Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre de la famille
ARRET DU 16 MARS 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 18/01371 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NSM6
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 15 FEVRIER 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN
N° RG 16/02861
APPELANT :
Monsieur [J] [B]
né le 29 Mai 1964 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me FULACHIER avocat au barreau de MONTPELLIER loco Me Alexandre SALVIGNOL, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [K] [B]
né le 18 Février 1952 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Emily APOLLIS loco Me Florent ESQUIROL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
Madame [H] [B] épouse [I]
née le 29 Mai 1953 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Emily APOLLIS loco Me Florent ESQUIROL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
Madame [Y] [B] épouse [D]
née le 27 Avril 1955 à
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Monsieur [M] [B]
né le 03 Septembre 1956 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Emily APOLLIS loco Me Florent ESQUIROL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 11 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 JANVIER 2023,en audience publique les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme S. DODIVERS, Présidente de chambre
Mme K. ANCELY, Conseillère
Mme M. LE DONCHE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme D.IVARA
L'affaire a été mise en délibéré au 9 mars 2023, délibéré prorogé à ce jour
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme S. DODIVERS, Présidente de chambre, et par Mme D. IVARA, Greffier.
****
EXPOSÉ DU LITIGE
[A] [B] et [L] [C] se sont mariés le 23 Juin 1951 devant l'officier d'état civil de [Localité 6] sans contrat de mariage préalable. De leur union sont issus cinq enfants :
- [K] né le 18 février 1952,
- [H] née le 29 mai 1953,
- [Y] née le 27 avril 1955,
- [M] né le 3 septembre 1956,
- [J] né le 29 mai 1964.
[A] [B] est décédé le 27 décembre 2004.
[U] [C] est décédée le 25 novembre 2009.
Par acte de donation partage en date du 04 juin 1993, [U] [C] épouse [B] et [A] [B] ont consenti une donation à leurs cinq enfants d'une partie importante de leurs biens immobiliers. Dans ce cadre, chaque enfant a reçu un lot de biens et droits immobiliers de valeur équivalente (100.000,00 Frs pour chacun).
Par acte de notoriété acquisitive du 20 février 2007 dressé par Maître [T], il a été constaté l'acquisition par [U] [O] [C] par prescription trentenaire :
- d'un terrain sis à [Localité 6] Section [Cadastre 7] Lieu-dit « [Localité 13] » d'une superficie de 45 ca
- et d'un terrain même ville Section [Cadastre 8] lieu-dit « [Localité 12] » d'une surface de 8 ares et 53 ca
Par acte du même jour, Mme [G] [B] a vendu à son fils [J] les deux terrains pour le prix de 400 €.
Suite au décès des parents, la succession comprend de nombreux autres biens immobiliers sous forme de parcelles de terres agricole.
Par jugement en date du 14 septembre 2017, les demandeurs [K], [H] et [M] [B] ont été invités à s'expliquer sur l'étendue de leur demande et préciser si leur revendication est intentionnellement limitée à la parcelle sise à [Localité 11] et cadastrée lieudit [Localité 12] Section [Cadastre 10] d'une contenance de 8 à 53.
Par jugement contradictoire en date du 15 février 2018 le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Perpignan a notamment:
- ordonné le partage de la succession de [A] [B], du régime matrimonial des époux [C]/[B] et de [U] [C] veuve [B],
- désigné Maître [Z], notaire associé à [Localité 15] pour procéder aux opérations de partage,
- commis le président de la première chambre civile pour surveiller les opérations,
-ordonné la réintégration à l'actif de la communauté [C] / [B] et des successions de [A] [B] et [U] [C] veuve [B] des deux parcelles sises à [Localité 6],et cadastrées lieudit [Localité 13] Section [Cadastre 9] pour une contenance de 45 ca et lieudit [Localité 12] Section [Cadastre 10] d'une contenance de 8 a 53 ca.
- dit que le présent jugement devra être publié au service de la publicité foncière de [Localité 14],
- débouté Monsieur [J] [B] de sa demande reconventionnelle au titre de l'enrichissement sans cause,
- réservé les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration au greffe en date du 13 mars 2018, Monsieur [J] [B] a interjeté appel limité de la décision en ce quelle l'a débouté de sa demande reconventionnelle au titre de l'enrichissement sans cause.
L'appelant dans ses dernières conclusions en date du 22 juin 2018 demande à la cour de':
- infirmer «'in parte qua'» le jugement, et ce du seul chef du dispositif ayant rejeté sa demande au titre de l'enrichissement sans cause,
statuant à nouveau,
- accueillir la demande reconventionnelle de Monsieur [J] [B] telle que fondée sur l'article 371 ensemble l'article 1371 du code civil,
- voir fixer la créance de Monsieur [J] [B] sur la succession telle que fondée sur l'enrichissement sans cause ayant excédé la piété filiale à la somme de 147 500 euros,
- confirmer le jugement mixte sur le surplus des dispositions,
- condamner les intimés à servir au concluant la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposés ainsi qu'aux entiers dépens et dont distraction au profit de Maître Alexandre Salvignol, avocat aux offres de droits, et par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions en date du 17 avril 2018, les intimés demandent à la cour de':
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes financières de Monsieur [J] [B] au titre de l'enrichissement sans cause et en tant que de besoins l'en débouter.
