Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/01351 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OBFG
ARRET N°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 OCTOBRE 2018
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG F 17/00050
APPELANTE :
Madame [L] [C]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie LUSSAGNET, avocat au barreau de MONTPELLIER
(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2018/018421 du 06/02/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
S.A.S SODITECH
Centre Leclerc
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocats au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Iris RICHAUD avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me Adrien SERRE de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
Ordonnance de clôture du 04 Mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 MAI 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Madame Isabelle MARTINEZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
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EXPOSE DU LITIGE
Madame [L] [C] était embauchée suivant contrat à durée déterminée du 2 avril 2007 devenu contrat à durée indéterminée le 1er octobre 2007 par la sas Soditech exploitant un hypermarché sous l'enseigne Leclerc en qualité d'employée commerciale moyennant un salaire s'élevant en dernier lieu à la somme de 1 471,20 €.
La salariée, souffrant de tendinites chroniques, était placée en arrêt de travail à compter du 3 janvier 2014.
Elle sollicitait la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du caractère professionnel de sa maladie, ce que cette dernière refusait par décision du 21 juillet 2014, décision confirmée par la commission de recours amiable le 8 décembre 2014.
La salariée était déclarée inapte à son poste par le médecin du travail au terme de la seconde visite médicale du 1 avril 2016, ce dernier précisant que la salariée serait 'apte à un travail sans port de charges ni gestes répétitifs des membres supérieurs par exemple travail de type administratif, accueil ou autre'
Le 7 avril 2016, madame [C] était convoquée à un entretien technique de reclassement duquel il ressortait qu'aucun poste de reclassement n'était disponible.
Le 14 avril 2016, les délégués du personnel étaient consultés et concluaient également à l'absence de poste de reclassement.
Par lettre du 26 avril 2016, la salariée était convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement, lequel lui était notifié le 11 mai 2016 en ces termes : (.../...) Vous avez été déclarée inapte à votre poste par le médecin du travail à l'issue des deux visites médicales des 14 mars et 1er avril 2016.
Dans son premier avis de reprise, le médecin du travail indique :
'Inapte temporaire
1er visite dans le cadre de l'art R 4624-31 inaptitude au poste à prévoir
2ème visite prévue le 1er avril 2016"
Il conclut dans son second avis après une étude de poste réalisée le 22 mars 2016 :
'Inapte au poste, apte à un autre :
2ème visite dans le cadre de l'art R 4624-31 inaptitude confirmée et définitive au poste.
Capacités restantes : serait apte à un travail sans port de charges ni gestes répétitifs des membres supérieurs. Par exemple : travail de type administratif, accueil ou autre.
Etude de poste réalisée le 22 mars 2016"
Avant de prendre toute décision dans votre dossier, nous avons sollicité les conclusions écrites du médecin du travail par télécopie du 6 avril 2016 sur les solutions de reclassement vous concernant.
Toutefois, à ce jour, aucun poste n'est vacant et aucune création n'est envisagée à court ou moyen terme.
Nous avons également consulté les délégués du personnel lors d'une réunion du 14 avril 2016 et ils ont conclu que votre reclassement serait impossible, même par le biais d'adaptation, de transformation, de mutation de poste ou de réduction voire d'aménagement du temps de travail ou d'une action de formation.
Lors de l'entretien technique qui s'est déroulé le 20 avril 2016, nous sommes arrivés à la même conclusion.
Par courrier recommandé du 22 avril 2016 nous vous avons donc fait part, ainsi qu'au médecin du travail, des motifs s'opposant à votre reclassement.
Depuis, aucun élément nouveau n'est intervenu.
En conséquence, au vu de l'ensemble des éléments évoqués ci-dessus, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail sans reclassement possible même par le biais d'adaptation, de transformation, de mutation de poste ou de réduction voire d'aménagement du temps de travail ou d' action de formation (.../...).
Contestant son licenciement, par requête du 2 février 2017, la salariée saisissait le conseil de prud'hommes de Perpignan, lequel, par jugement du 25 octobre 2018, la déboutait de toutes ses demandes.
