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07/12/2022 | FRANCE | N°19/03367

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 07 décembre 2022, 19/03367


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 07 DECEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03367 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OE6D



Arrêt n° :



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 AVRIL 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BEZIERS

N° RG F 13/00790





APPELANTE :



Madame [P] [V]>
[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Charles ZWILLER, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me ANDRES, avocate au barreau de Nîmes, substituant Me JONZO, avocat au barreau de Nîmes (plaidant)







INTIMEE :

...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 07 DECEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03367 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OE6D

Arrêt n° :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 AVRIL 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BEZIERS

N° RG F 13/00790

APPELANTE :

Madame [P] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Charles ZWILLER, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me ANDRES, avocate au barreau de Nîmes, substituant Me JONZO, avocat au barreau de Nîmes (plaidant)

INTIMEE :

SAS CONFORT LOISIRS VERGES

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Sylvain DONNEVE de la SCP DONNEVE - GIL, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me VIGOUROUX, avocate au barreau de Montpellier

Ordonnance de clôture du 26 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 OCTOBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [V] a été engagée selon contrat de travail à durée indéterminée par la société Le Foyer Pilote au sein de son établissement Biterrois selon contrat de travail du 2 mars 1987 à effet du 1er mars 1987, en qualité d'employée administrative au coefficient 155 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Consécutivement au rachat de la société Le Foyer Pilote par la société Confort Loisirs Verges en juin 1997, un avenant au contrat de travail établi entre la société cessionnaire et la salariée actait le transfert du contrat de travail en mentionnant une reprise d'ancienneté au 17 novembre 1986.

Un nouvel avenant au contrat de travail était établi entre les parties le 5 avril 2013 consécutivement à la suppression de l'usage de versement d'une prime d'assiduité sur le bulletin du mois de décembre de chaque année à compter du 1er janvier 2013, la salariée exerçant alors les fonctions d'assistante commerciale, niveau IV, échelon 3 de la convention collective nationale du commerce de gros moyennant une rémunération mensuelle brute de 1910,05 euros pour une durée hebdomadaire de travail de trente-cinq heures.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 mai 2013 la SA S Confort Loisirs Verges convoquait la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif prévu au 28 mai 2013 et notifiait à la salariée une proposition de reclassement au poste d'assistante achats/administration des ventes en cuisine/électrodomestique selon contrat à durée indéterminée au sein de l'établissement de [Localité 5].

Après avoir initialement conditionné son acceptation du poste proposé au maintien de son salaire actuel et à la prise en charge de l'intégralité des frais de déplacement depuis son domicile actuel, et après refus de l'employeur des conditions demandées par la salariée, celui-ci proposait une prise en charge des frais de déménagement, laquelle refusé par la salariée selon courrier du 10 juin 2013.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 juin 2013 l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour motif économique.

Contestant le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, Madame [P] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Béziers par requête du 15 novembre 2013 aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer à titre principal une somme de 50'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, une somme de 50'000 € pour violation des critères d'ordre, et en tout état de cause une somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 avril 2019, la formation de départage du conseil de prud'hommes de Béziers a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes.

Madame [P] [V] a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 15 mai 2019.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 14 août 2019, Madame [P] [V] conclut à la réformation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de la société Confort Loisirs Verges à lui payer à titre principal une somme de 50'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, une somme de 50'000 € pour violation des critères d'ordre, et en tout état de cause une somme de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 12 novembre 2019, la société Confort Loisirs Verges conclut à la confirmation du jugement entrepris, au débouté de la salariée de l'ensemble de ses demandes ainsi qu'à sa condamnation à lui payer une somme de 4000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture était rendue le 26 septembre 2019.

SUR QUOI

$gt; Sur le licenciement pour motif économique

Il résulte des dispositions de l'article L 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, que constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

En l'espèce, la lettre de licenciement fait état de l'existence de graves difficultés économiques et invoque la nécessité d'une réorganisation de l'entreprise passant par la suppression de certains emplois en vue de sauvegarder sa compétitivité mais également l'activité de l'entreprise, si bien que contrairement à ce que soutient la salariée, il n'en résulte aucun défaut de précision du motif allégué.

Madame [V] invoque ensuite la légèreté blâmable de l'employeur et fait valoir qu'il ressort du compte de résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2012, qu'au cours de l'année, les charges de personnel ont augmenté de plus de 80'000 euros sans aucune justification tandis que la société a pris la décision de passer en dotation aux provisions la somme de 162'764 € contre seulement 30'929 € pour l'exercice 2011 sans s'en expliquer, si bien que ces deux décisions aggravaient le résultat d'exploitation en augmentant sans raison apparente les charges de plus de 210'000 € ce qui représentait presque 75 % du résultat d'exploitation déficitaire annoncé à l'appui du licenciement de la salariée.

En l'espèce il n'est pas discuté que la société Confort Loisirs Verges ayant pour activité le commerce de gros d'appareils électroménagers fait partie d'un groupe constitué des sociétés VPG Distribution (VPGD) ayant également pour activité le commerce de gros d'appareils électroménagers et la société B Vergès et Fils, société holding.

Il en résulte que la cause économique du licenciement doit s'apprécier au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient, soit en l'occurrence dans le secteur du commerce de gros d'appareils électroménagers.

Si pour l'exercice 2012 le bilan de la société VPGD n'est pas produit, les résultats des sociétés B Vergès et Fils et Confort Loisirs Verges présentent respectivement un déficit de 379'252 € et de 257 061 €. Au cours de l'exercice 2013, la société Confort Loisirs Verges présente un déficit de 116'262 €, la société B Vergès et Fils un déficit de 419'500 € et la société VPGD un déficit de 122'512 €.

Il ressort par ailleurs de l'attestation de l'expert-comptable de la société selon laquelle la provision de 162'764 € pour clients douteux au 31 décembre 2012 n'avait toujours pas fait l'objet d'une reprise sur provisions au 31 décembre 2014 tandis que la société Vergès justifie avoir déclaré à ce titre une créance restant due de 113'408,97 euros, admise par ordonnance du 5 novembre 2014 dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Pétrochimie, cette créance n'ayant en définitive pas été recouvrée. Il résulte par conséquent de ce qui précède que la provision pour risques critiquée était justifiée. S'il est par ailleurs fait grief à l'employeur par la salariée d'une augmentation des charges de personnel de 80'000 €, l'employeur établit que cette augmentation correspond en réalité à l'embauche en juillet et octobre 2012, soit un an avant la mise en 'uvre des licenciements économiques, de deux salariés en qualité de commerciaux avec statut de VRP. Or le choix stratégique de l'entreprise correspondant au développement du volume des ventes sur de nouveaux secteurs, ce dont elle justifie, et qui avait pour but de développer le chiffre d'affaires de la société, même s'il présentait un risque, ne peut dans ces conditions être qualifié de légèreté blâmable.

Si les éléments produits aux débats pour l'exercice 2012 étaient insuffisants par eux-mêmes à caractériser l'existence de difficultés économiques faute d'éléments sur la société VPGD, il ressort des pièces produites que la baisse d'activité amorcée en 2012 n'était pas seulement conjoncturelle dans la mesure où l'exercice 2013 la confirme et qu'aucune reprise de l'activité n'était prévisible, si bien que la réorganisation du secteur d'activité du commerce de gros d'appareils électroménagers dont l'employeur établit la réalité et qui était justifiée par des difficultés économiques était également indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité.

Il existait donc un motif économique à la réorganisation de l'entreprise justifié à la fois par des difficultés économiques actuelles et par l'existence au niveau du secteur d'activité de difficultés économiques pesant sur la compétitivité du secteur.

Enfin cette restructuration qui s'est traduite par la suppression du département service après-vente au sein de l'établissement de [Localité 5] et la suppression du service administration des ventes électrodomestiques de [Localité 4] pour regrouper l'ensemble du service administration des ventes au sein de l'établissement de [Localité 5] s'est accompagnée du licenciement de deux autres salariés de la société Confort Loisirs Vergès et de sept salariés de la société VPGD dont l'employeur justifie. Il en résulte que l'allégation de la salariée selon laquelle la mise en 'uvre de la procédure de licenciement pour motif économique serait liée à un précédent contentieux qu'elle avait entretenu avec l'employeur ne peut qu'être écartée.

$gt; Sur l'obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement

Il a été rappelé que la société Confort Loisirs Verges ayant pour activité le commerce de gros d'appareils électroménagers fait partie d'un groupe constitué des sociétés VPG Distribution (VPGD) ayant également pour activité le commerce de gros d'appareils électroménagers et la société B Vergès et Fils, société holding.

Si la société Confort Loisirs Verges appartient également aux groupements Concerto, il n'est pas soutenu que l'organisation du réseau de distribution auquel appartenait l'entreprise permettait entre les sociétés adhérentes la permutation de tout ou partie de leur personnel.

Le salarié prétend que le reclassement n'a pas été opéré loyalement au sein du groupe constitué des sociétés Confort Loisirs Verges,VPG Distribution (VPGD) et B Vergès et Fils au motif que les courriers adressés aux autres sociétés du groupe auquel appartient l'employeur ne constituaient pas une recherche individualisée.

S'il résulte de l'article L.1233-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 que les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe, auquel appartient l'employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n'ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement, la lettre de recherche de reclassement adressée par l'empoyeur aux sociétés du groupe se limitant uniquement à l'indication de l'intitulé de la branche d'emploi, soit «'poste d'administration des ventes'», sans référence même à l'intitulé ou à la classification du poste de la salariée, est toutefois insuffisamment précise pour caractériser une recherche loyale et sérieuse de reclassement.

Partant, il convient de dire le licenciement de madame [P] [V] par la société Confort Loisirs Verges sans cause réelle et sérieuse.

À la date de la rupture du contrat de travail Madame [V] était âgée de 53 ans et avait une ancienneté de 26 années révolues dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés. Elle bénéficiait d'un salaire moyen des six derniers mois de 1910,05 euros. Nonobstant l'absence de précisions sur sa situation actuelle, la cour, tenant compte du préjudice résultant pour la salariée, compte tenu de son âge et de la perte injustifiée de l'emploi après 26 ans d'ancienneté, dispose d'éléments suffisants pour fixer à 25'000 € le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

$gt; Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution apportée au litige, la société Confort Loisirs Verges supportera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer à la salariée qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2000 € titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Béziers le 18 avril 2019;

Et statuant à nouveau,

Dit le licenciement de Madame [P] [V] par la société Confort Loisirs Verges sans cause réelle et sérieuse;

Condamne la société Confort Loisirs Verges à payer à Madame [P] [V] une somme de 25'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Condamne la société Confort Loisirs Verges à payer à Madame [P] [V] une somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Condamne la société Confort Loisirs Verges aux dépens;

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03367
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;19.03367 ?
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