20 Juin 2022
SUR SECONDE PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [U] [F]
né le 03 Mai 1999 à [Localité 3] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant, assisté par Me Solène PASSET , avocate commise d'office.
Appelant,
et en présence de Monsieur [Y] [R], interprète assermenté en langue arabe,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Monsieur [I] [M], dument habilité.
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Myriam BOUZAT conseillère à la cour d'appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Sophie SPINELLA greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'arrêté du 16 Mai 2022 de Monsieur LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE portant obligation de quitter le territoire national sans délai pris à l'encontre de Monsieur [U] [F].
Vu la décision de placement en rétention administrative du 16 Mai 2022 notifié à 16 heures 41 à Monsieur [U] [F], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
Vu l'ordonnance du 18 Mai 2022 à 12h42 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.
Vu la saisine de Monsieur LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE du 14 juin 2022 en vue d'une deuxième prolongation de trente jours.
Vu l'ordonnance du 16 juin 2022 à 12 heures notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours.
Vu la déclaration d'appel faite le 16 juin 2022, par Me Solène PASSET, avocate pour le compte de Monsieur [U] [F], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour, à 17 heures 41 .
Vu les télécopies et courriels adressés le 17 juin 2022 à Monsieur LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE, à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 20 juin 2022 à 14 heures 00.
L'avocate et l'appelant ont pu prendre connaissance de la procédure et s'entretenir confidentiellement avant l'audience.
L'audience publique initialement fixée à 14 heures a commencé à 15h11.
PRETENTIONS DES PARTIES
Assisté de Monsieur [Y] [R], interprète, Monsieur [U] [F] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Je m'appelle [U] [F], je suis né le 03 Mai 1999 à [Localité 3] en Algérie. Je suis d'accord pour exécuter la mesure mais pas pour aller en Algérie mais en Belgique aider ma femme qui est enceinte. Ma femme est entrain de galérer sans moi et je ne peux pas abandonner mon fils qui va naitre.'
L'avocat Me Solène PASSET développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Monsieur le représentant de Monsieur LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE demande la confirmation de l'ordonnance déférée. Il indique à l'audience : ' La requête de la préfecture est légitime au regard de l'article L 742-4. La préfecture a obetenu la reconnaissance consulaire de M. [F] et le laisser passer consulaire sera délivré suite à la demande de routing. Pour l'assignation à résidence, Monsieur n'a aucun droit à se trouver en Belgique, aucune garantie de domicile en France et aucun papier.'
Assisté de Monsieur [Y] [R], interprète, Monsieur [U] [F] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Je souhaite avoir une chance pour travailler, passer mon permis. Je n'ai que 23 ans, je ne suis pas fier de moi. Je suis arrivé mineur. Je n'en peux plus de rester enfermé tout seul, les gens sont fous au centre, certains ont tenté de se suicider. J'ai peur, je suis pas en sécurité au centre.'
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 16 juin 2022, à 17 heures 41, Me Solène PASSET pour le compte de Monsieur [U] [F] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 16 juin 2022 notifiée à 12 heures, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R 743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
L'avocate de l'appelant soutient le moyen de nullité tiré du défaut de diligences de l'autorité administrative en ce que depuis le 31 mai 2022, aucune demande de routing n'a été faite.
Pour rejeter ce moyen, la juge des libertés et de la détention de Montpellier a justement relevé que dès le 31 mai 2022, à l'information donnée par le consul d'Algérie de la reconnaissance de l'intéressé comme ressortissant algérien, l'autorité administrative a sollicité un routing et que depuis elle est dans l'attente de la réservation d'un vol en direction de l'Algérie, la délivrance du laisser passer consulaire promis étant suspendue à cette réservation de vol.
Selon l'article L741-3 du CESEDA: 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'
Au stade d'une nouvelle prolongation le juge judiciaire doit rechercher concrètement les diligences accomplies par l'administration et les obstacles ayant empêché le transfert de l'intéressé dans ce délai (1re Civ., 17 mars 2021, pourvoi n° 19-24.694)
Des éléments de la procédure il ressort que , l'autorité administrative a accompli les diligences nécessaires au départ de l'étranger depuis le 31 mai 2022, étant tributaire de la réservation du vol vers l'Algérie dont elle ne maitrise pas la fixation, ayant eu la confirmation du consul d'Algérie, le 31 mai 2022, de la délivrance du laisser passer consulaire dès l'information de la réservation du vol retour.
C'est à bon droit que la première juge a prolongé, à juste titre, la rétention administrative de l'intéressé dans l'attente de la délivrance du laisser passer consulaire algérien, sur le fondement des dispositions de l'alinéa 3° a) de l'article L 742-4 du CESEDA qui dispose: 'Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.'
Le moyen de nullité sera rejeté.
SUR LE FOND
De plus l'intéressé dont la situation est inchangée depuis la dernière audience en appel du 20 mai 2022, ne dispose pas de garanties de représentation ainsi qu'il en a déjà été jugé le 20 mai 2022 par la cour qui a ainsi statué: ' l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure qui est considéré comme établi au visa des § 1°, 4° et 8° de l'article L 612-3 du ceseda qui disposent: 'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité.'
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Rejetons le moyen de nullité,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 20 juin 2022 à 16 heures 10.
Le greffier, Le magistrat délégué,