Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 7 JUILLET 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 17/01925 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NDJY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 21 MARS 2017
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 16/01484
APPELANT :
Monsieur [O] [B]
né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Nicolas BEDEL DE BUZAREINGUES de la SCP BEDEL DE BUZAREINGUES, BOILLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Linda AOUADI, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur [P] [K]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Nathalie CELESTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 11 Janvier 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 FEVRIER 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée chargée du rapport et M. Fabrice DURAND, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de Président
M. Fabrice DURAND, Conseiller
Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 1er décembre 2021
Greffier, lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
- contradictoire,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 31 mars 2022 prorogée au 2 juin 2022, au 23 juin 2022 puis au 7 juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller, faisant fonction de Président et par Mme Sabine MICHEL, Greffier.
*
**
EXPOSE DU LITIGE
A la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale, M. [O] [B] dirigeant et associé unique de la société Hestia Environnement devenue Serenis recevait, le 18 juillet 2014, une proposition de rectification emportant redressement d'une somme de 332 077 euros en principal.
Le 1er mars 2016, M. [B] assignait M. [P] [K], expert-comptable, devant le tribunal de grande instance de Montpellier pour le voir condamné à lui verser une somme de 491 670 euros de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1147 et 1382 anciens du code civil.
Par jugement du 21 mars 2017, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- débouté M. [O] [B] de l'intégralité de ses demandes ;
- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamné M. [O] [B] à verser à M. [P] [K] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [O] [B] aux entiers dépens de l'instance.
M. [O] [B] a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de [P] [K] le 31 mars 2017.
Par ordonnance du 21 janvier 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'expertise formulée par M. [O] [B].
Vu les conclusions de M. [O] [B] remises au greffe le 8 janvier 2019 ;
Vu les conclusions de M. [P] [K] remises au greffe le 14 mai 2019.
MOTIFS DE L'ARRÊT
M. [O] [B] conclut à l'infirmation du jugement. Il fait valoir que M. [K], en qualité d'expert-comptable des sociétés Hestia Environnement et Doudou a commis une faute à son encontre, en inscrivant des mouvements sur son compte courant destinés à ajuster les comptes, sans justificatifs ni instructions aboutissant à un redressement fiscal de 501 670 euros dont il demande réparation.
M. [P] [K] sollicite la confirmation du jugement. Il fait valoir que M. [B] ne démontre ni l'existence, ni la nature ni le périmètre de la mission de M. [K] envers les sociétés Hestia Environnement et la SCI Doudou, ni qu'il était missionné pour l'établissement de sa déclaration fiscale personnelle. Il soutient que M. [B] ne prouve pas l'existence d'une faute, les sommes ayant été inscrites en compte courant conformément aux principes comptables et fiscaux en usage et qu'il n'est établi aucun lien causal avec le préjudice évoqué, concernant des impositions qui ne sont pas constitutives d'un préjudice.
En application de l'article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Le fondement de la responsabilité quasi délictuelle de l'expert-comptable à l'égard des tiers ne peut consister que dans l'inexécution totale ou partielle de ses obligations contractuelles à l'égard de son client ayant causé un dommage aux tiers.
En matière de responsabilité délictuelle il ne peut y avoir manquement à un devoir de conseil et d'information à l'égard d'un tiers.
Elle nécessite la preuve d'une faute d'un dommage et d'un lien de causalité.
Il ressort des pièces produites, que M. [O] [B] a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle en 2013, portant notamment sur le contrôle des comptes courants qu'il détient dans les sociétés SCI Doudou, Sud de France Patrimoine, TD Consultant et Hestia environnement pour l'exercice 2012.
Par courrier du 13 juin 2014, M. [P] [K] indique « lorsque l'on est rentré en mission sur le dossier, l'expert-comptable précédent M. [N] ne nous a transmis que les balances générales et auxiliaires et non les états fiscaux déposés annuellement. Nous avons opéré des ajustements par le compte courant [O] [B], notamment pour retrouver le capital social correspondant aux statuts, annotations de la prime d'émission et affectation des réserves au compte courant car antérieurement il n'y avait pas de réserve légale et de réserve statutaire ».
M. [T] [V] expert-comptable certifie par attestation du 16 novembre 2015 que la remise de fonds de 30 000 euros au crédit du compte courant de M. [B] dans la SCI Doudou n'a pas été comptabilisée par son cabinet, mais vraisemblablement par celui de son prédécesseur.
La Direction des finances Publiques lui notifie le 18 juillet 2014 une proposition de rectification, portant redressement de la somme de 286 415 euros au titre du compte courant de M. [B] dans la société Hestia Environnement et pour les sommes portées au compte courant de la SCI Doudou aboutissant à une imposition de 326 849 euros, en impôts sur le revenu et prélèvement sociaux.
Une transaction est conclue avec l'administration fiscale, selon proposition du 16 juin 2015, à la demande de M. [O] [B], au terme de laquelle il renonce à engager toute action contentieuse concernant ces impositions moyennant une remise des pénalités et un règlement en deux échéances.
Les comptes annuels Hestia Environnement concernant l'exercice 2010/2011 et Serenis (anciennement Hestia Environnement) 2011/2012, sont édités sous les références du cabinet d'expertise comptable [P] [K] et font apparaître pour le premier exercice un compte courant au nom de M. [O] [B] de 43 369 euros et de 124 444 euros pour l'exercice 2012.
Selon échange de mail du 16 septembre 2010, le cabinet [N] transmet à [P] [K] la comptabilité de la société Serenis absorbée par la société Hestia au 31 août 2010.
Au terme d'un rapport privé, non contradictoire établi le 31 octobre 2017, M. [F] [Z], expert-comptable, indique que M. [N] tient la comptabilité jusqu'au 30 juin 2010 mais ne passe par les écritures de la fusion (TUP transmission universelle de patrimoine).
Il considère que les écritures comptables concernant notamment le solde de la prime de fusion et des réserves résultant de cette TUP, n'auraient pas dus être passées en l'absence de procès-verbaux d'assemblées et d'actes juridiques.
Selon citation à prévenu du 11 février 2016, M. [O] [B] est cité devant le tribunal correctionnel de Paris, pour avoir courant 2009 en sa qualité de gérant de la SCI TD Patrimoine, soustrait la société au paiement de la TVA pour un montant de 120 000 euros.
Il résulte de ce qui précède, que M. [O] [B] est gérant et associé de plusieurs sociétés et qu'il n'est pas contesté que la comptabilité de la société Serenis devenue Hestia Environnement était tenue pour l'exercice 2010, clos en juin 2010 par le cabinet [N], qui n'a pas régularisé dans les comptes, les écritures comptables concernant une transmission universelle de société (TUP) intervenue selon le rapport privé produit, en mars 2010.
Aucune lettre de mission n'est produite, justifiant de l'étendue et de la durée de l'obligation de M. [P] [K], mais il ressort de son courrier du 13 juin 2014, de l'échange de mail de septembre et octobre 2010 avec le cabinet [N] et des comptes annuels Serenis devenue Hestia Environnement pour 2010/2011 et 06-2011/12-2012, établis sous les références de son cabinet, que M. [P] [K] a dressé les comptes annuels de cette société et régularisé les écritures en compte courant de M. [O] [B] pour l'exercice 2012 mais aucun justificatif n'est produit concernant son intervention pour d'autres sociétés, notamment la SCI Doudou, ni pour l'établissement de la déclaration personnelle de M. [O] [B].
Selon la proposition de rectification, le redressement fiscal porte sur les sommes inscrites en compte-courant de M. [O] [B] dans la comptabilité de la société Hestia Environnement devenue Serenis, sur le bilan au 30 juin 2012, pour un montant de 584 790 euros, intégrant la prime de fusion pour 102 754 euros, des réserves pour 176 072 euros.
Par contre n'est produit que le bilan établi sous la signature de M. [P] [K] clos pour la période du 01/07/2011 au 31/12/2012 qui mentionne un montant de compte courant de M. [O] [B] à la clôture de l'exercice en décembre 2012 de 124 464 euros.
