Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 17/00640 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NAKV
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 22 DECEMBRE 2016
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 15/05515
APPELANTE :
SCI LES COSTEILADES, représentée par son représentant légal en exercice
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-Pierre BERTHOMIEU de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIME :
Monsieur [D] [V]
né le 03 Octobre 1944 à ALGER
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Sophie AUGUSTO, avocat au barreau de TOULOUSE
Ordonnance de clôture du 04 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de Président
M. Fabrice DURAND, Conseiller
Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président en date du 1er décembre 2021
Greffier, lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
- contradictoire,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 2 juin 2022 prorogée au 23 juin 2022 puis au 08 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller, faisant fonction de Président et par Mme Sabine MICHEL, Greffier.
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EXPOSE DU LITIGE
La société les Costeilades a conclu le 29 septembre 2009 avec M. [D] [V], architecte, une convention de maîtrise d''uvre d'étude et de réalisation d'un immeuble d'habitation et de commerce sur la parcelle [Cadastre 6] située à [Adresse 4].
Par arrêté du 21 mai 2010 la Maire de la commune de Castelnau Le [Localité 5] a accordé le permis de construire sur un terrain situé [Adresse 3], parcelle [Cadastre 7] d'une surface hors d''uvre.
M. [D] [V] a réclamé, par courrier du 20 juin 2010, à la société les Costeilades, la somme de 20 000 euros au titre du paiement de ses honoraires pour l'exécution de cette mission.
Saisi par exploit de M. [D] [V] du 9 mai 2012 d'une demande en paiement de ses honoraires, le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier s'est déclaré incompétent en raison d'une contestation sérieuse.
M. [D] [V] a assigné par acte d'huissier du 8 septembre 2015, la société les Costeilades devant le tribunal de grande instance de Montpellier afin d'obtenir sa condamnation à lui régler la somme de 20 000 euros au titre du solde d'honoraires, majorée des intérêts de retard contractuels depuis l'émission de la note d'honoraire conformément à la clause G5.4.2 du cahier des clauses générales du contrat type et à 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par jugement du 22 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- condamné la société les Costeilades à payer à M. [D] [V] la somme de 20 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2011, date de la lettre envoyée par recommandé avec accusé de réception ;
- dit que cette somme sera due avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2015 jusqu'à parfait paiement ;
- débouté la société les Costeilades de l'ensemble de ses demandes;
- condamné la SCI les Costeilades à payer à M. [D] [V] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI les Costeilades aux entiers dépens de l'instance.
Le 03 février 2017, la SCI les Costeilades a interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 22 décembre 2016 à l'encontre de M. [D] [V].
Par ordonnance du 10 juin 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident de péremption de l'instance.
Vu les conclusions de la SCI les Costeilades remises au greffe le 2 mai 2017 ;
Vu les conclusions de M. [D] [V], remises au greffe le 20 décembre 2017.
MOTIF DE L'ARRÊT
I/ Sur la saisine de la cour
L'article 542 du code de procédure civile dispose que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
En application de l'article 548 du code de procédure civile l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé tant contre l'appelant que contre les autres intimés.
En application de l'article 954 al 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées par les parties dans leur dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce M. [D] [V] conclut à la confirmation du jugement, mais demande que la condamnation de la somme de 20 000,00 euros soit assortie des intérêts au taux contractuel prévus au contrat de l'ordre des architectes à compter du 8 février 2011.
La cour au terme du dispositif, n'est saisie que d'une demande de confirmation du jugement et aucune demande d'infirmation ou d'annulation, à titre d'appel incident, du jugement n'est demandée dans le dispositif concernant la condamnation de la somme de 20 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2011, date de la lettre envoyée par recommandé avec accusé de réception.
En conséquence, la cour n'est saisie d'aucun appel incident.
II/ Au fond
La SCI les Costeilades conclut à l'infirmation du jugement. Elle fait valoir que M. [D] [V] en vertu de sa mission générale d'information et de conseil, en sa qualité d'architecte, a commis une faute en ignorant l'existence du cahier des charges du lotissement Romani qui revêt un caractère contractuel et ne garantissant pas de la régularité du permis obtenu à l'égard des tiers. Elle soutient que cette faute lui occasionne un préjudice. Elle demande en réparation le rejet de la réclamation en paiement des honoraires de l'architecte et sa condamnation à lui régler la somme de 6 500,00 euros correspondant à la restitution des honoraires versés.
M. [D] [V] conclut à la confirmation du jugement. Il demande le paiement de ses honoraires et fait valoir qu'il n'a commis aucune faute. Il précise que le permis n'a fait l'objet d'aucun recours de tiers que s'il existait des clauses du cahier des charges limitant le projet de permis, elles étaient devenues inapplicables, seules les règles du PLU de la ville étant applicables au visa des articles R315-44-1 et R442-25 du code de l'urbanisme.
- Sur la faute de l'architecte et la facture d'honoraire
En application de l'article 1135 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.
L'obligation d'information de l'architecte, tenu d'un devoir de conseil envers son client dans l'exécution de sa mission, s'étend à la vérification de la faisabilité du projet (3e Civ 14 décembre 2004 n°03-15948)
Au terme de l'article R 315-44-1 du code de l'urbanisme applicable au litige « Pour les lotissements autorisés au 30 juin 1986, les colotis sont informés que les règles d'urbanisme spécifiques aux lotissements cesseront de s'appliquer en vertu de l'article 8 de la loi 86-13 du 6 janvier 1986 et de la possibilité qui leur est donnée de demander le maintien des règles. Cette information est faite à l'initiative de l'autorité compétente en matière de lotissement par voie d'affichage pendant deux mois à la mairie : - soit six mois au moins avant la date à laquelle les règles d'urbanisme spécifiques aux lotissements cessent de s'appliquer, lorsqu'un plan d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu a été approuvé ; - soit lorsque le plan local d'urbanisme ou le plan de sauvegarde et de mise en valeur est rendu public, dans les autres cas ».
