Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre de la famille
ARRET DU 21 OCTOBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/02916 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PN6V
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 13 MAI 2022
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PERPIGNAN
N° RG 19/00768
APPELANTE :
Madame [V] [Z] [I]
née le 03 Septembre 1964 à [Localité 4] (88)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant, et par Me Jean CODOGNES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, plaidant
INTIME :
Monsieur [S] [W]
né le 08 Juin 1963 à [Localité 6] (ESPAGNE)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 30 Août 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre
Madame Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère
Madame Morgane LE DONCHE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Séverine ROUGY
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et par Madame Séverine ROUGY, greffière.
*
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EXPOSÉ DU LITIGE
M. [S] [W] et Mme [V] [I] se sont mariés le 17 août 1996 sous le régime de la séparation de biens, selon contrat de mariage passé le 30 juillet 1996.
Le 23 avril 2010, M. [S] [W] a déposé une requête en divorce au greffe du juge aux affaires familiales de Perpignan, lequel a rendu le 13 décembre 2010 une ordonnance de non-conciliation ayant notamment attribué à l'épouse la jouissance du domicile conjugal à titre onéreux.
Suite à l'assignation en divorce signifiée le 10 juin 2013 par l'époux, leur divorce a été prononcé par la cour d'appel de Montpellier aux termes d'un arrêt en date du 2 novembre 2016 ayant confirmé un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 25 août 2015 en ce qu'il a prononcé le divorce et ordonné la liquidation et le partage des droits patrimoniaux, mais l'ayant infirmé sur la prestation compensatoire que cette dernière s'est vue allouer en la forme d'un capital de 60 000 euros.
Par acte d'huissier en date du 13 février 2019, M. [S] [W] a fait assigner Mme [V] [I] devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Perpignan afin, notamment, de voir dire qu'il n'y a pas eu transaction, ni accord entre les parties, qu'il soit procédé au partage de l'indivision par voie d'attributions, qu'il soit statué sur la fixation des indemnités d'occupation dues à l'indivision par Mme [V] [I] ainsi que par la Société Conseil Habitat constituée entre les parties, et que Mme [V] [I] soit condamnée à lui payer 15 000 euros de dommages et intérêts outre des frais irrépétibles et les entiers dépens.
Par jugement contradictoire en date du 13 mai 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Perpignan a pour l'essentiel :
- rejeté la demande de Mme [V] [I] d'opérer le partage selon les termes de l'accord entre les parties du 28 mars 2018,
- ordonné la réouverture des débats sur les moyens relevés d'office de':
* la rétractation par M. [W] de l'offre du 28 mars 2018 conformément à l'article 1116 du code civil et les conséquences à en tirer,
* l'application des dispositions de l'article 1364 du code de procédure civile relatives aux partages complexes,
invité les parties à s'expliquer sur ces points,
renvoyé l'affaire à une mise en état du 2 septembre 2022,
sursis à statuer sur les différentes demandes,
réservé les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe en date du 31 mai 2022, Mme [V] [I] a interjeté appel de cette décision, aux fin d'annulation et en toutes hypothèses de réformation en ses chefs relatifs au rejet de la demande de partage selon les termes de l'accord entre les parties du 28 mars 2018 et à la réouverture des débats sur les moyens relevés d'office de la rétractation par M. [S] [W] de l'offre du 28 mars 2018 conformément à l'article 1116 du code civil et les conséquences à en tirer, et à l'application des dispositions de l'article 1364 du code de procédure civile relatives aux partages complexes.
Par ordonnance de la présidente de chambre en date du 24 juin 2022, l'affaire a été fixée à bref délai devant la cour à l'audience du 6 septembre 2022.