Par déclaration reçue au greffe le 25 février 2019, la salariée relevait appel de cette décision.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 14 mai 2019, madame [C] demande d'infirmer le jugement querellé et de condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :
-3 089,46 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-2 380,67 € à titre de reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement,
-15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-3 000 € au titre de ses frais de procédure
et d'ordonner la remise sous astreinte de 100 € par jour de retard des documents de fin de contrat rectifiés.
Elle fait valoir, en substance, que sa maladie à une origine professionnelle s'agissant de tendinites trouvant leur origine dans la manipulation de palettes de marchandises de la réserve à la mise en rayon. Elle affirme que l'employeur avait parfaitement conscience du caractère professionnel de la maladie puisqu'il a consulté les délégués du personnel avant son licenciement.
Elle ajoute qu'il n'y pas eu de recherche sérieuse de reclassement, la sas Soditech appartenant au groupe Leclerc et aucune recherche n'ayant été effectuée au sein du groupe.
Elle produit divers certificats médicaux.
Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 29 juillet 2019, la sas Soditech sollicite la confirmation du jugement et l'octroi d'une somme de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles.
Elle fait valoir, essentiellement, que la maladie n'a pas de caractère professionnel comme l'a mentionné le médecin du travail et l'a décidé la caisse d'assurance maladie dans une décision qui est devenue définitive à son encontre.
Elle ajoute que les enseignes Leclerc ne constituent pas un groupe, n'ayant d'autre lien que l'enseigne et une commune centrale d'achat mais étant gérées par des structures juridiques et économiques autonomes.
Elle affirme avoir respecté son obligation de reclassement et produit le registre unique du personnel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 mai 2022.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions régulièrement notifiées par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le caractère professionnel de l'inaptitude
Madame [C] soutient que sa maladie serait d'origine professionnelle et en veut pour preuve des certificats médicaux qu'elle verse aux débats.
Or, ces certificats médicaux sont postérieurs de plus d'un an à son arrêt de travail et les médecins qui ont attesté n'ont pas été à même de constater ses conditions de travail et ne pouvaient donc se prononcer utilement sur le caractère professionnel ou non de sa maladie.
Par ailleurs, le médecin du travail a noté qu'il s'agissait d'une maladie non professionnelle.
Enfin, la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie.
En application de l'article R441-1 du code de la sécurité sociale, la décision de refus de prise en charge notifiée à l'employeur acquiert un caractère définitif à son égard et lui rend inopposable une décision ultérieure de prise en charge.
Le simple fait que l'employeur ait pris soin de consulter les délégués du personnel ne saurait constituer une reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie.
En conséquence, la maladie n'est pas d'origine professionnelle et le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur le bien fondé du licenciement
En application de l'article L 1226-2 du code du travail, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre poste approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié.
L'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.
La recherche de reclassement doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la mutation de tout ou partie du personnel.
C'est à l'employeur de rapporter la preuve de l'impossibilité où il se trouve de reclasser le salarié.
En l'espèce, la salariée a été déclaré inapte à son poste mais apte à un poste sans manutention.
L'employeur démontre par la production du registre du personnel que les seuls postes disponibles au moment du licenciement étaient un poste d'hôtesse de caisse, un poste d'employé drive et un poste d'employé commercial, tous postes qui nécessitaient des manutentions incompatibles avec l'état de santé de la salariée, ce dont celle ci avait parfaitement conscience puisqu'elle en a convenu dans le compte rendu de la réunion technique du 20 avril 2016, signé de sa main.
Par ailleurs, la salariée fait reproche à l'employeur de ne pas avoir recherché d'emploi dans les autres enseignes Leclerc de la région des Pyrénées Orientales, affirmant que ces enseignes constituent un groupe.
Or, il est établi que les sociétés exploitant chacune un magasin à l'enseigne E. Leclerc constituent des entités juridiquement et économiquement autonomes, la seule intégration dans une réseau de distribution ne suffisant pas en elle-même à caractériser l'existence d'un groupe au sein duquel les permutations de tout ou partie du personnel seraient possibles.
En conséquence, en l'absence de toute appartenance à un groupe, l'employeur a respecté son obligation de reclassement et le jugement doit être confirmé.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement rendu le 25 octobre 2018 par le conseil de prud'hommes de Perpignan en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne madame [L] [C] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT