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23/05/2023 | FRANCE | N°21/04592

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 23 mai 2023, 21/04592


JONCTION DES RG 21/04592 et RG 21/05667





Grosse + copie

délivrées le

à



























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 23 MAI 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04592 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCXR





Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 13 JANVIER 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 20200064

36

Jugement du 26 MAI 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2021001170



Dossier RG 21/04592



APPELANTE :



S.A.S BEBERT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse...

JONCTION DES RG 21/04592 et RG 21/05667

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 23 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04592 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCXR

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 13 JANVIER 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2020006436

Jugement du 26 MAI 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2021001170

Dossier RG 21/04592

APPELANTE :

S.A.S BEBERT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Cyril MALGRAS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIME :

Monsieur [E] [K]

né le 23 Octobre 1970 à [Localité 7] (10)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Frédéric VERINE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Bernard VIDAL de la SCP TRIAS, VERINE, VIDAL, GARDIER LEONIL, avocat au barreau de MONTPELLIER

Dossier RG 21/05667

APPELANT :

Monsieur [E] [K]

né le 23 Octobre 1970 à [Localité 7] (10)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Frédéric VERINE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Bernard VIDAL de la SCP TRIAS, VERINE, VIDAL, GARDIER LEONIL, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

S.A.S BEBERT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Cyril MALGRAS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Société VIMA prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Cyril MALGRAS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 28 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 MARS 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère faisant fonction de président en remplacement de M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre régulièrement empêché, et par Mme Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES:

[E] [K] a créé un fonds de commerce de fabrication et vente de pizzas, sandwiches, plats cuisinés à emporter, boissons et rôtisserie, sous l'enseigne « le kiosque saveur » exploité au rez-de-chaussée d'un immeuble situé au [Adresse 3] à [Localité 6] (Hérault), qui a démarré son activité le 4 avril 2000 ; pour l'exploitation de ce fonds, il a notamment été autorisé par le maire de la commune à installer au droit de son local, sur le domaine public, une terrasse commerciale jouxtant le front de mer.

L'établissement exploité par M. [K] était proche d'un autre établissement de restauration à l'enseigne « New wave » implanté au rez-de-chaussée d'un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 6], exploité par la SARL Vima, les terrasses des deux établissements sur le front de mer étant mitoyennes.

Par acte sous-seing privé du 28 mars 2018, M. [K] a donné son fonds de commerce en location-gérance à la société Vima, ayant [T] [J] comme gérante, pour une durée d'un an, du 1er avril 2018 au 31 mars 2019, renouvelable annuellement par tacite reconduction ; il a, par ailleurs, consenti dans l'acte une promesse de vente du fonds à la société Vima, moyennant le prix de 400 000 euros, à condition que celle-ci lève l'option dans les deux ans.

Une promesse synallagmatique de vente du fonds de commerce a ensuite été signée, le 24 janvier 2020, entre M. [K] et une SAS Bébert alors en cours de formation, représentée par Mme [J], sous diverses conditions suspensives, notamment d'obtention d'un prêt bancaire pour le 15 mars 2020 au plus tard, moyennant un prix de 240 000 euros ; il était également prévu la résiliation du contrat de location-gérance conclu avec la société Vima intervenue à l'acte.

Le 6 mai 2020, la société Bébert a fait délivrer à M. [K], par acte d'huissier de justice, une sommation d'avoir à se présenter, le 18 mai 2020 à 18 heures, au cabinet de Me Bertrand, avocat à Montpellier, en vue de la signature de l'acte de vente définitif.

M. [K] n'ayant pas déféré à cette sommation, la société Bébert l'a fait assigner à jour fixe, par exploit du 23 juin 2020, devant le tribunal de commerce de Montpellier pour voir dire que le jugement à intervenir vaudra vente du fonds de commerce au prix de 240 000 euros, être autorisée à prendre possession des lieux et condamner le défendeur à l'indemniser à hauteur de la somme de 51 946 euros ; M. [K] a assigné en intervention forcée, par acte du 2 novembre 2020, la société Vima et a sollicité devant le tribunal l'annulation de la promesse synallagmatique de vente en raison de la fraude des sociétés Bébert et Vima dans la diminution volontaire et significative du chiffre d'affaires du fonds de commerce dans le but de réduire le prix de cession et, subsidiairement, pour troubles du discernement et insanité d'esprit.

Après avoir ordonné la jonction des instances connexes, le tribunal, par un premier jugement du 13 janvier 2021, a notamment :

- débouté M. [K] de sa demande visant à la désignation d'un expert psychiatre ayant pour mission de déterminer s'il était ou non en capacité de signer un acte juridique en janvier 2020,

- dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la caducité de l'assignation du 2 novembre 2020,

- débouté M. [K] de sa demande de vente forcée du fonds de commerce avec la société Vima au prix de 400 000 euros,

- dit n'y avoir lieu à nullité ni pour fraude, ni pour manque de discernement, du compromis passé,

- débouté en conséquence M. [K] de sa demande d'annulation de la promesse synallagmatique de vente du fonds de commerce sous conditions suspensives signée avec la société Bébert,

- dit que M. [K] n'est pas recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné M. [K] à payer aux sociétés Vima et Bébert la somme de 1500 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Saisi par la société Bébert d'une requête en omission de statuer, le tribunal a rendu, le 26 mai 2021, un second jugement par lequel il a :

- dit que ce jugement vaudra vente entre M. [K] et la société Bébert du fonds de commerce de fabrication et vente de pizzas, sandwiches, plats cuisinés à emporter, boissons et rôtisserie (petite licence à emporter) connu sous le nom de « le kiosque saveur » exploité à [Localité 6] [Adresse 3], et pour lequel M. [K] est immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le numéro 429 831 367, moyennant le prix de 240 000 euros,

- autorisé la société Bébert à prendre immédiatement possession des lieux,

- dit qu'il y aura lieu à publicités légales de la vente, y compris au RCS, avec remise du prix en séquestre comme prévu au compromis du 24 janvier 2020,

- débouté la société Bébert de sa demande de paiement de la somme de 51 946 euros à titre de dommages et intérêts.

M. [K] a régulièrement relevé appel, le 23 septembre 2021, du premier jugement rendu le 13 janvier 2021 (procédure enrôlée sous le n° 21/05667) en vue de son infirmation, tandis que la société Bébert a interjeté un appel régulier du second jugement du 26 mai 2021 l'ayant déboutée de sa demande en paiement de la somme de 51 946 euros à titre de dommages et intérêts (procédure enrôlée sous le n° 21/04592).

M. [K] demande à la cour, dans ses conclusions n° 4 déposées via le RPVA dans les deux procédures d'appel, le 27 février 2023 de :

Vu les articles 414-2, 1104 et suivants et 1128 à 1144 du code civil,

Vu les articles 143, 144, 263 et suivants et 696 à 700 du code de procédure civile,

(...)

Avant dire droit,

- ordonner la désignation d'un expert judiciaire en matière psychiatrique aux fins de l'examiner et avec pour mission de déterminer s'il était ou non en capacité de signer un acte juridique en janvier en 2020,

A titre principal,

- prononcer la fraude des sociétés Bébert et Vima dans la diminution volontaire et significative du chiffre d'affaires du restaurant « le kiosque saveur » dans l'objectif de réduire le prix de cession du fonds de commerce,

- prononcer la nullité de la promesse synallagmatique de vente signée avec la société Bébert,

- ordonner la vente forcée du fonds de commerce avec la société Vima au prix de 400 000 euros et dire que la société Vima devra payer ledit prix dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir (sic) sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- ordonner la compensation de la différence entre le chiffre d'affaire attendu et réalisé par l'octroi de dommages et intérêts pour un montant et la compensation entre la redevance initiale pour la location gérance et la redevance imposée selon avenant d'octobre 2019,

- condamner en conséquence la société Vima à lui payer la somme de 44 029,32 euros,

A titre subsidiaire,

- prononcer la nullité de la promesse synallagmatique de vente signée avec la société Bébert pour trouble du discernement et insanité d'esprit,

- prononcer la nullité de la promesse synallagmatique de vente signée avec la société Bébert pour vices du consentement,

- ordonner la vente forcée du fonds de commerce avec la société Vima pour le prix de 400 000 euros et dire que la société Vima devra payer ledit prix dans un délai d'un mois compter du jugement à intervenir (sic) sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- ordonner la compensation de la différence entre le chiffre d'affaire attendu et réalisé par l'octroi de dommages et intérêts pour un montant et la compensation entre la redevance initiale pour la location gérance et la redevance imposée selon avenant d'octobre 2019,

- condamner la société Vima à lui payer la somme de 44 029,32 euros,

En tout état de cause,

- condamner solidairement les sociétés Bébert et Vima à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel il fait valoir pour l'essentiel que :

- la promesse synallagmatique de vente a été signée sous les pressions, intimidations et menaces de mort dont il était l'objet et alors qu'il était sous antidépresseurs et suivi médicalement,

- les dirigeants de la société Vima, qui sont également ceux de la société Bébert, ont volontairement, lors de la location-gérance du fonds de commerce, baissé le chiffre d'affaires de celui-ci en s'appropriant la terrasse du restaurant, en retirant certains produits de la vente, en déplaçant le matériel d'exploitation du restaurant (four à pizza, mobilier de terrasse, machine à glace'), en changeant plusieurs fois de type d'activité, en aménageant les horaires d'ouverture et en faisant caisse commune entre les deux restaurants,

- il a d'ailleurs déposé deux plaintes pour extorsion auprès du procureur de la république à l'encontre des membres de la famille [J],

- au cours des deux dernières années avant la mise en location-gérance du fonds (2016 et 2017), il a réalisé un chiffre d'affaires moyen de 298 794 euros, alors qu'au cours des deux années suivantes, la société Vima a réalisé un chiffre d'affaires moyen de 185 395 euros, soit une baisse de 38 %,

- or, parallèlement, le chiffre d'affaires de la société Vima a augmenté de 31,29% au cours des années 2018-2019 par rapport aux trois années précédentes,

- il est fondé à solliciter la condamnation in solidum des sociétés Vima et Bébert à lui payer la somme de 19 930,32 euros correspondant à la différence entre les bénéfices réalisés de 2015 à 2017 par rapport aux bénéfices dégagés en 2018 et 2019, ainsi que le paiement de la somme de 24 099 euros, soit le montant des redevances perdues sur 10 mois à compter du 1er octobre 2019, une diminution du montant de la redevance lui ayant été en effet imposée sous la pression par un avenant du 3 octobre 2019,

- les pressions, intimidations et menaces de mort exercées à son encontre par les membres de la famille [J] ont dégradé son état psychologique et aboli son discernement et plusieurs enquêtes conduites par le SRPJ de Montpellier visant les intéressés sont toujours en cours pour d'autres affaires de racket, d'extorsion de fonds ou de menaces,

- le fait que les sociétés de Mme [J] ont exploité son fonds de commerce dans le seul but d'abaisser au maximum le chiffre d'affaires et ensuite de lui imposer une réduction du prix de cession caractérise un dol,

- Mme [J] et son compagnon ont également exercé des contraintes psychiques (menaces de mort ou de coups) et morales (diffamation, atteinte à l'honneur) sur sa personne pour l'amener à signer la promesse synallagmatique de vente litigieuse.

La société Bébert et la société Vima, dont les dernières conclusions dans la procédure enrôlée sous le n° 21/05667 ont été déposés le 23 février 2023 par le RPVA, sollicitent de voir, au principal, juger irrecevable au titre de l'article 122 du code de procédure civile et à défaut d'intérêt à agir les demandes de M. [K], très subsidiairement, de juger l'appel infondé et le rejeter et, en toute hypothèse, de confirmer le jugement du 13 janvier 2021 en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner M. [K] à leur payer la somme de 2500 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile.

Elles exposent en substance que :

- M. [K], dans ses conclusions déposées le 10 décembre 2021 dans le cadre de l'instance n° 21/04592, a sollicité la confirmation du jugement du 26 mai 2021 « en toutes ses dispositions » et notamment en ce qu'il a dit que le jugement vaut vente du fonds de commerce au prix de 240 000 euros, ce dont il résulte qu'il ne peut désormais conclure et développer des moyens de nullité ou de fond pour s'opposer à cette vente dont il a expressément accepté la validité, sauf à se contredire,

- il est un commerçant avisé et les échanges de correspondance entre les parties ainsi que les actes qu'il a signés et les différents problèmes qu'il a avancés pour ne pas signer l'acte définitif, démontrent qu'il avait pleine et entière capacité pour s'engager,

- le fonds de commerce pris en location-gérance n'avait pas la rentabilité avancée par M. [K], raison pour laquelle la société Vima n'a pas souhaité lever l'option d'achat au prix de 400 000 euros,

- parce qu'il n'avait pas l'intention de reprendre son activité commerciale, M. [K] a lui-même proposé de réduire le montant de la redevance de location-gérance,

- l'ensemble des conditions suspensives prévues au compromis du 24 janvier 2020 ont été levées (immatriculation de la société Bébert, renonciation par la mairie de [Localité 6] à l'exercice de son droit de préemption, assurance du fonds de commerce à effet du 1er avril 2020, accord du bailleur pour la cession, obtention du prêt bancaire) et par courriel du 29 avril 2020, M. [K] s'est déclaré prêt à signer avant le 18 mai l'acte définitif, dont le projet lui a été adressé le 5 mai 2020,

- il n'existe ni fraude, ni intimidation, ni man'uvres, M. [K] se bornant à faire état d'articles de presse, sans qu'aucune décision de justice ne soit produite, et il ne peut davantage invoquer un manque de discernement ou une insanité d'esprit.

Dans la procédure n° 21/04592 portant sur l'appel du jugement du 26 mai 2021, la société Bébert demande la cour, dans ses conclusions déposées par le RPVA le 23 février 2023, de réformer le jugement l'ayant déboutée de sa demande en paiement de la somme de 51 946 euros et de condamner en conséquence M. [K] à lui payer cette somme à titre de dommages et intérêts, outre celle de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Elle soutient qu'en refusant de signer l'acte définitif de vente, M. [K] l'a empêchée de devenir propriétaire du fonds et de l'exploiter au cours de la saison 2020, la privant ainsi du revenu d'exploitation prévisionnel pour le premier exercice, soit 51 946 euros après imputation de l'ensemble des charges.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnances du 28 février 2023 dans les deux procédures.

MOTIFS de la DECISION :

Il convient, en premier lieu de prononcer la jonction des procédures d'appel enrôlées sous les n° 21/04592 et 21/05667 en raison du lien évident de connexité les unissant et de statuer sur l'ensemble du litige par un seul et même arrêt.

1- la recevabilité des demandes formées par M. [K] :

Si, dans les premières conclusions qu'il a déposées le 10 décembre 2021 dans le cadre de la procédure enrôlée sous le n° 21/04592, M. [K] a demandé à la cour de « confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Montpellier en date du 26 mai 2021 en toutes ses dispositions », cette formulation procède à l'évidence d'une erreur matérielle de sa part ; en effet, l'appel de la société Bébert était limité à la disposition du jugement l'ayant déboutée de sa demande en paiement de la somme de 51 946 euros à titre de dommages et intérêts et dans la partie « discussion » de ses conclusions, M. [K] n'évoquait que cette disposition du jugement, dont il sollicitait la confirmation ; il ne peut dès lors en être déduit que l'intéressé a expressément accepté la validité de la vente, objet de la promesse synallagmatique signée le 24 janvier 2020, l'erreur commise dans les conclusions du 10 décembre 2021 ayant été rectifiée dans les conclusions déposées ultérieurement ; il n'y a donc pas lieu à irrecevabilité des demandes formées par M. [K] devant la cour.

2- l'annulation de la promesse synallagmatique de vente signée le 24 janvier 2020 :

M. [K] soutient que la promesse synallagmatique de vente du 24 janvier 2020 au profit de la société Bébert alors en formation a été signée sous la contrainte et invoque la fraude de la société Vima, ayant les mêmes dirigeants que la société Bébert, dont les man'uvres ont consisté à diminuer le chiffre d'affaires du fonds de commerce à l'enseigne « le kiosque saveur » durant la période de location-gérance afin d'obtenir un prix de cession réduit à 240 000 euros, alors que la promesse de vente du fonds contenue dans le contrat de location-gérance l'avait été à un prix de 400 000 euros.

Il résulte des pièces produites qu'au cours de la période 2015-2017, avant la mise en location-gérance du fonds, M. [K] a réalisé un chiffre d'affaires net de 285 175 euros en moyenne, tandis qu'au cours de la période 2018-2019, l'exploitation du fonds, donné en location-gérance à compter du 1er avril 2018 à la société Vima, a généré un chiffre d'affaires net de 197 580 euros en moyenne, soit une baisse d'environ 31 % ; parallèlement, la société Vima, qui avait réalisé au cours de la période 2015-2017 un chiffre d'affaires net de 552 265 euros en moyenne, a réalisé au cours des années 2018 et 2019 un chiffre d'affaires net de 820 360 euros en moyenne, soit une augmentation de 32 %.

Pour expliquer la baisse significative du chiffre d'affaires après sa mise en location-gérance à compter du 1er avril 2018, alors que parallèlement le chiffre d'affaires réalisé par le locataire-gérant, la société Vima, exploitant un établissement de restauration mitoyen à l'enseigne « New wave », a augmenté dans une proportion inverse, M. [K] fait valoir que certains produits ont été retirés de la vente, que du matériel d'exploitation a été déplacé, que le type d'activité a été changé à plusieurs reprises, que les horaires d'ouverture ont été modifiés et que les deux restaurants ont fait caisse commune ; il ne fournit toutefois aucun élément propre à établir que des modifications substantielles ont été apportées par le locataire-gérant à l'activité exercée initialement de fabrication et vente de pizzas, sandwiches, plats cuisinés à emporter, boissons et rôtisserie ou aux conditions d'exploitation du fonds de commerce (horaires d'ouverture, prix pratiqués'), susceptibles d'expliquer la baisse de chiffre d'affaires ; l'adjonction d'une activité de « bar à huîtres », l'apposition sur la terrasse du seul logo « New wave » et l'installation sur la terrasse d'un kiosque « Miko » ne sont pas en soi suffisants à expliquer objectivement la baisse du chiffre d'affaires observée, qui aurait été réalisée volontairement par la société Vima.

De même, l'intéressé n'a pas sollicité l'instauration d'une mesure d'expertise comptable qui aurait pu révéler l'existence de la caisse commune alléguée, sachant que les chiffres d'affaires réalisées par la société Vima au cours des exercices 2018 (811 256 euros) et 2019 (829 464 euros) incluent nécessairement les chiffres d'affaires dégagés par le fonds donné en location- gérance.

Ce n'est d'ailleurs qu'après la signature de la promesse synallagmatique de vente que M. [K] a fait établir par un huissier de justice, le 27 avril 2020, un procès-verbal de constat, dont il résulte que les séparateurs « coupe-vent » installés sur la terrasse mentionnent uniquement le nom « New wave » et que dans le local du [Adresse 3], l'enseigne « le kiosque saveur » a été enlevée et des travaux sont en cours pour l'aménagement d'une rôtisserie ; à cet égard, force est de constater que la promesse synallagmatique de vente offrait à la société Vima, intervenue à l'acte, la possibilité d'opérer tous travaux de modification du bar et d'aménagement de la cuisine et de supprimer la véranda extérieure lorsqu'un accord définitif de prêt aura été octroyé à la société Bébert ; la preuve d'une fraude ou d'un dol n'est donc pas caractérisée.

Pour prétendre ensuite qu'il a été soumis à des pressions, intimidations et menaces qui l'ont amené à signer la promesse synallagmatique de vente, M. [K] invoque divers articles de presse relatant une affaire de racket dans laquelle serait impliquée [T] [J], alors adjointe au maire de [Localité 6], mise en cause par le gérant du bar-restaurant du Phare et faisant l'objet d'une enquête confiée au SRPJ de Montpellier ; il communique également deux plaintes en date du 30 juin 2020 et du 15 septembre 2022 adressées au procureur de la république de Montpellier, dénonçant des faits d'extorsion et mettant en cause Mme [J] et son mari avec lequel il aurait eu, en octobre 2019, une altercation au sujet du prix de vente du fonds de commerce, proposée pour la somme de 240 000 euros ; ces éléments ne sont pas, là encore, suffisants à établir l'existence de violences dont il aurait été personnellement l'objet ; en outre, les messages téléphoniques, pour le moins chaleureux, échangés entre M. [K] et Mme [J], du 2 octobre 2019 au 17 janvier 2020, soit au cours de la période durant laquelle les parties ont établi un avenant réduisant le montant de la redevance due pour la location- gérance et négocié les conditions de la promesse synallagmatique de vente du fonds de commerce, ne permettent pas d'imaginer que M. [K] se trouvait alors sous le coup de pressions ou de menaces sans lesquelles il n'aurait pas contracté.

S'agissant de l'insanité d'esprit, également invoquée par M. [K] à l'appui de sa demande d'annulation de la promesse synallagmatique de vente signée le 24 janvier 2020, celui-ci communique un certificat en date du 5 octobre 2021 du centre de soins Camille Claudel de Romilly-sur-Seine, selon lequel il est suivi par le pôle psychiatrique de l'établissement depuis le 20 mai 2020, un certificat d'un médecin généraliste en date du 29 juin 2020, lui ayant prescrit un traitement médical pour un état dépressif, ainsi que diverses autres attestations de membres de sa famille ou d'amis affirmant que depuis 2020 son état de santé s'est dégradé en raison des difficultés rencontrées lors de la vente de son fonds de commerce, les témoins faisant état de son état dépressif et/ou de son comportement triste, déprimé et abattu ; ces éléments ne permettent pas toutefois d'affirmer que lors de la signature de la promesse synallagmatique de vente, le 24 janvier 2020, M. [K] se trouvait affecté d'un trouble mental qui l'aurait empêché d'agir en toute lucidité ; ils ne sont pas davantage de nature à justifier l'instauration d'une mesure d'expertise, laquelle ne saurait suppléer la carence de l'intéressé dans l'administration de la preuve qui lui incombe.

Rien ne permet, non plus, d'établir que le consentement de M. [K] lors de la signature de l'avenant du 3 octobre 2019 réduisant le montant de la redevance pour la location-gérance du fonds de 5267 euros à 2857,10 euros a été surpris par fraude, dol ou violence, dans des conditions de nature à lui permettre d'être indemnisé de la perte des redevances subie depuis le 1er octobre 2019.