Les dernières écritures de l'appelante ont été déposées au greffe par communication électronique le 25 juillet 2022, et celles de l'intimé le 19 août 2022.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 août 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans le dispositif de ses dernières écritures en date du'25 juillet 2022, Mme [V] [I] demande à la cour, au visa des articles'1163, 1196, 1104, 1116, 1118 et 1113 à 1122 du code civil, de ':
réformer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé recevable la rétractation intervenue après l'acceptation de l'offre,
réformer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté sa demande d'opérer le partage selon les termes de l'accord entre les parties du 28 mars 2018,
constater l'accord intervenu entre les parties,
dire que cet accord à force de loi entre M. [W] et elle-même,
ordonner le partage conformément à l'accord intervenu,
condamner M. [W] au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans le dispositif de ses dernières écritures en date du 19 août 2022, M. [S] [W] forme appel incident, et demande à la cour, au visa des articles 1101, 1102, 1104, 1984, 2244 et suivants du code civil, de':
infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a constaté qu'il avait rétracté son offre,
lui donner acte de ce qu'il n'est pas opposé à la désignation d'un Notaire,
débouter Mme [V] [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
dire et juger qu'il n'y a pas eu de transaction ni d'accord entre les parties,
condamner Mme [I] au paiement de la somme de 15'000 € à titre de dommages et intérêts,
condamner Mme [I] au paiement de la somme de 5'000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner Mme [I] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP VIAL' PECH de LACLAUSE ' ESCALE ' KNOEPFFLER, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.
SUR QUOI, LA COUR,
Sur l'étendue de l'appel et l'objet du litige
L'étendue de l'appel est déterminée par la déclaration d'appel et peut être élargie par l'appel incident ou provoqué (articles 562 et 910 4°) alors que l'objet du litige est déterminé par les conclusions des parties (article 910-4 du code de procédure civile). L'objet du litige ne peut s'inscrire que dans ce qui est dévolu à la cour et les conclusions ne peuvent étendre le champ de l'appel.
Par ailleurs, en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent expressément formuler les prétentions des parties, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
De par l'appel principal de Mme [V] [I] et l'appel incident de M. [S] [W], la cour est saisie des chefs relatifs :
à l'existence d'une transaction valable entre les parties,
à l'existence d'une rétractation d'offre par M. [S] [W],
à la demande de partage,
à la réouverture des débats pour que les parties s'expliquent sur les moyens soulevés d'office,
à la demande de dommages et intérêts,
aux dépens et frais irrépétibles.
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Sur l'existence d'un accord transactionnel et d'une rétractation d'offre de transiger par M. [S] [W]
' Après avoir considéré que Me [M], notaire, avait bien le pouvoir de représenter et d'engager M. [W], ce qui ressortait clairement des termes de son courriel en date du 28 mars 2018 adressé à Maître [P] et à chacun des avocats des parties, le premier juge a estimé que l'offre faite par ce notaire pour le compte de M. [S] [W] et qui n'était assortie d'aucune réserve, ni condition de renonciation de Mme [V] [I] et sans garantie qu'elle y consentirait, a été acceptée par cette dernière qui a apposé un bon pour accord dès le 30 mars 2018, avant l'expiration du délai d'acceptation fixé au 2 mai 2018.
Il en a déduit que M. [S] [W], s'est trouvé lié par la convention transactionnelle ainsi valablement conclue, et que l'assignation aux fins de partage judiciaire qu'il a ensuite fait signifier à Mme [V] [I] vaut rétractation de l'offre émise pour son compte par Maître [M].
' Mme [V] [I] demande à la cour d'infirmer la décision déférée, faisant valoir que le premier juge a statué par contradiction de motifs en constatant que l'offre ferme et dépourvue de condition de renonciation de Me [M], qui représentait valablement M. [S] [W], avait été acceptée par elle-même avant la fin du délai d'expiration fixé au 2 mai 2018 par son auteur, avant d'estimer, au visa de l'article 1116 du code civil, que l'assignation signifiée par M. [S] [W] pouvait valoir rétractation de cette offre après qu'elle ait été acceptée.
Elle expose que le mandat entre M. [S] [W] et Maître [M], qui peut être verbal et n'est soumis à aucune forme par l'article 1985 du code civil, s'évince en l'espèce de la profession de notaire du mandataire et des circonstances objectives de l'acte lui-même.
' M. [S] [W] conclut à titre incident à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a considéré qu'il s'était rétracté de l'offre du 28 mars 2018, faisant valoir, sur le fondement de l'article 2045 du code civil, qu'il n'y a jamais eu accord entre les parties ni transaction, à défaut de mandat de transiger en son nom confié à son notaire, ajoutant que le premier juge a fait une lecture erronée des échanges écrits versés au débat.
Il ajoute que Mme [V] [I] ne saurait mieux se prévaloir de la théorie du mandat apparent eu égard à la longueur des négociations auxquelles les parties ont toujours été présentes simplement assistées de leur notaire respectif, comme le démontre le bon pour accord que Maître [P] a fait écrire à sa cliente précisément parce qu'elle ne pouvait la représenter à défaut de mandat valable pour l'engager et transiger.
