Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 25 MAI 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 17/01985 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NDN5
ARRET N°
Décisions déférées à la Cour :
Jugement du 17 Mars 2014
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
Jugement du 08 Mars 2017
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2013013713
APPELANTE :
SARL SUD FONCIER LOTIR, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué sur l'audience par Me Thibault GANDILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
SARL TPSM (TRAVAUX PUBLICS SICILIA MANUEL), prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué sur l'audience par Me Malo DEPINCE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 07 Janvier 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 JUIN 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée, chargée du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de Président
M. Fabrice DURAND, Conseiller
Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président en date du 20 avril 2022
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
- contradictoire,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, fixée au 22 septembre 2022, prorogée au 1er décembre 2022, au 09 février 2023, au 11 mai 2023, puis au 25 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller, faisant fonction de Président et par Mme Sabine MICHEL, Greffier.
*
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EXPOSE DU LITIGE
La SARL Sud Foncier Lotir a confié à la société de Travaux Publics Sicilia Manuel (TPSM), selon actes d'engagement du 9 mai 2005, les lots VRD et terrassement concernant la construction de trois ensembles immobiliers 'Résidence [Localité 6]', Résidence [Localité 5]' et 'Résidence [Localité 7]'à [Localité 2].
Par courrier du 28 mars 2008, la société TPSM adressait à la société Sud Foncier Lotir ses décomptes généraux définitifs pour les trois lots pour un montant global de 103 719,54 euros et la mettait en demeure de procéder au règlement.
Par courrier du 14 avril 2008 la société Sud Foncier Lotir lui adressait ses observations et un chèque pour solde de 11 865,71 euros.
Par exploit du 2 août 2013, la société TPSM a assigné la Sud Foncier Lotir devant le tribunal de commerce Montpellier en paiement de la somme de 103 719,55 euros.
Par jugement du 17 mars 2014, le tribunal de commerce de Montpellier a déclaré non prescrite la créance de la société TPSM et a enjoint la SARL Sud Foncier Lotir de conclure au fond.
La SARL Sud Foncier Lotir a interjeté appel du jugement.
Le tribunal de commerce de Montpellier par jugement du 13 octobre 2014, a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Montpellier.
Par ordonnance, la cour d'appel a déclaré l'appel irrecevable car le jugement ne mettait pas fin à l'instance.
Par jugement du 08 mars 2017, le tribunal de commerce a :
- condamné la société Sud Foncier Lotir à payer à la société Travaux Publics Sicilia Manuel la somme de 91 853,83 euros au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter 14 avril 2008 ;
- condamné la société Sud Foncier Lotir à payer à la société Travaux Publics Sicilia Manuel la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement
- condamné la société Sud Foncier Lotir aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés à 87,52 euros toutes taxes comprises.
Le 4 avril 2017, la SARL Sud Foncier Lotir a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 17 mars 2014 et du 08 mars 2017.
Vu les conclusions de la SARL Sud Foncier Lotir remises au greffe le 31 janvier 2018 ;
Vu les conclusions de la SARL Travaux Publics Sicilia Manuel remises au greffe le 29 août 2017.
MOTIFS DE L'ARRÊT
La société Sud Foncier Lotir sollicite l'infirmation des jugements des 17 mars 2014 et 8 mars 2017 du tribunal de commerce de Montpellier. Elle demande de déclarer les demandes irrecevables car prescrites. A titre subsidiaire, elle demande de débouter la société TPSM de l'ensemble de ses demandes et de nommer un expert afin d'analyser le montant du marché et de condamner la société TPSM à lui régler une somme de 10 000 euros pour procédure abusive.
La société Travaux Public Sicilia Manuel (TPSM) demande la confirmation du jugement. Elle fait valoir que les créances ne sont pas prescrites et sollicite que soit constaté le manquement de la société Sud Foncier Lotir à ses obligations contractuelles. Elle demande la condamnation de la société Sud Foncier Lotir à lui régler la somme de 103 719,55 euros au titre des factures impayées assorties des intérêts au taux légal à compter de la facture du 31 décembre 2008.