Y ajoutant,
- condamner en cause d'appel [J] [B] au paiement de la somme de 3.000,00 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2023.
SUR CE LA COUR
Sur la demande au titre de l'enrichissement sans cause
Le premier juge, pour rejeter la demande à ce titre, a retenu que les soins allégués par [J] [B] au profit de sa mère ont duré à
peine cinq ans et que le montant sollicité correspond à une indemnisation mensuelle de 2458 euros. Il a relevé que les attestations démontraient que [J] [B] et son épouse étaient présents quotidiennement au domicile de [U] [B] et veillaient à ce qu'elle ne manque de rien, mais qu'il s'agissait d'un soutien complémentaire aux interventions des infirmières et des aides ménagères, et que par ailleurs toute la famille était présente aux côtés de [U] [B]. Il a ainsi estimé que les soins apportés par [J] [B] n'excédaient pas les obligations filiales, et qu'il ne justifiait pas avoir abandonné un emploi pour s'occuper de sa mère ou avoir assuré la prise en charge financière de soins coûteux.
Au soutien de son appel, M. [J] [B] fait valoir qu'il n'a pas cessé de s'occuper quotidiennement de sa mère suite au décès de son père, du 27 décembre 2004 au 25 novembre 2009, alors que sa s'ur [H] avait adopté une attitude distante à l'égard de leurs parents.
En réplique, [K], [M] et [H] [B] exposent qu'[J] [B] exerce les professions d'exploitant agricole et d'employé communal, et n'a sacrifié aucune des deux pour s'occuper de sa mère. [K] et [M] [B] indiquent qu'ils résident à [Localité 6] dans un périmètre restreint, y résidaient déjà du vivant de leur mère et lui rendaient visite quotidiennement, lui apportant de l'aide en effectuant des courses pour elle et en s'assurant de son confort. Ils ajoutent que leur mère disposait d'infirmières et d'aide à domicile, que tous les enfants lui rendaient en réalité visite, que leur frère [J] ne démontre pas s'être appauvri, et ne justifie pas d'un enrichissement de leur mère.
L'article 371 du code civil dispose que l'enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère.
Le devoir moral d'un enfant envers ses parents n'exclut pas que l'enfant puisse obtenir une indemnité pour l'aide et l'assistance apportées à ses parents dans la mesure où, ayant excédé les exigences de la piété filiale, les prestations librement fournies avaient réalisé à la fois un appauvrissement pour l'enfant et un enrichissement corrélatif des parents (Civ. 1re, 12 juillet 1994).
En l'espèce, Mme [U] [B] a vécu dans son domicile personnel jusqu'à son décès. Il résulte des attestations produites que M. [J] [B], son épouse et leurs enfants lui rendaient visite et lui apportait une aide quotidienne. Toutefois, cette dernière bénéficiait également d'infirmières, d'aide à domicile, et de l'assistance d'autres membres de la famille.
Ainsi, sa s'ur Mme [X] [W] expose avoir été employée tous les matins du mois de mai 2005 au 31 décembre 2008 par [U] [B] en qualité d'aide ménagère. Les intimés démontrent également par la production de bulletins de salaire Cesu que leur mère a employé sa fille [H] [B] épouse [I] 71 heures par mois du mois de janvier 2009 au mois de juillet 2009, et que des intervenantes de l'ADMR ont effectué plus de 41 heures au mois d'août 2009 et 44 heures d'intervention en septembre 2009. Mme [R] et M.[P] [E] font état de l'aide apportée par M. [J] [B] «'en complémentarité des infirmières et aides ménagères'».
Les intimés communiquent également des attestations faisant état de ce que toute la famille était présente pour [U] [B], et en particulier Mme [H] [I], qui habitait à proximité du domicile de sa mère, et lui a apporté jusqu'à son décès une aide quotidienne pour sa toilette, ses repas et ses préparatifs du coucher.
M. [J] [B] expose par ailleurs avoir usé de ses deniers pour aider sa mère mais ne produit aucune pièce pour justifier de dépenses sur ses fonds propres au titre de l'assistance à sa mère, alors qu'il n'est pas contesté que [U] [B] bénéficiait pour ses soins d'une couverture sociale complète et parvenait à financer toutes ses charges.
Il résulte ainsi des pièces produites que [J] [B], qui exerçait la profession d'exploitant agricole et vivait à proximité immédiate du domicile de sa mère, l'a entourée de ses visites et lui a apporté une aide quotidienne.
Toutefois, elle bénéficiait non seulement de la présence quotidienne d'infirmières et d'aides ménagères, mais également de l'aide quotidienne des autres membres de la famille.
Il apparaît ainsi des attestations, factures, et bulletins de salaire produits que l'aide apportée par M. [J] [B] était réelle mais n'a pas excédé les exigences de la piété filiale et ne justifie donc pas une indemnité compensatrice à son bénéfice. La décision déférée est par conséquent confirmée.
Sur les frais et dépens
M. [J] [B], partie perdante, est condamné aux entiers dépens en cause d'appel. Pour des motifs tenant à l'équité, [K], [M] et [H] [B] sont déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME la décision déférée,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [J] [B] aux entiers dépens en cause d'appel,
DÉBOUTE [K] [B] , [M] [B] et [H] [B] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
D. IVARA S. DODIVERS