COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 22/00235 - N° Portalis DBVK-V-B7G-POTE
O R D O N N A N C E N° 2022 - 237
du 20 juin 2022
SUR TROISIEME PROLONGATION DE LA RETENTION ADMINSTRATIVE DE L'ETRANGER EN SITUATION IRREGULIERE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [W] [Y]
né le 24 Février 1987 à [Localité 6] ( TUNISIE )
de nationalité Tunisienne
retenu au centre de rétention de [Localité 4] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, actuellement en isolement sanitaire sur avis médical du 20 juin 2022 .
Appelant,
Non comparant, représenté par Me Amandine RUIZ avocat commis d'office
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DES ALPES MARITIMES
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Monsieur [H] [O], dûment habilité.
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non comparant
Nous, Myriam BOUZAT conseillère à la cour d'appel de Montpellier, déléguée par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Sophie SPINELLA, greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
Vu l' arrêté du 18 avril 2022 de Monsieur LE PREFET DES ALPES MARITIMES portant obligation de quitter le territoire national sans délai et portant IRTF d'un an et placement en rétention administrative du 18 avril 2022 de Monsieur [W] [Y], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'ordonnance du 20 avril 2022 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes prolongeant la rétention administrative de Monsieur [W] [Y] pour une durée maximale de vingt-huit jours, confirmée par la cour d'appel de Nîmes par ordonnance du 22 avril 2022.
Vu l'ordonnance du 18 mai 2022 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes prolongeant la rétention administrative de Monsieur [W] [Y] pour une durée maximale de trente jours, confirmée par la cour d'appel de Nîmes par ordonnance du 19 mai 2022.
Vu l'ordonnance du 25 Mai 2022 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a rejeté la demande de mise en liberté de Monsieur [W] [Y], confirmée en appel le 27 mai 2022.
Vu la requête de Monsieur le PREFET DES ALPES MARITIMES du 17 juin 2022 en vue d'une troisième prolongation de quinze jours.
Vu l'ordonnance du 18 juin 2022 à 11 h 50 notifiée le même jour à la même heure du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier prolongeant la rétention administrative de Monsieur [W] [Y] pour une durée maximale de quinze jours,
Vu la déclaration d'appel faite le 19 juin 2022 par Me Sami ABID, avocat au barreau de Nice pour le compte de Monsieur [W] [Y] , retenu au centre de rétention administrative de [Localité 4], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 11 heures 35.
Vu les télécopies adressées le 20 juin 2022 à Monsieur LE PREFET DES ALPES MARITIMES, à Monsieur [W] [Y], à son conseil, et au Ministère Public les informant de la tenue de l'audience le lundi 20 juin 2022 à 15 heures,
Vu les certificats médicaux établis par le Dr [I] [J], médecin attaché à l'unité médicale du CRA de [Localité 4] en date du 20 juin 2022 qui attestent de l'isolement santaire du retenu et de son impossibilité à se déplacer.
L'audience publique initialement fixée à 15 heures a commencé à 15h51.
PRETENTIONS DES PARTIES
L'avocate, Me Amandine RUIZ développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Monsieur le représentant de Monsieur LE PREFET DES ALPES MARITIMES, demande la confirmation de l'ordonnance déférée. Il indique à l'audience : ' Pour la prise en compte des garanties de représentation de M. [Y], il démontre qu'on ne peut pas lui faire confiance. Il se maintient irrégulièrement sans demande de régularisation. Il n'a pas exécuté son OQTF signifiée en novembre 2021. Il a fait plusieurs obstructions à l'éloignement . Nous n'avons pas d'attestation d'hébergement. Monsieur reconnait sa toxicomanie, les violences envers ses compagnes et ses problèmes d'alcoolémie. C'est donc un danger pour l'ordre public. Pour sa vulnérabilité, Monsieur a été placé en garde à vue, il a demandé à avoir une examen médical mais il n'a pas évoqué sa vulnérabilité, juste un mal de dos. Il a vu le juge des libertés et de la détention a trois reprises et a aucun moment il n'a mentionné un problème psychologique. Monsieur [Y] cherche à faire pression sur la prefecture et la justice pour rester sur le territoire français.'
