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28/09/2022 | FRANCE | N°19/01029

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 28 septembre 2022, 19/01029


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/01029 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OARU



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 21 JANVIER 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F17/00393

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APPELANTE :



Madame [K] [H] épouse [A]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Elsa VILLEMEUR, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



SAS LA COMPAGNIE DE FORMATION Société par Actions Simplifiée, au capital de 349 298,15 euro...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/01029 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OARU

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 21 JANVIER 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F17/00393

APPELANTE :

Madame [K] [H] épouse [A]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Elsa VILLEMEUR, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SAS LA COMPAGNIE DE FORMATION Société par Actions Simplifiée, au capital de 349 298,15 euros, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 329 224 562, prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie pierre VEDEL SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER (posutlante) et par Me Marie-françoise MERLOT, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me MONTEIRO, avocate au barreau de PARIS (plaidant)

Ordonnance de clôture du 27 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 MAI 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Madame Florence FERRANET, Conseillère, faisant fonction de présidente de l'audience

Madame Caroline CHICLET, Conseillère

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Florence FERRANET, Conseillère, faisant fonction de présidente de l'audience et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

**

FAITS ET PROCÉDURE

Selon lettre d'engagement du 1er octobre 2009, Mme [K] [H] a été embauchée à durée indéterminée par la SA La Compagnie de Formation (SA LCF), en qualité de formatrice en technique de commerce international, qualification technicien hautement qualifié, à temps partiel à hauteur de 604,17 heures lissées pour l'année 2009/2010 [435 heures d'acte de formation (AF) + 169,17 heures de temps de préparation, de recherches et autres activités (PR) ], moyennant une rémunération mensuelle de 984,60 €, soit au total 11 815,25 €.

Il était précisé que le volume horaire pourrait varier d'une année sur l'autre.

Plusieurs avenants ont été signés entre les parties :

- selon avenant signé le 20 septembre 2010, les parties ont convenu qu'en sus de ses fonctions, la salariée assurerait à compter du 1er septembre 2010 le remplacement partiel de Mme [D], directrice des études MBWAY, pendant la durée des congés maladie et de maternité de cette dernière, moyennant une prime mensuelle brut de 1 200 € congés payés inclus, les autres termes du contrat demeurant inchangés.

- selon avenant du 1er octobre 2011, elle a été maintenue dans la fonction de directrice des études pour l'année scolaire 2011/2012 moyennant la prime pédagogique mensuelle de 1 300 € brut congés payés inclus, versée d'octobre 2011 à septembre 2012, une fiche de fonction étant annexée au document.

Il était ainsi convenu pour l'essentiel :

* qu'une prime exceptionnelle serait versée d'un montant de 300€, 250 € et 250€ en fonction du nombre d'élèves inscrits, outre une prime de 400 € partiellement ou intégralement versée à la discrétion de la direction selon l'appréciation de la qualité de la prestation pédagogique d'ensemble au sein des programmes de Mercure Academy,

* les autres termes du contrat restaient inchangés,

* à compter du 30 septembre 2012, l'avenant ainsi signé serait caduc, le contrat initial régissant alors exclusivement les relations contractuelles.

- selon avenant du 16 novembre 2015, la fonction de directrice des études, qui s'était prolongée jusqu'à cette date, a été confirmée et décrite dans une fiche de fonction jointe, les heures de formation ont été réduites à 173 heures annuelles, le temps partiel modulé étant fixé à 103,92 heures (24 heures hebdomadaires les lundi, mercredi et jeudi) assorti de 5 jours de RTT, le statut étant celui de cadre, moyennant une rémunération mensuelle brut de 2 000 €, les autres éléments du contrat demeurant inchangés.

La salariée a été placée en arrêt de travail à de nombreuses reprises, le dernier arrêt s'achevant le 31 août 2016, date à laquelle elle ne devait pas reprendre le travail.

Par lettre du 6 juillet 2016, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 19 juillet 2016.

Par lettre du 22 juillet 2016, l'employeur lui a notifié son licenciement, arguant de la forte pertubation du fonctionnement de l'entreprise en raison de ses absences répétées.

Par courrier du 28 juillet 2016, la salariée a contesté son licenciement par l'intermédiaire de son conseil, a refusé de transiger moyennant une somme de 8000 € et a sollicité une indemnisation transactionnelle supérieure, en vain.

A compter du 1er septembre 2016, M. [L] [W], salarié ayant assuré le remplacement de la salariée pendant ses congés maladie/maternité, a été engagé en qualité de directeur des études dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Par requête du 6 avril 2017, faisant valoir pour l'essentiel qu'elle avait été victime de harcèlement moral, que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité à son égard, qu'il n'avait pas respecté la clause de garantie d'emploi conventionnelle et que de ce fait son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et que cette situation justifiait l'allocation de dommages et intérêts et d'indemnités de rupture, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier.

