Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/07092 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OMDV
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 24 septembre 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 19/01436
APPELANTS :
Monsieur [N] [Y]
né le [Date naissance 7] 1980 à [Localité 19]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 10]
et
Madame [T] [G]
née le [Date naissance 6] 1982 à [Localité 21]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 10]
et
SARL [Y] FREDERIC société en liquidation représentée par son liquidateur Mme [T] [G]
RCS de Montpellier n°529 068 884
[Adresse 4]
[Localité 10]
Représentés par Me Nicolas KNISPEL, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
CPAM DU PUY-DE-DOME venant aux droits de la CAISSE LOCALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS en vertu de l'art. 15 de la loi n°2017-1836 du 30/12/02017 de financement de la Sécurité Sociale pour 2018, venant aux droits et obligations de la caisse RSI Auvergne, représentée par son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 13]
[Localité 14]
Représentée par Me Françoise AURAN-VISTE de la SCP AURAN-VISTE & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS, substituée à l'audience par Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER
SA ALLIANZ IARD
RCS de Nanterre n°542 110 291, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1]
[Localité 16]
et
SARL IBAZUR - PISCINE IBIZA
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
[Adresse 20]
[Localité 15]
Représentées par Me Séverine VALLET de la SCP SCP D'AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER
Mutuelle ADREA
[Adresse 12]
[Localité 8]
(ordonnance du 12/03/20 de caducité partielle)
INTERVENANTES :
S.A.S. AXELLIANCE
prise en la personne de son repésentant légal
[Adresse 11] et actuellement
[Adresse 3]
[Localité 17]
Non représentée - signification en intervention forcée délivrée à étude le 31/03/2020
S.A.R.L. PISCINES ET TERRASSES DU LANGUEDOC
prise en la personne de son liquidateur Me [P] [O]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 9]
Non représentée - signification en intervention forcée délivrée à étude le 24/04/2020
Société QBE INSURANCE (EUROPE) LIMITE
[Adresse 2]
[Localité 18]
Non réprésentée - signification en intervention forcée délivrée à étude le 31/03/2020
Ordonnance de clôture du 25 Mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Philippe GAILLARD, Président de chambre
Mme Nathalie AZOUARD, Conseillère
M. Emmanuel GARCIA, Conseiller
qui en ont délibéré.
En présence de Mme [K] [S] et Mme [R] [M], auditrices de justice
Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRET :
- rendu par défaut ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Mme Sylvie SABATON, Greffière.
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EXPOSE DU LITIGE
Le 12 mars 2018, [N] [Y] a été blessé par une coque de piscine livrée par la société Ibiza chez sa tante, [I] [Z]. La coque est venue s'écraser sur son pied droit après que le grutier a perdu le contrôle de la grue, alors qu'il se trouvait au niveau du mur de clôture extérieur.
Il a été constaté aux urgences de [Localité 9], des fractures articulaires complexes, diaphyso épiphysaires de la base des 2ème, 3ème, 4ème et 5ème métatarsiens et une fracture articulaire du cunéiforme latéral. [N] [Y] a été placé en arrêt de travail.
Les démarches amiables auprès de la compagnie Allianz, assureur de la société Piscines Ibiza, n'ont pas abouti.
Le 6 décembre 2018, une ordonnance a rejeté la demande de [N] [Y] tendant à obtenir le versement d'une provision au motif qu'il existait une contestation sérieuse quant à la détermination des circonstances de l'accident et à l'existence d'une éventuelle faute de la victime, tout en ordonnant une expertise.
A l'occasion des échanges entre [N] [Y] et Allianz, il a été révélé par la société Ibiza que la réception de la coque devait être assurée par une société dénommée Piscines et Terrasses du Languedoc.
Le 21 février 2019, l'expertise a été rendue, commune à la société Piscines et Terrasses du Languedoc.