La conseillère indique que la décision et la voie de recours seront notifiées par le greffe de la cour d'appel de Montpellier, après délibéré au retenu par l'intermédiaire du directeur du CRA de Sète, à son avocat par RPVA et au préfet requérant par mail.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 19 juin 2022, à 11 h 35, Maitre Samih ABID, avocat pour le compte de Monsieur [W] [Y] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 18 juin 2022 notifiée à 11 h 50, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
L'avocate de l'appelant soutient d'une part la mise en liberté de son client au motif que l'autorité administrative n'a pas examiné l'état de vulnérabilité de son client avant son placement en rétention administrative et depuis les deux mois de la mesure et d'autre part son assignation à résidence chez son amie , Madame [T] [R] demeurant à [Localité 5] qui justifie d'un logement effectif et stable.
Selon l'article L 741-10 du CESEDA: «'L'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification.
Il est statué suivant la procédure prévue aux articles L. 743-3 à L. 743-18.'»
Et de l'article L743-11 du CESEDA : «'A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure'».
Pour rejeter la demande d'assignation à résidence, la juge des libertés et de la détention de Montpellier a jugé que 'si Monsieur [Y] justifie d'une possibilité d'hébergement à [Localité 5], la réalité de ce domicile n'a pu être vérifiée; qu'en outre, il a refusé à deux reprises de se soumettre à un test PCR avant de prendre l'avion qui devait le reconduire en Tunisie; que depuis, il a également ingéré à deux reprises une lame de rasoir démontrant ainsi qu'il refuse de quitter le teritoire français.'
D'une part, la contestation du placement en rétention administrative de l'intéressé au motif de défaut d'examen de son état de vulnérabilité n'est pas recevable au stade de la saisine du juge judiciaire en vue d'une troisième prolongation, puisque le délai pour le contester est dépassé depuis le 20 avril 2022 et d'autre part tout éventuelle irrégularité relative à l'examen de l'état de vulnérabilité de l'intéressé a été purgée par la décision du 25 mai 1022 confirmée en appel le 27 mai 2022.
Par contre, à compter du 28 mai 2022, l'autorité administrative a apprécié l'état de vulnérabilité de l'intéressé lequel a fait deux tentatives de suicide les 3 et 17 juin 2022 et est suivi depuis le 13 juin 2022 par une psychothérapeute attaché au CRA de [Localité 4] et a été isolé sanitaire à compter du 17 juin 2022 sur avis médical du Dr [I] [J] du jour.
Mais à défaut pour l'appelant de produire un certificat médical attestant de l'incompatibilité de son état psychique avec la mesure, ce moyen sera rejeté puisque l'intéressé bénéficie des soins adaptés à son état de santé.
D'autre part, nonobstant la remise d'un passeport valide par l'intéressé, la demande d'assignation à résidence de l'intéressé chez [T] [R] à [Localité 5] , sans attestation d'hébergement signée de celle-ci ne peut être accueillie, la réalité de cet hébergement n'étant pas rapportée et de plus au visa de l'article L 743-13 du CESEDA, l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation propre à éviter tout risque de fuite puisqu'il n'a pas exécuté la précédente mesure d'éloignement du 12 novembre 2021, qu'il a durant la présente mesure fait obstruction à son départ en refusant le test PCR le 30 avril 2022, obligeant à une nouvelle demande de routing, le 16 mai 2022, obligeant à l'annulation du vol retour fixé le 18 mai 2022 , en faisant une grève de la faim du 27 mai 2022 au soir au 30 mai 2022 à midi, outre les deux ingestions d'objet métallique du 3 juin 2022 obligeant son hospitalisation et l'annulation du vol retour du jour et du 17 juin 2022.
Ce moyen de nullité et la demande d'assignation à résidence sont manifestement infondés et il convient de les rejeter.
Sur le fond:
La requête préfectorale du 18 juin 2022 s'analyse selon les dispositions de l'article L 742-5 du CESEDA s'agissant d'une demande de troisième prolongation de quinze jours.
Au visa du 1° de cet article : 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9° de l'article L. 611-3 ou du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.'
En l'espèce, entre le 45ème ( 3 juin 2022) et le 60ème jour ( 18 juin 2022) de la mesure , l'intéressé a avalé des objets provoquant son hospitalisation ( les 3 et 17 juin 2022) alors qu'il était par deux fois partie d'un groupe à destination de l'aéroport de [Localité 2] pour le vol retour vers la Tunisie , se soustrayant ainsi à l'exécution de la mesure d'éloignement.
L'ordonnance du juge des libertés et de la détention sera en conséquence confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Rejetons le moyen de nullité et la demande d'assignation à résidence,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile.
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 20 juin 2022 à 16 heures 30.
Le greffier, Le magistrat délégué,