COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
N° RG 23/00241 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P2JI
O R D O N N A N C E N° 2023 - 242
du 15 Mai 2023
SUR SECONDE PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
dans l'affaire entre,
D'UNE PART :
Monsieur [B] [M]
né le 21 Septembre 1997 à [Localité 3] ( TUNISIE)
de nationalité Tunisienne
retenu au centre de rétention de [Localité 5] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Comparant et assisté de Maître Laura FERRIER, avocat commis d'office,
Appelant,
D'AUTRE PART :
1°) Monsieur LE PREFET DE LA MARNE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Monsieur [P] [L], dûment habilité,
2°) MINISTERE PUBLIC :
Non représenté
Nous, Jonathan ROBERTSON conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Sophie SPINELLA, greffière,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'arrêté du 19 août 2022 de Monsieur LE PREFET DE LA MARNE qui a fait obligation à Monsieur [B] [M], de quitter le territoire français sans délai,
Vu la décision de placement en rétention administrative du 11 avril 2023 de Monsieur [B] [M], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,
Vu l'ordonnance du 13 avril 2023 notifiée le même jour, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours,
Vu l'ordonnance du 17 avril 2023 notifiée le même jour, rendue par le conseiller de la Cour d'appel de Montpellier confirmant la décision du juge des libertés et de la détention,
Vu la saisine de Monsieur LE PREFET DE LA MARNE en date du 10 mai 2023 pour obtenir une seconde prolongation de la rétention de cet étranger,
Vu l'ordonnance du 11 mai 2023 à 16h28 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de trente jours,
Vu la déclaration d'appel faite le 12 Mai 2023 par Monsieur [B] [M] , du centre de rétention administrative de [Localité 5], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 11h38,
Vu les télécopies et courriels adressés le 12 Mai 2023 à Monsieur LE PREFET DE LA MARNE, à l'intéressé, à son conseil, et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 15 Mai 2023 à 09 H 30,
Vu l'appel téléphonique du 12 Mai 2023 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 15 Mai 2023 à 09 H 30 .
L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.
L'audience publique initialement fixée à 09 H 30 a commencé à 10h09.
PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [B] [M] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : ' Je suis né le 21 Septembre 1997 à [Localité 3] ( TUNISIE) . Cela fait plus d'un mois que je suis au centre. Il n'y a pas de consulat, j'ai envie de sortir. Il me faut 24 heures pour quitter la France. Je veux quitter la France. Je peux plus venir. J'étais travailleur, j'étais pizzaiolo. J'en ai des fiches de paie. J'étais déclaré, j'avais des faux papiers. J'ai déclaré mes impôts. Je suis venu en France en 2017 en bateau. '
L'avocat, Me Laura FERRIER développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.
Monsieur le représentant, de Monsieur LE PREFET DE LA MARNE, demande la confirmation de l'ordonnance déférée et indique à l'audience : ' Il n'y a pas de défaut de diligence, la préfecture a saisi les autorités tunisiennes avant même le placement en rétention de M. [M]. La préfecture n'a pas à relancer un état car elle n'a pas de pouvoir de coercition.'
Monsieur [B] [M] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : ' je n'ai rien à ajouter. J'ai mes oncles, mes cousins et mon petit frère. J'ai été condamné pour tentative de vol, j'ai pas travaillé pendant un an.'
Le conseiller indique que la décision et la voie de recours seront notifiées sur place, après délibéré.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de l'appel :
Le 12 Mai 2023, à 11h38, Monsieur [B] [M] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Perpignan du 11 Mai 2023 notifiée à 16h28, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.
Sur l'appel :
Monsieur [B] [M] soutient que l'administration n'a fait preuve d'aucune diligence depuis son placement en rétention le 11 avril 2023, ce qui lui porte nécessairement grief.
Toutefois l'administration justifie que, dès avant son placement en rétention, et alors que l'appelant purgeait encore la peine d'emprisonnement de 10 mois à laquelle il a été condamné par le tribunal correctionnel de Reims, elle a sollicité les autorités tunisiennes aux fins d'identification de l'intéressé, lequel s'était en outre dit de nationalité libyenne.
L'administration justifie avoir adressé aux autorités tunisiennes le relevé décadactylaire et les photographies de l'intéressé, le consul général de Tunisie à [Localité 4] indiquant le 14 avril 2023 que le dossier de l'intéressé a été transmis aux autorités compétentes en Tunisie pour identification de l'intéressé.
Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à l'administration son défaut de diligences compte tenu de la propre carence des autorités tunisiennes à identifier l'intéressé, lequel a, qui plus est, caché sa véritable identité au début de la procédure.
Monsieur [B] [M] fait encore grief à l'administration d'avoir violé l'article 4 de l'annexe II de l'accord franco-tunisien du 28 avril 2008 aux motifs qu'il n'a pas été entendu par les autorités consulaires dans le délai de 72 heures de la demande d'identification transmise.
Or il ne saurait être reproché à la préfecture l'absence de cette audition qui n'a pas été demandé par l'autorité consulaire tunisienne sur laquelle l'administration française n'a aucune prise. Au demeurant, ainsi que le souligne le représentant du préfet à l'audience, ne pèse aucun pouvoir de coercition sur un Etat souverain.
Les exceptions soulevées par Monsieur [B] [M] n'étant pas établies il convient de les rejeter.
SUR LE FOND
Selon l'article L742-4 du CESEDA': «'Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.'»
En application des dispositions de l'article L612-2 du CESEDA: 'Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :
1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;
2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;
3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.'
Et selon l'article L 612-3 du ceseda: 'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;
3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;
7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'
En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure en ce qu'il n'a pas de passeport en cours de validité, qu'il ne justifie d'aucun domicile fixe en France, qu'il s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français et qu'il a donné des renseignements inexacts en se déclarant de nationalité lybienne, ainsi que le premier juge l'a justement relevé.
Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
Déclarons l'appel recevable,
Rejetons les exceptions de nullité,
Confirmons la décision déférée,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
Fait à Montpellier, au palais de justice, le 15 Mai 2023 à 10h27.
Le greffier, Le magistrat délégué,