Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 28 DECEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/04670 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OHOM
ARRÊT N°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 MAI 2019
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS - N° RG F 17/00272
APPELANT :
Monsieur [I] [D]
né le 11 Mars 1988 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS, substitué par Me Marianne MALBEC, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
EURL LEV'PRO GLASS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Yannick CAMBON de la SELARL M3C, avocat au barreau de BEZIERS, substitué par Me Christian CAUSSE, avocat au barreau de BEZIERS
Ordonnance de clôture du 06 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 OCTOBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée déterminée du 28 septembre 2015 jusqu'au 11 octobre 2015, M. [I] [D] a été engagé à temps complet par l'EURL Lev Pro Glass en qualité de miroitier poseur (convention collective nationale de la miroiterie, de la transformation et du négoce du verre du 9 mars 1988).
A compter du 1er février 2016, il a été engagé à temps complet aux mêmes fonctions dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, moyennant une rémunération mensuelle de
1 466,65 € brut.
Par courrier du 3 août 2016, l'employeur a notifié au salarié un avertissement.
Après l'avoir mis à pied à titre conservatoire le 26 octobre 2016, l'employeur a, par lette du 27 octobre 2016, convoqué le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, fixé au 8 novembre 2016, et lui a confirmé la mise à pied à titre conservatoire ; le salarié a contesté cette mesure par courrier du même jour.
Par lettre du 14 novembre 2016, l'employeur a notifié au salarié sa mise à pied disciplinaire pendant cinq jours.
Par lettre du 17 novembre 2016, l'employeur a reproché au salarié son absence injustifiée.
Par lettre du 24 novembre 2016, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire n'excluant pas le licenciement, fixé au 6 décembre 2016, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre du 10 décembre 2016, il lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Par requête enregistrée le 10 juillet 2017, faisant valoir que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la mise à pied disciplinaire était non fondée, que le contrat à durée déterminée devait être requalifié en durée indéterminée et que des heures supplémentaires lui étaient dues, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Béziers.
Par jugement du 23 mai 2019, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes, a débouté l'employeur de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée au RPVA le 4 juillet 2019, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 30 septembre 2019, M. [I] [D] demande à la Cour, au visa des articles L.1242-1, L.3171-4, D. 3171-1, L.8221-5, L.1331-1 et L.1235-5 du Code du travail, de :
- dire et juger recevable et bien-fondé son appel ;
- réformer le jugement entrepris ;
- requalifier le contrat de travail à durée déterminée du 28 septembre 2015 en contrat de travail à durée indéterminée ;
- dire et juger qu'il a réalisé des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, que l'employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé ;
- annuler sa mise à pied à titre disciplinaire notifiée le 14 novembre 2016 ;
- dire et juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
- condamner l'EURL Lev Pro Glass à lui payer les sommes suivantes :
* 1.466,65 € à titre d'indemnité de requalification,
* 1.811,24 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
* 181,12 € de congés payés afférents,
* 8.799,90 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 338,45 € à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire injustifiée,
* 33,84 € de congés payés afférents,
* 1.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la mise à pied disciplinaire injustifiée,
* 8.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
* 1.466,65 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 146,66 € à titre de congés payés afférents,
* 1.550,39 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et retenue de salaire injustifiée,
* 155,03 € de congés payés afférents ;
- condamner l'employeur à lui remettre un certificat de travail, un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle emploi rectifiés et conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document manquant ou erroné qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la date de signification dudit arrêt ;
- dire et juger que les sommes allouées porteront intérêts, à compter de la réception par la défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, celle-ci valant sommation de payer au 344-1 du Code civil ;
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner l'employeur aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 20 décembre 2019, l'EURL Lev Pro Glass demande à la Cour, au visa des articles L.1242-2, L.1242-5, L.1251-6, L.1251-9, L.3171-4, L.8221-5, L.1331-1, et L.1235-5 du code du travail, de :
- dire et juger que le motif du recours au contrat à durée déterminée est parfaitement légitime, confirmer le jugement sur ce point et débouter M. [D] de sa demande de requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
- dire et juger que la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires est infondée, confirmer le jugement sur ce point et débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents ;
- dire et juger que le délit de travail dissimulé n'est pas constitué, confirmer le jugement sur ce point et débouter le salarié de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé ;
- dire et juger que la mise à pied disciplinaire notifiée au salarié est parfaitement justifiée, confirmer le jugement sur ce point et débouter le salarié de ses demandes de rappel de salaire, de congés payés y afférents et de dommages et intérêts au titre de la mise à pied disciplinaire ;
- dire et juger que le licenciement est parfaitement justifié, que la mise à pied notifiée à titre conservatoire est parfaitement justifiée, confirmer le jugement sur ces points, débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire et de congés payés y afférents au titre de la mise à pied conservatoire prétendument injustifiée et de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner M. [D] à payer le somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner le salarié aux entiers dépens.
Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 octobre 2022.
MOTIFS
Sur la requalification en contrat à durée indéterminée.
L'article L1242-1 du Code du travail dispose qu' « un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ».
L'article L 1242-2 2° du Code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoit qu'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants, dont l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.
L'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise est caractérisé lorsque l'activité pérenne et constante tout au long de l'année connaît ponctuellement des pics de production soumis à un aléa, à une imprévisibilité.
Faute pour l'employeur de démontrer l'existence d'un tel accroissement temporaire de l'activité, le contrat doit être requalifié à durée indéterminée.
En l'espèce, le contrat de travail à durée déterminée vise « un surcroît exceptionnel d'activité lié au chantier [Localité 6] ».
Pour établir un tel accroissement d'activité ' contesté par le salarié - l'employeur expose que l'entreprise avait obtenu des marchés à [Localité 5] (Intermarché) et à [Localité 6] (concession automobile).
Il verse aux débats deux factures d'octobre 2015 au nom de la société Coprover d'un montant respectif de 7 1701 € et 4 880 € ainsi qu'un tableau signé par son expert comptable faisant état d'un chiffre d'affaires hors taxes de 250 270 € en 2015 et de 252 670 € en 2016.
Il ne résulte pas de ces éléments qu'un accroissement temporaire d'activité existait au moment de l'embauche du salarié, aucun des chantiers allégués ne constituant un chantier exceptionnel pour l'entreprise. Dès lors, il sera fait droit à la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 28 septembre 2015. L'employeur sera condamné à payer au salarié une indemnité de requalification d'un montant de 1 466,65 €.
Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du Code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, le salarié fait valoir qu'il a accompli des heures supplémentaires non payées ou non compensées par des repos et que si l'employeur l'a mis en congé pendant 11 jours en juin 2016, ceux-ci ne peuvent être assimilés à des repos compensateurs dans la mesure où les règles applicables n'ont pas été respectées par l'employeur.
Il verse aux débats un récapitulatif des heures de travail accomplies depuis le mois de février 2016 jusqu'au 21 octobre 2016 inclus (137,85 heures supplémentaires dont 74,80 heures majorées à 25% et 63,05 majorées à 50 %) pour un montant total de 1.835,42 €, ses bulletins de salaire (à l'exception de celui de juin 2016) montrant d'une part, que deux heures supplémentaires lui ont été payées en mai 2016 et d'autre part, que des jours de repos compensateur de remplacement lui ont été accordés en mai 2016.
Contrairement à ce que soutient l'employeur, ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à celui-ci de répondre.
L'employeur rétorque qu'il était impossible de contrôler ce salarié car il pouvait partir quand il voulait le temps de trajet étant décompté dans son temps de travail, qu'il lui a été accordé 11 jours de repos compensateurs de remplacement au mois de juin 2016 pour trouver un terrain d'entente et qu'à compter du mois d'avril 2016, une fiche de travail mensuelle a été établie.