Les 14 et 15 mars 2019, [N] [Y], [T] [G], sa compagne, et la SARL [Y] [N], représentée par son liquidateur, ont fait assigner la société Piscines Ibiza et son assureur, la société Allianz Iard, pour qu'elles soient condamnées à titre provisionnel à verser à [N] [Y] la somme de 30 000 euros et à [T] [G] la somme de 3 000 euros, outre 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, puis de réserver les droits des demandeurs dans l'attente de la consolidation de la victime et du rapport d'expertise. Ils ont fait valoir que l'accident était imputable à l'imprudence du salarié, [E] [U], qui avait le contrôle de la coque de piscine, qu'Allianz avait reconnu cette responsabilité puisqu'elle avait versé une provision de 1 000 euros, et qu'il semblait que le salarié n'avait pas reçu de formation à la manipulation de la grue.
[N] [Y] a fait assigner la sécurité sociale des indépendants et Adrea Mutuelle afin que ces organismes fassent valoir les débours engagés.
Le 27 mars 2019, la société Allianz Iard a fait assigner la SARL Piscine Terrasses du Languedoc afin que cette dernière la relève et garantisse de toutes condamnations prononcées à son encontre. Les deux instances ont été jointes.
La société Allianz Iard a demandé le rejet de l'ensemble des demandes et a opposé à titre subsidiaire la faute de [N] [Y] puisqu'il se trouvait à proximité immédiate de la piscine alors même qu'il y avait de fortes rafales de vent. En tout état de cause, elle a demandé à être relevée et garantie par la SARL Piscine et Terrasses du Languedoc en faisant valoir que [I] [Z] n'avait pas de lien de droit avec la société Ibiza puisque la piscine avait été vendue à des distributeurs-concessionnaires, dont la SARL Piscine et Terrasses du Languedoc, comme le prévoit les conditions générales de vente et que la livraison avait été réalisée sous la responsabilité du concessionnaire. Allianz a ajouté que la garde de la chose avait été transférée dès l'arrivée au chantier à la SARL Piscines et Terrasses du Languedoc.
La SARL Piscines et Terrasses du Languedoc a opposé l'absence du Caces, la formation obligatoire de manipulation des grues, pour le conducteur de la grue, salarié d'Ibiza, ce qui engageait la responsabilité de la société Piscines Ibiza. Elle a opposé la faute de [E] [U] qui avait la direction, le contrôle et la surveillance du véhicule lors de l'accident, qui n'avait pas eu lieu sur le chantier mais sur la voie publique. Le véhicule de transport avait été loué par la société Ibiza et le transport assuré par la société Ibiza. Le concessionnaire a fait valoir qu'il n'avait pas eu la charge de livrer la coque en l'espèce.
La caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants a demandé au tribunal, après avoir retenu la responsabilité de la société Piscines Ibiza, de la condamner solidairement avec son assureur Allianz à lui payer la somme de 20 661,34 euros au titre de ses débours, augmentés des intérêts légaux et la somme de 1 080 euros à titre d'indemnité forfaitaire, outre la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Le 26 août 2019, la société Piscines et Terrasses du Languedoc a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.
Le jugement rendu le 24 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Montpellier énonce dans son dispositif :
'Déclare la société Piscines Ibiza, assurée auprès de la SA Allianz Iard responsable de l'accident survenu le 12 mars 2018 ;
'Dit que [N] [Y] a commis une faute à l'origine de son dommage réduisant son droit à indemnisation à hauteur de 15 % des préjudices subis ;
'Dit que la SA Allianz Iard et la société Piscines Ibiza doivent garantie les conséquences de la responsabilité de leur assurée à hauteur de 85 % des préjudices subis ;
'Déboute la SA Allianz Iard de ses demandes dirigées à l'encontre de la SARL Piscines et Terrasses du Languedoc ;
'Condamne in solidum la SA Allianz Iard et la société Piscines Ibiza à payer à [T] [G] la somme de 850 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice par ricochet ;
'Réserve les droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants ;
'Condamne la SA Allianz Iard à payer à [N] [Y] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
'Condamne la SA Allianz Iard à payer à la SARL Piscines et Terrasses du Languedoc la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
'Condamne la SA Allianz Iard aux dépens ;
'Ordonne l'exécution provisoire.