M. [S] [W] conclut en outre que la condition de l'article 2044 du code civil, qui impose des concessions réciproques pour que puisse être retenue l'existence d'une transaction, n'est pas vérifiée puisque s'il proposait une donation de sa part indivise à ses filles afin d'éviter à Mme [V] [I] d'avoir à débourser une soulte en contrepartie de l'attribution de l'immeuble, cela ne pouvait se faire que moyennant renonciation par cette dernière au bénéfice de la prestation compensatoire puisqu'il n'est inspiré d'aucune intention libérale pour accepter un accord par lequel Mme [V] [I] ne ferait aucune concession, et que ce point n'ayant jamais été sujet à discussion, le notaire ne l'a pas repris dans son mail du 28 mars 2018 pas plus que les autres termes de sa proposition qui étaient déjà entérinés.
' Réponse de la cour:
L'article 1988 du code civil dispose que le mandat conçu en termes généraux n'embrasse que les actes d'administration, s'il s'agit d'aliéner ou d'hypothéquer ou de quelque autre acte de propriété le mandat doit être exprès.
L'article 1989 dispose ensuite que le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat : le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compromettre.
Par ailleurs, selon l'article 2045 du code civil, pour transiger il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction.
Il s'évince de ces dispositions, que nonobstant la liberté de preuve de l'étendue du mandat, celui-ci doit faire l'objet d'une interprétation stricte, dans l'appréciation de son contenu par le juge.
Ce principe d'interprétation stricte justifie que le mandat tacite soit généralement limité aux seuls actes d'administration, un mandat spécial étant requis lorsqu'il s'agit d'effectuer des actes de disposition permettant d'engager le mandataire.
La cour de cassation a ainsi jugé qu'un mandat confié à un notaire pour élaborer un projet définitif de vente et établir les formalités de cette vente ne vaut pas mandat exprès de vendre (Cass. 3e civ. 17 juill. 1991).
En l'espèce, il résulte des éléments soumis à la cour que le courriel que le notaire Maître [M] a adressé le 28 mars 2018 à sa consoeur Maître [P], a été précédé de longues discussions et propositions des parties et de leurs conseils et dont il s'évince que les échanges entre les deux notaires ont été amplement nourris et conditionnés tant par les courriers que l'avocat de M. [S] [W] a adressés à Maître [P], notaire de Mme [V] [I], que par les correspondances qu'il a destinées à l'avocat de cette dernière auxquelles il a conféré un caractère officiel, ce qui l'autorise à les verser au débat.
La cour constate en particulier que deux courriers officiels de l'avocat de M. [S] [W], l'un en date du 21 août 2017 adressé à Maître [P], l'autre en date du 22 novembre 2017 adressé à l'avocat de Mme [V] [I], démontrent que les discussions transactionnelles ont intégré de façon constante, à titre de concessions réciproques essentielles qui sont de l'essence même d'une transaction, l'abandon par M. [S] [W] de ses droits indivis en pleine propriété sur le bien occupé par Mme [V] [I] soit moyennant donation consentie aux deux filles communes, soit par abandon de sa part directement au profit de Mme [V] [I], à charge pour elle d'en consentir donation à leurs deux enfants avec dispense de versement de soulte de sa part, mais toujours en contrepartie de sa renonciation au paiement de la prestation compensatoire.
L'économie de ce projet d'accord transactionnel avec concessions réciproques, élaboré entre les parties et leurs avocats avec l'assistance de leurs notaire respectif, Maître [P] et Maître [M], et qui intégrait un règlement complet de la liquidation des droits patrimoniaux entre les ex-époux, s'évince au demeurant clairement du courrier officiel daté du 5 janvier 2018 que l'avocat de M. [S] [W] a adressé à celui de Mme [V] [I] et par lequel il informait son confrère du dépôt sur son compte CARPA de la somme de 62 000 € correspondant au montant de la prestation compensatoire, en ajoutant 'bien entendu le paiement vous sera adressé dès que sera signé le procès-verbal de difficultés que votre cliente et Maître [P] s'ingénient depuis de nombreux mois à retarder'. Bien sûr ce paiement aura pour signification de rendre caduques les propositions amiables pourtant extrêmement avantageuses que mon client proposait à votre cliente.'
Il est ainsi établi que la renonciation par Mme [V] [I] à la prestation compensatoire de 62 000 euros a toujours été pour M. [S] [W] une condition déterminante d'un accord transactionnel dans le cadre de la liquidation des droits indivis des parties.
S'il est admis qu'en raison de l'autorité et de l'honorabilité qui s'attachent aux fonctions du notaire, il n'y a pas lieu de vérifier l'étendue de ses pouvoirs de mandataire, il résulte des circonstances de fait de l'espèce que Mme [V] [I] ne peut légitimement pas se prévaloir, sur la seule base du courriel que Maître [M] a adressé le 28 mars 2018 à sa consoeur Maître [P], de l'apparence d'un mandat spécial de transiger dont il aurait été investi au nom de M. [S] [W], pour en conclure que le bon pour accord qu'elle y a apposé deux jours plus tard, aurait valablement concrétisé une transaction définitive avec M. [S] [W] après des mois de négociations menées entre les parties, chacune assistée de son avocat respectif.
Le contenu du courriel de Maître [M] en date du 28 mars 2018 doit être analysé à la lumière des nombreux échanges qui l'ont précédé, intervenus entre l'avocat de M. [S] [W] et celui de Mme [V] [I], comme avec Maître [P], qui les a elle-même rappelés de façon non exhaustive dans son procès-verbal de difficultés du 27 février 2019.
Comme Maître [M] l'a écrit à Maître [P] le 18 avril 2018 et l'a réitéré par courriel du 4 mai 2018, l'accord des parties ne pouvait s'entendre que du règlement d'une situation définitive entre les ex-époux, avec concessions réciproques et incluant ainsi nécessairement, en contrepartie de l'attribution à Mme [V] [I] de la maison en pleine propriété, sans soulte et avant donation de la moitié indivise en pleine propriété à ses filles, la restitution par l'avocat de Mme [V] [I] à celui de M. [S] [W] du montant de la prestation compensatoire qui lui avait été versée sur son compte CARPA le 3 avril 2018 mais dont il ne s'était pas dessaisi précisément en l'absence d'aboutissement des pourparlers, ainsi que la cession par Mme [V] [I] de sa portion très minoritaire des parts dans le capital des sociétés constituées entre les ex-époux, le remboursement par moitié d'un emprunt et la clôture d'un compte indivis.
La cour considère au vu des éléments soumis à son appréciation, que le fait que Maître [M] ait valablement échangé et discuté dans l'intérêt de M. [S] [W] avec sa consoeur Maître [P] en vue de tenter d'élaborer un projet liquidatif global et définitif de ses intérêts patrimoniaux avec son ex-épouse, ne caractérise pas l'existence d'un mandat exprès ou tacite de transiger en son nom et pour son compte, et ce d'autant moins que M. [S] [W] était également assisté tout au long de la période de négociation de son avocat qui aurait pu se prévaloir seul d'un mandat apparent en dehors de tout procès, alors que le mandat du notaire n'est qu'accessoire et ne déroge pas au principe de l'exigence d'un mandat spécial pour transiger.
C'est par une application erronée des dispositions légales précitées, qui imposent une interprétation restrictive du mandat spécial que requiert le pouvoir de transiger pour le compte d'autrui, que le premier juge a considéré que Maître [M] était investi d'un mandat de transiger pour le compte de M. [S] [W].
Mme [V] [I] n'est pas plus légitime à se prévaloir d'un mandat apparent de Maître [M], au regard des mois de négociations menées par l'avocat de M. [S] [W] avant l'envoi du courriel litigieux à son notaire par Maître [M].
A défaut de pouvoir spécial de transiger pour son compte et en son nom confié à Maître [M] par M. [S] [W], aucune transaction engageant ce dernier n'a pu résulter du bon pour accord de Mme [V] [I] sur le courriel adressé le 28 mars 2018 à Maître [P], dont le contenu ne valait au surplus pas offre précise et complète de transiger sur la liquidation des entiers droits patrimoniaux des parties.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce que faute d'offre de transiger susceptible d'acceptation ayant émané du notaire [M], il n'a pu y avoir aucune rétractation d'offre de la part de M. [S] [W], et qu'il n'y a donc aucune conséquence à tirer de l'assignation en partage au regard des dispositions de l'article 1116 du code civil qui n'avaient pas lieu de s'appliquer et d'être relevées d'office par le premier juge.
L'infirmation s'impose donc également sur le sursis à statuer ordonné sans motif de droit valable par le premier juge.
Sur les autres demandes
Saisie de l'appel d'un jugement ayant réouvert les débats après avoir invité les parties à s'expliquer sur des moyens relevés d'office à tort, et ayant de ce fait sursis à statuer sur la demande de partage judiciaire et sur la demande de dommages et intérêts de M. [S] [W] en réservant dépens et frais irrépétibles, la cour qui considère que le partage judiciaire doit être ordonné sans sursis à statuer, estime qu'il est d'une bonne justice de faire usage de sa faculté d'évocation, en application de l'article 568 du code de procédure civile, pour statuer sur les chefs non tranchés par le premier juge et sur lesquels les parties ont été mises en mesure de conclure au fond.
Sur la demande de partage
' Ayant considéré qu'en assignant Mme [V] [I], M. [W] a exprimé sa volonté de rétracter de manière non équivoque l'offre faite par son notaire et de ne plus être lié, faisant ainsi obstacle à ce que la transaction entre les parties puisse s'exécuter, le premier juge en a déduit que la demande de Mme [V] [I] d'opérer conventionnement le partage, selon les termes de l'accord du 28 mars 2018, devait être rejetée.
' Mme [V] [I] demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel tant en ce que le premier juge a rejeté sa demande d'opérer le partage selon les termes de l'accord qui est selon elle intervenu entre les parties le 28 mars 2018 et qui fait force de loi entre eux, qu'en ce qu'il a ordonné la réouverture des débats sur des moyens qu'il a soulevés d'office sans respecter selon elle le contradictoire.
' M. [S] [W] conclut qu'il n'y a pas eu de transaction ni d'accord, et demande conséquemment à la cour de débouter Mme [V] [I] de sa demande de voir ordonner le partage conventionnel sur la base de ses propositions, tout en lui 'donnant acte' de ce qu'il n'est pas opposé à la désignation d'un notaire.
' Réponse de la cour:
Mme [V] [I] ne conteste pas le principe du partage, sauf à ce qu'il soit ordonné sur la base d'un accord transactionnel qu'elle estime parfait, et M. [S] [W] qui l'a faite assigner 13 février 2019 aux fins de partage judiciaire ayant donné lieu à la décision dont appel, ne forme pour sa part aucun appel incident, ni aucune prétention de ce chef.
L'article 815 du code civil dispose que nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.
L'article 842 dispose ensuite que le partage est fait en justice lorsque l'un des coindivisaires refuse de consentir au partage amiable, ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer.
L'article 1360 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises pour parvenir à un partage amiable.
Il résulte en outre des dispositions des articles 1361, 1364 et 1371 applicables à la liquidation de l'indivision existant entre les parties, ex-époux, que le tribunal qui ordonne le partage désigne, si la complexité des opérations le justifie, un notaire choisi par les co-partageants, ou à défaut d'accord, par le tribunal, pour procéder aux opérations de partage, et commet un juge pour surveiller ses opérations et veiller à leur bon déroulement dans le respect du délai prescrit par l'article 1368.
A défaut d'accord transactionnel intervenu entre les parties, Mme [V] [I] doit être déboutée de sa demande de voir opérer un partage conventionnel selon des attributions qu'elle estime acquises aux termes de ses conclusions.
La confirmation du jugement déféré sera prononcée de ce chef.
La cour qui ne peut que prendre acte de l'échec d'une longue tentative de partage amiable ayant existé entre les parties à l'instar de ce que le premier juge a relevé, estime par contre que le partage judiciaire de l'indivision existant entre les parties doit désormais être ordonné.
Considérant que l'indivision existant entre les parties comporte notamment des immeubles et des parts sociales et qu'il existe des contestations quant aux attributions, la cour juge qu'il s'agit d'un partage complexe comme le premier juge l'a justement apprécié, mais considère par contre à l'inverse de ce que ce dernier a retenu, qu'eu égard aux demandes respectives des parties et à l'assignation en partage judiciaire que M. [S] [W] a fait signifier et qui a donné lieu au jugement déféré, il n'y avait aucunement lieu à surseoir à statuer sur ce chef dont le premier juge était saisi et sur lequel les parties avaient déjà été en mesure de s'expliquer contradictoirement.
Le procès-verbal de difficultés qui a été dressé par Maître [P] le 27 février 2019 ayant été établi sur la base des revendications de Mme [V] [I] dans le cadre d'un partage transactionnel qu'elle prétend parfait, mais que la cour a jugé inexistant, ne peut valoir procès-verbal de difficultés au sens de l'article 1366 du code de procédure civile applicable en matière de partage complexe.
Pour dresser un projet d'état liquidatif et un procès-verbal de difficultés qui soit le reflet objectif des dires de chaque indivisaire et permettre la poursuite de la procédure de partage judiciaire complexe ainsi ordonné en l'absence d'accord entre les co-partageants, le notaire doit être commis par le tribunal et en l'espèce par la cour en application de l'article 1364 du code de procédure civile, sans qu'aucun des deux notaires ayant assisté et conseillé chacune des parties dans le cadre des pourparlers ne peut être commis.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a ordonné la réouverture des débats, sans ordonner le partage judiciaire.
La cour, statuant à nouveau, ordonne le partage judiciaire de l'indivision ayant existé entre M. [S] [W] et Mme [V] [I], et s'agissant d'un partage complexe, désigne le Président de la chambre des notaires des Pyrénées-Orientales avec mission de commettre l'un de ses confrères, qui n'aura pas instrumenté pour l'une ou l'autre des parties.
Les parties seront renvoyées devant le notaire qui sera désigné afin d'établir en toute impartialité et objectivité un projet d'état liquidatif et un procès-verbal de difficultés reprenant leurs dires respectifs, le juge du tribunal judiciaire de Perpignan, qui devra être commis, étant chargé de faire rapport au tribunal des points de désaccords subsistants sur lesquels cette juridiction de première instance devra alors statuer.
Sur l'appel incident de M. [S] [W] aux fins de condamnation de Mme [V] [I] à des dommages et intérêts
' Après avoir ordonné la réouverture des débats, le premier juge a sursis à statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [S] [W] à l'encontre de Mme [V] [I].
' Au soutien de son appel incident tendant à l'infirmation du jugement déféré de ce chef et à la condamnation de son ex-épouse à lui payer 15 000 euros de dommages et intérêts, M. [S] [W] fait valoir que Mme [V] [I] lui a causé un préjudice en ce qu'elle n'a pas satisfait à son engagement de renoncer à la prestation compensatoire, l'ayant ainsi contraint à souscrire un prêt dont il doit à présent régler les intérêts, afin de régler le capital de 60 000 euros qui a été alloué à Mme [V] [I] par la cour.
Il ajoute que Mme [V] [I], qui occupe un immeuble indivis, se joue du système judiciaire en faisant durer la procédure de partage et en faisant preuve de mauvaise foi, ce qui lui est particulièrement préjudiciable.
' En cause d'appel, Mme [V] [I] n'a pas conclu sur cette prétention formée par M. [S] [W], sur laquelle le premier juge a sursis à statuer.
' Réponse de la cour :
Bien que M. [S] [W] ne précise pas le fondement juridique de sa demande de dommages et intérêts, celle-ci s'analyse en une action en responsabilité délictuelle fondée sur les dispositions précitées de l'article 1240 du code civil et qui dispose que 'tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
Le succès d'une telle action suppose que M. [S] [W] démontre l'existence d'une faute commise par Mme [V] [I], d'un préjudice matériel, économique ou moral qu'il subirait et d'un lien direct de causalité.
Or, force est de constater que le versement de la prestation compensatoire de 60 000 euros en capital résulte de la condamnation définitive et exécutoire prononcée par la cour d'appel de Montpellier à l'encontre de M. [S] [W], de sorte qu'il n'existe aucun lien de causalité entre l'échec des pourparlers dans le cadre la tentative de partage amiable et l'emprunt contracté par ce dernier pour s'acquitter de cette condamnation exécutoire.
En outre, M. [S] [W] ne rapporte pas la preuve que Mme [V] [I] ait fait preuve personnellement dans le cadre de leurs pourparlers d'une mauvaise foi blâmable et fautive qui lui ait causé directement un préjudice, alors qu'elle n'était tenue d'aucune obligation de satisfaire à une condition de renoncer à l'exécution d'un arrêt lui ayant alloué une prestation compensatoire au titre de la disparité créée par la rupture du mariage, en contrepartie d'une proposition de M. [S] [W] de faire donation de sa part de l'immeuble indivis à ses filles.
Enfin, M. [S] [W], qui a assigné en partage, était tout à fait à même d'interrompre quand il l'entendait dès avant la fin de l'année 2017 la phase amiable des négociations pour soumettre au juge ses prétentions s'il estimait que celles-ci s'enlisaient, sans que son abstention en ce sens ne puisse justifier que soit imputée à Mme [V] [I] une attitude dilatoire.
Pour le surplus, la cour n'est pas tenue de suivre M. [S] [W] dans les méandres de son argumentation s'agissant de ses développements relatifs à une indemnité d'occupation due à l'indivision et à la gestion des biens indivis qui sont sans incidence sur la solution de l'actuel litige et qu'il lui appartiendra d'invoquer devant le notaire qui sera nommé pour établir un projet d'état liquidatif, et en cas de désaccord persistant, un procès-verbal de difficultés reprenant les points contestés sur la base duquel les parties soumettront leurs prétentions au juge afin qu'il les tranche en vue de l'établissement d'un acte définitif de liquidation partage sur la base de sa décision.
M. [S] [W] sera débouté de son action en responsabilité et de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de Mme [V] [I].
Sur les demandes annexes
Le premier juge ayant sursis a statuer, a réservé les dépens et les frais irrépétibles.
La cour infirmant partiellement le jugement déféré et ordonnant le partage judiciaire, estime qu'il y a lieu d'évoquer sur les dépens et les demandes au titre des frais irrépétibles de première instance.
Les dépens de première instance seront considérés comme frais privilégiés de partage.
L''équité ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance.
Chaque partie succombant en son appel, ils conserveront chacun leurs propres dépens.
Dans ce contexte, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile entre les parties devant la cour.
M. [S] [W] et Mme [V] [I] seront ainsi déboutés de leur demande respective d'indemnité pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions déférées, critiquées à l'exception du chef confirmé concernant le rejet de la demande de Mme [V] [I] d'opérer le partage selon les termes d'un accord intervenu selon elle entre les parties le 28 mars 2018,
STATUANT A NOUVEAU des chefs déférés, critiqués et infirmés,
DIT que le courriel de Maître [M] en date du 28 mars 2018 n'a pu valoir offre de partage transactionnel au nom et pour le compte de M. [S] [W],
DIT qu'aucune acceptation d'offre de transaction quant au partage n'a résulté du bon pour accord de Mme [V] [I] en réponse au courriel de Maître [M] en date du 28 mars 2018,
DIT que l'assignation en partage judiciaire signifiée à Mme [V] [I] à la requête de M. [S] [W] n'a ainsi pu valoir rétractation d'offre de transaction,
DIT qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur les demandes des parties, ni à réouverture des débats pour qu'ils s'expliquent sur des moyens qui n'ont pas lieu d'être relevés d'office, ni sur l'application de l'article 1116 du code civil,
ÉVOQUANT,
ORDONNE le partage judiciaire de l'indivision ayant existé entre M. [S] [W] et Mme [V] [I],
DIT que la complexité des opérations de partage justifie qu'un notaire soit désigné et qu'un juge du tribunal judiciaire de Perpignan soit commis pour surveiller ces opérations de partage complexe, en application des dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile,
DÉSIGNE le président de la chambre des notaires des Pyrénées- Orientales avec mission de commettre l'un de ses confrères, qui n'aura pas conseillé l'une ou l'autre des parties, et qui les convoquera afin d'établir en toute objectivité un projet d'état liquidatif, et faute d'accord, un procès-verbal de difficultés reprenant avec impartialité leurs dires respectifs, le juge commis étant chargé de faire rapport au tribunal des points de désaccords subsistants, sur lesquels cette juridiction de première instance devra, le cas échéant, statuer, après avoir été à nouveau saisie par les parties,
DÉBOUTE M. [S] [W] de son action en responsabilité et de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Mme [V] [I],
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
DIT que les dépens de première instance sont considérés comme frais privilégiés de partage,
Y AJOUTANT,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
DÉBOUTE chaque partie de sa demande au titre des frais irrépétibles,
DIT que chaque partie conserve à sa charge ses propres dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
SR/NLP