Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 07 DECEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/03482 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OFE7
Arrêt n°:
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 19 AVRIL 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
N° RG F17/01212
APPELANTE :
S.A UMANIS représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me APOLLIS, avocate au barreau de Montpellier (postulant) et par Me ORY Elodie, avocate au barreau de Paris, substituant Me Catherine LEGER, avocate au barreau de Paris (plaidant)
INTIME :
Monsieur [C] [U]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me BEYNET, avocate au barreau de Montpellier
Ordonnance de clôture du 26 Septembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 OCTOBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
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* *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [C] [U] a été engagé à compter du 5 octobre 2009 par la société Helice en qualité de technicien d'exploitation, statut employé, position 3.1, coefficient 400 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques moyennant une rémunération mensuelle brute de 2000 € pour trente-cinq heures de travail hebdomadaire.
La société Helice à intégré le groupe Umanis le 25 avril 2013 puis à compter d'une fusion intervenue le 30 juin 2016 le contrat de travail du salarié était transféré à la SA Umanis.
La société Helice était titulaire d'un contrat de prestation de services au profit de Pôle-Emploi.
C'est dans ce cadre, que dès son embauche, Monsieur [U] a débuté une mission pour le compte de Pôle-Emploi, client de la société Helice.
Le marché de prestation de services liant la société Helice à Pôle-Emploi a pris fin le 31 décembre 2014.
Monsieur [C] [U] a été placé en arrêt de travail du 20 novembre 2014 au 30 novembre 2015 puis du 6 juillet 2016 au 28 février 2017.
Par requête du 26 novembre 2014, Monsieur [C] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail entre Pôle-Emploi et lui-même.
Par jugement du 18 novembre 2016, le conseil de prud'hommes de Montpellier a dit que Pôle-Emploi était l'employeur de Monsieur [C] [U] et il a ordonné la réintégration de Monsieur [C] [U] au sein de la direction des systèmes d'information de Pôle-Emploi.
Le 8 février 2017, Monsieur [C] [U] informait l'employeur de sa candidature au poste de membre du CHSCT central de l'unité économique et sociale Umanis.
Le 24 février 2017 la société Umanis a saisi le tribunal d'instance de Courbevoie aux fins d'annulation des candidatures au CHSCT de trois salariés dont Monsieur [C] [U].
Par jugement du 20 avril 2017, le tribunal d'instance a débouté la société Umanis de l'ensemble de ses demandes.
Le procès-verbal de réunion de désignation des membres du CHSCT du 23 février 2017 ne retenait par Monsieur [C] [U] parmi les candidats élus.
Le 14 mars 2017 le salarié était déclaré apte à la reprise par le médecin du travail. Il était à nouveau vu le 25 avril 2017 par le médecin du travail qui n'émettait aucune préconisation.
Invité par l'employeur à se positionner sur un poste ouvert au profit d'un des clients de la société Umanis, Monsieur [C] [U], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 avril 2017, rétorquait à l'employeur que dans la mesure où il revendiquait toujours la qualité de salarié de Pôle-Emploi il ne pouvait accepter d'autre affectation.
Il a toutefois suivi à la demande de l'employeur entre le 27 avril et le 15 mai 2017 une formation d'actualisation de ses connaissances afin de préparer la certification Itil Foundation V3 mais il échouait à l'examen, suite à quoi l'employeur lui proposait courant mai 2017 de renouveler sa candidature.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 juin 2017 l'employeur mettait en demeure le salarié de justifier de son absence et de régulariser sa situation.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 juillet 2017, le salarié mettait en demeure l'employeur de lui verser la totalité du salaire, ticket restaurant et indemnités pour le mois de mai 2017.
Par courriel du 18 juillet 2017, l'employeur rejetait la demande de rappel de salaire au motif que le salarié n'avait ni justifié de son absence ni repris son poste de travail depuis le 23 mai dernier et il l'informait de ce qu'il se réservait le droit d'initier à son encontre une procédure disciplinaire pour refus fautif d'exécution de ses obligations contractuelles.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 août 2017 la société mettait une nouvelle fois le salarié en demeure de se présenter à l'agence de [Localité 5] le 16 août 2017 afin de préparer l'examen de certification Itil afin qu'il puisse se positionner sur de nouvelles missions. Il l'informait également que le salaire serait rétabli lorsqu'il aurait repris son poste de travail.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 août 2017, la société Umanis convoquait le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 29 août 2017.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er septembre 2017 la société Umanis notifiait au salarié son licenciement pour faute grave.