Le jugement expose que la SARL Piscines et Terrasses du Languedoc a commandé à la société Piscines Ibiza une coque et son équipement pour être livrés chez [I] [Z]. La société Ibiza a émis un bon de livraison et a facturé à la SARL Piscines et Terrasses du Languedoc la coque livrée. Le jugement relève que [E] [U], salarié de Piscines Ibiza, manipulait la grue au moment de l'accident. Il est certain que la coque a causé l'accident. C'est bien le salarié qui avait l'usage, la direction et le contrôle de la coque puisqu'il man'uvrait le camion portant la grue, il était donc détenteur de la chose en sa qualité de préposé. La société Piscine Ibiza est donc le commettant.
Le jugement relève que la société Piscine Ibiza a pris directement en charge la livraison de la chose réalisée par un de ses salariés et ce contrairement aux conditions générales de vente (CGV), qu'elle a délibérément choisi de ne pas appliquer. L'accident est survenu avant que la livraison ne soit effective sur le chantier du client, le transfert des risques et la livraison n'avaient donc pas eu lieu. En effet, les CGV prévoyaient que la livraison s'entendait du dépôt de la piscine dans l'emplacement dédié et non sur la voie publique. Il n'y avait donc pas eu de transfert de garde matériel ou juridique.
Le jugement retient une faute d'imprudence de [N] [Y]. Il constate que le périmètre de sécurité invoqué par le conducteur n'était pas visible sur les photographies produites et que la mairie atteste n'avoir délivré aucune autorisation d'occupation temporaire du domaine public au lieu du déchargement. Si cette absence de balisage constitue une faute, cela n'exclut pas la faute de la victime qui, alors qu'elle avait connaissance du déchargement, s'est placée dans le périmètre de la man'uvre, entre le mur et la coque. La taille de la coque ne permettait pas d'ignorer la man'uvre.
Concernant la demande de provision, le jugement relève que la victime a été immobilisée deux mois et avait dû subir divers traitements et consultations avec une persistance des douleurs sur le long terme, ce qui justifiait l'allocation d'une provision.
La compagne de [N] [Y] peut également obtenir une provision au vu du bouleversement provoqué dans leur vie familiale.
[N] [Y], [T] [G] et la SARL [Y] [N] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 28 octobre 2019.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 25 mai 2022.
Les dernières écritures pour [N] [Y], [T] [G] et la SARL [Y] [N] ont été déposées le 14 septembre 2020.
Les dernières écritures pour la SA Allianz Iard et la SARL Piscines Ibiza ont été déposées le 3 mars 2021.
Les dernières écritures pour la CPAM Puy-de Dôme ont été déposées le 1er avril 2020.
Les assignations en intervention forcée des sociétés Piscines et Terrasses du Languedoc, représentée par maître [P] [V] en sa qualité de liquidateur judiciaire, et Axelliance n'ont pas été signifiées à leur personne.
Le présent arrêt sera rendu par défaut.