Par jugement du 21 janvier 2019, le conseil de prud'hommes a :

- dit que Mme [K] [H] n'avait pas été victime de faits de harcèlement moral,

- dit que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de sécurité,

- dit que LCF n'avait pas respecté la période de garantie d'emploi prévue par la convention collective applicable,

- dit que Mme [K] [H] n'avait jamais travaillé à temps plein en qualité de directrice des études,

- condamné la SAS La Compagnie de Formation au paiement à Mme [H] des sommes suivantes :

* 8 790 € de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

* 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté Mme [K] [H] de ses autres demandes,

- ordonné le remboursement par la SAS LCF aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite d'un mois,

- débouté la SAS LCF de l'ensemble de ses demandes,

- laissé les éventuels dépens à la charge de la SAS LCF.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 12 février 2019, la salariée a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 30 septembre 2021, Mme [K] [H] demande à la Cour, au visa des articles L1152-1, L1154-1, L1152-4, 1231-1, L8221-5, L8223-1 du Code du travail, L1235-3 ancien du même Code, 14.2 de la convention collective, 145 du Code de procédure civile, de :

- recevoir son appel  et le dire bien fondé ;

- infirmer le jugement du 21 janvier 2019 en ce qu'il a dit qu'elle n'avait pas été victime de faits de harcèlement moral et que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de sécurité ;

- dire et juger que les faits dont elle a été victime constituent des faits de harcèlement moral et condamner LCF à lui payer la somme de 35 000 € à titre de dommage et intérêts ;

- dire et juger que l'employeur n'a pris aucune mesure de prévention et d'action en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral et condamner LCF à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommage et intérêts ;

A titre prinicipal, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que LCF n'avait pas respecté la période de garantie d'emploi prévue par la convention collective applicable ;

A titre subsidiaire, de :

- dire et juger que le motif de son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause, d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné LCF à lui payer la somme de 8 790 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive correspondant à 4 mois de salaire ;

- dire et juger que les dispositions du nouvel article L1235-3 du Code du travail relatives à la mise en place d'un nouveau barème d'indemnisation pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont applicables qu'aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de l'ordonnance ; qu'elles ne doivent donc pas s'appliquer à son licenciement prononcé antérieurement à la publication de l'ordonnance ;

- condamner LCF à lui payer la somme de 48 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande relative à la non prise en compte de ses heures de travail en sa qualité de directrice des études pour l'établissement de ses bulletins de salaire et ses droits à la retraite sur la période du 01/09/2010 au 16/11/2015 ;

- dire et juger que sa demande n'est pas prescrite ;

- dire et juger que son préjudice est connu, certain et quantifiable ;

-dire et juger que LCF a établi ses bulletins de salaire en n'indiquant que ses heures de cours alors qu'elle travaillait en sus en qualité de directrice des études et qu'il existe donc un préjudice certain pour elle tenant le fait que ses droits à la retraite seront calculés sur une base brute proratisée ;

- condamner LCF à lui payer la somme de 100 000 €, ne pouvant être inférieure à la somme de 82 000 €, à titre de dommages et intérêts compte tenu du fait que ses droits à la retraite seront calculés sur une base brute proratisée ;

- condamner LCF à lui remettre sous astreinte de 100 € par jour de retard commençant à courir à compter de la décision à intervenir, ses bulletins de salaires rectifiés avec mention des heures de travail réellement effectuées et rectification des taux de cotisations sociales y afférents ;

- condamner LCF à lui payer les sommes suivantes :

* 7.340 € à titre d'indemnité compensatrice de RTT,

* 1.503 € à titre d'indemnité compensatrice de DIF,

* 12.000 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

A titre subsidiaire, de désigner tel expert judicaire expert-comptable qui plaira à la Cour « avec pour mission de :

- Déterminer les heures de travail effectuées par Mme [H] au sein de LCF en qualité de formatrice et de Directrice des études,

- Dire si les heures de travail effectuées par Mme [H] correspondent à

celles mentionnées sur ses bulletins de salaire,

- A défaut, dire quel nombre d'heures aurait dû être mentionné et quelles sont les conséquences en matière de cotisation retraite, de RTT et de DIF et autres,

- Dire si cette omission constitue du travail dissimulé au regard de l'article L8221-5 du Code du travail,

- Déterminer et chiffrer le préjudice subi par Mme [H] compte tenu du fait qu'elle a cotisé sur une base brute réduite au prorata de ses heures de cours en qualité de formateur,

- Dire si la reprise des bulletins de salaire de Mme [H] avec mention des heures réellement travaillées et rectification des taux de cotisations sociales y afférents permettrait à cette dernière de régulariser sa situation auprès de sa caisse de retraite et de ne subir aucun préjudice,

- A défaut dire quelle est la solution afin de remédier au préjudice subi par Mme [H],

- Mentionner toutes solutions permettant de mettre fin au préjudice,

- Fournir toute précision utile à la solution du litige,

- Répondre aux dires des parties,

- Communiquer aux parties un pré-rapport avant dépôt du rapport définitif et répondre aux dires des parties » ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel de prime de transformation, de rappel de prime de professeur référent, de rappel de prime de résultat  et condamner LCF à lui payer les sommes de :

* 550 € à titre de rappel de prime de transformation,

* 635 € à titre de rappel de prime de professeur référent,

* 1 200 € à titre de rappel de prime de résultat ;

En tout état de cause, de :

- condamner LCF à lui payer la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens ;

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans les journaux locaux.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 7 janvier 2022, la SAS La Compagnie de Formation (SAS LCF) demande à la Cour, au visa des articles L.4121-1, L.4121-2, L.1152-1, L.1471-1 alinéa 1 er dans ses dispositions alors en vigueur, L.3245-1 du Code du travail, L.1152-4 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, 14.1 et 14.2 de la CCN des Organismes de formation, 146 et 238 du Code de procédure civile, de :

- dire et juger Mme [H] mal fondée en son appel et l'en débouter purement et simplement ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' dit que Mme [K] [H] n'a pas été victime de faits de harcèlement moral et débouté cette dernière de sa demande de dommages et intérêts pour prétendus faits de harcèlement moral,

