COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 22/00549 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PVEB
O R D O N N A N C E N° 2022 - 557
du 28 Décembre 2022
SUR PROLONGATION DE RÉTENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [M] [U]
né le 19 Juillet 1998 à [Localité 4] (GÉORGIE)
de nationalité Géorgienne
retenu au centre de rétention de [Localité 3] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant, assisté de Maître Emilie PASCAL LABROT, avocat commis d'office
appelant,
et en présence de Mme [C] [D], interprète assermentée en langue géorgienne,
D'AUTRE PART :
1°) LE PRÉFET DE LA CORREZE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Non représenté
2°) MINISTÈRE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Patrice GELPI conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Marie-José TEYSSIER, greffier,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'arrêté du 23 décembre 2022 notifié à 19h25, de Monsieur LE PRÉFET DE LA CORREZE portant obligation de quitter le territoire national sans délai pris à l'encontre de Monsieur [M] [U].
Vu la décision de placement en rétention administrative du 23 décembre 2022 de Monsieur [M] [U], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
Vu l'ordonnance du 26 décembre 2022 à 15h41 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger sa rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.
Vu la déclaration d'appel faite le 27 décembre 2022 par Monsieur [M] [U], du centre de rétention administrative de [Localité 3], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 11h08.
Vu les télécopies et courriels adressés le 27 décembre 2022 à Monsieur LE PRÉFET DE LA CORREZE, à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 28 décembre 2022 à 14 H 00.
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans Le box d'accueil de la cour d'appel de Montpellier dédiée aux audiences du contentieux des étrangers, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.
L'audience publique initialement fixée à 14 H 00 a commencé à 15 h 14.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Assisté de Mme [C] [D], interprète, Monsieur [M] [U] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle Monsieur [M] [U], né le 19 Juillet 1998 à [Localité 4] (GÉORGIE), de nationalité géorgienne. Je ne comprends pas le français. Je n'ai pas de famille en France. Ma soeur habite aux Etats-Unis. Mes parents et une de mes soeurs habitent en GÉORGIE . '
L'avocat Me Emilie PASCAL LABROT développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger. Elle indique renoncer au dernier moyen de sa requête d'appel concernant l'erreur sur la notification des voies de recours.
Assisté de Mme [C] [D], interprète, Monsieur [M] [U] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' Je suis en France depuis 5 mois, depuis le 3 août dernier. Je n'ai aucun document prouvant que j'ai fait un recours devant la CNDA. '
Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 27 décembre 2022, à 11h08, Monsieur [M] [U] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Perpignan du 26 décembre 2022 notifiée à 15h41, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée ; qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R.743-10 et R.743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
À titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des articles 171 et 802 du code de procédure pénale, hors les cas de nullité d'ordre public touchant à la bonne administration de la justice, une irrégularité procédurale n'est constitutive de nullité que pour autant qu'elle cause grief à celui qui s'en prévaut. Il appartient au demandeur à la nullité de justifier de ce grief, lequel ne se confond pas avec son intérêt à agir.
1) Sur l'irrégularité concernant la délivrance de l'avis au procureur
[M] [U] invoque, de manière contradictoire, à la fois l'absence de preuve suffisante d'un avis délivré au ministère public et l'irrégularité de ce dernier comme ayant été délivré avant même que ne lui soit notifié son placement en rétention.
En réalité, le procès-verbal rédigé le 23 décembre à 17h40 concerne l'instruction reçue du substitut du procureur de la république près le tribunal judiciaire de Tulle, de lever la garde à vue de Monsieur [M] [U] après lui avoir notifié la 'décision administrative du préfet de Corrèze'.
En revanche, il apparaît en procédure un courriel daté du 23 décembre 2022 à 19h53, adressé par les services de la préfecture à l'adresse structurelle du procureur, mentionnant l'existence de son information du placement de [M] [U] en centre de rétention administrative.
Or, il sera rappelé, à l'instar du premier juge, que cet avis peut être réalisé par tout moyen, de sorte qu'il convient de considérer que cette formalité a dûment été respectée.
À titre surabondant, la cour observe qu'a minima [M] [U] admet que le ministère public a été informé de son placement en rétention administrative le 23 décembre à 17h40, ce qu'il critique pour avoir été réalisé avant même que la décision préfectorale de placement ne lui ait été personnellement notifiée (le 23 décembre à 19h25). Il soutient que cet avis notifié de manière anticipée au ministère public lui cause grief au motif 'qu'ont été ainsi rendus totalement illusoires l'avis et le contrôle exercé par celui-ci'.
Toutefois, cette allégation ne constitue pas la preuve d'un grief dès lors qu'il n'est pas démontré en quoi le fait que le procureur de la république ait été informé moins de deux heures avant la notification à [M] [U] de l'arrêté ordonnant son placement en rétention administrative, l'a privé d'une quelconque garantie de ses droits. En effet, le représentant du ministère public, à qui n'était dû qu'une simple information, conservait toute latitude d'exercer ses prérogatives, en particulier le droit qu'il tire des dispositions de l'article L.743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (dit 'CESEDA') de se transporter sur les lieux, de vérifier les conditions du maintien en rétention de l'étranger et de se faire communiquer le registre prévu à l'article L.744-2 du même code.
Dès lors, en l'absence de preuve de tout grief, l'irrégularité alléguée n'est pas constitutive de nullité.
[M] [U] sera donc débouté de cette exception.
2) Sur l'absence d'interprète lors de son examen médical
[M] [U] indique qu'au cours de sa garde à vue, et conformément au droit qu'il tient de l'article 63-3 du code de procédure pénale, il a été conduit à l'hôpital aux fins d'être examiné par un médecin, lequel a procédé à son examen sans qu'il soit assisté par un interprète. Dès lors, il considère que cette irrégularité entache la procédure de nullité.
Cependant, en l'espèce, c'est la preuve de l'irrégularité qui fait défaut. En effet, il ne résulte d'aucun texte que la présence d'un interprète est requise au cours de l'examen médical devant permettre de déterminer si la situation physique et psychologique du mis en cause est compatible avec la mesure de garde à vue.
À titre surabondant, la cour observe que, à supposer même que cette absence soit constitutive d'une irrégularité procédurale, la preuve d'un grief serait tout aussi manquante. En effet, les difficultés de communication (monsieur [U] ayant admis qu'il maîtrisait quelques rudiments d'anglais), voire son impossibilité, n'ont pas pour autant privé le médecin requis de sa pleine capacité à réaliser l'examen clinique complet de [M] [U].
C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté cette exception de nullité.
3) Sur la concomitance de la notification des décisions
A titre liminaire, la cour rappelle que l'information des droits en rétention doit être faite dans les meilleurs délais à compter de la notification de la décision de placement. L'article R. 744-16 du CESEDA dispose que : « [...] un procès-verbal de la procédure de notification des droits en rétention est établi. Il est signé par l'intéressé, qui en reçoit un exemplaire, le fonctionnaire qui en est l'auteur et le cas échéant l'interprète. Ces références sont portées sur le registre mentionné à l'article L.744-2. »
Sur l'application de ces textes, [M] [U] écrit : « Les notifications de mes droits sont intervenues par le truchement d'un interprète par téléphone. Or, elles ont toutes été faites à quelques minutes d'intervalle, entre 19h20 et 19h32, ce qui est beaucoup trop court pour expliquer tous les droits que j'étais en mesure d'exercer. La notification effective de mes droits n'a donc pas pu avoir lieu ce qui me fait nécessairement grief.... ».
Ce moyen apparaît particulièrement audacieux dès lors que [M] [U], tout en reconnaissant que ses droits lui ont été dûment notifiés, fût-ce par voie téléphonique, et par le truchement d'un interprète, affirme que le temps pris par cette notification (12 minutes) n'a pas été suffisant pour qu'il en prenne toute la mesure et puisse donc valablement les exercer.
Outre qu'il lui était parfaitement loisible de solliciter des précisions ou des répétitions à l'interprète, ce grief ne repose sur aucun fondement textuel dès lors qu'il n'est pas encore prévu un temps minimal de notification pour chacun des droits dont le retenu dispose.
Ce moyen, manifestement dépourvu de sérieux, sera donc écarté.
Enfin, il sera rappelé que [M] [U] a renoncé à son dernier moyen, invoquant une erreur concernant la notification d'une voie de recours auprès du tribunal administratif de Limoges, alors que seul le tribunal administratif de Montpellier était compétent, car il déclare avoir été en mesure de former valablement recours devant cette dernière juridiction.
Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Déboutons [M] [U] de ses entiers moyens et demandes ;
Par conséquent :
Confirmons la décision déférée en toutes ses dispositions,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 28 Décembre 2022 à 17h16.
Le greffier, Le magistrat délégué,