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02/04/2024 | FRANCE | N°22/03109

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 02 avril 2024, 22/03109


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 02 AVRIL 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/03109 - N° Portalis DBVK-V-B7G-POKR





Décision déférée à la Cour :

Jug

ement du 09 MAI 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2021 000262





APPELANTE :



SAS M.B.I.P prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, a...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 02 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/03109 - N° Portalis DBVK-V-B7G-POKR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 09 MAI 2022

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2021 000262

APPELANTE :

SAS M.B.I.P prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Stéphane PERFETTINI de la SELEURL ASCODE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE :

S.N.C. GERLAND prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe BLONDEAUT de la SELARL BPG AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER,

Ordonnance de clôture du 06 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 FÉVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.

EXPOSE DU LITIGE

La S.N.C. Gerland, société de promotion immobilière, maître d'ouvrage, a entrepris la construction de trois bâtiments A, B et C à destination de résidences étudiantes à [Localité 5].

Elle a fait appel notamment à la S.A.S. MBIP, chargée du lot n° 15 Peintures, avec laquelle elle a signé le 30 janvier 2018 un acte d'engagement pour un montant de 540 000 euros HT ou 648 000 euros TTC.

Entre les mois de juin et d'août 2019, divers devis pour des travaux supplémentaires concernant les bâtiments B et C ont été établis par la société MBIP à la demande de la société Gerland pour un montant de 96 258,50 euros HT ou 115 510,20 euros TTC.

Cependant et par ailleurs, la société MBIP n'ayant pas réalisé les travaux prévus dans le bâtiment A, la société Gerland a confié ces travaux à une tierce entreprise, pour un montant de 242 067,59 euros HT soit 290 481,11 euros TTC.

Le 4 décembre 2019, par lettre recommandée avec accusé de réception, la société MBIP a été convoquée à une réception des travaux prévue le 19 décembre 2019 à laquelle elle ne s'est pas rendue.

Le 19 décembre 2019, la réception de l'ouvrage a été prononcée avec 39 réserves concernant les travaux de peintures dont avait la charge la société MBIP.

Le 18 février 2020, la société MBIP a adressé à la société Gerland son décompte général définitif (DGD) faisant ressortir en sa faveur un solde de 323 067,82 euros.

Le 27 juillet 2020, la société Gerland a notifié son DGD à la société MBIP faisant ressortir un montant négatif de 162 892,96 euros à son profit, que cette dernière a contesté le 12 août 2020.

Par exploit d'huissier en date du 18 décembre 2020, la société Gerland a fait assigner la société MBIP devant le tribunal de commerce de Montpellier qui, par jugement en date du 9 mai 2022, a :

- condamné la société MBIP à payer à la société Gerland la somme de 32186,40 euros en règlement des travaux effectués par la société PRO BTP en ses lieu et place et conformément aux devis n° 2019121806 d'un montant de 28 826,40 euros et n° 20190055 d'un montant de 3 360 euros ; la somme de 1 041,91 euros au titre du solde du compte prorata ; la somme de 40 871,04 euros au titre du compte inter entreprise ;

- débouté la société MBIP de sa demande reconventionnelle quant au règlement de la somme de 101 168,98 euros au titre du solde de son marché de base ; de sa demande reconventionnelle quant au règlement de la somme de 115 510,20 euros au titre du règlement des travaux supplémentaires ; de sa demande reconventionnelle quant au règlement de la somme de 106 388,63 euros en réparation de son préjudice ;

- dit qu'il n'y a lieu de nommer un expert avec mission de se prononcer sur le bien fondé technique des réclamations des parties ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement en application de l'article 514 du code de procédure civile ;

- et condamné la société MBIP à payer à la société Gerland la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés et taxés à la somme de 70.87 euros toutes taxes comprises.

Par déclaration du 10 juin 2022, la société MBIP a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 23 février 2023, elle demande à la cour de :

- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a condamné la société MBIP à verser à la société Gerland les sommes suivantes : 32 186,40 euros ttc au titre des travaux engagés pour lever les réserves affectant prétendument ses travaux; 1 041,91 euros ttc au titre du remboursement du solde du compte prorata ; 40 871,04 euros ttc au titre du remboursement du compte interentreprises ; rejeté les demandes financières présentées par la société MBIP à l'encontre de la société Gerland pour les sommes suivantes : 101168,98 euros ttc au titre du solde de son marché de base ; 115 510,20 euros ttc au titre du règlement des travaux supplémentaires qui lui ont été commandés ; 106 388,63 euros ttc en réparation de son préjudice ;

- infirmer intégralement la décision entreprise ;