Il verse aux débats le bulletin de salaire de juin 2016 mentionnant 11 jours de repos compensateurs de remplacement ainsi que les fiches de travail mensuelles relatives aux mois compris entre avril et octobre 2016. Toutefois, ces fiches ' qui mentionnent la « signature du salarié » - ne sont pas signées par ce dernier et ne suffisent pas à contredire le décompte précis produit par l'appelant.
Selon les articles L 3121-24 du Code du travail en vigueur avant la loi du 8 août 2016 dite « loi travail » et L 3121-28 du même Code issu de la loi travail, l'heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
Ce dispositif devait être mis en place avant la « loi travail » par convention, accord collectif d'entreprise ou d'établissement, convention ou accord de branche ou unilatéralement par l'employeur mais sous réserve que le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ne s'y opposent pas ; il doit être mis en place depuis la « loi travail » par une convention, un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou à défaut par une convnetion ou un accord de branche.
Alors que le salarié fait valoir le non-respect des règles permettant la mise en place des repos compensateurs de remplacement et l'absence de toute information de sa part relatives auxdits repos, l'employeur ne présente aucune observation sur ce point et ne produit aucun élément susceptible d'établir qu'il aurait respecté les règles applicables en cette matière.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande du salarié, à hauteur de 1.835,42 € outre 183,54 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.
Sur le travail dissimulé.
La dissimulation d'emploi salarié prévue à l'article L 8221-5 du Code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, notamment omis d'accomplir la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche ou omis de déclarer l'intégralité des heures de travail.
L'article L 8223-1 du même Code, dans sa version applicable, prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié concerné par le travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l'espèce, en s'abstenant de respecter les règles relatives au repos compensateur de remplacement, notamment postérieurement à juin 2016, en ne payant pas l'intégralité des heures de travail accomplies par le salarié et au vu du volume important d'heures accomplies en un court laps de temps, le caractère intentionnel est caractérisé, en sorte que l'employeur sera condamné à payer à ce dernier l'indemnité de travail dissimulé sollicitée.
Sur l'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 14 novembre 2016.
L'article L 1331-1 du Code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L'article L 1333-1 du même Code prévoit qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, la lettre notifiant la mise à pied disciplinaire est rédigée comme suit :
« Monsieur,
Je fais suite à notre entretien préalable en date du 8 novembre 2016 dans le cadre d'une procédure disciplinaire.
Les motifs ayant donné lieu à cette procédure sont les suivants :
Une fois de plus, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail le 25 octobre 2016.
En effet, le 24 octobre 2016, comme tous les jours, je vous ai signifié votre planning en vous indiquant comme à l'accoutumée que ce dernier pouvait être modifié puisque comme vous le savez, nous sommes tributaires de la météo. Le chantier prévu le lendemain, à 14 heures, a été déplacé le matin à 8 heures par notre client en raison d'intempéries annoncées dans l'après-midi.
Aussi, je vous ai envoyé un message écrit (SMS) dans l'après-midi du 24/10, sur votre téléphone personnel afin de vous signifier ce changement, malgré une mise à disposition d'un téléphone professionnel qui dorénavant restera celui ou vous devez rester joignable. Vous avez bien réceptionné le message puisque j'ai eu l'accusé de réception.
Le 25/10 au matin, vous êtes absent du chantier. Nous vous appelons et vous nous répondez que vous êtes dans votre lit car vous n'avez pas eu de message. J'ai dû vous remplacer au pied levé afin de pouvoir produire notre prestation de travail. Un tel comportement est intolérable et nuit gravement au fonctionnement de l'entreprise. Il ne s'agit nullement d'un acte isolé. (cf. Les avertissements que je vous ai déjà notifié pour les mêmes incidents).