Le cahier des charges, quelle que soit sa date, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues (3e Civ, 21 janvier 2016, pourvoi n° 15-10.566).
Par acte notarié du 23 mars 1990 la société les Costeilades se porte acquéreur d'une maison d'habitation [Adresse 3]. L'acte stipule que « le lot numéro deux du lotissement dénommé Romani, dont le cahier des charges en date au Cres du 31 août 1956 a été déposé au rang des minutes de Maître Fabre, notaire à [Localité 8], suivant acte du 8avril 1957, après avoir été approuvé par M. le Préfet de l'Hérault par arrêté en date du 21 février 1957 »
La société les Costeilades conclut le 29 septembre 2009 avec M. [D] [V] une mission de maîtrise d''uvre concernant la construction d'un immeuble d'habitation et de commerces [Adresse 4] sur la parcelle cadastrée [Cadastre 9] au rondpoint des Arcades pour les surfaces maximums du COS autorisée.
Le contrat mentionne un taux de rémunération de 7% TTC sur la montant des travaux TTC.
Il comporte deux missions, « la mission I » concernant « Esquissent, avant-projet sommaire, avant-projet détaillé permis de construire qui comprendra (..)- suivi administratif jusqu'à l'obtention de l'autorisation ; - autorisation aux regards des règlements de copropriété »et la mission II à confirmer, concernant les dossiers d'appel d'offres et l'exécution et suivi des travaux.
Par arrêté du 21 mai 2010 le Maire de de la commune de [Localité 5] accorde le permis de construire sur la parcelle [Cadastre 7] et délivre le 15 septembre 2011 une attestation de non recours.
Le 10 mai 2010, M. [D] [V] adresse à la société les Costeilades sa facture fixée à 26 500 euros mentionnant un solde à payer de 20 000 euros.
Par courrier du 20 juin 2010, la société les Costeilades lui demande ses coordonnées bancaires pour lui adresser le règlement dans les délais prévus contractuellement.
Selon courrier du 10 février 2011, la société les Costeilades, en réponse à une relance de règlement indique que le projet n'est pas conforme au règlement du lotissement et propose deux alternatives de règlement amiable concernant les honoraires notamment un règlement de 3 500,00 euros à titre de solde de tout compte ou poursuite de la mission moyennant règlement de 5 000,00 euros après modification de la clause d'interdiction de construction de l'immeuble.
Par avis notifié par courrier du 13 septembre 2011, le Conseil de l'ordre des architectes, saisi par M. [D] [V], estime que la note d'honoraire du 10 novembre 2010 est due.
Par courrier du 9 octobre 2011 la ville de [Localité 5] indique à M. [D] [V], que « les colotis du lotissement Romani n'ayant pas demandé avant le 1 juillet 2007, le maintien des règles de ce lotissement approuvé en 1958, seule les règles du PLU de la ville s'appliquent ».
Il résulte de ce qui précède, que contrairement à ce que soutient M. [D] [V], son obligation d'information et de conseil en sa qualité d'architecte, s'étend à la faisabilité du projet, notamment par rapport à la conformité du cahier des charges du lotissement concerné par la construction, qui constitue un contrat civil qui définit les droits et obligations des membres du lotissement, auxquelles sont assujettis les colotis, nonobstant l'application des règles du PLU.
Si il n'est pas contesté, tel que le mentionne l'acte d'acquisition que la parcelle [Cadastre 6] appartenant à la société les Costeilades, dépens d'un lotissement dénommé Romani, dont le cahier des charges a été déposé au rang des minutes de Maître Fabre, notaire à [Localité 8], la société les Costeilades ne rapporte pas la preuve dont elle a la charge, tant du contenu des clauses du cahier des charges du lotissement Romani, qui n'est pas produit aux débats, que de la non-conformité du permis instruit par M. [D] [V], à ces clauses.
Le courrier du Cridon adressé à Me Athenoux du 28 décembre 2010 répond à une question sur la modification d'un cahier des charges de lotissement, sans précision d'aucun nom et reste général, sans qu'il puisse permettre d'identifier une quelconque faute à la charge de M. [D] [V], tout comme le courrier établi par cette dernière pour contester les honoraires, qui ne définit pas les irrégularités dénoncées.
Il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le jugement qui a retenu que la société les Costeilades ne rapportait pas la preuve que le projet ne serait pas conforme au règlement du lotissement Romani.
En l'absence de faute démontrée de M. [D] [V], la société les Costeilades ne peut s'opposer au règlement de la facture d'honoraires, dont elle ne conteste pas le montant conforme à la convention de maîtrise d''uvre du 29 septembre 2009.
En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il condamné la société les Costeilades à payer à M. [D] [V], la somme de 20 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2011, date de la lettre envoyée par recommandé avec accusé de réception.
- Sur la demande de dommages et intérêts
En application de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Comme le relève à juste titre le jugement, la société les Costeilades ne rapporte pas la preuve que M. [D] [V], n'a pas exécuté l'une de ses obligations ou qu'il a eu un retard dans l'exécution. Ce dernier a obtenu la délivrance du permis de construire pour lequel il a été mandaté, justifiant le rejet de sa demande de dommages et intérêts de 6 500,00 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement ;
Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions ;
Déboute la société les Costeilades de l'ensemble de ses demandes;
Déboute M. [D] [V] de ses autres demandes ;
Condamne la société les Costeilades aux dépens d'appel et à payer à M. [D] [V] la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais engagés en cause d'appel.
Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,