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13/09/2022 | FRANCE | N°19/07280

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 13 septembre 2022, 19/07280


Grosse + copie

délivrées le

à



























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/07280 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OMOJ







Décision déférée à la Cour :

Jugement du 09 septembre 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 18/00402





APPELANTES :

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Société GEFION INSURANCE, société de droit étranger, représentée par ses liquidateurs désignés par le jugement de faillite du 07/06/2021, Me Soren Aamann JENSEN et Me Boris FREDERICKSEN

[Adresse 8]

[Localité 5] (PAYS-BAS)

et

SARL BAZ CONCEPT

RCS de Perpignan n...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/07280 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OMOJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 09 septembre 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 18/00402

APPELANTES :

Société GEFION INSURANCE, société de droit étranger, représentée par ses liquidateurs désignés par le jugement de faillite du 07/06/2021, Me Soren Aamann JENSEN et Me Boris FREDERICKSEN

[Adresse 8]

[Localité 5] (PAYS-BAS)

et

SARL BAZ CONCEPT

RCS de Perpignan n°509 293 064, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 9]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentées par Me Céline THAI THONG de la SCP CASANOVA - MAINGOURD - THAI THONG, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée à l'audience par Me Laure ANGRAND de la SARL MANDIN - ANGRAND AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [E] [J]

né le [Date naissance 2] 1963 à GIJON (Espagne)

de nationalité Espagnole

[Adresse 6]

[Localité 1] (ESPAGNE)

Représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 25 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe GAILLARD, Président de chambre

Mme Nathalie AZOUARD, Conseillère

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

En présence de Mme [L] [B] et Mme [Y] [R] auditrices de justice

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Mme Sylvie SABATON, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Le 20 août 2016, alors qu'il descendait un toboggan dans le parc aquatique Drop in Cerdanya Water Jump à [Localité 7] (66), [E] [J] s'est gravement blessé à la colonne vertébrale.

Par acte d'huissier du 4 janvier, [E] [J] a fait délivrer assignation à la société Baz Concept et à la société TCA Transconseil Assurances aux fins de voir la première déclarée entièrement responsable des préjudices subis, les condamner au paiement d'une provision de 20 000 euros et ordonner une mesure d'expertise médicale, outre leur condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Le jugement rendu le 9 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Perpignan énonce dans son dispositif :

'Constate l'intervention volontaire de la société de droit étranger Gefion Insurance ;

'Met hors de cause la société TCA Transconseil Assurances ;

'Déclare irrecevables les pièces 5/1-2-3 et 6/1-2 communiquées après l'ordonnance de clôture par la société Baz Concept ;

'Déclare la société Baz Concept entièrement responsable des conséquences dommageables liées à l'accident subi par [E] [J] ;

'Avant dire droit, sur la réparation du préjudice corporel,

'Ordonne une mesure d'expertise, commet pour y procéder le docteur [W] [K] (cf jugement pour les détails de la mesure) ;

'Condamne la société Baz Concept et son assureur la société de droit étranger Gefion Insurance à payer à [E] [J] la somme de 15 000 euros (quinze mille euros) à valoir sur son préjudice corporel à titre provisionnel ;

'Réserve les demandes au titre de l'article 700 et aux dépens ;

'Ordonne l'exécution provisoire du jugement ;

'Renvoie les parties à l'audience de mise en état « cabinet » du 12 décembre 2019 afin qu'il soit fait le point sur le dépôt du rapport d'expertise.

Au fond et sur la responsabilité de la société Baz Concept, le tribunal a rappelé que l'obligation qui pesait sur l'exploitant d'un parc aquatique était une obligation de résultat en matière de sécurité, l'usager n'ayant aucun rôle actif en se contentant de s'asseoir ou de se coucher, d'attendre le signal de départ et de se laisser glisser jusqu'à l'arrivée.

Au cas d'espèce, les premiers juges ont considéré qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à [E] [J], la réglementation générale du parc ne pouvant lui être déclarée opposable, alors que sa notification préalable faite à lui ainsi qu'aux autres clients du parc n'étant pas démontrée, étant au surplus rédigée en français et en anglais, à l'exception du castillan et du catalan qui étaient les idiomes les plus pratiqués par les touristes dans cette région de la Cerdagne française et qui étaient les langues utilisées au quotidien par le demandeur, qui vivait à Barcelone et qui était de nationalité espagnole. De plus, les premiers juges ont estimé que le contenu même de cette notification ne saurait concerner [E] [J], qui ne souffrait ni de problèmes cardiaques, du rachis ou de problèmes articulaires, l'accident de moto subi antérieurement par lui ayant provoqué des lésions à la vertèbre D 5 alors que l'accident subi en 2016 avait provoqué la fracture de la vertèbre D 10.

