La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2022 | FRANCE | N°19/03463

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 07 décembre 2022, 19/03463


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 07 DECEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03463 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OFDY



ARRET N° :



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 19 AVRIL 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F17/01034
r>



APPELANTE :



Madame [T] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pauline CROS, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEE :



EPIC CIRAD (CENTRE DE COOPERATION INTERNATIONAL EN RECHERCHE AGRONOMIQUE POUR LE DEVELOPPEMEN...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 07 DECEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03463 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OFDY

ARRET N° :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 19 AVRIL 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG F17/01034

APPELANTE :

Madame [T] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pauline CROS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

EPIC CIRAD (CENTRE DE COOPERATION INTERNATIONAL EN RECHERCHE AGRONOMIQUE POUR LE DEVELOPPEMENT) Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial ayant son siège social [Adresse 4] à [Localité 6] pris en son établissement de [Localité 7] situé

[Adresse 5])

[Localité 2]

Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER (posutlant) et par Me Nathalie MONSARRAT, avocate au barreau de Montpellier (plaidant)

Ordonnance de clôture du 21 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 OCTOBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Madame Magali VENET, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [T] [M] a été embauchée au sein du Cirad , en son établissement de [Localité 7], par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 avril 1999, en qualité de technicienne de laboratoire, collaborateur classée à la catégorie 3, échelon 1, indice 205 de la Convention d'Entreprise du Personnel mensuel du Cirad.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [M] bénéficiait d'un statut d'Agent administratif supérieur, catégorie 4, échelon 4, indice 284, de la convention collective d'entreprise du personnel mensuel du Cirad .

Son salaire de base s'élevait à la somme de 1768€ et son salaire indiciaire à la somme de 1414€.

Mme [M] a connu plusieurs périodes d'arrêt maladie et de travail en mi-temps thérapeutique entre janvier 2010 et juin 2013 .

Elle a été déclarée apte à reprendre son poste à temps plein temps par le médecin du travail suite à une visite du 27 juin 2013, puis elle a une nouvelle fois a été placée en arrêt maladie de janvier 2014 à octobre 2017.

A effet du 1er août 2014, Mme [M] a été déclarée travailleur handicapé .

En date du 1er septembre 2014, elle a été placée en invalidité catégorie 2 par le médecin conseil de la sécurité sociale.

Mme [M] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Montpellier le 21 septembre 2017, sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, outre sa condamnation au paiement de diverses sommes.

Le 22 décembre 2017, Mme [M] a sollicité une visite de reprise auprès du médecin du travail.

Suite à la visite de reprise du 16 janvier 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [M] inapte à son poste de travail , précisant 'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.

Par courrier du 16 février 2018, le Cirad a licencié Mme [M] pour inaptitude.

Par jugement en date du 19 avril 2019, le conseil des prud'hommes de Montpellier a débouté Mme [M] de l'ensemble de ses demandes .

Par déclaration en date du 17 mai 2019, Mme [M] a relevé appel de la décision en l'ensemble de ses dispositions

Vu les dernières conclusions de Mme [T] en date du 19 septembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions

Vu les dernières conclusions du CIRAD en date du 20 septembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions

L'ordonnance de clôture est en date du 21 septembre 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail:

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur lorsque celui-ci n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles par des manquements graves rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

Mme [M] fonde sa demande de résiliation judiciaire sur le harcèlement moral et subsidiairement sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

L'article L 1152-1 du code du travail dispose que 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

L'article L1154-1 du code du travail précise qu'il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [M] fait valoir qu'elle a subi des agissements de harcèlement moral exercé à son encontre par sa supérieure hiérarchique, Mme [R] [J], se traduisant par :

- des remarques incessantes et acharnées sur sa façon de travailler, allant jusqu'à la reprendre pour de simples détails de forme ;

- une intrusion sur son espace de travail caractérisé par la réorganisation de son espace de travail informatique et l'ouverture des tiroirs du poste de travail de la salariée en son absence ;

- un ton inadapté révélé par des claquements de porte et des reproches adressés 'sur un ton d'institutrice en colère' ;

- des corrections et un suivi de la prestation de travail de la salariée réalisés de manière infantilisante : les ratures et les remarques étaient mentionnées au stylo rouge ;

- des propos dévalorisants et dénigrants tenus dans le dossier d'entretien annuel de 2011, qui ont été réécrits après une demande expresse du responsable de service ;

- une intrusion dans la vie personnelle de la salariée par des appels et messages téléphoniques adressés à la salariée pendant son arrêt maladie.

À l'appui de ses allégations, elle verse aux débats :

- une attestation de Mme [B] [Y], collègue de travail, témoignant en ces termes: 'pendant la période où non travaillions dans le même service, géré par Mme [R] [J], celle-ci n'a cessé de la harceler sur son travail et psychologiquement. Nous étions 6 personnes à son service. La mauvaise ambiance touchait l'ensemble du groupe mais particulièrement 3 personnes. Une personne a changé de service et deux personnes sont en arrêt maladie de longue durée. Personnellement je ne me sentais pas bien dans cette ambiance non sereine' ;

- une attestation de Mme [C] [P], collègue de travail également en arrêt longue maladie témoigne de 'faits, paroles rabaissantes, humiliantes, dévalorisantes, ce qui entraînait un climat de perte de confiance en soi, de peur' ;

- une attestation d'une amie, Mme [N] témoignant ainsi : 'j'ai vu mon amie Mme [M] affectée ses dernières années psychologiquement par les problèmes liés à son travail. Elle évoquait le suicide. Elle ruminait sans cesse avoir raté sa vie à cause de sa chef, elle ne se sentait pas soutenue par ses supérieurs.....de personne active, dynamique, joyeuse, elle est devenue triste, amère dépressive' ;

- une attestation de Mme [K] [Z], née [A], qui a séjourné à la clinique Rech en même temps qu'elle: ' je ressentais une âme déchirée et détruite par cette personne (responsable) qui lui a gâché son futur qu'elle avait espéré meilleur en donnant toute son énergie depuis des années...sa douleur se portait sur le fait qu'une seule personne pouvait suite à ses comportements'harcèlements) quotidiens, nuire à ses espérances alors que Mme [M] a toujours été une travailleuse acharnée ...traumatisée par la trahison d'une personne qu'elle respectait, en l'occurrence sa responsable qu'elle appelait [R]' ;

- un compte rendu de la visite médical du 28 mai 2010 mentionnant : 'problème au travail, se sent surveillée' ;

- un avis de la commission d'évaluation individuelle rendu le 16 novembre 2011 dans le cadre de son évolution professionnelle après qu'elle ait exprimé une difficulté émanant de son encadrement hiérarchique ;

- un courrier adressé le 1er mars 2013 à la correspondante ressources humaines qui sera déposé dans le cahier des délégués du personnel, dans lequel elle liste les agissements dont elle a été victime ;

- les éléments matériels et courriers qui démontrent l'alerte sur les faits auprès de la hiérarchie, des délégués du personnel, ainsi qu'auprès du médecin du travail ;

- des certificats d'hospitalisations et des certificats médicaux dont celui du Docteur A. [U], psychiatre en date du 05 mars 2015 mentionnant' certifie suivre Mme [M] [T] depuis novembre 2011 et atteste que son état thymique , affectif et comportemental semble être en lien avec les difficultés professionnelles qu'elle avait rencontrées au sein de son établissement. En effet, le recueil des données anamnestiques retrouve un enkystement de difficultés d'ordre anxieux et dépressif en lien avec un environnement professionnel devenu depuis quelques années anxiogène et dépressiogène(notamment dans le lien avec sa hiérarchie) .

Ces témoignages, avis, courriers d'alerte, certificats d'hospitalisation et certificats médicaux sont constitutifs d'éléments de faits qui, pris dans leur ensemble , laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Pour prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement de nature à entraîner la résiliation judiciaire du contrat de travail, l'employeur fait valoir que :

- La souffrance de Mme [M] est consécutive à des difficultés liées à sa vie personnelle et non à ses conditions de travail ;

- L'avis de la commission d'évaluation quadriennale de novembre 2011 demeure confidentielle à l'égard de l'employeur ;

- La situation de 'souffrance au travail' signalée par Mme [M] le 1er mars 2013 a fait l'objet d'un traitement avec le médecin du travail et en lien avec les délégués du personnel en mars, mai et juillet 2013 et et n'avait pas permis de caractériser un harcèlement moral de la part de Mme [J] ;

- les témoignages produits par Mme [T] sont dépourvues de valeur probante ;

- le médecin du travail n'a pas identifié l'existence d'un harcèlement moral.

Les allégations de l'employeur selon lesquelles la souffrance exprimée par la salariée serait liée à des difficultés personnelles sans lien avec le travail ne s'appuient que sur un mail adressé le 05 juin 2009 par Mme [H] [G] à Mme [J], mentionnant que Mme [M] était dans une situation difficile, et sur la réponse de Mme [J] mentionnant être informée des faits et précisant : ' nous déplorons cette situation qui l'espérons pour elle, sera passagère', sans qu'il n'apparaisse que les difficultés brièvement évoquées au cours de cet unique échange ont durablement perturbé le travail de la salariée.

En outre, dans le cadre de son rapport quadriennal d'activité, Mme [M] fait état de difficultés extra professionnelles limitées à l'année 2010, et aucun élément contraire ne démontre que la souffrance psychologique qu'elle présentait postérieurement à cette période serait en lien avec ces faits anciens et d'une durée limitée.

En revanche, ce même avis de la commission d'évaluation individuelle du Cirad en date du 16 novembre 2011 établi dans le cadre du rapport quadriennal d'activité de Mme [M], décrit ainsi les difficultés évoquées par la salariée: 'Vous déclarez souhaiter travailler dans une relation constructive, de soutien et de collaboration, et à l'évidence, votre perception de votre situation actuelle semble bien éloignée de ce souhait. Vous exprimez ainsi un malaise que la commission a perçu comme étant profond'.

La commission lui suggère alors de susciter une concertation avec sa hiérarchie et la DRH pour trouver une solution aux difficultés évoquées.

Il en découle que dès 2011 Mme [M] a fait part de difficultés au sein de son équipe de travail dont la réalité n'a

pas été mise en cause par l'avis de la commission d'évaluation suggérant une concertation sur cette situation et il importe peu que ce rapport n'ait pas été transmis à sa hiérarchie.

En outre, il est compréhensible que Mme [M], dans une situation de subordination hiérarchique, n'ait pas été immédiatement en mesure d'aborder les faits avec la Direction du Cirad ou avec sa supérieure hiérarchique chargée notamment de ses entretiens d'évaluation au cours desquels il lui était difficile de s'exprimer en présence de la personne dont elle dénonçait le harcèlement.

L'employeur énonce également avoir traité la situation de 'souffrance au travail' porté à sa connaissance suite à l'alerte du 1e mars 2013, qui selon lui ne relevait pas d'un harcèlement moral.

Sur ce point, il ressort de l'analyse des extraits du cahier des délégués du personnel que ces derniers ont alerté la Direction du Cirad le 05 mars 2013 sur l'existence de rapports hiérarchiques tendus au sein de l'équipe et sur les nombreux arrêts maladies liés à des souffrances psychologiques des salariés.

L'employeur a répondu être informé de la situation, précisé que le médecin du travail était impliqué et que des entretiens étaient réalisés avec les différents intéressés. Il a proposé aux deux agents en arrêts maladie de déménager à Baillarguet au sein d'une autre équipe et organisé une formation de type ' training en management' pour Mme [J].

A l'issue de cette formation, l'extrait du cahier des délégués du personnel du 8 juillet 2013 mentionne que pour l'employeur, l'action diligentée avait permis de caractériser le profil de manager de la salariée et de travailler sur le développement de l'action collective ainsi que sur la prise de distance dans la relation individuelle.

Il concluait que le résultat du travail paraissait aboutir à une amélioration en termes de comportement et d'ambiance générale et qu'un travail de réflexion et d'échange était nécessaire afin de voir comment mettre en oeuvre une action de développement de la cohésion d'équipe.

Il ressort de ces éléments, qu'hormis le management problématique de Mme [J], sur lequel l'employeur a estimé devoir agir, aucune autre cause n'avait été identifiée pour expliquer la souffrance au travail et les arrêts maladie des salariés travaillant sous son autorité, laissant ainsi présumer l'existence de faits de harcèlement moral exercés par cette dernière à leur encontre.

Par ailleurs, il ne peut être retenu que l'employeur avait correctement traité la situation en proposant une mutation aux salariés victimes du harcèlement, tout en maintenant Mme [J] dans ses fonctions, sans faire état de propositions concrètes et encadrées visant à favoriser la cohésion de l'équipe, mais uniquement d'une nécessaire réflexion sur cette question , sans prévoir de suivi ni d'évaluation de la situation.

Enfin, l'employeur soutient que le médecin du travail était impliqué dans cette situation, et qu'il n'avait pas identifié l'existence d'un harcèlement moral. I

l ressort cependant de la fiche individuelle de la salariée du service santé de la Cirad, suite à la visite du 27 juin 2013 que le médecin du travail avait mentionné en date du 15 janvier 2013 : 'attention particulière à cette situation, sous surveillance médicale, Maladie à caractère prof...'.

Enfin, postérieurement à la formation suivi par Mme [J], et à la poursuite de la relation de travail avec cette dernière, Mme [M] a de nouveau été placée en arrêt de travail à partir de janvier 2014, évoquant l'absence de modification du comportement harcelant de cette dernière à son égard.

Concernant les témoignages produits, la preuve est libre en matière prud'homale et seul l'environnement proche est en mesure de témoigner de l'état de santé de Mme [M] et de ses retentissements sur sa vie privée, qu'il s'agisse de son entourage professionnel , amical ou familial.

Ainsi, l'analyse des attestations des collègues de la salariée, Mme [Y] et Mme [P], qui travaillaient dans le même service qu'elle et font état de faits, paroles rabaissantes, humiliantes, dévalorisantes subis par Mme [M], mettent en exergue le harcèlement exercé par sa supérieure hiérarchique, tant à son égard qu'à celui d'autres salariés et ses conséquences sur leur santé : arrêt maladie de longue durée ainsi que sur leur emploi: changement de service.

De même, si Mme [N] et Mme [Z] n'ont pas été directement témoins de faits de harcèlement subis par Mme [M], elles attestent cependant avoir constaté que la santé physique et psychologique de cette dernière était altérée, sachant que Mme [M] , qui a même évoqué le suicide , leur indiquait que sa souffrance était uniquement consécutives au harcèlement exercé à son égard par sa supérieure hiérarchique .

La salariée, placée régulièrement en arrêt de travail a été suivie par un psychiatre, le Docteur [D] [U], qui, dans un certificat établi le 5 mars 2015, mentionne suivre régulièrement Mme [M] depuis Novembre 2011 et ' atteste que son état thymique, affectif et comportemental semble être en lien avec les difficultés professionnelles qu'elle avait rencontré eu sein de son établissement. En effet, le recueil des données amnésistiques retrouve un enkystement de difficultés d'ordre anxieux et dépressif en lien avec un environnement professionnel devenu depuis quelques années anxiogène et dépressiogène (notamment dans le lien avec sa hiérarchie)'.

Dans un certificat du 30 janvier 2018 il mentionne que ' certifie donner mes soins à Mme [M] [T] qui présente une fragilité psychologique. Mme [M] rapporte notamment des difficultés socio-professionnelles ayant un impact sur son état de santé psychique , qui nécessite donc un suivi régulier ainsi qu'un traitement'.

Même si dans un courrier du 05 novembre 2019 reçu par l'ordre des médecins le 15 novembre 2019, ce dernier convient, quant au certificat du 5 mars 2015, qu'il n'était pas en mesure de constater personnellement le lien de causalité existant entre l'état de santé de la salariée et les conditions de travail, il n'en demeure pas moins que les constatations médicales figurant sur le certificat critiqué témoignent de l'état anxio dépressif de la salariée à cette époque à l'origine d'arrêts de travail continus.

