Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 08 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 18/05364 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N3VP
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 20 septembre 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE
N° RG 16/00168
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Franck DENEL, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
SMABTP (SOCIÉTÉ MUTUELLE D'ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS)
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Emmanuel GILLET de la SCP CARCY-GILLET, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [T] [N] épouse [H]
née le 21 Juin 1981 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
et
Monsieur [W] [H]
né le 30 Avril 1977 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Stéphane CABEE de la SCP CABEE-BIVER, avocat au barreau de CARCASSONNE, substitué à l'audience par Me Gilles BIVER de la SCP CABEE-BIVER, avocat au barreau de CARCASSONNE
Ordonnance de clôture du 07 mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, conseiller et Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Suivant trois devis de travaux en date des 4 janvier, 4 février et 13 février 2012, les époux [H] ont confié à la SARL Construction Vert Habitat (CVH) assurée auprès de la SMABTP, des travaux de construction d'une maison d'habitation sur une parcelle située à [Localité 6] acquise par acte authentique du 25 avril 2012 au prix de 120 000 euros, pour montant total de 334 232,03 euros.
Le financement de cette opération a été réalisé par le biais de deux prêts de 210 369 euros et 207 000 euros souscrits le 9 mars 2012 auprès de BNP Paribas.
La demande de permis de construire a été déposée le 21 novembre 2011 et le permis accordé le 26 janvier 2012.
Le 18 juillet 2012, la société Construction Vert Habitat a établi une première facture d'un montant de 53 299,04 euros représentant 25% du montant total du gros 'uvre payables :
- pour 21 266, 91 euros TTC par virement bancaire au profit de la société Construction Vert Habitat,
- pour 32 032, 13 euros TTC par virement bancaire au profit de la société J&Co European Constructions and Trade Ltd domiciliée en Bulgarie auprès de laquelle la société Construction Vert Habitat a indiqué s'approvisionner en matériaux.
La banque BNP Paribas a procédé à ces deux virements.
D'autres factures seront par la suite émises et réglées dans les mêmes conditions au profit de la société J&Co European Construction and Trade Ltd, à savoir :
- facture du 7 mai 2013 d'un montant de 45 591,11 euros,
- facture du 8 juillet 2013 d'un montant de 24 520, 55 euros,
- factures du 15 novembre 2013 d'un montant de 23 265,93 euros et de 11 632,96 euros,
- facture du 25 novembre 2013 d'un montant de 11 632, 96 euros,
- facture du 2 février 2014 d'un montant de 5 824,72 euros.
Le 5 avril 2014, la société J&Co European Construction and Trade Ltd a émis une nouvelle facture pour le branchement du réseau pluvial et un drainage pour un montant de 4 903,08 euros et 1 911,04 euros, sommes qui lui ont été versées par la banque BNP Paribas.
Les époux [H] ont par la suite découvert que la SARL Construction Vert Habitat avait été placée en liquidation judiciaire simplifiée depuis le 5 mars 2013 et que maître [B] avait été désigné en qualité de liquidateur.
Eu égard à l'existence de malfaçons affectant les travaux réalisés attestés par procès-verbal d'huissier en date du 25 juin 2014, d'un retard dans l'exécution des travaux et d'un abandon de chantier, les époux [H] ont obtenu la désignation de monsieur [L] en qualité d'expert suivant ordonnance de référé en date du 9 octobre 2014.
L'expert a déposé son rapport le 29 juin 2015.
Suivant exploits d'huissiers délivrés les 6, 7, 11 et 19 janvier 2016, les époux [H] ont fait assigner la SA BNP Paribas, monsieur [J], la SMABTP et maître [B] devant le tribunal de grande instance de Carcassonne.
Par jugement réputé contradictoire du 20 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Carcassonne a notamment :
- jugé que la SA BNP Paribas a manqué à l'égard des époux [H] à son obligation de renseignement et de conseil ainsi qu'à son devoir de vigilance dans le déblocage des fonds prêtés et qu'elle engage de ce fait sa responsabilité contractuelle,
- jugé que la société Construction Vert Habitat a manqué à ses obligations contractuelles d'information et de conseil et de livraison d'un ouvrage conforme aux stipulations contractuelles, dans les délais et exempt de vice et a de ce fait engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard des époux [H],
- jugé que la SMABTP doit sa garantie,
- condamné in solidum la SA BNP Paribas et la SAMBTP à payer aux époux [H] les sommes de 354 157,62 euros au titre du coût des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble et à la reprise des désordres et malfaçons,
- dit toutefois que dans leurs rapports entre elles, la société BNP Paribas garantira et relèvera indemne la SMABTP de la condamnation prononcée à son encontre,
- condamné la SA BNP Paribas à payer aux époux [H] la somme de 16 700 euros au titre des pénalités de retard,
- condamné la SMABTP à payer aux époux [H] la somme de 10 000 euros en indemnisation de leur préjudice moral,
- dit que la SMABTP est fondée à déduire des sommes dues le montant de la franchise contractuelle,
- condamné la SA BNP Paribas à payer aux époux [H] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris le coût du procès-verbal de constat établi par maître [D], huissier de justice, le 25 juin 2014,
- condamné la SA BNP Paribas aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec distraction au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le 25 octobre 2018, la SA BNP Paribas a régulièrement interjeté appel de ce jugement, l'acte d'appel précisant les chefs de jugement critiqués.
Suivant une ordonnance du 11 mars 2021, rendue sur requête de la SMABTP en date du 4 avril 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré valable la signification de la déclaration d'appel faite à la société SMABTP le 11 décembre 2018 et a rejeté l'incident de mise en état.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 9 février 2021, la SA BNP Paribas sollicite l'infirmation du jugement. Elle demande que la SMABTP et les époux [H] soient déboutés de l'intégralité de leurs demandes.
Subsidiairement, elle demande à ce qu'il soit opéré un partage de responsabilité entre les époux [H] d'une part, et la SA BNP Paribas d'autre part.
En tout état de cause, elle sollicite la condamnation des époux [H] et de la SMABTP au paiement de la somme de 3 500 euros chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 19 avril 2019, la SMABTP sollicite la réformation du jugement et sa mise hors de cause.
Subsidiairement, elle demande de :
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser aux époux [H] la somme de 354 157, 62 euros et de limiter le préjudice matériel à la somme de 48 802, 22 euros TTC,
- confirmer le jugement en ce qu'il a exclu toute garantie de la SMABTP au titre des pénalités de retard,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toute garantie au titre des loyers payés par les époux [H],
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral des époux [H], à défaut, ramener à de plus justes proportions l'indemnisation du préjudice immatériel des maîtres de l'ouvrage,
- fixer la perte de chance des époux [H] de souscrire une assurance " dommages-ouvrages " à un pourcentage de 20% de leurs dommages et déduire de l'indemnisation de cette perte de chance le coût de souscription d'une assurance " dommages-ouvrage " chiffré à la somme de 16 711, 60 euros,
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de garantie contre l'organisme de crédit au titre du préjudice moral des époux [H],
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la BNP Paribas à la relever et la garantir pour toute condamnation en principal, intérêts, frais, dépens et accessoires prononcée à son encontre.
En tout état de cause, elle sollicite la condamnation des époux [H] ou tout autre succombant au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers avec distraction de droit au profit de SCP Argellies Appolis, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par leurs conclusions enregistrées au greffe le 9 avril 2019, les époux [H] sollicitent la confirmation du jugement.
Subsidiairement, ils demandent la condamnation in solidum de la BNP Paribas et de la SMABTP au paiement de la somme de 342 771, 80 euros.
En tout état de cause, ils sollicitent la condamnation in solidum de la BNP Paribas et la SMABTP au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 7 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS
Sur la responsabilité de la SA BNP Paribas
Le premier juge, relevant que la société Construction Vert Habitat s'était engagée à édifier le gros 'uvre et le second 'uvre d'une construction destinée à l'habitation et que les devis mentionnaient que le plan de construction était « validé et fourni par le client », a requalifié le contrat liant la société Vert Habitat aux époux [H] en contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan. Il a, par suite, retenu la responsabilité contractuelle de la SA BNP Paribas pour manquement à son obligation de renseignement et de conseil, le prêteur s'étant abstenu d'indiquer aux époux [H] les risques encourus à ne pas bénéficier des règles protectrices du contrat de construction de maison individuelle prévues par le code de la construction et l'habitation avant d'omettre de vérifier la situation juridique de la société Construction Vert Habitat et de débloquer des fonds sans prudence. Il a enfin estimé que, si les époux [H], maîtres d'ouvrage, s'étaient montrés imprudents en ne contestant pas les factures émises par le constructeur et en ne souscrivant pas une assurance dommages-ouvrage, cette imprudence était exclusivement due à la défaillance de la banque dans son obligation de renseignement et de conseil, de sorte qu'elle ne saurait exclure ou même limiter la responsabilité de cette dernière.