Par ailleurs, ils ont considéré comme étant établi par la pièce n°3 de la société Baz Concept, à savoir la déclaration de sinistre, que [E] [J] était parti sur la piste la tête la première sur le ventre, bras tendus, menton levé, et ce dans une position autorisée en respectant les consignes des opérateurs comme le soulignait la société Baz Concept, qui prétendait qu'il s'était mal positionné en phase d'envol en ne se redressant pas, ayant « stressé » lors de la prise de vitesse.

Les premiers juges ont retenu que cet argument, qui ne résultait que de la seule version décrite par la Baz Concept, dans une déclaration de sinistre a fortiori non datée et qui n'était corroborée par aucun témoignage ou élément sérieux, ne saurait, de toute évidence, constituer une faute de la part de [E] [J].

Au final, le tribunal a déclaré la société Baz Concept entièrement responsable des dommages subis par [E] [J] et de l'a condamnée, avec son assureur, la société de droit étranger Gefion Insurance, à réparer l'entier préjudice, et a ordonné à cette fin, avant-dire droit, une mesure d'expertise médicale.

La société Baz Concept et son assureur, la société Gefion Insurance, ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe 5 novembre 2019.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 25 mai 2022.

Les dernières écritures pour la société Baz Concept et son assureur, la société Gefion Insurance, ont été déposées le 16 août 2021.

Les dernières écritures pour [E] [J] ont été déposées le 25 août 2021.

Le dispositif des écritures pour la société Baz Concept et son assureur, la société Gefion Insurance, énonce, en ses seules prétentions :

'Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Baz Concept et Gefion Insurance, représentée par ses liquidateurs, maître Soren Aamann Jensen et maître Boris Frederiksen, à l'encontre du jugement rendu le 9 septembre 2019 par le tribunal de grande instance de Perpignan ;

'Infirmer le jugement en ce qu'il a notamment déclaré la société Baz Concept entièrement responsable des conséquences dommageables liées aux dommages présentés par Monsieur [E] [J] le 20 août 2016 ;

'Ordonné avant-dire droit sur les réparations du préjudice corporel une expertise médicale confiée au docteur [W] [K] ;

'Condamné la société Baz Concept et Gefion Insurance, représentée par ses liquidateurs, à payer à [E] [J] la somme de 15 000 euros à valoir sur son préjudice corporel à titre provisionnel.

'Et statuant à nouveau,

'Débouter [E] [J] de l'intégralité de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Baz Concept et de son assureur Gefion Insurance, représentée par ses liquidateurs ;

'Prononcer la mise hors de cause de la société Baz Concept et de son assureur Gefion Insurance, représentée par ses liquidateurs ;

'Ordonner la restitution de la provision qui avait été allouée par la juridiction du premier degré ;

'Condamner [E] [J] à payer à la société Baz Concept et de son assureur Gefion Insurance, représentée par ses liquidateurs, une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'Déclarer opposables aux tiers les limitations de garantie stipulées par la police d'assurance, notamment plafond de garantie et franchises en application de l'article L. 112-6 du code des assurances ;

'Condamner [E] [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement directe au bénéfice de la SCP Casanova, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur la question de sa responsabilité, la société Baz Concept et son assureur, la société Gefion Insurance, entendent souligner que s'agissant des centres de loisirs, la jurisprudence de la Cour de Cassation est désormais bien établie et qu'elle opère une distinction en retenant tantôt une obligation de résultat, tantôt une obligation de moyens. L'obligation de sécurité de l'exploitant d'un centre de loisirs est de moyens lorsque l'exécution même de la prestation implique, en raison de sa participation physique, le rôle actif de l'usager de l'installation et l'existence corrélative d'un aléa. L'obligation de sécurité devient de résultat lorsque le rôle de la victime est purement passif, à charge de l'exploitant devant alors, en toute hypothèse, garantir la sécurité de ses clients.

Au cas d'espèce, les appelantes exposent que l'accident a eu lieu sur le toboggan « Crazy Jump » composé d'une piste pour la prise d'élan et d'un tremplin en bout de celle-ci, qui permet l'envol du pratiquant, qui contrôle dès lors sa posture pendant toute sa trajectoire aérienne jusqu'à sa réception dans l'eau, l'intérêt du Crazy Jump résidant dans la recherche de la meilleure figure permise par ce contrôle.