Contestant le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier par requête du 2 novembre 2017 aux fins de nullité du licenciement ou à tout le mois de voir celui-ci déclaré sans cause réelle et sérieuse et de condamnation de l'employeur à lui payer différentes sommes à titre de rappel de salaire ou indemnités de rupture.
Par jugement du 19 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Montpellier, déboutant Monsieur [U] de sa demande de rappel de salaire pour la période du 23 mai au 1er septembre 2017 ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour non paiement des salaires, a déclaré nul le licenciement du salarié par la société Umanis et il a condamné l'employeur à lui payer les sommes suivantes :
'25'212 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
'4202 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 420 € au titre des congés payés afférents,
'3362 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
'960 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 20 mai 2019, la société Umanis a relevé appel du jugement du conseil de prud'hommes.
Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 22 mars 2022, la société Umanis conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire pour la période du 23 mai au 1er septembre 2017 et à son infirmation pour le surplus. Considérant à titre principal l'existence d'une faute grave elle sollicite le débouté du salarié de ses demandes ainsi que sa condamnation à lui payer une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement en ce qu'il a dit nul le licenciement du salarié, elle demande à ce que le montant des dommages-intérêts éventuellement alloués pour licenciement nul soit limité à la somme de 12'606 €, et dans l'hypothèse où la cour infirmerait le jugement quant au rappel de salaire pour la période du 23 mai au 1er septembre 2017, elle sollicite que le montant du rappel de salaire soit limité à la somme de 5348 €, outre 534,80 euros au titre des congés payés afférents.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 18 décembre 2019, Monsieur [C] [U] conclut à titre principal à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit son licenciement nul et à son infirmation en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire pour la période du 23 mai 2017 au 1er septembre 2017, réclamant à cet égard la condamnation de la société à lui payer une somme de 6793,23 euros à titre de rappel de salaire, outre 679,32 euros au titre des congés payés afférents. À titre subsidiaire, il demande à la cour de dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre par la société Umanis et la condamnation de cette dernière à lui payer des indemnités équivalentes à celles qu'il a sollicitées pour nullité de la rupture du contrat de travail ainsi qu'un même montant de rappel de salaire pour la période du 23 mai 2017 au 1er septembre 2017. En toute hypothèse il revendique la condamnation de la société Umanis à lui payer une somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture était rendue le 26 septembre 2017.
SUR QUOI
$gt; Sur la nullité du licenciement
Aux termes de'l'article L. 2411-10 du code du travail'dans sa rédaction applicable au litige, l'autorisation de licenciement est requise pour le'candidat'aux fonctions de membres'élus'du comité d'entreprise, au premier ou au deuxième tour, pendant les six mois suivant l'envoi des listes de candidatures'à l'employeur.
Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature'aux fonctions de membre élu du comité d'entreprise ou de représentant syndical au comité d'entreprise a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa'candidature'avant que le'candidat'ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement.
Selon l'article L. 2411-13 du même code, le licenciement d'un représentant du personnel au'comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail'ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.
Cette autorisation est également requise pour le salarié ayant siégé en qualité de représentant du personnel dans ce comité, pendant les six premiers mois suivant l'expiration de son mandat ou la disparition de l'institution '.
Il est admis et'non'discuté que le salarié, qui a été'candidat'aux fonctions de membre élu du'CHSCT, doit à ce titre bénéficier de la'protection'prévue par les articles précités en faveur des'candidats'aux élections professionnelles, et ce quels qu'aient pu être les résultats des élections.
En l'espèce la SA Umanis justifie avoir eu connaissance de l'imminence de la candidature de monsieur [U] le 8 février 2017, date à laquelle celui-ci lui adressait sa déclaration de candidature.
Il ressort du procès-verbal de la réunion de désignation des membres du CHSCT du 23 février 2017 que la désignation des membres a donné lieu à deux tours de scrutin.
C'est pourquoi la circonstance que le salarié ait bénéficié de la protection au titre de l'imminence de sa candidature aux élections professionnelles dès le 8 février 2017 ne saurait le priver d'une nouvelle protection au titre de sa candidature intervenue le 23 février 2017, et ce d'autant plus que l'imminence de sa candidature au premier tour ne pouvait le priver de la protection due au titre de sa candidature au second tour de ces élections également intervenue le 23 février 2017.
Il s'ensuit que la période de protection expirait au 23 août 2017.
Il en découle que le salarié bénéficiait encore de la protection au moment de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement qui a débuté avec sa convocation à un entretien préalable notifié par lettre du 17 août 2017.
A cette date, le licenciement ne pouvait intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail et l'employeur n'avait pas la possibilité de licencier le salarié dans les conditions de droit commun.
Le'licenciement'prononcé en l'absence'd'autorisation'équivaut à un'licenciement'prononcé malgré un refus d'autorisation'et l'employeur s'expose aux mêmes sanctions si bien que 'le'licenciement'est atteint de nullité et que le salarié qui ne demande pas sa réintégration a droit en tout état de cause à une indemnisation pour le préjudice subi.
Surabondamment, il sera relevé que le salarié ne pouvait être licencié au terme de la période de protection pour des faits commis pendant la période de protection qui auraient dû être soumis à l'inspecteur du travail, la nullité du licenciement étant au surplus encourue de ce chef.
Au 1er septembre 2017, date de rupture du contrat de travail intervenue antérieurement à la publication de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié, âgé de quarante-deux ans, avait une ancienneté de sept ans et dix mois révolus dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés et bénéficiait d'un salaire mensuel brut moyen de 2101 euros. S'il justifie de l'obtention de certaines aides sociales, il ne produit cependant pas d'éléments sur sa situation actuelle. Partant, il convient de fixer le montant de la réparation du préjudice subi du fait de la nullité du licenciement à la somme de 20'000 euros.
La rupture du contrat de travail ainsi intervenue du fait de l'employeur ouvre également droit pour le salarié au bénéfice d'une indemnité légale de licenciement pour un montant non spécialement discuté de 3362 € ainsi qu'au bénéfice d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire, soit 4202 €, outre les congés payés afférents.
$gt; Sur la demande de rappel de salaire
La société Umanis fait valoir qu'elle est confrontée au refus du salarié d'occuper un autre poste depuis la perte du marché Pôle-Emploi.
Or, si l'employeur souhaitait modifier les conditions de travail du salarié protégé il n'avait d'autre choix, compte tenu du refus opposé par ce dernier d'occuper un emploi autre que celui précédemment tenu auprès de Pôle-Emploi, que de le maintenir dans ses fonctions ou de rompre le contrat de travail en sollicitant l'autorisation de l'inspection du travail, ce dont il s'est abstenu.
De plus, quand bien même la société Umanis aurait-elle saisi l'inspecteur du travail et quand bien même celui-ci aurait-il reconnu comme fautif le refus du salarié, que la société Umanis restait tenue au paiement du salaire jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail.
Dans la mesure où la société Umanis n'a pas saisi l'inspecteur du travail, elle est par conséquent tenue au paiement du salaire sans pouvoir invoquer le fait que le salarié n'ait pas fourni sa prestation pour suspendre le versement du salaire.
Il convient par conséquent, infirmant en cela le jugement entrepris, de faire droit à la demande de rappel de salaire formée par le salarié pour la période du 23 mai au 1er septembre 2017, étant observé qu'entre le 23 août 2017, terme de la période de protection et le 1er septembre 2017, l'employeur s'est abstenu de fournir du travail au salarié.
D'où il suit, qu'il convient de faire droit à la demande de rappel de salaire formée par le salarié dans la limite d'un montant de 5348 €, outre 534,80 euros au titre des congés payés afférents, compte tenu des 1528 € déjà versés par la société au titre du salaire de mai 2017.
$gt; Sur les demandes accessoires
Compte tenu de la solution apportée au litige, la société Umanis supportera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer au salarié qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le conseil de prud'hommes de Montpellier le 19 avril 2019 sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire et quant au montant des dommages-intérêts alloués pour licenciement nul;
Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,
Condamne la société Umanis à payer à Monsieur [C] [U] les sommes suivantes :
'20'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
'5348 € à titre de rappel de salaire pour la période du 23 mai au 1er septembre 2017, outre 534,80 euros au titre des congés payés afférents,
Condamne la société Umanis à payer à Monsieur [C] [U] une somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;
Condamne la société Umanis aux dépens;
La greffière, Le président,