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17/02/2023 | FRANCE | N°22/00006

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chbre de l'expropriation, 17 février 2023, 22/00006


N° RG 22/00006 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PM7F



Minute N° :





COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre de l'expropriation



ARRET DU 17 FEVRIER 2023

Débats du 16 Décembre 2022

APPELANTE :

d'un jugement du juge de l'expropriation du département des Pyrénées Orientales en date du 08 Avril 2022



Etablissement Public GRAND [Localité 11] COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION prise en la personne de son Président en exercice

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par Maitre Cédric LIEGEO

IS, avocat au barreau de MONTPELLIER



INTIMES



Monsieur [J] [X]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Madame [L] [D] épouse [X]

[Adresse 7]

[Localité 1]



Représenté...

N° RG 22/00006 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PM7F

Minute N° :

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre de l'expropriation

ARRET DU 17 FEVRIER 2023

Débats du 16 Décembre 2022

APPELANTE :

d'un jugement du juge de l'expropriation du département des Pyrénées Orientales en date du 08 Avril 2022

Etablissement Public GRAND [Localité 11] COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION prise en la personne de son Président en exercice

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Maitre Cédric LIEGEOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES

Monsieur [J] [X]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Madame [L] [D] épouse [X]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentés par Maître Xavier HEMEURY, avocat au barreau de MONTPELLIER

EN PRESENCE DE :

Monsieur LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représenté par Mme [Y] [S] , inspectrice divisionnaire, déléguée par Monsieur le directeur département des finances publiques de l'Hérault, aux fonctions de commissaire du gouvernement,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame FERRANET, conseiller, faisant fonction de président, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame FERRANET, conseiller, faisant fonction de président de chambre,

Madame BOURDON, conseiller,

Madame ROCHETTE, conseiller,

GREFFIER :

Mme Sophie SPINELLA, greffier, lors des débats et du prononcé.

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Décembre 2022 où l'affaire a été mise en délibéré à l'audience publique du 17 Février 2023.

ARRET :

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Florence FERRANET, conseiller, faisant fonction de président de chambre et Sophie SPINELLA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*******

Les parties ont été régulièrement convoquées par lettres recommandées avec accusés de réception.

Le président entendu en son rapport, les conseils des parties et le commissaire du gouvernement entendus en leurs observations,

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant arrêté du 1er février 2018, le Préfet de l'Aude a déclaré d'utilité publique, au profit de la Communauté d'agglomération du Grand [Localité 11] les travaux de prélèvement et de dérivation des eaux de forage de la [Localité 8], et a instauré un périmètre de protection rapprochée proscrivant la construction de tout bâtiment, notamment à usage d'habitation.

La parcelle figurant au cadastre, section BC n°[Cadastre 4] Commune de [Localité 10] d'une surface de 2241 m², et appartenant aux époux [X], située au titre du Plan local d'urbanisme modi'é en dernier lieu en 2004, en zone constructible AUb (zone à urbaniser, destinée à une urbanisation future à usage principal d'habitat, sous forme d'opération individuelle ou d'ensemble de faible intensité et de faible hauteur) est comprise dans le périmètre de protection rapprochée du forage instauré par l'arrêté du ler février 2018.

Les époux [X] ont contesté l'arrêté préfectoral devant le juge administratif, lequel a rejeté leur requête par jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 21 janvier 2020 devenu définitif.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 19 mai 2021, les époux [X] ont formé une réclamation indemnitaire auprès de la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11], sollicitant le paiement d'une somme au titre de la perte de valeur de leur parcelle, qu'ils chiffraient à hauteur de 144 000 €.

En l'absence de réponse de la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11], ils ont saisi le juge de 1'expropriation de l'Aude suivant requête du 2 novembre 2021, aux 'ns de fixation judiciaire des indemnités leur revenant.

Par ordonnance du 6 janvier 2022, un transport sur les lieux a été fixé au 18 février 2022, lequel est intervenu en présence des parties.

Par jugement rendu le 8 avril 2022, le juge de l'expropriation de l'Aude a :

- déclaré recevable l'action des époux [X];

- déclaré irrecevables les conclusions du Commissaire du gouvernement ;

- fixé à 166 262 € le montant de l'indemnité due par la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] aux époux [X] à raison du préjudice subi du fait du classement de la parcelle figurant au cadastre de la commune de [Localité 10], section BC n°[Cadastre 4] leur appartenant en zone de protection rapprochée du forage de la [Localité 8], par arrêté préfectoral du ler février 2018 ;

- condamné la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] à payer aux époux [X] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- mis les dépens à la charge de la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11].

*******

La Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] a interjeté appel du jugement le 4 mai 2022.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 13 décembre 2022, elle demande à la cour :

- d'annuler le jugement rendu le 8 avril 2022 par le juge de l'expropriation du tribunal de Carcassonne ;

- de déclarer irrecevables les demandes des époux [X] ;

- subsidiairement de rejeter les demandes comme dépourvues de caractère direct et certain ;

- à titre infiniment subsidiaire de fixer à de plus justes proportions les sommes sollicitées qui ne sauraient excéder 60 €/m² ;

- de rejeter l'appel incident des époux [X] ;

- de condamner solidairement les époux [X] à lui verser la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient que le régime applicable à l'indemnisation consécutive à l'instauration d'un périmètre de protection rapprochée pour captage d'eau est celui de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qu'en l'absence de notification par la collectivité de son offre préalable d'indemnisation (article R311-7 du code de l'expropriation), il appartenait au propriétaire de la mettre en demeure de notifier cette offre, que la demande du 31 mai 2021 ne constitue pas une mise en demeure préalable de formuler une offre d'indemnisation, que la demande des époux [X] est donc irrecevable.

Elle fait valoir que la parcelle est un terrain non bâti de garrigue, loin de tout réseau et non viabilisé, que rien ne permet d'affirmer que les propriétaires disposent d'un droit à construire sur cette parcelle, que s'ils ont obtenu le 9 mai 2006 un permis de construire ils n'ont jamais réalisé le projet, que ce permis est devenu périmé le 9 mai 2012, qu'ils ne justifient donc pas d'un préjudice certain.

Très subsidiairement elle soutient qu'il y a lieu de réduire l'évaluation à la somme de 60 €/m², qu'il y a lieu d'appliquer un abattement de 15 % pour parcelle de grande superficie, un abattement de 10 % pour frais de terrassement et création d'accès à la parcelle cadastrée, et qu'il convient de tenir compte de la nuisance sonore de la route départementale.

*******

Les époux [X] dans leur mémoire déposé au greffe le 13 décembre 2022 demandent à la cour de rejeter les prétentions de l'appelante, de déclarer leur appel incident recevable, d'infirmer le jugement et de fixer à la somme de 181 262 € le montant de l'indemnité due par la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] pour préjudice subi découlant de l'institution d'un périmètre de protection rapprochée institué par arrêté du 1er février 2018 sur leur parcelle cadastrée section BC n° [Cadastre 4] d'une contenance de 2241 m² sise lieudit [Adresse 12] à [Localité 10] et de condamner la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] à leur verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que si l'article L 1321-3 du code de la santé publique fixe un droit à indemnisation des propriétaires privés, pour un bien situé dans un périmètre de protection rapprochée « selon les règles applicables en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique », au regard du particularisme de ce mécanisme d'indemnisation, la troisième chambre civile de la Cour de cassation apporte des tempéraments aux règles usuelles contenues dans le code de l'expropriation, qu'il n'y a pas lieu en l'espèce de faire application des dispositions de l'article R.311-7, des lors qu'aucun arrêté de cessibilité n'a été prononcé, qu'en outre la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] a été destinataire d'une demande à laquelle elle n'a pas répondu.

Ils font valoir que le premier juge n'avait pas à statuer sur une demande d'abattement qui n'était pas formulée par écrit, que le préjudice est bien réel et certain dès lors que, depuis l'arrêté, le terrain est sanctuarisé et ne peut plus être bâti malgré le fait qu'il soit constructible, qu'il n'y a pas lieu à abattement dès lors que la contenance du terrain est de 2241 m² et qu'aucune des pièces versées ne permet d'établir l'existence d'une « pollution » ou de nuisances sonores.

Ils soutiennent qu'ils sont fondés à solliciter une indemnité égale à la différence entre le prix d'un terrain à bâtir non viabilisé et la valorisation actuelle du terrain (2500 €), soit 181 263 €.

*******

Le commissaire du gouvernement dans son mémoire déposé au greffe le 27 juillet 2022 demande à la cour de confirmer le jugement qui a alloué aux époux [X] une indemnité d'un montant de 166 262 €.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'action :

Les articles L.331-2 et R.311-31 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique disposent que lorsqu'un texte législatif ou réglementaire prévoit la fixation d'un prix ou d'une indemnité comme en matière d'expropriation, ce prix ou cette indemnité est, sauf disposition législative contraire, fixé, payé ou consigné selon les règles du présent code.

Ils ajoutent que lorsque des textes législatifs ou réglementaires disposent que les contestations relatives au montant des indemnités dues en raison de l'établissement de servitudes d'utilité publique sont jugées comme en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, il est statué conformément aux dispositions des titres Ier et III du livre II et du livre III de ce code.

L'article L.1321-3 du Code de la santé publique précise que : « Les indemnités qui peuvent être dues aux propriétaires ou occupants de terrains compris dans un périmètre de protection de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines, à la suite de mesures prises pour assurer la protection de cette eau, sont fixées selon les règles applicables en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique».

Concernant la saisine du juge de l'expropriation, l'article R.311-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique indique qu'à défaut d'accord dans le délai d'un mois à compter soit de la noti'cation des offres de l'expropriant effectuée conformément aux articles R.311-4 et R.311-5, soit de la notification du mémoire prévue à l'article R.311-6, soit de la mise en demeure prévue à l'article R.311-7, le juge peut être saisi par la partie la plus diligente.

Il n'est pas contesté en l'espèce que la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] n'a pas noti'é d'offre aux époux [X], ni n'a noti'é de mémoire.

L'article R.311-7 prévoit que : « si l'expropriant ne notifie pas ses offres, tout intéressé peut, une fois intervenu l'arrêté de cessibilité, mettre l'expropriant en demeure d'y procéder ''.

La Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] soutient qu'en l'absence de mise en demeure de procéder à la notification d'offres, l'acte de saisine de la juridiction de l'expropriation n'est pas recevable.

Dans un arrêt du 9 octobre 2013 (n°12-13694), la troisième chambre civile de la Cour de cassation pose le principe d'un assouplissement des règles de la procédure d'expropriation dans les hypothèses où le propriétaire des parcelles incluses dans un périmètre de protection rapprochée, ne subit pas la perte de ses biens, mais des restrictoins d'usage.

En outre, en l'espèce, aucun arrêté de cessibilité n'est susceptible d'intervenir.

Le fait d'exiger le respect de la lettre de l'article R.311-7 à portée réglementaire, dans le cadre d'une procédure ne comportant pas d'arrêté de cessibilité, constituerait donc une atteinte au principe d'indemnisation posé par l'article L.1321-3 du Code de la santé publique, qui a une portée législative.

De plus, la lettre adressée par les époux [X] à la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] le 19 mai 2021, même si elle ne constitue pas précisément une mise en demeure d'avoir à notifier son offre, constitue une démarche amiable relativement à la fixation de l'indemnité à laquelle ils ont droit, conformément aux principes régissant l'expropriation pour cause d'utilité publique, et notamment l'existence d'une phase amiable antérieure à la saisine du juge.

Il convient donc de confirmer la décision du juge de l'expropriation en ce qu'il a considéré que l'action des époux [X] en demande de 'xation de l'indemnité qui leur est due à raison de l'inclusion de leur propriété dans le périmètre de protection rapprochée du forage [Localité 8], doit être déclarée recevable.

Sur la fixation de l'indemnité :

Sur l'existence d'un préjudice direct et certain :

La Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] fait valoir que les époux [X] ne peuvent se prévaloir d'un préjudice direct et certain en ce que le classement de la parcelle en zone à urbaniser ne garantit par le droit à construire, s'agissant en l'espèce d'un terrain en friche non viabilisé qu'elle estime loin de tous réseaux.

Elle soulève en outre qu'il n'est pas établi que leur préjudice ait pour unique cause l'arrêté préfectoral et que la proximité du forage grevait déjà le bien de restrictions à construire sans lien direct avec son classement postérieur en zone de protection rapprochée. Elle estime que le permis de construire étant périmé, il est constant que les époux [X] avaient abandonné leur projet de construction. de sorte que leur préjudice quant à l'impossibilité de construire est seulement éventuel, aucune construction ni aucun projet n'étant en cours.

Les époux [X] font valoir que leur propriété est un terrain à bâtir, pour lequel ils avaient obtenu un permis de construire en 2006, et qu'il est désormais inconstructible en raison de la servitude qui le grève, servitude qui résulte directement de l'arrêté préfectoral qui a instauré la zone de protection rapprochée.

Il est constant que la parcelle BC n°[Cadastre 4] de [Localité 10] est classée au plan local d'urbanisme en zone AUb laquelle comprend « les zones à urbaniser sous forme d'opération individuelle ou d'ensemble (lotissement, groupe d'habitation, etc.), de faible densité et de faible hauteur (Rez de chaussée et un demi-étage en terrasse suivant le relief) ''.

Il n'est pas davantage contesté que la parcelle se trouve dans le périmètre de protection rapprochée instauré par l'arrêté préfectoral du ler février 2018, étant observé que l'article 6.3 de celui-ci vise expressément la parcelle BC n°[Cadastre 4], et que, suivant ce même article : «  A l'intérieur de ce PPR, les activités suivantes seront interdites......Constructions : les habitations individuelles, les immeubles collectifs, lotissements, campings, aires de caravaning..... ».

La parcelle BC n°[Cadastre 4] s'est donc vue imposer une restriction d'usage particulièrement importante, puisque de parcelle à urbaniser elle est devenue parcelle inconstructible.

L'affirmation de la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] selon laquelle la proximité du forage grevait déjà la parcelle de restrictions d'usage ne repose sur aucun élément objectif.

Il en est de même de l'allégation selon laquelle le droit à construire des époux [X] n'était pas garanti.

En effet non seulement le transport sur les lieux a permis de constater que les réseaux passent à proximité immédiate de la parcelle, qui est entourée de maisons d'habitations de part et d'autre, mais au surplus, les époux [X] ont effectivement obtenu un permis de construire en 2006 sur cette parcelle.

L'ancienneté de celui-ci est indifférente au litige dès lors qu'il n'apparaît pas dans le débat qu'un fait nouveau soit intervenu entre 2006 et 2018 qui aurait pu faire obstacle à la délivrance d'un nouveau permis de construire pour la même parcelle. Le défaut de viabilisation de la parcelle ne constituait donc aucunement un obstacle matériel ni juridique à la possibilité de construire sur ce terrain, que la Commune considérait au contraire comme une zone à urbaniser, ce qui indique une intention de voir des constructions s'y développer.

L'évolution de « parcelle à urbaniser » à « parcelle inconstructible » qui résulte du classement en zone de protection rapprochée, par l'arrêté préfectoral du ler février 2018, a entrainé une perte de valeur, laquelle ne peut que constituer un préjudice pour son propriétaire, ce préjudice étant actuel et certain, et non éventuel, en ce que l'arrêté a modifié la qualité du bien en cause, quels que soient les projets des propriétaires actuels à son égard.

Sur l'évaluation du préjudice :

Les époux [X] estiment que le prix d'un terrain de garrigue non constructible s'évalue à environ 1 €/m2 dans la région, de sorte que leur parcelle vaut désormais 2 500 €.

Quant à la valeur de la parcelle si elle était restée constructible, ils se prévalent de termes de comparaison puisés dans les mutations de terrains à bâtir sur la commune au cours des dernières années, et constatent que les terrains viabilisés se vendent 125 €/m2, ou pour les terrains communaux 105 €/m2, et qu'un terrain non viabilisé s'est vendu 82 €/m2.

Ils retiennent donc une évaluation de leur bien sur la base de 82€/m2, soit 183 762 €, et demandent le paiement de la différence avec sa valeur actuelle, soit 181 262 €.

Ils contestent l'application de l'abattement pour grande superficie au regard de la taille de leur bien, de l'abattement pour pollution, dont la cour devra statuer sur la nouveauté de la demande (article 564 du code de procédure civile) et de l'abattement au regard des travaux de viabilisation à effectuer.

La Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] estime que le terrain doit être évalué à hauteur de 60 €/m2, qu'il y a en effet lieu à appliquer un abattement de 15 % pour parcelle de grande superficie et de 10% pour frais de terrassement et création d'un accès à la parcelle, ainsi que d'un abattement pour pollution.

La valeur de base de 82 €/m² est admise par toutes les parties.

En ce qui concerne l'abattement de 15 % pour parcelle de grande superficie, comme l'a justement fait observer le premier juge, la parcelle objet du litige a la même superficie que celle qui a servie d'élément de comparaison, il n'y a donc pas lieu d'appliquer un abattement pour grande superficie sur cette parcelle de 2241 m².

En ce qui concerne le coût de la viabilisation et du terrassement, la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] dans ses conclusions fait référence à l'abattement proposé par le commissaire du gouvernement dans ses conclusions de première instance à hauteur de 10%.

Les époux [X] s'opposent à l' abattement pour coût de la viabilisation car le terme de comparaison qui a été retenu concerne un terrain à bâtir non viabilisé, qu'il n'y a pas lieu de tenir compte du fait que lors du transport sur les lieux la parcelle ait été récemment bâtie, et qu'en ce qui concerne la nécessité de réaliser des travaux de terrassement, le linéaire à réaliser sur leur parcelle (22 mètres), est moindre que celui de la parcelle de comparaison (56 mètres).

Toutefois comme l'a relevé le premier juge, la parcelle servant d'élément de comparaison était plate alors que la parcelle objet du litige est en situation dominante sur une colline en nature de lande escarpée et rocailleuse, donc très pentue.

Ainsi si il n'y a pas lieu d'opérer un abattement pour coût de viabilisation de la parcelle, il y a lieu d'opérer un abattement pour coût du terrassement à réaliser au regard du dénivelé, il convient donc de confirmer la décision de première instance qui a retenu une dévalorisation de la parcelle à hauteur de 15 000 €.

Les époux [X] in fine de leurs conclusions font valoir que la parcelle correspondant au terme de comparaison était grevé d'une servitude car elle est située pour partie dans la zone inondable PPRI, que si la cour retient la nécessité d'un abattement pour terrassement, ses prétentions restent fondées à hauteur de 82 €/m² car en réalité le terme de comparaison fait ressortir un prix de 102 €/m² pour sa partie constructible.

Toutefois comme l'a soulevé la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11], le classement interdit seulement les constructions nouvelles qui sont susceptibles de perturber l'écoulement ou d'aggraver le risque d'inondation, dès lors, il ne s'agit pas d'une inconstructibilité de principe, il n'y a donc pas lieu de retenir un prix à plus de 82 €/m².

Enfin en ce qui concerne la présence de la route départementale D6113 à proximité de la parcelle, le premier juge a constatée que la parcelle citée à titre de référence n'est pas affectée des nuisances sonores qui affectent le bien des époux [X], et qui sont importantes au point de constituer une forme de pollution, s'agissant de la proximité d'une route nationale sur laquelle passent des véhicules légers en nombre, comme des poids lourds, à une vitesse soutenue.

Le premier juge n'a pas tenu compte de cet élément car la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] n'avait pas invoqué un abattement au titre de la pollution générée par la route nationale dans son mémoire.

S'il est exact que l'article 564 du code de procédure civile expose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, le fait de soulever un argument supplémentaire pour obtenir une réduction de prix n'est pas constitutif d'une demande nouvelle, la cour est donc fondée à tenir compte de cet argument.

Il est exact que les constatations lors du transport sur les lieux par le magistrat de première instance ne sont étayées par aucun élément matériel permettant de déterminer si le niveau des décibels est supérieur aux seuils réglementaires.

Étant considéré que le terme de comparaison retenu correspond à une fourchette basse, que le commissaire du gouvernement dans ses conclusions ne fait pas mention de la nécessité de réduire la valeur de la parcelle en raison d'une pollution auditive, et qu'aucun élément matériel ne permet d'objectiver cette pollution auditive, il convient de retenir l'évaluation suivante :

2 241 m² x 82 €/m² - 15 000 = 168 762 €.

Le préjudice subi par les époux [X] s'élève donc à la somme :

168 762 - 2 500 = 166 262 €, le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes :

La Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] qui succombe en son appel sera tenue aux dépens d'appel et condamnée en équité à verser aux époux [X] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement rendu par le juge de l'expropriation du département de l'Aude, le 8 avril 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] à verser aux époux [X] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Communauté d'Agglomération du Grand [Localité 11] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chbre de l'expropriation
Numéro d'arrêt : 22/00006
Date de la décision : 17/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-17;22.00006 ?
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