Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 19 AVRIL 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 18/00918 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N2B5
Arrêt N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 22 AOUT 2018 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG F 17/00120
APPELANTES :
Madame [S] [Z] épouse [H]
décédée le 03.02.2021
[Adresse 8]
Madame [D] [H] épouse [X], en sa qualité d'héritière et fille de Mme [S] [H] , décédée le 03.02.2021
née le 16 Juillet 1949 à [Localité 9]
[Adresse 1]
Représentée par Me Emily APOLLIS de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant)
et par Me Jacques MALAVIALLE de la SCP NICOLAU-MALAVIALLE-GADEL-CAPSIE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES (plaidant)
Autre qualité : Partie intervenante volontaire
Madame [I] [X], en sa qualité d'héritière et petite-fille de Mme [H] [S], décédée le 03.02.2021
née le 09 Février 1972 à [Localité 7]
[Adresse 2]
Représentée par Me Emily APOLLIS de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant)
et par Me Jacques MALAVIALLE de la SCP NICOLAU-MALAVIALLE-GADEL-CAPSIE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES (plaidant)
Autre qualité : Partie intervenante volontaire
INTIMEE :
Madame [F] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Mourad BRIHI de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me PORTES, avocat au barreau de Béziers.
PARTIE INTERVENANTE FORCEE :
Madame [K] [H] épouse [L], en qualité d'héritière de Madame [S] [H] née [Z], décédée le 03.02.2021
[Adresse 3]
[Localité 6]
non représentée (assignée à étude le 23/12/2021)
Ordonnance de clôture du 30 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Madame Caroline CHICLET, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
- rendu par défaut ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Madame [F] [Y] a été engagée par Madame [S] [H] à compter du 1er mars 2015 selon contrat de travail à durée indéterminée régie par les dispositions de la convention collective des salariés du particulier employeur en qualité d'aide à domicile.
Le 13 novembre 2015, l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour faute grave.
Le 9 mars 2017, Madame [F] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer différentes sommes au titre d'une rupture abusive de la relation travail.
Par jugement du 22 août 2018, le conseil de prud'hommes de Perpignan a condamné Madame [S] [H] à payer à Madame [F] [Y] les sommes suivantes :
'3800 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de la relation travail,
'967,69 euros à titre d'indemnité pour irrégularité la procédure,
'967,69 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 96,77 euros au titre des congés payés afférents,
'1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [S] [H] a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 13 septembre 2018.
Madame [S] [H] est décédée le 3 février 2021.
Madame [D] [H] épouse [X] ainsi que Madame [I] [X], respectivement fille et petite-fille de Madame [S] [H] dont elles sont héritières intervenaient volontairement aux termes de conclusions notifiées par RPVA le 15 novembre 2021 à la suite desquelles aucune nouvelle écriture n'était déposée. Elles sollicitent à titre principal l'infirmation du jugement attaqué et le débouté de la salariée de l'ensemble de ses demandes. À titre subsidiaire, la requalification du licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse et au débouté de la salariée de ses demandes de dommages-intérêts. À titre infiniment subsidiaire, elles sollicitent la réduction à de plus justes proportions des sommes éventuellement allouées et l'infirmation du jugement quant à la condamnation prononcée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [K] [H] épouse [L], également fille et héritière de Madame [S] [H] à laquelle une assignation en intervention forcée a été délivrée le 23 décembre 2021 n'a pas constitué avocat.
Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 1er mars 2019, Madame [F] [Y] conclut à la confirmation du jugement entrepris, au bénéfice de l'anatocisme ainsi qu'à la condamnation de l'appelante à lui payer une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture était rendue le 30 janvier 2023.
SUR QUOI
Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties'; si un doute subsiste il profite au salarié.
Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle empêche la poursuite du contrat de travail.
Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.
Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.
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La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi libellée:
« J'ai à plusieurs reprises constaté que la nourriture : bouteille de lait, dont une trouvée dans votre sac hier, pain de mie' disparaissait. J'en ai déduit que vous en êtes l'auteur. Par conséquent, à dater de ce jour, je me dispense de vos services et vous licencie pour faute grave. Je vous règle les quatre nuits travaillées ce mois-ci' »
En l'espèce, les appelantes, et notamment madame [D] [X], relèvent l'absence de contestation de la salariée au jour de la rupture du contrat de travail par leur mère. Elles versent en particulier aux débats les attestations de Mesdames [A] [T] et [E] [V], respectivement employées en qualité d'aide à domicile et d'aide ménagère au domicile de Madame [H] en novembre 2015, lesquelles font état de constatations matérielles à partir desquelles elles ont pu légitimement se convaincre du rôle qu'elles prêtent à Madame [Y] dans le cadre des disparitions de denrées alimentaires rappelées aux termes de la lettre de licenciement.
Pour autant, ces éléments sont par eux-mêmes insuffisants pour écarter l'existence d'un doute raisonnable contenu en filigrane dans la lettre de licenciement qui se limite à faire état d'une déduction.
Il en résulte que la preuve de l'imputabilité des griefs n'étant pas rapportée, le licenciement de Madame [Y] doit être dit sans cause réelle et sérieuse.
La rupture du contrat de travail intervenue dans ces conditions ouvre droit pour la salariée licenciée au bénéfice des indemnités de rupture ainsi que d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse réparant le préjudice subi, préjudice résultant à la fois de la perte injustifiée de l'emploi et de l'irrégularité de la procédure de licenciement sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige au sein des entreprises employant habituellement moins de onze salariés.
Au 13 novembre 2015, date de la rupture du contrat de travail, Madame [F] [Y] était âgée de trente-quatre ans et elle avait une ancienneté de huit mois et treize jours dans l'emploi qu'elle occupait auprès de Madame [S] [H]. Elle bénéficiait d'un salaire mensuel brut moyen en réalité de 921,91 euros. Si elle justifie être allocataire du revenu de solidarité active consécutivement à une période de chômage, connaître des difficultés financières et avoir été admise dans un établissement de soins en mai 2022, elle ne justifie cependant au cours de la période d'aucune recherche active d'emploi qui aurait pu permettre d'établir un lien de causalité direct entre la perte injustifiée de l'emploi et le préjudice allégué.
C'est pourquoi, au vu des pièces produites aux débats, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 1000 euros le montant de l'indemnité réparant la perte injustifiée de l'emploi et à 200 euros le montant de l'indemnité réparant le préjudice tenant à l'irrégularité de la procédure de licenciement.
Il convient par ailleurs, en application de l'article L 1234-1 du code du travail de fixer à la somme de 921,91 euros le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 92,19 euros au titre des congés payés afférents.
Compte tenu de la solution apportée au litige, la partie appelante conservera la charge des dépens ainsi que de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer à la salariée qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient enfin de rappeler que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts, pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Perpignan sauf quant aux montants alloués à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de la relation travail, à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure;
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne solidairement Mesdames [D] [H] épouse [X], [I] [X] et [K] [H] épouse [L] à payer à Madame [F] [Y] les sommes suivantes :
'1000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
'200 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,
' 921,91 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 92,19 euros au titre des congés payés afférents;
Rappelle que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts, pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dûs au moins pour une année entière;
Condamne solidairement Mesdames [D] [H] épouse [X], [I] [X] et [K] [H] épouse [L] à payer à Madame [F] [Y] une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne solidairement Mesdames [D] [H] épouse [X], [I] [X] et [K] [H] épouse [L] aux dépens;
La greffière, Le président,