C'est donc à juste titre que le premier juge a débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes, notamment celle visant à obtenir l'annulation de la promesse synallagmatique de vente dans son premier jugement du 13 janvier 2021, et a dit dans son second jugement rendu le 26 mai 2021, que celui-ci vaudra vente du fonds de commerce moyennant le prix de 240 000 euros, étant non contesté que l'ensemble des conditions suspensives prévues dans l'acte du 24 janvier 2020 (immatriculation de la société Bébert, renonciation par la mairie à l'exercice de son droit de préemption, assurance du fonds de commerce à effet du 1er avril 2020, accord du bailleur pour la cession et obtention d'un prêt bancaire) ont été levées ; d'ailleurs, par courriel du 29 avril 2020, M. [K] s'était déclaré prêt à signer avant le 18 mai l'acte définitif, dont le projet lui a été adressé entre-temps, le 5 mai 2020.

3- la demande de la société Bébert en paiement de la somme de 51 946 euros à titre de dommages et intérêts :

Le refus de M. [K] de signer l'acte de vente définitif, qu'il s'était déclaré pourtant prêt à signer avant le 18 mai 2020, a contraint la société Bébert à l'assigner en justice en vue d'obtenir la réalisation forcée de la vente ; elle s'est ainsi trouvée empêcher d'exploiter le fonds de commerce après la fin de la première période de confinement destinée à lutter contre la propagation du Covid-19 et n'a pu obtenir un jugement assorti de l'exécution provisoire et valant vente que le 26 mai 2021.

Pour voir fixer son préjudice, correspondant au résultat perdu, elle produit aux débats un dossier prévisionnel d'activité établi par le cabinet d'expertise comptable MB&Co, chiffrant le chiffre d'affaires prévisionnel à 290 000 euros sur la période d'avril 2020 à décembre 2020 et à 51 946 euros le bénéfice prévisionnel de cette période correspondant à environ 18% du chiffre d'affaires.

Pour autant, le chiffre d'affaires prévisionnel de 290 000 euros apparaît exagérément optimiste, puisqu'au cours de la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019, le fonds de commerce, selon les résultats mentionnés dans la promesse synallagmatique de vente, n'a été que de 200 215 euros ; au surplus, il convient de tenir compte du fait que l'activité des bars et restaurants a été fortement perturbée au cours de l'année 2020 du fait des périodes successives de confinement liées à l'épidémie de Covid-19, dès lors que les établissements, fermés à dater du 17 mars 2020, n'ont pu ré-ouvrir qu'à compter du 2 juin 2020 avec certaines restrictions et ont été à nouveau fermés à compter du 30 octobre 2020 jusqu'au 15 décembre 2020 ; de fait, la société Bébert n'a pu exploiter dans des conditions normales le fonds, objet de la vente, qu'au cours de la période juillet-octobre 2020 durant laquelle l'essentiel du chiffre d'affaires, de l'ordre de 75%, est réalisé.

Le préjudice de la société Bébert peut donc être évalué à la somme de : 200 215 euros x 75 % x 18 % = 27 029 euros, arrondi à 27 000 euros, quand bien même le fonds a pu être exploité au cours de l'été 2020 par la société Vima, personne morale distincte, en contrepartie de redevances de location- gérance versées à M. [K] ; le jugement du 26 mai 2021 doit donc être réformé, mais seulement en ce qu'il déboute la société Bébert de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

4- les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, M. [K] doit être condamné aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés Vima et Bébert, ensemble, la somme de 2000 euros en remboursement des frais non taxables que celles-ci ont dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Prononce la jonction des procédures d'appel enrôlées sous les n° 21/04592 et 21/05667,

Dit n'y avoir lieu à irrecevabilité des demandes formées par M. [K] devant la cour,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 13 janvier 2021,

Réforme le jugement rendu le 26 mai 2021 par ce tribunal, mais seulement en ce qu'il déboute la société Bébert de sa demande en paiement de dommages et intérêts et statuant à nouveau de ce chef,

Condamne [E] [K] à payer à la SAS Bébert la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Confirme le jugement du 26 mai 2021 dans le surplus de ses dispositions,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. [K] aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer aux sociétés Vima et Bébert, ensemble, la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

le greffier, la conseillère faisant fonction de président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/04592
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;21.04592 ?
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