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04/10/2022 | FRANCE | N°20/01986

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 04 octobre 2022, 20/01986


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 04 OCTOBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01986 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSRK



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 SEPTEMBRE 2017

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2016j368





APP

ELANTE :



Madame [G] [N] épouse [W]

née le 23 Avril 1968 à [Localité 6] (BELGIQUE)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par M...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 04 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01986 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSRK

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 SEPTEMBRE 2017

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2016j368

APPELANTE :

Madame [G] [N] épouse [W]

née le 23 Avril 1968 à [Localité 6] (BELGIQUE)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SARL TIMM PATRIMOINE, anciennement dénommée EURL ADDICTION prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Patrick DAHAN, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 27 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M.Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

FAITS, PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par acte sous seing privé du 10 mai 2016, la SARL Addiction a confié à [G] [N] épouse [W] la location-gérance d'un fonds de commerce de prêt-à-porter, sous l'enseigne Addiction, situé [Adresse 2] (66) pour une durée de trois années consécutives à compter du 10 mai 2016 jusqu'au 30 avril 2019.

Ce contrat prévoyait le versement par Mme [W] de redevances mensuelles de 2 100 euros TTC et d'un dépôt de garantie de 5 000 euros, payable au plus tard, le 10 juillet 2016.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception signé le 21 juillet 2016, la société Addiction a mis en demeure Mme [W] d'assurer l'exploitation du fonds sous dix jours et de régler la caution et les arriérés de redevance.

Saisi par acte d'huissier en date du 17 novembre 2016 délivré par la société Addiction aux fins de résiliation du contrat de location-gérance avec expulsion et de paiement, le tribunal de commerce de Perpignan a, par jugement du 5 septembre 2017 :

- dit que le contrat de location-gérance du 12 mai 2016 est valable,

- dit qu'il n'y a pas lieu de constater de faute de la part de la société Addiction, en qualité de bailleur,

- débouté Mme [G] [N] épouse [W] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [G] [N] épouse [W] à payer à la société Addiction :

* la somme de 21 000 euros correspondant aux loyers et charges dues à la date du prononcé du jugement, soit de juin 2016 inclus à mars 2017 inclus,

* la somme de 5 000 euros au titre du dépôt de garantie prévu au contrat,

* une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier terme de loyer, soit la somme de 2 100 euros, outre les charges et taxes récupérables, à compter du jour où la résiliation du bail sera prononcée jusqu'à la totale libération des lieux et la restitution des clefs,

- prononcé la résiliation du contrat de location gérance signé le 12 mai 2016,

- ordonné l'expulsion de la requise et de tous occupants des locaux loués, [Adresse 2] ('),

- ordonné à Mme [G] [N] épouse [W], de remettre les clefs du local loué, à l'Eurl Addiction, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du prononcé de la présente décision,

- donné acte à l'EURL Addiction de ce qu'elle se réserve le droit d'agir contre la défenderesse, aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts, en réparation des préjudices subis,

- ordonner l'exécution provisoire ('),

- alloué à l'EURL Addiction la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (').'

La restitution des clefs est intervenue le 31 janvier 2018.

Mme [W] a régulièrement relevé appel le 19 mai 2020.

Elle demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 26 mai 2020 via le RPVA, de :

'- vu les articles L. 114-3 du code de commerce, 1108, 1116, 1382, 1184, 1134, 1147 et 1169 du code civil,

- réformer le jugement dont appel,

- constater la nullité du contrat de location-gérance consenti à Mme [W], tant au visa de l'article L. 144-3 du code de commerce que pour défaut d'objet et pour dol,

- débouter la société Addiction de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manque à gagner,

Subsidiairement, vu le principe d'exception d'inexécution,

- débouter la société Addiction de l'intégralité de ses demandes pécuniaires formées à l'encontre de Mme [W],

- la condamner à verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manque à gagner,

Plus subsidiairement,

- condamner la société Addiction à verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manque à gagner,

- condamner la société Addiction à verser une somme de 24 000 euros pour manquement à son obligation de mettre à disposition de Mme [W] un fonds de commerce comprenant une clientèle,

- ordonner une compensation entre les sommes éventuellement dues,

- En tout état de cause, condamner la société Addiction à verser une somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens, avec distraction (...).'