Le dispositif des écritures pour [N] [Y], [T] [G] et la SARL [N] [Y] énonce :
'Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Piscines Ibiza, et de son assureur la compagnie Allianz, de l'ensemble des conséquences de l'accident du 12 mars 2018 ;
'Infirmer le premier jugement en ce qu'il a retenu une faute de [N] [Y] venant réduire son droit à indemnisation ;
'Condamner la société Piscines Ibiza et son assureur à hauteur de 3 000 euros au titre de l'article 700 en procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
[N] [Y] soutient que la responsabilité de l'employé de la société Ibiza est engagée sur le fondement des articles 1241 et 1242 du code civil. Il ajoute que des formations sont obligatoires pour la conduite de grues. Le fait de ne pas être titulaire du Caces est répréhensible pénalement, comme la Cour de cassation l'a rappelé le 15 novembre 2016. Il est certain que [E] [U] a commis plusieurs fautes. Aucun balisage du lieu de déchargement n'avait été prévu alors même que la dangerosité de la man'uvre était certaine. [N] [Y] ajoute qu'Allianz a implicitement reconnu le bien fondé de son droit à indemnisation en lui versant une provision, bien que très faible. Le salarié n'a reçu aucune formation à la manipulation de la grue, ce qui était contraire à la réglementation, tout comme le fait pour la société Ibiza de ne pas avoir sollicité d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. Selon les appelants, [E] [U] semble montrer peu de considération pour les mesures de sécurité dans la mesure où il s'est photographié plusieurs fois alors qu'il était au volant de son véhicule. Les appelants affirment que la société Piscine Ibiza est donc responsable des dommages causés par son préposé, de même que son assureur Allianz.
[N] [Y] conteste avoir commis une faute. Il fait valoir qu'il a été percuté alors qu'il se trouvait dans le périmètre de la man'uvre, sans que cela puisse lui être reproché puisque rien n'indiquait ce périmètre. La coque de la piscine était hors de contrôle du fait du vent, il n'y avait donc pas de man'uvre à proprement parler. En tout état de cause, il fait valoir que le choc a eu lieu entre le véhicule et le mur situé de l'autre côté de la rue, soit largement hors du champ théorique de man'uvre de la coque. Les appelants versent aux débats un constat d'huissier réalisé le 28 mai 2020 recueillant le témoignage de [I] [Z], démontrant que [N] [Y] se trouvait à cinq mètres environ du lieu de pose de la coque. Ils précisent que les stipulations contractuelles invoquées par la société Piscines Ibiza ne leur sont pas opposables dans la mesure où ils n'étaient pas parties au contrat et que la responsabilité de la société Piscines Ibiza est en tout état de cause extracontractuelle.
[N] [Y] fait valoir que son préjudice est toujours en cours d'évaluation, sa consolidation étant longue. Il a dû notamment de nouveau subir une opération en 2020.
Le dispositif des écritures pour la SA Allianz Iard et la SARL Piscines Ibiza énonce :
'Infirmer le jugement rendu le 24 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Montpellier ;
'Débouter [N] [Y], [T] [G], la SARL [N] [Y] et la SARL Piscines et Terrasses du Languedoc ou tout autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
'Subsidiairement, dire que [N] [Y] a commis une faute de nature à exclure ou à limiter son droit à indemnisation ;
'Condamner la SARL Piscines et Terrasses du Languedoc et subsidiairement QBE à relever et garantir Piscines Ibiza et Allianz indemnes de toute condamnation.
'Condamner [N] [Y], [T] [G], la SARL [N] [Y] et la SARL Piscines et Terrasses du Languedoc à payer à Allianz la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens.
A titre liminaire, la société Allianz et la société Piscines Iard rappellent que l'article 555 du code de procédure civile permet d'intimer devant la cour d'appel des parties qui ne l'étaient pas en première instance quand l'évolution du litige implique leur mise en cause, ce qui est notamment le cas lorsqu'une procédure collective est postérieure au jugement ou lorsqu'un contrat d'assurance est porté à la connaissance des parties postérieurement à la clôture. Elles peuvent donc appeler en la cause les assureurs de Piscine et Terrasses du Languedoc ainsi que le liquidateur.
La société Allianz et la société Piscines Iard soutiennent que [I] [Z] n'a pas de lien de droit direct avec la société piscines Iard puisque les piscines sont vendues par elle à des distributeurs, notamment la société Piscines et Terrasses du Languedoc.
