Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/04224 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OGRZ
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 21 MAI 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG F 17/00439
APPELANTE :
Madame [G] [R]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me BEYNET, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
SAS DISTRIPER La société DISTRIPER,, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège,
Représentée par Me Marion GRECIANO, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me MARCY, avocat au barreau de NIMES (plaidant)
Ordonnance de clôture du 24 Août 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
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FAITS ET PROCÉDURE
[G] [R] a été engagée par la SAS DISTRIPER, exploitant sous l'enseigne 'Super U', à compter du 1er septembre 1999, selon contrat de travail initialement à durée déterminée.
Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de chef caissière avec un salaire mensuel brut de l'ordre de 2 200€.
Elle a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 30 juin 2017.
Le 11 septembre 2017, estimant que son état de santé était dû au comportement déloyal de l'employeur, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan aux fins, notamment, de prononcer la résiliation du contrat de travail.
Le 7 décembre 2017, à l'issue de la visite médicale de reprise, elle a été déclarée par le médecin du travail 'inapte à tous les postes dans l'entreprise, le groupe et ses filiales... article R. 4624-42 du code du travail : l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.
[G] [R] a été licenciée par lettre du 5 janvier 2018 pour le motif suivant : 'inaptitude définitive à tous les postes dans l'entreprise, le groupe et ses filiales constatée par le médecin du travail à l'issue de votre visite médicale de reprise du 7 décembre 2017 ; le fait que votre état de santé fasse obstacle à tout reclassement dans un emploi conformément à l'article R. 4624-42 du code du travail'.
Par jugement du 21 mai 2019, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de ses demandes.
[G] [R] a interjeté appel. Dans ses dernières conclusions, elle demande d'infirmer le jugement, de prononcer la résiliation du contrat de travail et de lui allouer les sommes de 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de 4 367,56€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 436,75€ à titre de congés payés sur préavis, de 50 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, elle demande de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Dans ses dernières conclusions, la SAS DISTRIPER demande de confirmer le jugement et de lui allouer la somme de 3 000,00€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement ;
Attendu que les manquements reprochés à l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail ;
Qu'il appartient donc à la cour d'apprécier les faits invoqués par la salariée et qui, s'ils étaient établis et suffisamment graves, caractériseraient un manquement de l'employeur à ses obligations, justifiant que la résiliation soit prononcée à ses torts ;
Attendu que [G] [R] établit que l'employeur a placardé deux notes ainsi rédigées : 'Comme vous ne comprenez pas le français, le premier ou première qui laisse la lumière allumée (salle de pause etc, etc), et bien sûr que j'attrape, il repart chez lui dans les cinq minutes... un conseil, vite se mettre dans le cadre. Il faut arrêter de prendre les gens pour des cons' ;
'La personne qui a pris l'initiative d'enlever 'arrêtez de prendre les gens pour des cons', si elle a un peu de courage et ne craint pas de m'affronter dans mon bureau 'en cap à cap', je l'attends avec grand plaisir!!!! Je suis à son entière disposition' ;
Que ces notes, mêmes destinées à l'ensemble du personnel, visent aussi nécessairement la salariée ;
Attendu que l'employeur, à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas que, par leurs dates postérieures au mois de juin 2017, ces notes ne pouvaient concerner [G] [R] ;
Attendu que de telles notes, à la fois grossières, insultantes pour tout le personnel, notamment [G] [R], et porteuses de menaces, y compris physiques, caractérisent par leur manque de respect et le climat délétère qu'elles induisent dans l'entreprise un manquement de l'employeur à ses obligations, justifiant que la résiliation soit prononcée à ses torts ;
Attendu que la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Que lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur, l'indemnité de préavis est toujours due ;
Attendu que justifiant d'une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise occupant au moins onze salariée, [G] [R] a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale au salaire brut qu'elle aurait perçu pendant la durée de deux mois du délai-congé, soit la somme de 4 367,56€, augmentée des congés payés afférents ;
Attendu qu'au regard de son ancienneté, supérieure à dix-huit ans au moment de son licenciement, de son salaire moyen mais à défaut de preuve d'un autre préjudice que celui résultant de la rupture non justifiée de son contrat de travail, il y a également lieu de lui allouer la somme de 15 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que n'étant pas démontré l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par l'octroi des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, [G] [R] doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
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Attendu que, conformément à l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur fautif des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée doit être également ordonné dans la limite maximum prévue par la loi ;
Attendu qu'enfin, l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirmant le jugement et statuant à nouveau,
Condamne la SAS DISTRIPER à payer à [G] [R] :
- la somme de 4 367,56€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- la somme de 436,75€ à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;
- la somme de 15 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne le remboursement par la SAS DISTRIPER des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du
présent arrêt, à concurrence de 6 mois d'indemnités ;
Dit qu'une copie certifiée conforme de cette décision sera transmise par le greffe de la cour d'appel à Pôle emploi ;
Condamne la SAS DISTRIPER aux dépens.
La Greffière Le Président