Sur la prescription
En vertu de l'article 2219 du code civil « la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ».
En application de l'article L110-4 du code de commerce I.-Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Au terme de l'article 2224 du code civil, 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.
L'article 2222 du code civil prévoit que la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Aux termes de l'article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de ce texte, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Selon l'article 2239 du code civil la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
L'article 2241 du code civil dispose que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Selon ces deux derniers textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.
L'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans et ce délai est repris par l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la même loi, pour les actions nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants.
Il est constant que seule une initiative du créancier de l'obligation peut interrompre la prescription et que lui seul peut revendiquer l'effet interruptif de son action et en tirer profit (Com., 9 janvier 1990, pourvoi n° 88-15.354 Bull 1990 IV n° 11 ; 3e Civ., 14 février 1996, pourvoi n° 94-13.445 ; 2e Civ., 23 novembre 2017, pourvoi n° 16-13.239).
De la même façon, lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction avant tout procès, la suspension de la prescription, qui fait, le cas échéant, suite à l'interruption de celle-ci au profit de la partie ayant sollicité la mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d'exécution de la mesure et ne joue qu'à son profit (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 18-10.011). (3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459)
Seule une initiative du créancier peut interrompre la prescription (Com 9 janvier1990 pourvoi n 88-15.354; 3 Civ 14 février 1996 pourvoi n 94-13.445 ), et elle ne peut profiter à un tiers à sa demande menant une autre action de son côté ( 2 Civ 23 novembre 2017 pourvoi n 16-13.239).
Pour interrompre la prescription, la demande doit être adressée à la personne en faveur de laquelle court la prescription ( 1 Civ 26 septembre 2018 n 17-15.992; 2 Civ 23 novembre 2017 n 16-13.239 Com 28 avril 1998 n 95-15.453).
Il ressort de l'examen des pièces, que par lettre d'engagement des 9 mai 2005, la société Sud Foncier Lotir confie à la société de Travaux Publics Sicilia Manuel (TPSM) les lots VRD et terrassement concernant la construction de trois ensembles immobiliers 'Résidence [Localité 6]', 'Résidence [Localité 5]' et 'Résidence [Localité 7]'à Montpellier, pour un montant global de 993 122,64 euros.
Elle facture ses travaux en cours d'exécution, de juin 2005 au 31 juillet 2006.
Par courrier du 28 mars 2008 la société TPSM adresse à la société Sud Foncier Lotir ses décomptes généraux définitifs des trois lots pour un montant global de 103 719,54 euros et la met en demeure de procéder au règlement.
En réponse la société Sud Foncier Lotir lui envoie par courrier du 14 avril 2008 un décompte des sommes qu'elle reconnaît devoir par chantier et un chèque de règlement pour solde de 11 865,71 euros.
Au terme de son courrier recommandé en date du 25 août 2008, l'avocat de la société TPSM écrit à la société Sud Foncier Lotir'J'ai à plusieurs reprises dû mettre en demeure votre société de verser le solde des situations dues à la SARL TPSM au titre des marchés ci-dessus référencés. Plusieurs mois après mes relances, il reste encore dû, la somme de 98 694,95 euros. A défaut de règlement par retour par chèque à l'ordre de CARPA Mendel, je me verrai dans l'obligation de saisir le juge des référés, l'obligation étant incontestable'.
La société Sud Foncier Lotir, par courrier recommandé en date du 5 septembre 2008, répond être à jour des règlements et joint le courrier du 14 avril 2008.
Selon assignation du 30 mars 2012, le Syndicat des copropriétaires de la résidence de l'[Localité 7] assigne l'architecte de l'opération de construction de la résidence [Localité 7], la société Sud Foncier Lotir, la société Sud Energie Thermi, François Alexandre Gand, exploitant sous l'enseigne François et Jardins, la société TPSM et leurs assureurs respectifs, en référé devant le président du tribunal de grande instance de Montpellier, aux fins d'expertise, en raison d'un problème de fuite sur une canalisation enterrée du réseau d'arrosage représentant un préjudice de 7 605,80 euros.