Sur le chantier se trouvait un représentant de la société Piscines et Terrasses du Languedoc. Les intimées soutiennent que contractuellement, la livraison se faisait sous la responsabilité du concessionnaire. Les CGV prévoient que le concessionnaire doit s'assurer de la faisabilité de la livraison en veillant notamment au respect des instructions données. Elles prévoient également que la livraison et le transfert des risques s'effectuent au moment de l'arrivée du transporteur sur le chantier. C'est également, selon les intimées, au concessionnaire de guider la coque de piscine suspendue à la grue.
La société Allianz et son assurée font valoir que l'accident est survenu alors que le livreur était sur place et que la livraison avait été constatée par la signature du bon de livraison, sans que la livraison ne puisse s'entendre comme l'installation du produit sur site. Les risques étaient donc transférés au concessionnaire. Elles rappellent que les clauses de transfert des risques sont valables dès lors que les règles légales ne sont pas d'ordre public, comme la Cour de cassation a pu le rappeler le 24 janvier 1984. Les CGV sont donc bien applicables. Le fait qu'un salarié d'Ibiza ait assuré la livraison, n'empêche pas le transfert des risques prévus par les conditions du contrat. Les intimées rappellent que la livraison et le transfert des risques s'effectuent au moment de l'arrivée du transporteur.
Subsidiairement, la société Allianz et son assurée affirment que la société Piscines et Terrasses du Languedoc et ses assureurs doivent la relever et la garantir de toute condamnation. Il apparaît en effet que Piscines Terrasses du Languedoc était assurée auprès de QBE pour 2018, date de l'accident et d'Axelliance en 2019, soit lors de la mise en cause de l'assurée. Allianz demande donc la garantie d'Axelliance et subsidiairement de QBE.
La société Allianz et son assurée soutiennent qu'aucune faute ne peut être retenue du fait de la détention ou non d'un certificat puisqu'il est tout à fait possible d'effectuer une faute alors qu'on dispose d'un certificat et inversement. Les dispositions du code du travail applicables au Caces renvoient aux obligations de l'employeur en matière de sécurité des salariés et ne créent pas d'obligations envers les tiers. Les intimés ajoutent que le Caces n'est pas obligatoire, seule l'autorisation de conduite est nécessaire. L'autorisation d'occupation du domaine public n'a pas de lien avec l'accident tout comme les photos produites du chauffeur.
La société Allianz conteste la mise en cause de la responsabilité de son assurée sur le fondement du fait des choses. Elle fait valoir les dispositions contractuelles relatives aux transfert des risques et ajoute que le guidage de la coque se fait également sur le site, le concessionnaire reconnaissant avoir tenu la coque pour éviter son balancement. Seul le concessionnaire connaît les lieux et les conditions d'occupation.
Subsidiairement, les intimés font valoir l'imprudence de [N] [Y] qui constitue une faute puisque ce dernier s'est glissé entre le mur et la coque alors même qu'il y avait de fortes rafales de vent. Il semble également que [N] [Y] ait accompagné le concessionnaire bénévolement pour stabiliser la coque.
Le dispositif des écritures pour la CPAM Puy-de-Dôme énonce :
'Infirmer le jugement rendu.
'Condamner le tiers responsable, solidairement avec sa compagnie d'assurance à payer à la caisse concluante la somme de 20 661,34 euros correspondant au montant des débours servis dans l'intérêt de la victime à titre provisoire, les intérêts légaux de cette somme ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire de 1 091 euros ;
'Condamner solidairement le tiers responsable et son assureur à payer à la caisse concluante la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
La CPAM demande à ce que le tiers responsable soit condamné, solidairement avec la société d'assurances, à lui régler la totalité du montant de ses prestations à titre provisoire, qui s'élèvent à la somme de 20 661,34 euros, outre les intérêts et l'indemnité forfaitaire sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 27 décembre 2019. Elle souligne qu'il convient de réserver ses droits pour obtenir le montant des prestations complémentaires qu'elle sera amenée à verser après dépôt du rapport d'expertise médicale.
MOTIFS
1. Sur la responsabilité du gardien de la chose
Au visa des dispositions de l'article 1242 du code civil, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu la responsabilité de la société Piscines Ibiza dès lors que s'il était établi que [E] [U] était bien le gardien de la chose au moment de l'accident, puisque c'est bien lui man'uvrait le camion supportant la grue auxiliaire pendant les opérations de manutention de la coque en vue de sa pose sur la propriété de [I] [Z] et qu'il en avait ainsi l'usage, la direction et le contrôle, il devait toutefois être retenu qu'il agissait en sa qualité de salarié de la société Piscines Ibiza, de sorte que s'il était détenteur de la chose, au regard de l'incompatibilité entre la qualité de préposé et de gardien, le gardien était la société Piscines Ibiza, commettant, dont la responsabilité doit être confirmée sans, qu'à ce stade, les termes des conditions générales de vente ne puissent l'en exonérer, les motifs retenus par les juges n'étant pas utilement critiqués.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
2. Sur la faute de la victime
S'il n'est pas contestable, comme l'ont relevé de façon circonstanciée les premiers juges, qu'il n'y avait pas de balisage lors du grutage en cours, ce qui est constitutif d'une faute, il n'en demeure pas moins que [N] [Y], qui était présent sur les lieux à l'arrivée du camion grue et qui n'ignorait pas que la coque allait être man'uvrée par le grutier pour être positionnée dans la cavité creusée, puisqu'il intervenait lui même sur la piscine pour d'autres travaux, en se dirigeant vers son véhicule comme il l'a déclaré et en empruntant un itinéraire le plaçant nécessairement dans le périmètre de man'uvre, ce qu'il ne pouvait ignorer puisqu'il n'était pas à ce moment un simple passant, a commis une imprudence qui caractérise une faute justifiant une réduction de son droit à indemnisation, que le tribunal à justement retenue à hauteur de 15 % au cas d'espèce.
Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.
3. Sur l'appel en garantie
Il doit être relevé des conditions générales de vente que « La livraison et le transfert des risques afférents aux Piscines Ibiza s'effectuent au moment de l'arrivée du transporteur sur le chantier du client final. A compter de ce moment, le concessionnaire supporte la charge des risques que les produits peuvent subir ou occasionner. En toute hypothèse, Ibazur Commercial ne saurait être responsable de tous dommages causés aux produits ou par les produits à partir du transfert des risques et/ou en cas de non-respect de ses obligations par le Concessionnaire. ».
En l'espèce, il est constant que l'accident est survenu alors que le salarié de la société Piscines Ibiza avait stationné son camion de transport à l'adresse du client final et que la livraison avait été constatée par la signature du bon de livraison, de sorte qu'en application des dispositions de l'article 4 des conditions générales de vente, les risques avaient été transférés à la société Piscines et Terrasses du Languedoc lorsque l'accident est survenu.
Cette dernière et son assureur, la société Axelliance, seront donc condamnées à relever et garantir la société Piscines Ibiza et son assureur, la société Allianz, de toutes les condamnations prononcées à leur encontre.
4. Sur les demandes de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants
Le tribunal a réservé les droits de la caisse dans l'attente du rapport d'expertise médicale devant permettre de déterminer l'imputabilité des soins engagés aux débours réclamés.
La caisse ne justifiant pas du dépôt de ce rapport, le jugement sera confirmé en ce qu'il a réservé ses droits.
5. Sur les dépens et les frais non remboursables
Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
[N] [Y] sera condamné aux dépens de l'appel.
Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement rendu le 24 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Montpellier, sauf en ce qu'il a débouté la société Allianz Iard de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Piscines et Terrasses du Languedoc ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Piscines et Terrasses du Languedoc et son assureur, la société Axelliance, à relever et garantir la société Piscine Ibiza et son assureur, la société Allianz Iard, de toutes les condamnations prononcées à leur encontre ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;
CONDAMNE [N] [Y] aux dépens de l'appel.
le greffier le président