A chaque fois qu'un changement de planning ne vous convient pas, vous me rétorquez que vous n'avez pas eu le message et j'ajoute que vous ne prenez aucun de mes appels téléphoniques. Le téléphone que je vous mets à disposition est votre outil de travail pour vous permettre de vous organiser et vous éviter des déplacements inutiles. Vous êtes le seul salarié de l'entreprise qui refuse purement et simplement d'appliquer les process et les méthodes de travail. Aussi, je vous demande à l'avenir de vous conformer aux règles de travail de l'entreprise et de prendre vos instructions de travail au moyen du téléphone portable. Si cette option ne vous convient pas, alors vous vous présenterez tous les matins à l'entrepôt pour que je vous signifie vos interventions.
Cette conduite met en cause la bonne marche de l'entreprise et les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien préalable ne m'ont pas permis de modifier mon appréciation des faits.
Pour ces motifs, j'ai décidé de vous infliger une sanction de mise à pied de 5 jours avec retenue correspondante de salaire.
La durée de cette sanction s'impute sur la mise à pied à titre conservatoire de 5 jours qui vous avait été notifié, le 26 octobre 2016, à titre conservatoire et que vous avez déjà effectuée. Aussi comme je vous l'ai indiqué lors de l'entretien préalable, vous avez repris votre travail depuis le 4 novembre 2016 et ce même si je vous ai remis en repos du 4 au 10 octobre 2016.
Si de tels incidents devaient se renouveler, je pourrais remettre en cause votre maintien dans la société.
Je souhaite donc vivement que vous preniez les résolutions nécessaires pour que ces faits ne se reproduisent pas. »
L'employeur reproche au salarié de s'être abstenu de se présenter sur le chantier le mardi 25 octobre 2016 à 8h00 alors qu'il avait été prévenu la veille au soir de ce que, du fait des intempéries annoncées, le travail de l'après-midi était avancé au matin.
Il est constant que d'une part, des intempéries étaient annoncées et que d'autre part, le salarié ne s'est effectivement pas présenté le 25 octobre 2016 à 8h00.
L'employeur établit l'avoir pourtant informé la veille au soir sur son téléphone personnel du changement de programme en produisant le SMS adressé ainsi que l'accusé de réception de ce message.
Certes, l'information a été adressée sur le téléphone portable personnel du salarié ' et non sur son téléphone professionnel dont la mise à disposition dusalarié n'est pas contestée.
Mais il résulte des divers échanges entre les parties produits par le salarié que l'employeur et ce dernier avaient l'habitude de communiquer par voie de SMS s'agissant des dates et heures de rendez-vous sur les chantiers au moyen, non pas du téléphone portable professionnel confié au salarié, mais au moyen de son propre téléphone portable personnel. Ainsi, le moyen tiré du fait que le message du 24 octobre 2015 aurait été, à tort, adressé sur le téléphone portable personnel du salarié est inopérant.
Par ailleurs, le moyen tiré de la mauvaise foi de l'employeur du fait des changements de plannings intervenus fréquemment au cours de la relation de travail au vu des échanges SMS du téléphone portable personnel du salarié, ne saurait expliquer l'absence injustifiée du salarié à son poste le 25 octobre 2016, la réalité des intempéries ce jour-là n'étant pas contestable, ni d'ailleurs contestée.
Enfin, les allégations du salarié relatives à des conversations verbales ou téléphoniques les 24 et 25 octobre 2016 ne sont corroborées par aucun élément du dossier.
Il s'ensuit qu'en ne se présentant pas à son poste de travail le 25 octobre 2016, et ce, sans justification, le salarié a commis une faute d'une gravité certaine qui a été justement sanctionnée par une mise à pied disciplinaire de cinq jours.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'annulation de la sanction et de sa demande en rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire.
Sur le licenciement pour faute grave.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 10 décembre 2016 est rédigée comme suit :
« Je fais suite à notre entretien préalable en date du 6 décembre 2016 dans le cadre d'une procédure disciplinaire. Les motifs ayant donné lieu à cette procédure sont les suivants :
Vous ne vous présentez plus à votre poste de travail depuis le 14 novembre 2016 alors que je vous avais demandé expressément de reprendre votre travail. Vous étiez en repos du 4 au 11 novembre 2016 et vous auriez dû reprendre votre travail le 14 novembre 2016, au matin.
