La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°18/06360

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 06 juillet 2023, 18/06360


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 06 JUILLET 2023



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/06360 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N57M





Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 DECEMBRE 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 16/00946





APPELANT :



Commune de [Localité 11] prise en la personne de so

n Maire, domicilié ès qualités

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 11]

Représenté par Me Marie-Pierre VEDEL SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Julie SANTIN, avocat au barreau de TOULOUSE











INTIM...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 06 JUILLET 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/06360 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N57M

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 DECEMBRE 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 16/00946

APPELANT :

Commune de [Localité 11] prise en la personne de son Maire, domicilié ès qualités

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 11]

Représenté par Me Marie-Pierre VEDEL SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Julie SANTIN, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES :

Monsieur [C] [X]

né le 01 Mai 1973 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 1]

et

Madame [D] [X]

née le 21 Octobre 1975 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 4]

et

Monsieur [Z] [X]

né le 21 Juillet 1945 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 11]

et

Madame [K] [H] épouse [X]

née le 06 Janvier 1947 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentés par Me Jean-Luc BIDOIS, avocat au barreau de CARCASSONNE

Ordonnance de clôture du 21 Avril 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mai 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère, chargée du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame [K] [H] épouse [X], Monsieur [Z] [X], Madame [D] [X] et Monsieur [C] [X] sont propriétaires depuis octobre 1980 d'une villa édifiée sur un terrain planté de sapins figurant au cadastre de la commune de [Localité 11] sous le n° D [Cadastre 5].

Le 5 décembre 1996, la commune de [Localité 11], souhaitant créer une voie communale dénommée '[Adresse 2]', a fait établir par un géomètre expert, Monsieur [G], un document d'arpentage, divisant la parcelle D [Cadastre 5] en deux nouvelles parcelles, la parcelle D [Cadastre 8] destinée à être conservée par les consorts [X] et la parcelle D [Cadastre 9] d'une surface de 8m2 destinée à être cédée à la commune pour la création de ladite voie. Cette cession a été effectuée à titre gratuit par les consorts [X] au profit de la commune.

En 2013, la commune a effectué des travaux de voirie sur l'[Adresse 2]. Selon les consorts [X], ces travaux ont entraîné la disparition d'un clou d'arpentage, recouvert par le goudron, et créé un empiétement d'une trentaine de centimètres tout le long de leur propriété.

Les consorts [X] ont présenté au maire de la commune, suivant courrier en date du 12 décembre 2014, une demande de modification de la clôture existante pour l'avancer en bordure de la chaussée.

Par courrier en date du 19 décembre 2014, le maire de la commune de [Localité 11] a notifié aux consorts [X] son refus de déplacement de la clôture eu égard notamment à une délibération prise le 23 novembre 2014 par le conseil municipal approuvant l'alignement tel que matérialisé sur le document du cabinet [G]. Les consorts [X] ont formé un recours hiérarchique auprès du préfet de l'Aude qui, par courrier du 24 avril 2015, leur a indiqué que selon son analyse ils étaient 'propriétaires de la partie de la parcelle comprise entre (leur) clôture et le domaine public communal'.

La commune de [Localité 11] n'ayant pas retiré les décisions et délibérations critiquées, ni remis les lieux dans leur état initial, les consorts [X] ont saisi le tribunal administratif de Montpellier aux fins d'annulation des décisions communales litigieuses. Suite à ce recours, la commune de [Localité 11] a retiré la délibération du 23 novembre 2014 mais a maintenu la décision du maire en date du 19 décembre 2014.

Par jugement en date du 17 novembre 2016, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du maire, enjoint à la commune de réexaminer la demande de déplacement de la clôture présentée par les consorts [X] et condamnée celle-ci à payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles. Par décision du 21 décembre 2018, le conseil d'Etat a déclaré le pourvoi à l'encontre de la décision de la cour administrative d'appel de Marseille non admis.

Parallèlement à la procédure devant les juridictions de l'ordre administratif, par exploit d'huissier en date du 06 juin 2016, les consorts [X] ont fait assigner la commune de Cuxac Cabardes devant le tribunal de Grande Instance de Carcassonne aux fins de voir cesser l'empiétement et obtenir le paiement de dommages-intérêts.

Par jugement en date du 06 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Carcassonne a :

- constaté que la limite séparative de propriété entre la parcelle D [Cadastre 8] appartenant aux consorts [X] et la voie communale dénommée [Adresse 2], se situe à deux mètres de la clôture grillagée se trouvant sur la parcelle D [Cadastre 8],

- constaté que la voie communale D [Cadastre 7] dénommée [Adresse 2] empiète sur la parcelle D [Cadastre 8] des consorts [X],

- condamné la commune de [Localité 11] à supprimer cet empiétement en déplaçant la bande goudronnée de la voie communale pour la repositionner à une distance de deux mètres de la clôture grillagée existante et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de deux mois souvent la signification du jugement et pour une durée de 18 mois au-delà de laquelle il pourra être à nouveau fait droit,

- condamné la commune de [Localité 11] à payer aux consorts [X] une indemnité de 10 000 euros en réparation des préjudices de jouissance et moral subis par ces derniers du fait de l'empiétement et de sa résistance abusive,

- condamné la commune de [Localité 11] à payer aux consorts [X] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la commune de [Localité 11] aux entiers dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par acte du19 décembre 2018, la commune de [Localité 11] a interjeté appel de ce jugement.

Par ses conclusions enregistrées au greffe le 20 mars 2023, la commune de [Localité 11] sollicite de voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente ratione materiae pour connaître du litige au profit du tribunal administratif de Montpellier. Elle demande la réformation du jugement du tribunal de grande instance de Carcassonne du 6 décembre 2018. Elle demande à la cour de mettre à la charge des consorts [X] :

' une somme de 911,13 euros correspondant aux frais engagés par la commune de [Localité 11] en exécution du jugement contesté,

' une somme de 3 744,00 euros correspondant aux frais de remise en état de la chaussée.

Elle sollicite par ailleurs la condamnation des consorts [X] aux dépens et à leur payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par leurs conclusions enregistrées au greffe le 14 avril 2023 de Madame [K] [H] épouse [X], Monsieur [Z] [X], Madame [D] [X] et Monsieur [C] [X] sollicitent la confirmation du jugement de première instance en toutes ses dispositions. Il solicitent en outre la condamnation de la commune de [Localité 11] aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de maître Jean-Luc Bidois en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et à leur payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 21 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS

Sur le moyen tiré de l'incompétence de la juridiction judiciaire

Le tribunal, relevant que la commune n'avait pas soulevé cette exception de procédure devant le juge de la mise en état, a jugé qu'elle n'était plus recevable à le faire.

La commune formule de nouveau cette demande en appel, prétendant que la cour peut relever d'office son incompétence, l'affaire relevant d'une juridiction administrative (article 76 du code de procédure civile) s'agissant du point de savoir si un bien fait ou non partie du domaine public ou pour fixer ses limites.

Pour les consorts [X], au contraire, en cause d'appel cette exception serait irrecevable puisque non soulevée in limine litis par la défenderesse représentée en première instance. Elle ajoute qu'au surplus le juge judiciaire est compétent pour statuer sur les empiétements de la voie communale sur les propriétés privées (article 544 du code civil).

Si l'article 76 du code de procédure civile permet à la cour d'appel de relever d'office son incompétence au profit de la juridiction administrative, il s'agit d'une simple faculté et non d'une obligation, étant précisé que la présente procédure a pour objet non pas de délimiter le domaine public mais de déterminer si la commune empiète sur un domaine privé, commettant ainsi une voie de fait de la compétence du juge judiciaire.

Par ailleurs et surtout, la commune s'est contentée, en première instance, d'inviter les consorts [X] à mieux se pourvoir sans demander expressément à la juridiction qu'elle se déclare incompétente. Or, il résulte de l'article 74 du code de procédure civile que le défendeur représenté en première instance et qui n'a pas valablement invoqué l'incompétence de la juridiction saisie est irrecevable à soulever une telle exception en cause d'appel.

Dans ces conditions, la demande sera déclarée irrecevable.

Sur l'empiétement allégué

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Le tribunal, eu égard au retrait de la délibération du 24 novembre ayant notamment pour effet d'incorporer au sol de l'[Adresse 2] une partie de la parcelle appartenant aux consorts [X], à l'absence de plan d'alignement, et au plan d'arpentage de monsieur [G], géomètre expert, en date du 5 décembre 1996, a estimé que la limite de propriété des consorts [X] ne se situait pas au niveau de leur clôture mais deux mètres après celle-ci.

La commune de [Localité 11] fait valoir, outre que le protocole de 2009 serait inopérant, que la limite de propriété des consorts [X] s'est toujours située au niveau de la clôture existante, eu égard aux documents cadastraux et des plans de masse déposés pour les permis de construire de 1971 et 1985. Elle souligne que l'essentiel de l'élargissement de la voie publique a été effectué sur les propriétés faisant face à celles des consorts [X]. La parcelle face à celle des consorts [X] ne constitue pas la voirie publique initiale mais la portion de la propriété communale conservée lors d'une cession en vue de l'élargissement de l'[Adresse 2] (devenue la parcelle cadastrée section D n°[Cadastre 7]) et se situant à l'opposé de la propriété des [X].

Selon les consorts [X], l'assiette de la voie communale litigieuse est constituée par l'ancienne parcelle D [Cadastre 7], et l'ancien chemin communal a été déplacé vers la propriété [X], sur laquelle elle empiète. Le plan parcellaire établi le 1er décembre 2014 par Monsieur [G] dénaturerait selon eux le document du 4 décembre 1996 qui n'a jamais matérialisé la limite de propriété sur la clôture mais en deçà de la clôture. Ils soulignent que par lettre du 24 avril 2015, le Préfet de l'Aude leur a confirmé qu'ils étaient propriétaires de la partie de la parcelle comprise entre leur clôture et le domaine public communal.

La délibération du 24 novembre ayant notamment pour effet d'incorporer au sol de l'[Adresse 2] une partie de la parcelle appartenant aux consorts [X] a été retirée par la commune par délibération du 26 octobre 2015, de sorte qu'en absence de plan d'alignement, l'alignement ne peut être fixé qu'en fonction des limites réelles de la voie.

Or, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le plan d'arpentage établi par monsieur [G], géomètre expert, le 5 décembre 1996 (pièce 1 des consorts [X], illisible dans son annexe intitulée 'procès-verbal de délimitation') ne permet pas de définir précisément le positionnement de la clôture de la propriété des consorts [X], la distance de deux mètres n'étant notamment pas mentionnée sur le plan. Par ailleurs, le protocole d'accord signé entre les parties le 25 avril 2009 (pièce 6 des consorts [X]) et la correspondance du préfet de l'Aude en date du 24 avril 2015 (pièce 13 des consorts [X]) constituent de simples éléments de fait qui ne sont pas de nature à établir l'existence de droits, alors que les photographies versées aux débats (pièces 29 et 23 de la commune) ne tendent ni à confirmer ni à infirmer le positionnement de chacune des parties.

S'agissant des documents cadastraux et des plans de masse déposés pour les permis de construire de 1971 et 1985 (pièces 3 à 6, 17 à 19 de la commune), ils tendent à matérialiser une limite de propriété des consorts [X] au niveau de la clôture existante, alors que l'essentiel de l'élargissement de la voie publique paraît avoir été effectué sur les propriétés faisant face à celles des consorts [X] (pièce 6 de la commune).

Par ailleurs, la commune n'est pas contredite par les pièces du dossier lorsqu'elle affirme que la parcelle face à celle des consorts [X] ne constitue pas la voirie publique initiale mais la portion de la propriété communale conservée lors d'une cession en vue de l'élargissement de l'[Adresse 2] et se situant à l'opposé de la propriété des [X].

Dans ces conditions, les pièces versées aux débats ne permettant pas de définir les limites de la propriété des consorts [X], ces derniers échouent à démontrer l'empiétement dont leur parcelle serait l'objet.

Par conséquent, le jugement sera infirmé et les consorts [X] seront déboutés de leurs demandes.

Sur les demandes de la commune de Cuxac- Cabardes

Si les consorts [X] échouent à rapporter la preuve de existence d'un empiétement, pour autant les éléments du dossier ne permettent pas non plus d'établir l'absence d'empiétement.

Dès lors, la commune sera déboutée de sa demande de condamnation des consorts [X] au paiement de la somme de 911,13 euros correspondant aux frais engagés en exécution du jugement.

S'agissant de la remise en état de la chaussée, le devis versé aux débats (pièce 34 de la commune) ne justifie pas de la nécessité d'engager les travaux décrits. Dès lors, la commune sera également déboutée de sa demande de paiement de la somme de 3 744,00 euros.

Sur les demandes accessoires

Eu égard à l'issue du litige, le jugement sera infirmé.

Les consorts [X], succombants, seront condamnés à payer à la commune de Cuxac-Cabardès la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils seront également condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevable la demande tendant à voir déclarer la présente juridiction incompétente au profit du juge administratif ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Carcassonne ;

Statuant de nouveau,

Déboute les parties de leurs demandes ;

Condamne Madame [K] [H] épouse [X], Monsieur [Z] [X], Madame [D] [X] et Monsieur [C] [X] à payer à la commune de [Localité 11] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [K] [H] épouse [X], Monsieur [Z] [X], Madame [D] [X] et Monsieur [C] [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/06360
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;18.06360 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award