Au terme de son courrier du 13 juin 2014, M. [P] [K] justifie l'inscription en compte courant des différentes sommes, notamment par une régularisation des écritures de la TUP, qui n'avaient pas été enregistrées sur le précédent exercice par l'ancien expert-comptable et une absence de justificatifs empêchant une inscription dans les seuls comptes de la société.
Le rapport privé, qui confirme cet enregistrement relatif à la TUP, conclut que M. [P] [K] a passé ces écritures sans actes juridiques (AGE), mais n'indique pas comment il aurait dû régulariser la situation dans les comptes de la société, non enregistrée antérieurement du fait du caractère inexistant de ces actes, qui devaient être régularisés par le gérant, ce qui est implicitement confirmé par la proposition de rectification qui précise, qu'outre les rendez-vous annulés ou non honorés par M. [O] [B] « Les éléments mis à la disposition du service ne permettent pas, en l'état, pour les autres sommes d'en connaître la nature exacte. Ils sont insuffisants pour déterminer la cause juridique réelle vous autorisant à les appréhender en franchise d'impôt ».
Tel que le relève à juste titre le jugement, la situation est identique pour les sommes inscrites concernant la SCI Doudou, dont M. [O] [B] est également le dirigeant, qui en l'absence de tout justificatif, ne pouvaient être passées qu'en compte courant du dirigeant de la société Hestia et alors par ailleurs qu'il n'est pas justifié que M. [P] [K] soit chargé des comptes de cette société Doudou, le reproche du rapport privé portant sur l'absence de contrepartie dans les comptes de la SCI Doudou, ne peut résulter de la seule déclaration de M. [B] qui ne précise pas être le successeur direct de M. [P] [K].
Si comme le conclut M. [O] [B], ce dernier a réglé un impôt sur le revenu sur des fonds inscrits en compte courant qu'il n'avait pas perçus au moment de l'imposition, cette somme en compte courant constitue des revenus définitivement mis à sa disposition, qu'il a pu prélever ou pourra utiliser à sa convenance, tel que le justifie la diminution du compte courant au 31 décembre 2012 et donc une imposition légalement due.
Il s'ensuit, que M. [O] [B] ne rapporte pas la preuve dont il a la charge, d'une faute délictuelle de M. [P] [K], qui ne se présume pas et ne peut résulter de la seule régularisation de comptes irréguliers de la société Hestia Environnement, en compte-courant du gérant de la société, ni d'un préjudice qui ne peut découler du paiement auquel un contribuable est légalement tenu, ni d'un lien de causalité, l'erreur initiale résultant notamment de l'absence d'enregistrement des opérations dans l'exercice concerné par l'ancien expert-comptable, de l'absence d'assemblées et d'actes réguliers et de l'absence de déclaration à l'impôt sur le revenu des sommes inscrites en compte courant qui ne pouvaient échapper, compte tenu de leur montant à M. [O] [B], gérant de la société, à la lecture des bilans.
Il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le jugement qui a jugé qu'aucune faute délictuelle ne pouvait être retenue en l'état des pièces produites à l'encontre de M. [P] [K].
En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
A titre incident M. [P] [K] demande la condamnation de M. [O] [B] à lui régler une somme de 1 500 euros pour procédure abusive en ce qu'il discrédite, par ses actions, M. [K] dans l'exercice de sa profession.
L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constituant pas en soi une faute caractérisant un abus du droit d'agir en justice ni une quelconque résistance abusive, en l'absence de justification d'un préjudice spécifique.
M. [P] [K] ne démontre pas que la présente action ait nui à son image ou lui ait occasionné un préjudice spécifique. Il sera par conséquent débouté de sa demande de dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement ;
Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions ;
Déboute M. [O] [B] de l'ensemble de ses demandes ;
Déboute M. [P] [K] de ses autres demandes ;
Condamne M. [O] [B] aux dépens d'appel et à payer à M. [P] [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais engagés en première instance et en cause d'appel.
Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,