Elles entendent qu'il soit retenu que contrairement aux allégations de [E] [J], l'accident n'est pas survenu lors de la prise d'élan sur la piste du toboggan mais bien au moment de la réception dans l'eau, qu'ainsi le tribunal a commis une erreur manifeste en ne distinguant pas la phase de prise de vitesse se terminant par l'envol, de la phase pendant laquelle le pratiquant n'est plus au contact du tremplin et a l'entier contrôle de sa posture.

La société Baz Concept et son assureur demandent à la cour de retenir que la victime avait la pleine capacité et l'obligation de maîtriser son évolution et d'assurer sa propre sécurité lors de la phase d'envol pour une arrivée dans l'eau selon les instructions qui lui avaient été données, ce dont [E] [J] s'est abstenu, faisant un plat-ventre lors de la phase de réception alors qu'il aurait dû se redresser pour arriver les pieds en avant.

Les appelantes estiment que l'obligation de la société Baz Concept doit être appréciée à l'aune de l'obligation de moyens, ce qui implique, en application des dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile, qu'il appartient à [E] [J] de rapporter la preuve d'une faute pouvant lui être directement imputée.

Le dispositif des écritures pour [E] [J] énonce, en ses seules prétentions :

'Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Perpignan ;

'Renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Perpignan pour liquidation du préjudice ;

'Condamner solidairement les parties appelantes au paiement de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour l'essentiel, [E] [J], reprenant la jurisprudence existante, estime que l'exploitant d'un toboggan de parc aquatique doit répondre d'une obligation de sécurité de résultat.

En réplique à l'argumentation des appelantes, il indique que sauf à être un professionnel des plongeons en hauteur, acrobate ou encore une personne particulièrement expérimentée dans ce genre d'activité, le pratiquant ne peut nullement maîtriser sa posture lorsqu'il est en plein air, qu'ainsi, il n'y a aucun rôle actif, que ce soit sur le toboggan ou lors de l'envol.

Sur sa prétendue faute, il soutient qu'elle n'est nullement rapportée et demande la confirmation du jugement entrepris sur la responsabilité de la société Baz Concept.

MOTIFS

1. Sur la responsabilité de la société Baz Concept

La société Baz Concept considère que le tribunal a commis une erreur manifeste en ne distinguant pas la phase de prise de vitesse, se terminant par l'envol, de la phase pendant laquelle le pratiquant n'est plus au contact du tremplin et a l'entier contrôle de sa posture. Elle estime que [E] [J] avait la pleine capacité et l'obligation de maîtriser son évolution et d'assurer sa propre sécurité lors de la phase d'envol pour une arrivée dans l'eau selon les instructions qui lui avaient été données.

Or, il n'est pas contestable que lors de la phase de prise de vitesse, le pratiquant n'a aucune maîtrise de sa trajectoire et de sa vitesse, de sorte que la phase d'envol qui s'ensuit est nécessairement conditionnée et subie, le pratiquant ne pouvant avoir un rôle actif, sauf à démontrer sa parfaite connaissance du tremplin et sa capacité à maîtriser l'envol, ce qui n'est nullement établi au cas d'espèce, la cour retenant que [E] [J] n'était pas un habitué de ce parc aquatique et n'avait aucune expertise particulière en matière d'acrobaties aériennes, que ce soit sur plongeoir ou sur trampoline.

Il en résulte que l'obligation de sécurité de la société Baz Concept est bien de résultat et qu'elle est pleinement engagée au cas d'espèce, sans qu'il ne puisse être retenu une quelconque faute de la victime.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé de ce chef et l'affaire sera renvoyée devant le tribunal judiciaire de Perpignan pour qu'il soit statué sur la liquidation des préjudices de [E] [J].

2. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Baz Concept et son assureur, la société Gefion Insurance, seront condamnés solidairement aux dépens de l'appel.

La société Baz Concept et son assureur, la société Gefion Insurance, qui échouent en leur appel, seront au surplus condamnés solidairement à payer à [E] [J] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 9 septembre 2019 par le tribunal judiciaire de Perpignan, en toutes ses dispositions ;

RENVOIE l'affaire devant le tribunal judiciaire de Perpignan pour qu'il soit statué sur la liquidation des préjudices de [E] [J] ;

CONDAMNE solidairement la société Baz Concept et son assureur, la société Gefion Insurance, à payer à [E] [J] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

CONDAMNE solidairement la société Baz Concept et son assureur, la société Gefion Insurance, aux dépens de l'appel.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/07280
Date de la décision : 13/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;19.07280 ?
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