La SA BNP Paribas prétend que le contrat n'est qu'un contrat d'entreprise, deux personnes juridiquement distinctes ayant été chargées de la construction, et non une seule comme en cas de contrat de construction de maison individuelle. Elle soutient par ailleurs n'avoir nullement manqué à ses obligations, n'ayant pas l'obligation de requalifier le contrat, son contrôle se limitant à un contrôle formel et son devoir de conseil aux questions de financement, et n'étant pas tenue, s'agissant d'un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan, de s'assurer de la délivrance de l'attestation de garantie de livraison avant le déblocage des fonds. Elle souligne que les paiements ont eu lieu à la demande du maître de l'ouvrage. Elle ajoute que les époux [H] ont commis des fautes à l'origine de leur propre dommage en ne souscrivant pas de garantie dommages-ouvrage et en demandant le déblocage des fonds sans émettre aucune réserve sur les factures présentées.
Les époux [H] font valoir que la société Construction Vert Habitat a fourni les plans de la maison individuelle et que, dès lors, le contrat doit être qualifié non pas de contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan comme l'a fait le tribunal mais de contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan. Selon eux, la banque a manqué à ses obligations contractuelles en débloquant les fonds sans avoir en sa possession la garantie de livraison ni les factures correspondantes, et en ne les informant pas sur la nature de la convention réellement passée et sur les garanties existantes. Ils estiment que la SA BNP Paribas doit réparer l'intégralité de leurs préjudices.
Eu égard aux devis en date des 4 janvier et 13 février 2012 (pièce 5 et 6 des époux [H]), la société Construction Vert Habitat s'est engagée à construire la structure gros 'uvre et à réaliser le second 'uvre de ladite structure, laquelle était destinée à l'habitation, monsieur [X] [J] exerçant sous l'enseigne Conception Vert Habitat, et gérant de la société Construction Vert Habitat, étant par ailleurs chargé du dossier de permis de construire et de travaux de menuiseries, lesquels apparaissent secondaires au sein du projet global de construction (pièces 7 et 50 à 53 des époux [H]). Dès lors, le contrat passé avec la société Construction Vert Habitat s'analyse en un contrat de construction de maison individuelle.
Cependant, si, comme l'a justement relevé le premier juge, les devis émis par la société Construction Vert Habitat mentionnent que le plan est « validé et fourni par le client » pour autant la lecture des échanges entre les époux [H] et le gérant de la société Construction Vert Habitat (pièce 50 à 53 des époux [H]) laissent clairement apparaître que la mission de permis de construire (comprenant les plans réalisés par un architecte) a été confiée et réglée à Conception Vert Habitat, à savoir monsieur [X] [J], gérant de la société Construction Vert Habitat, lequel a continuellement entretenu une confusion dans les échanges qu'il a eus avec les époux [H] entre la société Construction Vert Habitat (CVH) dont il était gérant et sa propre personne exerçant sous l'enseigne Conception Vert Habitat (CVH également).
Dans ces conditions, il s'agissait d'un contrat de maison individuelle non pas 'sans fourniture de plan' comme retenu par le tribunal, mais 'avec fourniture de plan'.
Comme justement soutenu par la SA BNP Paribas, il n'appartient pas au prêteur de deniers de s'immiscer dans la convention passée entre le constructeur et le maître de l'ouvrage, de sorte qu'il ne peut être reproché à la banque, dans l'exercice d'un contrôle formel, de n'avoir pas requalifié le contrat qui lui était soumis à l'appui de la demande de prêt en contrat de construction de maison individuelle.
Aussi, il ne peut utilement être reproché à la SA BNP Paribas d'avoir accordé le prêt sollicité sans s'assurer de l'existence d'une garantie de livraison, obligation qui lui incombe pourtant dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans intitulé comme tel.
Pour autant, le prêteur de deniers ne pouvait, en sa qualité de professionnel dans le financement de projets immobiliers, ignorer les risques pris par les époux [H] en ne souscrivant qu'un contrat présenté comme un simple contrat d'entreprise alors que l'opération portait manifestement sur la construction d'une maison individuelle. Débiteur d'un devoir de renseignement et de conseil, le prêteur aurait du alerter les époux [H] sur cette situation, ce qu'il ne justifie pas avoir fait aux termes des éléments versés aux débats.
Par ailleurs, si, du fait de son devoir de non-immixtion, il n'avait pas à vérifier si, concrètement, l'état d'avancement du chantier correspondait aux factures qui lui étaient présentées et qui avaient été validées par les époux [H], la prudence aurait du le conduire, alors qu'il lui était demandé de manière peu usuelle de payer les travaux réalisés par une société à une autre société, à refuser le paiement desdites factures, le contrat le liant aux époux [H] ( pièces 1à à 11-1 des époux [H]) lui imposant de régler les sommes à l'entreprise réalisant les travaux et émettrice de la facture, soit la société Construction Vert Habitat (pièces 22 à 25 des époux [H]), et non à une société tierce, à savoir la société J§Co European Trade Company, et à vérifier l'état de la société Construction Vert Habitat (en état de liquidation judiciaire), ce qu'il n'a manifestement pas fait.
Il a ainsi, tel que justement retenu par le premier juge, manqué à ses obligations et engagé sa responsabilité contractuelle au sens de l'article 1147 du code civil dans sa version applicable au présent litige.
S'agissant de l'attitude des époux [H], les pièces du dossier établissent que monsieur [X] [J] et le notaire ayant rédigé les actes, tous deux professionnels, ont laissé entendre aux époux [H], profanes en matière de construction, qu'une assurance dommages-ouvrage n'était en l'espèce pas nécessaire(pièces 45 à 47 des époux [H]). Ainsi, si les époux [H] ont commis une faute en ne souscrivant pas l'assurance dommages-ouvrage obligatoire, cette faute a manifestement été provoquée par les conseils inadéquats de professionnels en qui ils ont légitimement pu placer leur confiance. Par ailleurs, si les maîtres d'ouvrage ont validé les factures émises sans aucune contestation, il n'est ni soutenu ni démontré au vu des éléments du dossier ni que ces factures étaient sans lien avec l'état d'avancement du chantier ni que les travaux étaient d'ores et déjà affectés de malfaçons ou désordres détectables par un non professionnel du bâtiment.
Dans ces conditions, ainsi que retenu par le premier juge, l'imprudence des époux [H] ne saurait exclure ou même limiter la responsabilité de la banque.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la SA BNP Paribas.
Sur le préjudice des époux [H] en lien avec la faute commise par la banque
Le premier juge a retenu que la faute de la banque était à l'origine de l'absence de garantie de livraison qui a privé les époux [H] de la prise en charge du coût des travaux nécessaires à l'achèvement du bien et à la reprise des travaux mal exécutés, outre les pénalités de retard. Il a par conséquent condamné la banque au paiement en totalité des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble, des travaux de reprise des malfaçons et des pénalités de retard, à l'exclusion toutefois du préjudice de jouissance, du préjudice lié au paiement des loyers et du préjudice moral.
Selon la SA BNP Parisbas, le manquement à ses obligations, à le supposer établi, se trouve sans lien de causalité avec les préjudices invoqués, liés à des malfaçons et à des travaux inachevés. Elle prétend qu'en tout état de cause, elle ne doit réparation que d'une perte de chance, le préjudice qu'elle a causé résultant d'un simple défaut de conseil.
La faute de la banque ne réside pas dans l'absence de vérification d'une garantie de livraison, vérification à laquelle, en l'espèce, elle n'était pas tenue, mais dans un manquement aux obligations de renseignement et de conseil.
Si la banque, comme elle le devait au titre de son obligation de renseignement et de conseil, avait alerté les époux [H] sur les risques encourus à conclure un simple contrat d'entreprise et non un contrat de construction de maison individuelle, les époux [H] auraient soit renoncé à leur projet, soit conclu un contrat de construction de maison individuelle, avec la société Construction Vert Habitat ou une autre société, soit persisté dans leur choix, mais en toute connaissance de cause.
En n'étant pas informés des risques qu'ils encouraient, les époux [H] ont ainsi été privés non d'une garantie de livraison comme retenu par le tribunal, la signature d'un contrat de construction de maison individuelle n'étant pas certaine en l'espèce, mais d'une chance de bénéficier d'une telle garantie, dans l'hypothèse où, pleinement informés, ils auraient opté pour la signature d'un contrat de construction de maison individuelle.
La perte de chance, eu égard à l'étendue de la faute de la banque, sera chiffrée à 60 % du préjudice subi au titre des travaux de reprise des malfaçons et des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble.
Les sommes chiffrées par l'expert, qui apparaissent élevées au regard du chiffrage initial de la construction (334 232,03 euros), peuvent en partie s'expliquer par le recours à différentes entreprises, alors qu'initialement la construction avait été confiée à une seule, et à la nécessité de reprendre les malfaçons. Elle correspondent à des devis validés par l'expert, alors que la SA BNP Paribas, qui critique le chiffrage expertal, ne verse aux débats aucun devis moins disant, et n'a d'ailleurs pas réellement contesté le chiffrage de l'expert lors des opérations expertales, se contentant dans la présente procédure de viser des devis produits par les époux [H] qui n'ont pas été retenus par l'expert. Dans ces conditions, le chiffrage proposé par l'expert sera retenu pour l'essentiel. Il sera relevé toutefois que le chiffrage de la construction de la piscine et des plages apparaît démesuré (66 756,45 euros - annexe 2 du rapport d'expertise judiciaire) eu égard au coût de piscine initialement prévu (19 448,16 euros pour la piscine). Ce poste sera par conséquent chiffré à la somme de 30 000 euros. Il sera dès lors retenu au titre des travaux à terminer la somme de 228 892,60 euros - 36 756,45 euros (66 756,45 euros - 30 000 euros) = 192 136,15 euros et au titre des travaux de reprise la somme de 125 265,02 euros proposée par l'expert. La SA BNP Paribas sera condamnée au paiement de 60 % de ces sommes, à savoir :
- travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble : 192 136,15 euros x 60 % = 115 281,69 euros,
- travaux de reprise des malfaçons : 125 265,02 euros x 60 % = 75 159,01 euros,
soit au total la somme de 115 281,69 euros + 75 159,01 euros = 190 440,70 euros.
S'agissant des pénalités de retard, auxquelles les époux [H] auraient pu prétendre s'ils avaient bénéficié d'un contrat de construction de maison individuelle aux termes de conseils avisés de leur banquier, elles s'élèvent à la somme de 64 284 euros pour 577 jours de retard (1/3000ème du prix convenu par jour de retard), soit à la charge de la banque 64 284 euros x 60 % = 38 570,40 euros, mais, eu égard au plafond de 5% du montant du marché, la SA BNP Paribas sera condamnée au paiement de la somme de 16 700 euros, ainsi que jugé en première instance.
S'agissant du préjudice de jouissance, du préjudice lié au paiement des loyers et du préjudice moral, ils sont, ainsi que parfaitement relevé par le premier juge, pour les deux premiers exclusivement la conséquence de la défaillance du constructeur et pour le dernier non démontré, notamment relativement au lien de causalité avec la faute de la banque.
Ainsi, le jugement sera confirmé s'agissant des postes de préjudice que la SA BNP Paribas sera condamnée à réparer, mais infirmé quant aux montants des condamnations au titre des travaux de reprise et d'achèvement de l'immeuble.
Sur la responsabilité de la société Construction Vert Habitat et la garantie de la SMABTP
Le tribunal a jugé que les désordres et malfaçons affectant le chantier étaient imputables à la société Construction Vert Habitat et qu'en l'absence de réception, seule la responsabilité contractuelle de cette société, assurée en responsabilité civile auprès de la SMABTP, pouvait être recherchée.
Il a retenu la garantie de la SMABTP en jugeant que l'assuré n'avait pas commis de faute dolosive, que le contrat d'assurance devait s'appliquer malgré la résiliation intervenue, que les travaux réalisés étaient couverts par la garantie même en l'absence de la déclaration d'une activité de constructeur de maison individuelle et que les dommages immatériels étaient garantis au même titre que les dommages matériels. Il a retenu par ailleurs l'application de la franchise contractuelle.
La SMABTP conteste cette analyse et sa garantie. Elle oppose, comme elle l'avait fait devant le premier juge, la faute dolosive de l'assuré, la résiliation du contrat d'assurance et l'absence de déclaration de l'activité de constructeur de maison individuelle. Elle prétend par ailleurs ne pas assurer les dommages immatériels et demande l'application de la franchise prévue au contrat.
Les époux [H], qui demandent à titre principal de voir condamner la SMABTP à réparer leurs préjudices, soutiennent à titre subsidiaire que l'assureur aurait commis une faute en délivrant une attestation équivoque.
S'agissant du contrat d'assurance, si ce dernier s'est trouvé résilié de plein droit à défaut de réponse du mandataire liquidateur de la société Construction Vert Habitat au courrier de mise en demeure de la SMABTP du 11 mars 2013, la garantie a continué à être due pendant cinq années (article L 124-5 du code des assurances), et donc se trouve applicable au présent sinistre, la société Construction Vert Habitat n'ayant manifestement pas pu souscrire une autre assurance du fait de sa liquidation judiciaire.
S'agissant de l'absence de déclaration de l'activité de constructeur de maison individuelle, l'argument de l'assureur est également inopérant puisque la société Construction Vert Habitat était assurée pour les activités de bâtiment ossature bois, charpente en bois, couverture, application de matériaux synthétiques et structure et travaux courants de maçonnerie béton-armé, et que ces activités, particulièrement étendues, correspondent tout à fait aux travaux effectués par la société construction Vert Habitat.
S'agissant en revanche de la faute dolosive, que le tribunal a écartée en estimant qu'il n'était pas démontré que la société Construction Vert Habitat aurait volontairement manqué à ses obligations dans le but de nuire à son cocontractant, il sera relevé que la société Construction Vert Habitat a délibérément caché sa situation de liquidation judiciaire aux époux [H], cette omission ayant pour effet de les amener à valider des factures de la société Construction vert Habitat, et de déclencher un règlement par la banque, attitude que les époux [H] n'aurait évidement jamais eue s'ils avaient su que la société se trouvait en cessation d'activité, situation lui interdisant d'effectuer les moindres travaux.
En agissant ainsi, la société Construction Vert Habitat, par la voix de son gérant, a dissimulé intentionnellement à son cocontractant une information (liquidation judiciaire) dont elle savait le caractère déterminant pour l'autre partie (qui aurait refusé de valider les factures si elle avait su).
Il s'agit d'un acte délibéré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, lequel entraîne, en sa qualité de faute dolosive, une absence de garantie par l'assureur au sens de l'article L 113-1 du code des assurances.
S'agissant de l'attestation d'assurance délivrée par la SMABTP, les époux [H] ne démontrent pas en quoi sa formulation serait équivoque, une attestation d'assurance étant par essence de formulation assez brève et renvoyant aux stipulations du contrat (conditions générales et particulières dudit contrat).
Dans ces conditions, le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé des condamnations de la SMABTP et les époux [H] seront déboutés de leurs demandes dirigées contre la SMABTP.
Sur les demandes accessoires
Eu égard à l'issue du litige le jugement déféré sera confirmé s'agissant de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
En cause d'appel, la SA BNP Paribas ayant vu ses prétentions en partie accueillies, les parties seront déboutées de leurs demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie conservera par ailleurs les dépens d'appel par elle exposés.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement rendu le 20 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Carcassonne sauf en ce que qui concerne la SMABTP et le montant des condamnations prononcées à la charge de la SA BNP Paribas au titre du coût des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble et à la reprise des désordres et malfaçons ;
Statuant des chefs infirmés,
Déboute les époux [H] de leurs demandes à l'encontre de la SMABTP ;
Dit que le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la BNP Paribas au titre du coût des travaux nécessaires à l'achèvement de l'immeuble et à la reprise des désordres et malfaçons s'élève à la somme de 190 440,70 euros ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens exposés par elle en cause d'appel.
La greffière, Le président,