M. [C] [H] est désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé du 10 mai 2012 et dépose son rapport le 6 avril 2013 qui conclut que le réseau d'arrosage réalisé par l'entreprise François et Jardins est fuyard à la suite d'une rupture d'assemblage de ce réseau situé sous la dalle béton, sous l'effet de la pression d'eau.
Par exploit du 2 août 2013, la société TPSM assigne la Sud Foncier Lotir devant le tribunal de commerce de Montpellier en paiement de la somme de 103 719,55 euros.
Il n'est pas contesté par les parties, qu'en application de l'article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription applicable en la cause est celui de cinq ans prévu par L110-4 du code de commerce, applicable depuis l'entrée en vigueur de la dite loi et que ce délai avait commencé à courir à compter du jour où la société TPSM avait connu les faits lui permettant d'exercer son action à l'encontre de la société Sud Foncier Lotir, soit le 28 mars 2008, date de sa mise en demeure et que ce délai expirait le 19 juin 2013, tel que le conclut la société TPSM, s'il n'a pas été interrompu ou suspendu.
En l'espèce et en application des dispositions précitées, seule une initiative du créancier de l'obligation peut interrompre la prescription et contrairement à ce que soutient la société TPSM, la seule assignation et désignation d'une mesure d'instruction dans le litige qui opposait le Syndicat des copropriétaires de la résidence de l'[Localité 7], après réception des travaux, à différentes entreprises intervenues dans la construction de l'immeuble 'l'[Localité 7]', dont les sociétés Sud Foncier Lotir et TPSM, concernait une autre action, qui contrairement à ce que conclut TPSM, n'a pas de lien avec la demande en paiement du solde de son décompte général.
Cette procédure de référé et cette mesure d'expertise n'ont eu d'effet interruptif et suspensif de prescription, qu'en ce qui concerne le litige concernant le Syndicat des copropriétaires de la résidence de l'[Localité 7] et en aucun cas sur celui relatif à la créance résultant du décompte définitif impliquant les seules sociétés TPSM et société Sud Foncier Lotir objet de la présente procédure, concernant une demande distincte, contrairement à ce qu'à retenu le jugement.
Il n'est justifié par la société TPSM d'aucune action interruptive ou suspensive de prescription de sa créance de solde de travaux et l'action en paiement d'une somme de 103 719,55 euros engagée par la société TPSM à l'encontre de la société Sud Foncier Lotir et cette action était prescrite depuis le 19 juin 2013 lorsqu'elle l'a assignée par exploit du 2 août 2013.
En conséquence l'action est irrecevable et les jugements du tribunal de commerce de Montpellier des 17 mars 2014 et 8 mars 2017 seront infirmés en toutes leurs dispositions.
Sur la demande de dommages et intérêts
La société Sud Foncier Lotir demande la condamnation de la société TPSM à lui régler la somme de 10 000 euros pour procédure abusive.
L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constituant pas en soi une faute caractérisant un abus du droit d'agir en justice ni une quelconque résistance abusive, en l'absence de justification d'un préjudice spécifique
En l'espèce, la société Sud Foncier Lotir ne rapporte pas la preuve dont elle a la charge de la faute commise par la société TPSM ni d'un préjudice spécifique et la seule erreur d'appréciation de cette dernière quant à l'absence de prescription de son action n'est pas constitutive d'un abus de droit d'agir en justice.
La société Sud Foncier Lotir sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire ;
Infirme les jugements du tribunal de commerce de Montpellier des 17 mars 2014 et 8 mars 2017 en toutes leurs dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Dit que l'action en paiement engagée par la société Travaux Publics Sicilia Manuel (TPSM) à l'encontre de la société Sud Foncier Lotir de la somme de 103 719,55 euros est prescrite ;
Déclare l'action irrecevable ;
Déboute la société Sud Foncier Lotir de ses autres demandes ;
Déboute les parties de toutes leurs demandes ;
Condamne la société Travaux Publics Sicilia Manuel (TPSM) aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Sud Foncier Lotir la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais engagés en première instance et en cause d'appel.
Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,