Enfin, il n'y a pas lieu de retenir que les faits de harcèlement allégués étaient anciens en ce qu'ils ont persisté pendant toute la relation de travail, conduisant Mme [M] à être placée en arrêt maladie de façon continue à compter de janvier 2014 avant que son inaptutude ne soit consatée, sachant qu'aucun salarié placé sous l'autorité de Mme [J] ne témoigne de relations de travail apaisées ou cordiales avec cette dernière, antérieurement ou postérieurement à la formation en 'training management'dont elle a bénéficié.

Il en découle que l'employeur n'établit ni l'existence d'éléments objectifs démontrant que le harcèlement n'était pas constitué ni la mise en place de mesures suffisamment efficaces pour y mettre fin, de sorte que le harcèlement moral est constitué.

Le harcèlement moral subi par Mme [M] est constitutif de manquements graves de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail en ce qu'il a entraîné la dégradation de son état de santé, avant qu'elle ne soit placée en invalidité . Il y a lieu en conséquence de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du licenciement, soit le 16 février 2018.

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire:

En présence d'un harcèlement moral, la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul entraînant la condamnation de l'employeur à payer au salarié une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire.

Lors de son licenciement, Mme [M] étai âgée de 60 ans et disposait de 18 ans et 10 mois d'ancienneté. Elle a été en situation d'invalidité à compter du 1er septembre 2014 avant de faire valoir ses droits à la retraite en novembre 2019 à l'âge de 62 ans.

Elle perçoit une retraite d'un montant de 793€.

Elle justifie ainsi d'un préjudice important qu'il convient d'indemniser en condamnant l'employeur à lui verser des dommages intérêts d'un montant de 34 000€.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents:

Selon sa demande, il conviendra en outre de condamner le Cirad à lui verser :

- 2828€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 282,20€ de congés payés afférents

Sur l'indemnisation du préjudice lié au harcèlement:

Mme [M] a subi un préjudice important lié au harcèlement moral subi dans la mesure où elle a été hospitalisée pendant une longue période et n'a jamais pu retravailler. elle est toujours prise en charge pour des difficultés anxieuses et dépressives qui trouvent leur source dans son environnement professionnel.

Il convient en conséquence de condamner le Cirad à lui verser la somme de 7500€ de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Sur l'indemnisation liée à la dépréciation des droits à la retraite:

Mme [M] avait sollicité un temps partiel afin de s'occuper des difficultés de son fils en 2010 puis elle a repris le travail à temps complet en juillet 2013. Elle ne démontre pas que le prolongement de son temps partiel au delà de l'année 2010 était justifié par les difficultés liées au travail et qu'il ne reposait plus sur une cause familiales dès lors que les documents produits relatif à l'évolution positive de la situation de son fils concernent le début de l'année 2014, soit une période postérieure à la reprise de son emploi à temps complet, et pendant laquelle elle était en arrêt de travail.

Il convient en conséquence de confirmer la décision du premier juge qui a rejeté sa demande d'indemnisation liée à la dépréciation de ses droits à la retraite.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Il convient en outre de condamner le Cirad au paiement de la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, contradictoirement,

Infirme le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Montpellier le 19 avril 2019 en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [M].

Statuant à nouveau,

- Prononce la résiliation du contrat de travail conclu le 15 avril 1999 entre Mme [T] [M] a et le Cirad à effet du 16 février 2018.

Condamne le Cirad à verser à Mme [T] [M]:

- 34000€ de dommages et intérêts en raison de la résiliation judiciaire du contrat de travail

- 2828€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 282,20€ de congés payés afférents

- 7500€ de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au harcèlement moral

Confirme la décision en ce qu'elle a rejeté la demande d'indemnisation liée à la dépréciation des droits à la retraite.

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires

Condamne le Cirad à verser à Mme [T] [M] la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne le Cirad aux dépens de l'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03463
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;19.03463 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award