' dit que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité et débouté cette dernière de sa demande de dommages et intérêts pour prétendus manquement à son obligation de prévention,

' dit que Mme [K] [H] n'a jamais travaillé à temps plein et l'a débouté de toutes demandes relatives à la non prise en compte de ses heures de travail en sa qualité de directrice des études pour l'établissement de ses bulletins de salaire,

Y ajoutant en tant que de besoin, de :

- dire et juger prescrites toutes demandes de dommages et intérêts pour perte de droits à retraite, et subsidiairement irrecevables en l'absence de toute justification d'un préjudice réparable ;

- débouter, en conséquence, pour les mêmes motifs, Mme [K] [H] de toute demande de dommages et intérêts pour perte de droits à retraite, d'indemnité compensatrice de RTT, de DIF et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- la déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée, et la débouter de toute demande indéterminée de remise de bulletins de salaires rectifiés avec mention de prétendues heures de travail réellement effectuées et rectification des taux de cotisations sociales y afférents ;

- la déclarer irrecevable en sa demande subsidiaire de désignation d'un expert en ce qu'elle repose sur une demande principale prescrite, subsidiairement irrecevable au visa des dispositions des articles 146 et 238 du Code de procédure civile et en tout cas mal fondée et l'en débouter ;

Subsidiairement, de

- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute ni manquement dans l'établissement des bulletins de salaire et débouter l'appelante de toutes prétentions pour perte de droits à retraite, d'indemnité compensatrice de RTT, de DIF et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- dire et juger que Mme [K] [H] ne peut contractuellement prétendre à aucun rappel de prime de transformation, de Professeur référent, ou de résultat ;

- la débouter de toutes demandes de ce chef ;

- dire et juger que l'appelante a été remplie de l'intégralité de ses droits en termes de préavis ;

- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en son appel incident ;

- infirmer le jugement entrepris en ce que il a :

' condamnée au paiement à Mme [K] [H] des sommes de 8.790€ au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' ordonné au titre de l'article L.1235-4 du code du travail le remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [K] [H], du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage ;

' l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

' laissé les éventuels entiers dépens à sa charge ;

Statuant à nouveau de ces chefs, de :

- dire et juger qu'elle a respecté la clause de garantie d'emploi prévue par la Convention Collective des Organismes de Formation et qie l'appelante est mal fondée en sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, ;

- dire et juger que le licenciement de cette dernière repose sur un motif réel et sérieux ;

- dire n'y avoir lieu à publication, sans aucun fondement légal, du jugement à intervenir dans les journaux locaux et débouter Mme [K] [H] e toutes prétentions de ce chef ;

- débouter, en conséquence, Mme [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- la condamner à lui verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner en tous les dépens, tant de première instance que d'appel, sachant qu'en aucun cas ceux-ci ne pourraient inclure les frais d'une étude commandée unilatéralement à Korus Consultant, étude au demeurant hors sujet et reposant sur des données inexactes.

Pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 avril 2022.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral.

Selon l'article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l'article L.1154-1 du même Code, dans sa rédaction applicable à compter du 10 août 2016, prévoit que le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l'exitence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, la salariée soutient qu'elle était la supérieure hiérarchique de la coordinatrice des études, Mme [C] [N], que ce lien hiérarchique n'était pas reconnu par la direction, celle-ci considérant que seul un lien fonctionnel existait entre elles, que cette collègue de travail a adopté dès septembre 2010 une attitude malveillante à son égard en ne suivant pas ses directives, en refusant devant les élèves d'exécuter ses ordres lors de crises d'hystérie, en la dénigrant auprès des élèves et des autres collègues de travail, en modifiant régulièrement à la dernière minute son planning de cours ou en planifiant ses cours des jours où elle était indisponible, en interrompant de façon récurrente ses réunions, ses cours ou ses entretiens sans motif urgent et en retenant des informations importantes à la pédagogie. Elle ajoute que son état de santé s'est dégradé du fait de ce harcèlement et de l'absence de prise en compte de celui-ci par l'employeur alors qu'il était informé, en la personne de son directeur adjoint, M. [G] [T], de la situation dès les 4 et 5 février 2015.

Elle verse aux débats les pièces suivantes :

- son courriel du 23 septembre 2013 à Mme [N] dans lequel elle lui demande d'attendre la fin de ses rendez-vous ou de ses cours pour lui poser des questions,

- son courriel du 30 septembre 2013 demandant une formation sur la gestion des personnalités difficiles ou des conflits et précisant avoir dû gérer ce même jour les « sauts d'humeur violents » de Mme [N],

- ses courriels des 21 août 2013 et 20 septembre 2013 adressés à Mme [N] dans lesquels elle lui demande respectivement de respecter ses indisponibilités lorsqu'elle établit les plannings et de suivre ses instructions, rappelant qu'elle est directrice des études ; mail adressé en copie à M. [T], le même jour, auquel celui-ci a répondu « Il est essentiel que chacun reste dans le cadre de ses fonction. Pas plus à dire sur ce sujet »,

- son courriel du 18 avril 2014 adressé à M. [T] mentionnant notamment son « état de fatigue extrême » en raison de sa charge de travail,

- des courriels de novembre 2014 établissant qu'un responsable du groupe s'est rendu au centre de [Localité 4] mais qu'il n'a pas été présenté à la salariée,

- son courriel du 7 octobre 2014 par lequel elle sollicite de l'aide par le biais d'un stagiaire longue durée ou un contrat professionnel,

- ses courriels des 4 et 5 février 2015 adressés à M. [T] relatifs d'une part, à l'insubordination de Mme [N] qui notamment « se permet de donner toujours des instructions aux professeurs inverses aux (siennes) », à l'absence de lien hiérarchique direct entre elles et à son incapacité à continuer à travailler avec elle et d'autre part, à l'intervention de ce dernier afin de « régler la situation à l'amiable en intervenant en tant que médiateur/arbitre » - la situation à laquelle elle fait référence étant les difficiles relations entretenues avec Mme [N] ' et proposant « soit une prise de poste à plein temps avec charges administratives également », « soit la collaboration avec une personne » qu'elle formerait et accompagnerait dans l'exécution des tâches admininistratives,

- un courriel du 9 février 2015 au même destinataire aux termes duquel notamment elle perd du temps en raison des erreurs de Mme [N] qui débat de toute instruction voire fait des crises d'hystérie, ainsi que le courriel de cette dernière lui indiquant qu'elle n'est pas d'accord pour le décalage de partiels,

- un courriel du 10 mars 2015 aux termes duquel elle indique à M. [T] que ses deux mi-temps font qu'elle travaille 60 heures par semaine,

- son courriel du 12 mars 2015 au même supérieur hiérarchique, par lequel elle demande un entretien pour discuter d'une part, de son positionnement vis à vis de Mme [N], l'insubordination de cette dernière perdurant après son arrêt de travail (de février 2015), et d'autre part, de l'augmentation de son poste de direction à temps complet,

- un échange de courriels du 21 avril 2015 avec M. [T] dont il résulte

* qu'elle est fatiguée de la situation avec Mme [N], laquelle a indiqué lors de l'entretien individuel souhaiter travailler avec elle en tant que professeur référent alors qu'elle est son manager,

* qu'elle lui soumet un courriel qu'elle souhaite adresser à Mme [N] à l'issue de l'entretien individuel conduit par M. [T] et elle-même, dans lequel elle lui rappelle en substance qu'en tant que manager elle doit encadrer ses actions,

* que M. [T] lui a finalement répondu « Je retrouve dans votre message l'essentiel de ce que vous attendez de [C] »,

- l'échange de courriels des 9 et 11 juin 2015 entre elle-même et M [T] relatif à la proposition de contrat de travail à partir de septembre 2015, à temps complet assorti d'heures de cours dont le volume sera fixé,

- le courriel de M. [T] du 25 septembre 2015 relatif à sa reprise prévue le 16 novembre 2015 (après son congé maternité), selon lequel le montant de la prime de directrice des études s'élève à 1 300 € et la prime de chef de projet MIB et fixée à 2 500 € brut par mois,

- un échange de courriels de février 2016 avec Mme [N] dont il résulte que cette dernière indiquait qu'un intervenant n'était pas disponible alors que la salariée affirmait qu'il lui avait dit être disponible,

- un témoignage non signé annexé à une attestation signée au nom de [SY] [O], ex-élève ancienne déléguée MRH4 en 2015/2016, qui mentionne avoir alerté la direction sur la capacité de la salariée à assurer le cours de management RH au vu de son planning très chargé, celle-ci n'ayant pas le temps de recevoir les étudiants individuellement,

- un échange de courriels le 5 février 2016 entre la salariée et M. [T] relatif au courrier des étudiants MRH4 sur les éléments de réponse à apporter à ces derniers, dont il résulte notamment que :

* le supérieur hiérarchique relève que la récurrence des demandes de la salariée à augmenter le temps de travail administratif au détriment du temps de face à face pédagogique l'interroge sur sa motivation, lui propose de lui adjoindre un intervenant pour l'épauler sous forme de missions ponctuelles et rappelle que la formation en management devrait optimiser ses relations avec Mme [N],

* la salariée l'assure de son entière motivation, s'étonne de ce que depuis son retour de congé maternité son supérieur considère que ses fonctions peuvent s'exécuter en trois jours sur la semaine alors qu'elle travaille chez elle pour l'école,

- des courriels de la salariée adressés à M. [T] et à Mme [N], mentionnant respectivement que son planning est modifié d'une semaine sur l'autre (29 mars 2016) ou que les plannings des élèves sont erronés (19 septembre 2013, 2 février 2016),

- les attestations régulières de Mmes [HT] [V] (ex-élève puis employée en remplacement d'une conseillère en formation à une époque non précisée) et [NM] [U] (ex-élève) dont il résulte en substance que Mme [C] [N] n'acceptait pas le lien de subordination avec la salariée, voire ne le reconnaissait pas, remettait en question les décisions de l'appelante et calomniait cette dernière quotidiennement,

- une lettre non signée du 14 mars 2016 au nom de Mme [R] [J], avec copie de la carte nationale d'identité, laquelle relate que la directrice de l'établissement a demandé à la salariée devant les élèves (dont elle-même), de signer un dossier pour un étudiant alors qu'il ne réunissait pas les conditions requises,

- son courriel du 19 mars 2016 à M. [T] relatif au compte rendu de son entretien annuel, aux termes duquel elle indique n'avoir eu depuis son embauche aucun objectif clairement fixé, aucun retour sur la qualité de son travail, avoir appris au cours de l'entretien que sa mission de recrutement des nouveaux candidats lui avait été retirée et avoir fait part des difficultés rencontrées avec Mme [N], constitutives de harcèlement moral à son préjudice,

- son courriel du 23 mars 2016 au même supérieur, à la suite d'un « mail de recadrage de ce dernier » dans lequel elle indique ne pas avoir été informée de certaines réunions et avoir oublié de prévenir de son absence lors d'une formation du fait de la dégradation de l'état de santé de son père vivant en Grèce et au chevet duquel elle s'était rendue,

- ses courriers ou courriels adressés au délégué du personnel (le 8 mars 2016), à la Direccte (le 13 avril 2016) et à la directrice des ressources humaines et juridiques du groupe Eduservices relatant les difficultés rencontrées dans son travail,

- le courriel de M. [T] du 22 avril 2016 lui indiquant que son intervention à une manifestation est annulée,

- son courriel du 12 mai 2016 au même destinataire relatif à une rumeur selon laquelle elle serait remplacée à son poste à la rentrée suivante,

- le compte rendu d'enquête commune employeur LCF-secrétaire CHSCT de l'entreprise à la suite de l'exercice du droit d'alerte le 15 avril 2016, après enquête réalisée les 25, 26 avril et 7 mai 2016 dont il ressort que :

* la direction a organisé des réunions de médiation entre les deux salariées, a fait bénéficier la salariée d'une formation en management en 2013,

* qu'à son retour de congé maternité il lui a été notifié sa mission consistant à exercer trois jours sur cinq, soit 103,92 heures mensuelles outre 173 heures de cours par an, qu'elle a demandé à travailler à temps complet mais que le temps partiel pour la direction pédagogique d'environ 100 élèves est adapté et correspond à la pratique normale des autres écoles du groupe, d'autant qu'elle est assistée par une coordinatrice pédagogique qui peut gérer la planification,

* il a été relevé lors de la réalisation d'un audit au niveau national que des dysfonctionnements relevant directement de la fonction de directeur d'études existaient,

* qu'aucun élément « insupportable » n'a été décelé,

* les actions suivantes sont proposées : veiller au respect du planning de l'intéressée, celle-ci ne devant travailler que les trois jours définis dans l'avenant signé, formaliser la nouvelle définition de fonction, mettre en place des réunions hebdomadaires en présence notamment des deux salariés en conflit afin de suivre le travail de Mme [H] pour l'aider à se concentrer davantage sur les actions prioritaires et améliorer la communication entre elle, [C] [N] et [G] [T],

- un courriel adressé le 19 mai 2016 par le directeur délégué MBWAY Caen, lequel la félicite pour deux dossiers très documentés (dossier développement et dossier juridique) et lui adresse ses commentaires,

- deux attestations de proches mentionnant que l'état de santé de l'intéressée s'est détérioré depuis sa nomination en tant que directrice des études (Mme [FJ] [I] et M. [F] [B]),

- deux attestations d'ex-élèves (M. [Y] [Z] et [UG] [X]) qui indiquent que l'intéressée était professionnellement débordée de travail, l'un ayant été scolarisé jusqu'en 2012, l'autre de 2013 à 2015,

- un certificat médical du 8 juillet 2016 du docteur [M], médecin généraliste, selon lequel les arrêts de travail de Mme [H], à compter du 5 février 2015, « ont tous été motivés par des troubles thymiques sous tendus par des difficultés d'ordre professionnel »,

- un certificat médical du 26 octobre 2016 du docteur [S], psychiatre, selon lequel elle est suivie en consultation depuis le 1er juillet 2016 à la suite du départ à la retraite d'un confrère qui la suivait et avait prolongé son arrêt de travail jusqu'au 31 août 2016 pour une smptomatologie anxiodépressive, le spécialiste précisant que la patiente « relie son état à ses difficultés au travail et n'a pas de plainte concernant sa vie personnelle », la page 3 (sur 13) de son dossier médical tenu par la médecine du travail relatant ses propos sur ses difficultés liées à l'absence de lien hiérarchique reconnu avec une collègue de travail, certains des avis d'arrêt de travail.

*

L'argument relatif à une rumeur selon laquelle il aurait été décidé de la remplacer est inopérant. Le témoignage non signé n'est pas probant.

En ce qui concerne les liens entre l'appelante et Mme [N], il résulte des nombreux échanges de courriels produits par l'appelante qu'une mésentente certaine existait entre elle et Mme [N] avec laquelle elle était amenée à travailler en concertation et que l'appelante n'acceptait pas que sa direction lui rappelle que le lien entre elle-même et Mme [N] n'était qu'un lien fonctionnel ' et non un lien hiérarchique - cette dernière l'assistant notamment dans le cadre de la planification des emplois du temps en vertu de ses fonctions de coordinatrice pédagogique exercées en partie dans le cadre de la marque MBWAY dont l'appelante avait la responsabilité.

Les témoignages de Mmes [V] et [U] anciennes élèves, établissent d'ailleurs que Mme [N] ne reconnaissait pas plus que la direction l'existence d'un lien de subordination la concernant vis-à-vis de l'appelante. Leur imprécision ne permet pas en revanche de corroborer les affirmations de cette dernière sur le fait que la coordinatrice pédagogique la calomniait continuellement.

Le fait que la coordinatrice pédagogique ait fait des crises d'hystérie en réponse aux instructions que lui donnait l'appelante n'est étayé par aucun élément du dossier à l'exception des propres courriels de l'intéressée.

Le fait que des erreurs aient été commises lors de la planification incombant à Mme [N] n'est illustré que par les propres courriels de l'appelante, sans qu'aucun autre élément objectif ne soit produit et, en tout état de cause, cette situation est insuffisante à caractériser un acte de harcèlement moral.