- statuant à nouveau, rejeter l'intégralité des demandes de condamnations présentées à l'encontre de la société MBIP par la société Gerland notamment l'appel incident relatif à la condamnation portant sur les travaux nécessaires pour lever les réserves à hauteur de 83 223 euros ;

- subsidiairement, limiter cette condamnation à la somme de 1 728 euros ;

- rejeter l'appel incident relatif aux demandes formulées au titre du remboursement du solde des comptes prorata et interentreprises, à hauteur de 8 321,63 euros et 49 246,20 euros ttc ;

- condamner la société Gerland à régler à la société MBIP les sommes suivantes : 101 168,98 euros ttc au titre du solde de son marché de base ; 115510,20 euros ttc au titre du règlement des travaux supplémentaires ; 106388,63 euros ttc en réparation de son préjudice ;

- subsidiairement, désigner un nouvel expert judiciaire afin de faire le compte entre les parties et pour se prononcer techniquement sur le bien-fondé des réserves alléguées et des devis produits ;

- en tout état de cause, condamner la société Gerland à verser à la société MBIP la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Gerland, en tous les frais et dépens, en ce compris les frais et honoraires articles 8 et 10 de recouvrement forcé par voie d'huissier qui seront recouvrés par Me Philippe Senmartin, avocat au barreau de Montpellier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, la Société MBIP fait valoir pour l'essentiel les moyens suivants :

- Elle a rencontré de grandes difficultés sur le chantier du fait de l'intervention d'entreprises tierces et n'a pu effectuer qu'une partie des travaux ;

- Du fait du conflit avec le maître de l'ouvrage, elle ne s'est pas rendue à la réception de ses travaux ;

- La société Gerland fonde ses demandes sur les dispositions de l'article 1792-6 du code civil, mais sans l'avoir mise en demeure de les reprendre, de sorte que celles-ci ne peuvent être rejetées ;

- En outre, les travaux dont la société Gerland sollicite le paiement correspondent à des travaux supplémentaires et non pas à des travaux de reprise ;

- Les sommes réclamées au titre du compte prorata et du compte interentreprises ne sont pas justifiées ;

- La société Gerland doit être condamnée à la somme qu'elle sollicite au titre de son DGD.

Par conclusions du 1er décembre 2022, la société Gerland demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce que la société MBIP a été condamnée au titre des frais avancés pour la levée des réserves du compte prorata et du compte interentreprises ;

- infirmer la décision sur le quantum : en conséquence, condamner la société MBIP à payer à la société Gerland :

- la somme de 83 223 euros ttc au titre des frais pour la levée des réserves et assortir cette somme du taux d'intérêt légal à compter de la délivrance de l'assignation ;

- la somme de 8 321,63 euros ttc au titre du solde du compte prorata ;

- la somme de 49 246,20 euros ttc au titre du solde du compte interentreprises ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la société MBIP formulées à titre reconventionnel ;

- condamner la société MBIP en plus des sommes allouées en première instance à hauteur de 2 000 euros, à payer à la société Gerland la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La société Gerland expose en substance les moyens suivants :

- La société MBIP qui a abandonné le chantier ne s'est pas présentée à la réception des travaux bien que dûment convoquée ;

- Les malfaçons et non-finitions étaient mentionnées dans la convocation à la réception des travaux ;

- En outre, les dispositions du CCA l'ont dispensée de toute mise en demeure ; - Elle produit aux débats les factures des travaux effectués par une tierce entreprise pour la reprise de la finition des travaux non réalisés par la société MBIP ;

- Elle justifie parfaitement au regard de ses décomptes des sommes réclamées au titre du compte prorata et du compte interentreprises ;

- Une expertise judiciaire n'est nullement utile puisque l'expert judiciaire ne pourra rien constater s'agissant d'un litige sur dossier.

L'ordonnance de clôture est datée du 6 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les sommes dues au titre du marché de travaux

Sur les sommes dues au titre de la levée des réserves

Aux termes de l'article 1792-6 du code civil, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître d'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception. Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné. En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.

La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve.

Il résulte des productions que la société MBIP a été régulièrement convoquée, de sorte que la réception de l'ouvrage est contradictoire.

Toutefois, il convient de constater qu'à la suite de la réception, la société Gerland n'a adressé à la société MBIP aucune mise en demeure de reprendre les travaux afin de lever les réserves, et ce en méconnaissance des dispositions de l'article 1792-6 précitées.

Par ailleurs, la circonstance que les réserves aient été mentionnées sur la convocation aux opérations de réception est inopérante, la mise en demeure devant être nécessairement postérieure à la réception (en ce sens, 3ème civ., 4 avril 2001, n° 99-14.970).

De même, la société Gerland ne saurait prétendre se dispenser de toute mise en demeure sur le fondement du cahier des clauses administratives (articles 24.4-1 et 24.4-2) signé par la société MBIP, en l'absence de notification du procès-verbal de réception avant de faire exécuter les travaux de levée des réserves par une tierce entreprise.

Il en résulte que la mise en demeure du constructeur étant un préalable indispensable à l'exigibilité des sommes pouvant être dues au titre de la levée des réserves, la société Gerland ne peut qu'être déboutée de ses demandes relatives au coût des travaux de reprise de levée des réserves qu'elle a fait exécuter par une tierce entreprise.

Sur les sommes dues au titre du décompte général définitif

Le coût du marché initial était de 540 000 euros HT. Il est constant que la société MBIP n'a pas réalisé les travaux dans le bâtiment A. L'acte d'engagement ne précise cependant pas le coût des travaux concernant ce seul bâtiment.

La société Gerland sollicite au titre des travaux non réalisés sur le bâtiment A le retranchement de la somme de 236 678,88 euros, dont elle ne justifie cependant pas du calcul.

Dans son DGD, la société MBIP précise poste par poste le montant du coût des travaux non réalisés concernant le bâtiment A pour un total de 180 199,09 euros, de sorte que cette somme sera retenue.

Le montant dû au titre des travaux réalisés s'agissant des bâtiments B et C est donc de 359 800,91 euros HT (540 000 - 180 199,09 euros).

Par ailleurs, la société MBIP verse aux débats différents devis pour des travaux supplémentaires dont elle justifie, contrairement à ce que soutient la société Gerland, qu'ils ont bien été acceptés, soit par mention sur le devis lui-même, soit par mails.

La somme de 96 258,50 euros HT au titre des travaux supplémentaires sera donc également mise à la charge de la société Gerland.

Par ailleurs, la société MBIP sollicite une somme de 91 676,11 euros au titre d'une majoration de retard de 25 % en l'absence de tout fondement contractuel et alors que le CCA précise que le maître de l'ouvrage ne peut être tenu personnellement responsable d'aucune pénalité de retard (article 36.3).

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande formée de ce chef à l'encontre du maître de l'ouvrage, quand bien même elle justifie par la production de différentes lettres et procès-verbaux de constat d'huissier de difficultés à effectuer les travaux prévus dans les délais, compte tenu de l'intervention de tierces entreprises sur le chantier.

Le DGD de la société MBIP détaille le montant des sommes effectivement réglées au titre de l'avancement du chantier pour un montant total de 314250,61 euros TTC.

La société Gerland sera en conséquence condamnée à payer à la société MBIP la somme de 233 020,68 euros TTC (359 800,91 + 96 258,50 x 20% TVA = 547 271,30 euros TTC - 314 250,61 euros).

Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur le compte prorata

Si le compte prorata concerne les dépenses d'intérêt commun qui ont pour but d'assurer la bonne marche de l'ensemble du chantier, il convient cependant de constater, comme le soutient à bon droit la société MBIP, qu'il est réclamé par le maître de l'ouvrage alors que le CCA précise expressément que le maître de l'ouvrage reste entièrement étranger à ces opérations.

La société Gerland ne peut en conséquence qu'être déboutée de sa demande formée de ce chef.

Sur le compte interentreprises

Il doit être constaté en premier lieu que le compte interentreprises concerne les dépenses autres que celles du compte prorata, mais qu'en l'espèce la société Gerland sollicite au titre du compte interentreprises des sommes dues au titre des frais de nettoyage lesquels sont expressément mentionnés comme relevant du compte prorata.

En second lieu, il résulte des factures produites par la société Gerland et de ses calculs que la société Gerland sollicite des sommes dont elle ne justifie pas précisément qu'elles relèveraient de l'activité de la seule société MBIP, et non pas des autres entreprises intervenant sur le chantier.

Elle sera en conséquence également déboutée de sa demande formée de ce chef.

Sur la demande d'expertise judiciaire

Alors que les travaux de construction ont été achevés avec l'intervention d'une tierce entreprise, une expertise judiciaire ne pourrait constater précisément la réalité et la conformité des travaux réalisés par la société MBIP, de sorte qu'elle n'est pas utile à la solution du litige.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à expertise judiciaire,

Statuant à nouveau,

Condamne la S.N.C. Gerland à payer à la S.A.S. MBIP la somme de 233 020,68 euros TTC,

Déboute la S.N.C. Gerland de toutes ses demandes formées à l'encontre de la S.A.S. MBIP,

Condamne la S.N.C. Gerland aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la S.A.S. MBIP la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/03109
Date de la décision : 02/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-02;22.03109 ?
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