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

- la société Addiction a donné son fonds de commerce en location-gérance, alors qu'elle n'a pas exploité ce fonds pendant deux ans, le contrat est nul,

- elle lui a consenti une location-gérance, alors qu'elle savait que sa précédente locataire, Mme [D] [V], s'était installée à proximité du fonds, pour exercer un fonds de commerce de même nature, en violation de l'obligation de non-concurrence qui la liait, n'ayant pas été informée de cette installation, relative à l'un des éléments du fonds de commerce, le loueur a commis un dol,

- le contrat de location-gérance est également nul pour défaut d'objet, en l'absence de toute clientèle, dès lors que celle-ci a été détournée par Mme [V],

- le défaut de délivrance de clientèle et l'absence de jouissance paisible du fonds justifient subsidiairement qu'elle oppose au loueur une exception d'inexécution,

- le défaut de délivrance de clientèle lui cause un préjudice devant être réparé à hauteur de la somme de 24 000 euros, somme qui correspond à l'indemnisation reçue par la société Addiction au titre de la violation de l'obligation de non-concurrence,

- elle n'est pas responsable des difficultés rencontrées par la société Addiction relativement à la mise en location du fonds depuis septembre 2016,

- la demande en paiement au titre du dépôt de garantie est en contradiction avec la demande de résiliation du contrat de location-gérance et ses conséquences,

- en tout état de cause, elle a subi un préjudice commercial, n'ayant pu exploiter le fonds dépourvu de clientèle, et un manque à gagner (perte de la saison d'été), devant se compenser avec toute condamnation.

Formant appel incident, la société Addiction sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 5 mai 2022 :

'- Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

- confirmer en son entier le jugement déféré, y ajoutant, et au titre de l'indemnité d'occupation mensuelle déjà allouée par le premier juge,

- condamner Mme [W] à porter et lui payer la somme de 21 000 euros au titre de l'indemnité d'occupation dont elle est redevable du mois d'avril 2017 inclus au 31 janvier 2018, date de restitution des clefs,

- condamner Mme [W] à porter et lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.'

Elle expose en substance que :

- le fonds de commerce a fait l'objet d'une exploitation en location-gérance pour la première fois au 1er avril 2014 après une exploitation directe pendant plus de trois ans, il n'est pas exigé que la période d'exploitation de deux ans précède directement le contrat par lequel le fonds est concédé en location- gérance,

- elle n'a pu obtenir en référé la cessation de l'activité concurrente, au motif que son propre établissement confié à Mme [W] était fermé et sans activité, ce qui ne permettait pas de caractériser l'existence d'un réel détournement de clientèle,

- la réinstallation du précédent locataire-gérant n'a été découverte que postérieurement à la signature du contrat de location-gérance courant juillet, à une date où Mme [W] était censée exploiter son fonds, celle-ci n'ayant jamais évoqué cette difficulté avant février 2017 en cours de première instance,

- Mme [W] n'a jamais exploité son fonds de commerce, travaillant dans un fonds de commerce ouvert et immatriculé au nom de son fils, un snack-bar, à [Localité 5],

- le défaut de clientèle ne peut être caractérisé dès lors que le fonds de commerce n'a jamais été exploité, Mme [W] ne démontre pas l'impossibilité qu'elle aurait eu d'exploiter le fonds de commerce et qui aurait justifié le non-respect de ses propres obligations contractuelles,

- la démonstration d'un préjudice commercial suppose la démonstration préalable d'un commencement d'exploitation,

- les clefs ayant été restituées en date du 31 janvier 2018, l'indemnité d'occupation reste due à hauteur de 21 000 euros.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 27 mai 2022.

MOTIFS de la DECISION :

1- Selon l'article L. 144-3 du code de commerce, abrogé depuis le 21 juillet 2019 par une loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, mais applicable en l'espèce, les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent avoir exploité pendant deux années au moins le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance.

L'article L 144-10 suivant du même code précise que tout contrat de location-gérance ou toute autre convention comportant des clauses analogues, consenti par le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de commerce ne remplissant pas les conditions prévues aux articles ci-dessus, est nul.

Il résulte des pièces produites que la société Addiction a acquis le fonds de commerce litigieux par un acte de cession en date du 29 mars 2011 et qu'elle l'a donné en location-gérance par contrat en date du 10 mars 2014, son expert-comptable précisant que l'exploitation a eu lieu du 19 mars 2011 au 31 mars 2014, soit pendant plus de deux années, de sorte que la condition relative à la durée préalable d'exploitation personnelle par le loueur était remplie lors de la souscription du contrat de location-gérance en date du 10 mai 2016 et la demande de nullité sur ce fondement ne pourra qu'être rejetée.

Selon les articles 1108, 1126 et 1131 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la validité d'une convention nécessite, notamment, un objet certain, qui forme la matière de l'engagement, telles qu'une chose qu'une partie s'oblige à donner, à faire ou à ne pas faire et une cause licite dans l'obligation, toute obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne pouvant avoir aucun effet.

La découverte par la société Addiction d'une activité concurrente à proximité, exercée par son ancienne salariée, dans une volonté de détourner la clientèle, qui, démontre, au demeurant, la matérialité de cet élément du fonds de commerce, a été concomitante à la signature du contrat de location-gérance avec Mme [W] ; elle fait obstacle à toute caractérisation d'un défaut d'objet et de cause de ce contrat, la clientèle étant manifestement existante et le fonds de commerce ayant été entièrement délivré.

L'article 1116 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 131-2016 du 10 février 2016, applicable en l'espèce, dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume point et doit être prouvé.

Comme indiqué ci-dessus, parallèlement à la signature du contrat de location-gérance, la société Addiction a immédiatement mis en demeure son ancienne salariée de cesser toute violation de la clause de non-concurrence la liant sans que Mme [W] ne rapporte la matérialité de toute velléité de dissimulation, cette activité étant située à moins de 300 mètres dans le centre de [Localité 7], qui l'aurait poussée à contracter alors qu'elle n'a jamais argué de la moindre difficulté tenant à un tel exercice avant février 2017, se contentant d'exposer des difficultés d'ordre financier (échange de courriels entre les 6 juin et 25 juillet 2016) ou des 'problèmes de santé' dans une déposition aux services de gendarmerie le 10 octobre 2016 pour expliquer le non-paiement de la redevance.

La société Addiction démontre pour sa part à l'appui d'une ordonnance de référé en date du 2 août 2016 du président du tribunal de commerce de Perpignan, dans le litige l'ayant opposée à son ancienne salariée, qui constate que 'son établissement est fermé et sans activité' (rejetant à ce titre sa demande de fermeture de l'activité concurrente) et d'attestations émanant d'autres commerçants, que Mme [W] n'a jamais débuté l'exploitation du fonds de commerce loué, ayant une activité dans le fonds de commerce de restauration de son fils, situé à Argelès-sur-Mer, et ne peut dès lors se prévaloir qu'une quelconque exception d'inexécution reprochée à son loueur.

En conséquence, la demande de nullité du contrat de location-gérance ainsi que les demandes d'indemnisation formées par Mme [W] à hauteur de 10 000 euros au titre d'un manque à gagner dans l'exploitation d'un fonds de commerce, qu'elle n'a pas effectuée et celle à hauteur de '24 000 euros pour manquement à l'obligation de mettre à sa disposition un fonds de commerce comprenant une clientèle' (sic), et, le cas échéant, de compensation subséquente, ne pourront qu'être rejetées.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé dans toutes ses dispositions.

2- Il est établi que Mme [W] est débitrice en qualité de locataire-gérant d'une indemnité d'occupation mensuelle depuis le mois d'avril 2016 jusqu'au 31 janvier 2018, date à laquelle le fonds de commerce a été restitué, de sorte qu'elle sera condamnée, en complément de la condamnation prononcée par le premier juge jusqu'au mois de mars 2017 inclus, à verser la somme de 21 000 euros au titre de l'indemnité d'occupation due du mois d'avril 2017 au 31 janvier 2018, date de restitution des clefs sur la base d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier terme de loyer, soit la somme de 2 100 euros, outre les charges et taxes récupérables, étant rappelé que le contrat de location-gérance est résilié et non résolu.

Le jugement sera confirmé et complété de ce chef.

3- Succombant sur son appel, Madame [W] sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 3 000 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 5 septembre 2017,

Y ajoutant,

Condamne [G] [N] épouse [W] à verser à la SARL Timm Patrimoine, anciennement Addiction, la somme de 21 000 euros au titre de l'indemnité d'occupation due entre le 1er avril 2017 et le 31 janvier 2018, date de restitution des clefs,

Condamne Mme [W] à payer à la société Timm Patrimoine, anciennement Addiction, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de Mme [W] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [W] aux dépens d'appel.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/01986
Date de la décision : 04/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-04;20.01986 ?
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