Le fait que Mme [N] ait pu indiquer à tort en février 2016 qu'un enseignant n'était pas disponible alors que, selon l'appelante, il avait signalé sa disponibilité, ne suffit pas non plus à caractériser un agissement de harcèlement moral, d'autant qu'aucun élément du dossier ne permet d'imputer l'erreur à l'une ou à l'autre des salariées.

Il ressort des échanges de courriels produits entre l'appelante et son supérieur hiérarchique direct que sa demande de formation en management a été acceptée et dispensée, aux fins de tenter de régler les difficultés de communication entre les deux employées.

Le rapport d'enquête interne menée par le CHSCT en 2016 montre que l'employeur a fait en sorte de répondre à ces relations conflictuelles en organisant des réunions aux fins de médiation et en dispensant une formation adaptée.

Enfin, la direction a proposé à l'appelante de lui adjoindre un intervenant pour l'épauler sous forme de missions ponctuelles.

Ces éléments démontrent l'existence d'une mésentente entre collègues de travail mais ne saurait suffire à caractériser un harcèlement moral, d'autant que cette mésentente résultait initialement d'un mauvais positionnement de l'appelante à l'égard d'une collaboratrice qui n'était hiérarchiquement pas sous ses ordres.

En revanche, les faits réitérés constitués par la requête récurrente de l'appelante afin que son temps partiel soit augmenté à un temps complet au titre de la fonction de directrice des études, par sa mise à l'écart de certaines réunions et de la visite d'un responsable au niveau central, pris dans leur ensemble, en ce compris les éléments médicaux, sont autant d'agissements répétés permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

L'employeur, qui nie tout acte de harcèlement moral à l'encontre de la salariée, rétorque pour l'essentiel qu'au vu des effectifs de l'établissement au cours de la relation de travail, il n'était pas nécessaire d'augmenter son temps de travail jusqu'à un temps complet d'autant qu'elle ne remplaçait la précédente directrice des études que partiellement et que sa fonction de formatrice était réduite à 173 heures mensuelles de « face à face  pédagogique» alors qu'un formateur cadre à temps complet travaille 1 565 heures par an dont un maximum de 1 120 heures de face à face pédagogique, que les préconisations du rapport d'enquête interne n'ont pas pu être mises en oeuvre en raison de l'arrêt de travail de la salariée, qu'elle n'avait pas été mise à l'écart mais avait elle-même, à son retour de congé maternité, pris des libertés avec son emploi du temps qui l'ont amenée à oublier des rendez-vous fixés, que sa présence à une réunion du 28 avril 2016 ne faisant pas partie des priorités de son poste avait été annulée par la diretion qui avait pris en compte ses doléances relatives à sa charge de travail.

Il verse aux débats les pièces suivantes :

- un tableau des effectifs MBWAY de [Localité 4] de 2009/2010 à 2015/2016, non spécialement discuté, dont il résulte que l'école comptait :

* 55 élèves en 2010-2011,

* 56 en 2011-2012,

* 49 en 2012/2013,

* 85 en 2013/2014,

* 91 en 2014/2015,

- l'attestation régulière en la forme de M. [E] [P], membre de la direction, reprenant le compte rendu d'une rencontre du 17 février 2016 avec les représentants des étudiants « Mbway » des huit sections de l'école dont il résulte pour l'essentiel qu'il existait « des dysfonctionnements intolérables dans le management pédagogique » tels qu'un manque de communication et un manque de rigueur imputables à la directrice des études,

- l'invitation à l'« after work MBway » transmise le 22 avril 2016 pour le 28 avril 2016 et le message du directeur adjoint lui expliquant que la manifestation initiale a été revue, qu'une autre personne intervient et que l'objectif est de lui laisser le temps à consacrer prioritairement à ses missions pédagogiques premières et non d'augmenter son temps de travail contractuel, ainsi que cela a été discuté lors de son entretien annuel,

- un récapitulatif de l'ensemble de ses arrêts de travail,

- neuf attestations régulières en la forme de formateurs internes et extérieurs, lesquels affirment en substance que leurs demandes devaient être dirigées vers Mme [N] en raison de l'indisponibilité ou du manque de réaction de l'appelante,

- des échanges de courriels entre la direction et l'appelante montrant qu'en mars et avril 2016, elle avait été interrogée sur les motifs de retards importants, tels 9h45 au lieu de 8h30, et qu'elle indiquait vouloir récupérer des journées sans pour autant fixer clairement la totalité des jours sollicités,

- un échange de courriels entre les mêmes protagonistes montrant que l'appelante n'a pas été exclue de la réunion du comité pédagogique tenue le 5 janvier 2016 puisqu'elle avait été convoquée depuis le 18 décembre 2015 et avait répondu à ce mail, en sorte que son absence à cette réunion résultait d'un oubli de sa part et non d'une mise à l'écart par la direction.

L'ensemble de ces éléments établit que la demande de passage à un temps complet de la fonction de directrice des études pour un effectif d'élèves réduit n'était pas justifiée.

Seule l'absence de présentation du responsable, M. [E] [P], lors de sa venue dans l'établissement pour recevoir les doléances des élèves sur les dysfonctionnements, n'est pas objectivement justifiée par l'employeur. Toutefois, ce seul fait isolé ne saurait constituer un agissement de harcèlement moral.

Il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes à ce titre.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

L'article L 4121-1 du Code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent

1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° des actions d'information et de formation,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En l'espèce, la salariée expose des arguments identiques au soutien de sa demande d'indemnisation du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité que ceux exposés dans le cadre du harcèlement moral.

Or, il a été retenu que la direction a réagi aux doléances de l'appelante en organisant des réunions de médiation puis une enquête interne menée par le CHSCT, en lui retirant quelques fonctions afin de lui permettre de se positionner sur les missions prioritaires relevant de sa fonction à temps partiel de directrice des études et en lui proposant l'aide d'un autre salarié.

Dès lors, le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est pas démontré.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes présentées de ce chef.

Sur les rappels de primes.

La salariée fait valoir que l'employeur est redevable de la prime de transformation, non réglée en 2015 et 2016, de la prime de professeur référent, non réglée en 2013 et 2014, et de la prime de résultat, jamais payée, au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Elle se fonde sur les stipulations contractuelles de l'avenant du 1er octobre 2011 applicable pour l'année scolaire 2011/2012, lequel stipule que cet avenant sera caduc au 30 septembre 2012. Or, ni l'avenant précédent signé le 20 septembre 2010, ni le contrat initial du 1er octobre 2009 ne prévoient l'octroi de primes.

Les demandes de la salariée doivent par conséquent être rejetées.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en rappel de primes.

Sur le licenciement.

L'article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à une cause réelle et sérieuse.

L'article L 1235-1 du même Code prévoit que le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il n'est pas possible de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf en cas d'inaptitude constatée par le médecin du travail. Toutefois, l'absence prolongée ou les absences répétées d'un salarié pour raisons de santé d'origine non professionnelle, sous réserve que la relation de travail soit à durée indéterminée, autorisent le licenciement lorsqu'elles perturbent le bon fonctionnement de l'entreprise au point de rendre nécessaire son remplacement définitif.

C'est à l'employeur qu'il incombe d'apporter la preuve tant de la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise que de la nécessité de procéder au remplacement définitif du salarié malade, sachant que ces deux critères s'apprécient au jour du licenciement.

En l'espèce, la salariée expose à titre principal que la rupture de son contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse, l'employeur ayant pris l'initiative de rompre le contrat alors qu'elle bénéficiait d'une garantie d'emploi de 30 jours à venir.

L'article 14 de la convention collective est ainsi rédigé :

« Sans préjudice des adaptations conventionnelles concernant les salariés titulaires d'un contrat de travail conclu dans le cadre de l'article L. 3122-28 du code du travail, après 1 an d'ancienneté au jour de l'arrêt médical, et en cas d'absence justifiée par l'incapacité résultant de la maladie ou d'un accident, professionnel ou non, dûment constatée par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, l'intéressé bénéficiera des dispositions suivantes, à condition d'avoir justifié, dans les 48 heures de cette incapacité, d'être pris en charge par la sécurité sociale et d'être soigné sur le territoire national ou dans l'un des pays de la Communauté économique européenne. Ces deux dernières conditions ne seront pas requises en cas de déplacement de service dans un pays extérieur à la Communauté économique européenne.

Pendant 30 jours, le salarié recevra la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler.

Pendant les 60 jours suivants, il recevra les 3/4 de cette même rémunération.

L'indemnisation interviendra après un délai de carence de 7 jours ouvrables pour la maladie et à compter du premier jour d'arrêt pour l'accident du travail ou la maladie professionnelle survenant dans l'entreprise. Toutefois, à raison d'une fois par an, de date à date, ce délai de carence sera ramené à 3 jours. De plus, pour un arrêt de travail égal ou supérieur à 30 jours, le délai de carence de 7 jours sera rétroactivement supprimé.

Le premier temps d'indemnisation sera augmenté de 15 jours par période entière de 5 ans d'ancienneté ; le deuxième temps d'indemnisation sera augmenté de 10 jours par période de même durée, sans que chacun de ces temps ne puisse excéder 90 jours.

Les garanties ci-dessus accordées s'entendent déduction faite des indemnités que l'intéressé perçoit des caisses de sécurité sociale ou des caisses complémentaires. En tout état de cause, cette déduction est limitée au salaire brut que l'intéressé aurait perçu pendant la période considérée.

En tout état de cause, ces garanties ne doivent pas conduire à verser à l'intéressé, compte tenu des sommes de toutes provenances perçues à l'occasion de la maladie ou de l'accident du travail, un montant supérieur à la rémunération nette qu'il aurait effectivement perçue s'il avait continué à travailler.

La rémunération à prendre en considération est celle correspondant à l'horaire pratiqué pendant son absence dans l'établissement ou partie d'établissement, sous réserve que cette absence n'ait entraîné une augmentation de l'horaire pour le personnel restant au travail.

Sur une même période de 12 mois, la durée d'indemnisation sera au maximum celle des périodes ci-dessus fixées.

En cas de maladie supérieure à 12 mois continus, le salarié ne peut bénéficier d'une nouvelle période d'indemnisation. Les droits visés à l'alinéa précédent sont réouverts dès la reprise du travail.

L'indemnisation calculée conformément aux dispositions ci-dessus interviendra aux dates habituelles de la paie.

14.2. Incidence de la maladie sur le contrat de travail

Les absences résultant de la maladie ou d'un accident, y compris les accidents du travail, et justifiées dans les 48 heures par certificat médical, ne constituent pas une rupture du contrat de travail.

Sans préjudice des dispositions régissant les accidents du travail et les maladies professionnelles visées aux articles L. 1226-6 et suivants du code du travail, si l'employeur est dans la nécessité de pourvoir au remplacement effectif du salarié absent, la notification de rupture du contrat de travail sera faite à l'intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception. Il ne pourra cependant pas être procédé à cette notification tant que le salarié n'aura pas épuisé ses droits complémentaires à indemnisation de maladie tels que définis ci-dessus.

S'il remplit les conditions, le salarié ainsi remplacé percevra, en outre, une indemnité égale à l'indemnité de licenciement à laquelle lui aurait donné droit son ancienneté en cas de licenciement et percevra l'indemnité de préavis prévu non effectué.

L'employeur, prenant acte de la rupture du contrat de travail par nécessité de remplacement, devra au préalable respecter une procédure identique à celle prévue en cas de licenciement par les articles L. 1232-2 et suivants du code du travail.

Au cours de l'absence du salarié pour maladie ou accident, l'employeur peut rompre le contrat de travail en cas de licenciement collectif, à charge pour lui de verser au salarié licencié l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement correspondantes ».

Il résulte de ces stipulations conventionnelles que la salariée bénéficiait de 115 jours de droits complémentaires à indemnisation de maladie pour une même période de 12 mois et qu'en cas de nécessité de pourvoir à son remplacement effectif en raison de son absence, l'employeur pouvait lui notifier la rupture du contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception, sous réserve que la salariée ait épuisé ses 115 jours de droits complémentaires à indemnisation de maladie.

Or, au vu des pièces produites par l'employeur (tableau intitulé « Etat des absences » à compter du 24 mai 2015 et état des absences du 1er juillet 2015 au 31 août 2016, outre les bulletins de salaire produits par l'appelante), celui-ci ne démontre pas que la salariée avait épuisé l'intégralité des jours en vertu de la garantie d'emploi, en sorte que le licenciement décidé en raison de la désorganisation du fonctionnement de l'entreprise occasionnée par l'absence prolongée de la salariée et la nécessité de procéder à son remplacement définitif est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le barème issu de l'ordonnance du 22 septembre 2017 n'est pas applicable au présent litige.

Au vu des éléments du dossier, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 8 790 € à titre de dommages et intérêts résultant de la rupture du contrat de travail avant l'expiration de la période de garantie d'emploi.

Sur la non-prise en compte des heures de travail en qualité de directrice des études du 1er septembre 2010 au 16 novembre 2015 et ses conséquences sur les cotisations retraite, le travail dissimulé, les RTT, le DIF.

La salariée fait valoir que, depuis le 1er septembre 2010, du fait du cumul des deux postes, elle travaillait à temps complet, alors que ses bulletins de salaire ne font mention que d'un temps partiel et de son emploi de formatrice, sans référence au nombre d'heures travaillées en qualité de directrice des études, seules les primes venant en rémunération de cette fonction étant précisées.

Elle en déduit qu'elle subit un préjudice financier de 100 000 € au titre la perte de sa pension de retraite au vu du rapport comptable réalisé à sa demande ' lequel part du postulat de l'accomplissement d'un temps complet - et estime qu'il lui est dû un reliquat sur l'indemnité compensatrice de congés payés, sur les droits individuels à la formation ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulé.

L'employeur soulève la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale applicable à toute action portant sur l'exécution du contrat de travail édictée par l'article L 1471-1 du Code du travail.

Il résulte de ces dispositions légales que la prescription d'une action en responsabilité résultant d'un manquement aux obligations nées du contrat de travail ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

La demande de la salariée portant sur les mentions des heures de travail sur ses bulletins de salaire a effectivement trait à l'exécution de son contrat de travail.

Il résulte du courriel du 27 mars 2015 adressé au directeur adjoint par la salariée comportant en objet « Question sur bulletin de paie » qu'elle a interrogé ce dernier sur le fait, qu'au vu de son relevé de carrière Carsat, elle n'aurait pas eu suffisamment d'activité pour compléter ses trimestres, depuis la « transformation » de son poste en 2010.

A la date du 27 mars 2015, elle avait par conséquent connaissance de l'existence de la réalisation d'un dommage susceptible d'être imputable à l'employeur en lien avec son temps de travail déclaré et par conséquent avec l'assiette de cotisation à la retraite et pouvait saisir la juridiction prud'homale jusqu'au 27 mars 2017.

Or, sa requête introductive date du 6 avril 2017, en sorte que ses demandes sont prescrites.

L'argument tiré du fait qu'elle n'aurait été informée de l'étendue exacte de son dommage qu'après réception du rapport Korus commandé par ses soins est inopérant, l'étendue d'un tel préjudice n'étant révélé qu'au moment de la liquidation de la retraite et la salariée ayant eu connaissance de la difficulté relative à l'assiette des cotisation dès mars 2015.

Il s'ensuit que la demande subsidiaire d'expertise comptable doit être également rejetée.

Sur les demandes accessoires.

La salariée sollicite la publication de l'arrêt dans les journaux locaux sans préciser le fondement juridique dont elle entend se prévaloir. Cette demande, non fondée, doit être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef

L'employeur sera tenu de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à la salariée dans la limite d'un mois.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Les dépens seront intégralement supportés par l'employeur.

Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

CONFIRME l'intégralité des dispositions du jugement du 21 janvier 2019 du conseil de prud'hommes de Montpellier ;

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE La Compagnie de Formation (LCF) aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DIT que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du Code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure la salariée.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/01029
Date de la décision : 28/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-28;19.01029 ?
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