Je vous ai de nouveau adressé un courrier pour vous demander de bien vouloir m'indiquer les motifs de votre absence et une fois de plus, vous ne m'avez pas répondu. Ce n'est pas la première fois que vous adopter ce type de comportement. Je vous ai sanctionné à plusieurs reprises pour les mêmes faits en vous sommant de vous mettre sérieusement au travail, en vain. Je constate que vous n'êtes absolument pas digne de confiance et qu'il est impossible de compter sur vous. Tous les matins, je me demande si vous allez vous présenter à votre poste de travail. Je dois sans arrêt modifier les plannings de travail, vous remplacer au pied levé en faisant appel à des travailleurs intérimaires, ce qui engendre pour une petite entreprise comme la nôtre, des coûts financiers importants.
Comme je vous l'ai déjà expliqué un tel comportement est intolérable et nuit gravement au fonctionnement de l'entreprise. Cette conduite met en cause la bonne marche de l'entreprise et les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien préalable ne m'ont pas permis de modifier mon appréciation des faits.
Je vous informe que j'ai, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date d'envoi de la présente lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement. Je vous rappelle que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée. Les sommes vous restant dues vous seront adressées par courrier ainsi que votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle emploi ».
L'employeur reproche au salarié son absence à son poste depuis le 14 novembre 2016.
Le salarié rétorque que l'employeur ne lui fournissait plus de travail, ce qui explique son absence. Il ajoute que dans son courrier, l'employeur ne l'a pas mis formellement en demeure de reprendre son emploi et qu'il n'a reçu cette lettre que le 25 novembre 2016.
Il est constant que le salarié était en repos du mardi 8 novembre 2016, date de l'entretien préalable, jusqu'au jeudi 10 novembre 2016 inclus, qu'il aurait dû reprendre le travail le lundi 14 novembre 2016 et qu'il ne s'est pas présenté sur le chantier ce jour-là ni d'ailleurs les jours suivants.
L'employeur justifie avoir adressé au salarié un courrier recommandé du 17 novembre 2015 portant en objet « Absence injustifié et réponse à votre courrier » reçu par le salarié le 19 novembre suivant, au vu de la date de l'avis distribué portée sur l'accusé de réception, par lequel il lui a indiqué d'une part, que depuis le 14 novembre, il lui demandait de prendre contact avec lui pour qu'il reprenne son poste à l'issue de son congé, ce qu'il n'avait pas fait et d'autre part, qu'il mettait l'entreprise en difficulté du fait de ses absences injustifiées.
Si l'employeur n'a pas employé les termes de « mise en demeure », il ressort cependant des termes du courrier que celui-ci constitue une interpellation suffisante au sens de l'article 1344 du Code civil. Or, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le salarié aurait tenté de joindre l'employeur pour justifier de son absence ou pour obtenir des informations relatives à son emploi du temps.
Le salarié était dès lors en situation d'abandon de poste. Ce manquement grave constitue une faute grave justifiant son licenciement sans indemnités.
Le jugement sera confimé en ce qu'il a débouté ce dernier de ses demandes liées au licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes accessoires.
L'employeur devra délivrer au salarié un bulletin de salaire rectifié incluant les heures supplémentaires fixées.
Il supportera la charge des dépens.
Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;
INFIRME le jugement du 23 mai 2019 du conseil de prud'hommes de Béziers en ce qu'il a débouté M. [I] [D] de ses demandes au titre de la requalification du contrat de travail à durée déterminée, au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé ;
Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés,
REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée du 28 septembre 2015 en contrat à durée indéterminée ;
CONDAMNE l'EURL Lev'Pro à payer à M. [I] [D] les sommes suivantes :
-1 466,65 € au titre de l'indemnité de requalification,
-1 811,24 € au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires,
-181,12 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
- 8 799,90 € au titre de l'indemnité de travail dissimulé ;
CONFIRME le surplus du jugement ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE l'EURL Lev'Pro aux entiers dépens de l'instance ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT