Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 08 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 18/05572 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N4ED
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 18 octobre 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE
N° RG 17/00451
APPELANTE :
Madame [T] [X]
née le 19 Juin 1952 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Bruno BLANQUER de la SCP BLANQUER//CROIZIER/CHARPY, avocat au barreau de NARBONNE
INTIMEE :
SCI [C]
RCS de NARBONNE n° 353 523 400
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Frédéric PINET de la SELARL SELARL PINET ET ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE, substitué à l'audience par Me Célia VILANOVA SAINGERY, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 15 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Brigitte DEVILLE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Brigitte DEVILLE, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
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* *
FAITS ET PROCEDURE
[T] [X] et [U] [C], mariés sous le régime de la séparation de biens, ont vécu sur le [Adresse 3] à [Localité 1] (11) comprenant un domaine viticole, un château et une villa constituant leur domicile conjugal et appartenant à la SCI [C].
Par acte du 18 avril 2006 [U] [C], gérant de la SCI, a donné la nue-propriété de 11 996 parts à son épouse et ses trois enfants et a conservé 4 parts en pleine propriété ainsi que l'usufruit de la totalité des parts.
Par ordonnance de non-conciliation du 17 février 2011 le domicile conjugal a été attribué à titre onéreux à l'épouse.
Par ordonnance de référé du 12 avril 2016 une expertise a été ordonnée afin de déterminer la valeur locative des locaux occupés par [T] [X] et appartenant à la SCI [C]. Après dépôt du rapport d'expertise, le 8 septembre 2016, la SCI [C] a assigné [T] [X] par exploit du 14 mars 2017, devant le tribunal de grande instance de Narbonne, afin de la voir condamner à lui payer l'indemnité d'occupation de la villa à compter du 17 février 2011.
Par jugement du 18 octobre 2018 ce tribunal a :
- débouté [T] [X] de ses moyens de défense ;
- dit que [T] [X] est débitrice à l'égard de la SCI [C] d'une indemnité d'occupation de l'immeuble lui appartenant et situé [Adresse 3] à [Localité 1], à compter du 17 février 2011, date de l'ordonnance de non-conciliation rendue dans les rapports des époux [X]-[C] ;
- dit que l'indemnité doit être calculée conformément aux données du rapport d'expertise dressé dans les rapports des parties mais avec un abattement de 30 % ;
- dit que la dette s'élève au 31 décembre 2016 à la somme de 92 142,75 euros ;
- condamne [T] [X] à payer à la SCI [C] la somme de 92 142,75 euros arrêtée au 31 décembre 2016 et, à compter du 1er janvier 2017, la somme mensuelle de 1360,80 euros à réévaluer à cette date puis le 1er janvier de chaque année en fonction de la variation de l'indice de révision des loyers, l'indice de réévaluation étant le dernier publié à la date de révision et l'indice de base celui correspondant au même mois de l'année antérieure ;
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné [T] [X] aux dépens comprenant les frais de l'expertise réalisée dans les rapports des parties à la présente instance.
[T] [X] a relevé appel de cette décision le 7 novembre 2018.
Vu les conclusions de l'appelante remises au greffe le 14 mai 2019 ;
Vu les conclusions de la SCI [C] remises au greffe le 29 mai 2019 ;
MOTIFS
[T] [X] soutient que la SCI [C] a conclu, au mois de février 1990, un contrat de prêt à usage avec elle-même et [U] [C] sans exiger une quelconque contrepartie. Or la SCI n'a jamais mis un terme à ce contrat et, en conséquence, aucune indemnité d'occupation n'est due.
Aux termes de l'article 1875 du code civil le prêt à usage " ou commodat " est un contrat par lequel une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir à charge par le preneur de la rendre après s'en être servi.
L'article 1876 du même code stipule que ce prêt est essentiellement gratuit.
Une telle convention entre dans l'objet social de la SCI [C] puisque ses statuts précisent dans l'article 2 que la société a pour objet l'acquisition, l'administration, l'exploitation par bail, la location ou autrement de tous immeubles lui appartenant.
La SCI soutient que ses associés n'ont jamais consenti, lors d'une assemblée générale ou par écrit, à conclure un prêt à usage gratuit au bénéfice de [T] [X] qui ne rapporte donc pas la preuve de son existence.
Le contrat de prêt à usage est un contrat réel qui est formé par la remise de la chose à l'emprunteur et qui n'est soumis à aucune forme particulière. Il peut donc être conclu verbalement et sa preuve peut être rapportée par tous les moyens.
Cette preuve est rapportée, de manière certaine et non équivoque, par la mise à disposition de l'immeuble par la SCI familiale aux époux [X]-[C] depuis 1990 et ce, gratuitement puisque l'intimée ne démontre pas avoir reçu une quelconque indemnité depuis cette date.
L'absence de décision des associés ne concerne que les rapports entre les associés et ne peut remettre en cause l'existence de la convention démontrée par la remise effective de la chose entre les mains des époux [X]-[C] depuis 1990.
L'intimée fait référence aux dispositions de l'ordonnance de non-conciliation aux termes de laquelle le domicile conjugal a été attribué à titre onéreux à [T] [X] et soutient que la décision est opposable aux tiers, donc à la SCI [C].
Si une décision de justice n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard des tiers, elle leur est cependant opposable. En effet les tiers ne peuvent l'ignorer et doivent reconnaître la situation juridique qui en est née.
Cependant une décision n'entraîne d'effet qu'entre les parties.
En l'espèce, dans la mesure où l'efficacité de l'ordonnance de non-conciliation reste cantonnée aux seules parties, la SCI [C] ne peut réclamer à son bénéfice le paiement d'une indemnité d'occupation au titre d'une convention de prêt à usage gratuit qu'elle n'a pas dénoncée à [T] [X] qui en bénéficie depuis 1990.
Le jugement doit, en conséquence, être infirmé et la SCI doit être déboutée de ses demandes.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
Déboute la SCI [C] de toutes ses demandes ;
Condamne la SCI [C] à payer à [T] [X] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés tant en première instance qu'en cause d'appel ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel y compris le coût taxé de l'expertise judiciaire réalisée par Madame [B] [P].
La greffière, Le président,