COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère chambre de la famille
ORDONNANCE SUR INCIDENT
N° RG 23/03731 - N° Portalis DBVK-V-B7H-P4YM
APPELANTE :
Mme [P] [R]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Chreifa BADJI OUALI, avocat au barreau de MONTPELLIER
(aide juridictionnelle totale n° 2023/006848 du 23/08/2023 accordée par le BAJ de Montpellier)
INTIME :
M. [V] [U] [O] [X]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Le DIX-SEPT MAI DEUX MILLE VINGT-QUATRE,
Nous, Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, magistrat chargé de la mise en état, assistée de Séverine ROUGY, greffière,
Vu les débats à l'audience sur incident du 11 mars 2024, à laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 17 mai 2024,
Par jugement contradictoire en date du 28 octobre 2022, le juge aux affaires familiales a statué sur la liquidation du régime matrimonial des époux [X]/[R], décision signifiée à Mme [P] [R] le 26 décembre 2022 qui en a relevé appel par déclaration au greffe de la cour le 18 juillet 2023.
M. [V] [X], par requête déposée au greffe le 8 novembre 2023, demande au visa de l'article 538 du code de procédure civile, au conseiller de la mise en état, de'déclarer l'appel irrecevable et condamner Mme [R] aux entiers dépens ainsi qu'à 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 13 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a enjoint':
au conseil de l'appelante de conclure sur les mérites de la requête au plus tard le 1er décembre 2023 et sur le retrait de l'aide juridictionnelle
au conseil de l'intimé de produire l'acte de signification.
Mme [R], par la voix de son conseil, a fait valoir ses observations le 15 novembre 2023, elle soutient que:
n'ont pas été respectés en première instance tant le principe du contradictoire, que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme,
qu'ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle et ayant exercé son droit à un procès équitable, le retrait de l'aide juridictionnelle ne saurait être envisagé.
L'incident a été fixé à l'audience du 11 mars 2023 à 14 h, le dit jour à 14 h 15, Me Badji Ouali, conseil de Mme [R], a déposé des conclusions d'incident via le réseau privé virtuel des avocats et les a notifiées à Me Calafell, avocat adverse.
SUR QUOI, LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT
* recevabilité des conclusions d'incident de Mme [R]
En application des articles 15 et 16 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense. Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
En l'espèce, M. [X] a formé l'incident le 8 novembre 2023, aussi les conclusions adressées par mail à Me Calafell le 11 mars à 10 h 33 et remises au greffe via le réseau privé virtuel des avocats par le conseil de Mme [R] alors que l'audience se tenait, violent le principe du contradictoire et la nécessaire loyauté attachée aux débats judiciaires.
Pour justifier de cette production tardive, Me Badji-Ouali fait valoir l'indisponibilité du réseau privé virtuel des avocats et verse des copies d'écran datées du 8 mars de 17 h 31 et 17 h 47, qui ne justifient pas que l'indisponibilité ait perduré jusqu'au jour de l'audience, ce d'autant que la cour a été durant ce laps de temps destinataire de messages et a pu en délivrer.
En conséquence de quoi, les conclusions et pièces visées au bordereau joint seront écartées.
* recevabilité de l'appel
' M. [X] fait valoir que l'appel interjeté le 18 juillet 2023 est tardif tenant la signification de la décision par acte extrajudiciaire du 26 décembre 2022.
' En réponse, Mme [R] soutient qu'elle est fondée à saisir la cour d'une procédure d'appel afin que ses droits soient garantis.
' Réponse du conseiller de la mise en état
En application de l'article 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse. Il court à compter du jour de la signification régulière de la décision.
En l'espèce, M. [X] justifie avoir fait signifier la décision déférée par acte extra judiciaire en date du 26 décembre 2022 délivrée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile. Il ressort de l'acte que le commissaire de justice a vérifié que Mme [R] ne résidait plus à l'adresse indiquée, qu'il a pris contact avec l'OPAC qui ignorait sa nouvelle adresse, qu'il a effectué des recherches sur l'annuaire électronique, l'employeur de Mme [R] étant inconnu de son étude, outre que copie de l'acte a été adressée à sa destinataire par lettre recommandée avec accusé de réception et lettre simple.
L'adresse de Mme [R] est la dernière adresse connue pour être celle qui figurait sur le jugement signifié. Il appartenait à Mme [R] qui était représentée en première instance de s'assurer que la juridiction était informée d'une éventuelle nouvelle adresse, puisqu'il ressort de l'acte d'appel qu'elle réside aujourd'hui à [Localité 2] et non plus à [Localité 5]. Dans ses observations, elle ne précise pas à quelle date est intervenu son changement d'adresse.
Il sera souligné que la décision a été notifiée par le greffe du juge aux affaires familiales à son conseil d'alors, aussi Mme [R] qui avait connaissance de la date du délibéré ne pouvait ignorer qu'une décision avait été rendue à cette date et qu'elle était en droit de demander au notaire le déblocage des fonds lui revenant par suite de la vente du bien indivis.
Au final, le délai d'appel dont disposait Mme [R] a pris fin le 26 janvier 2023, elle n'a usé de son droit que le 18 juillet 2023, bien au-delà du délai dont elle disposait, l'appel est donc irrecevable, la décision ayant été régulièrement signifiée.
* retrait de l'aide juridictionnelle
En application de l'article 50 4° de la loi du 10 juillet 1991, le bénéfice de l'aide juridictionnelle peut être retiré lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat a été jugée
dilatoire, abusive, ou manifestement irrecevable.
En l'espèce, devant le premier juge, Mme [R], qui était assistée d'un conseil, ne bénéficiait pas de l'aide juridictionnelle qu'elle a obtenue en totalité par suite de la demande formée le 11 juillet 2023 après l'appel interjeté par son nouveau conseil le 18 juillet.
Il revenait à Mme [R] d'échanger avec son dernier conseil sur son droit à contester le jugement rendu contradictoirement plus de 6 mois après son prononcé.
L'appel étant manifestement tardif, il y a lieu de retirer à Mme [R] le bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui a été accordé par la décision n° 2023/6848 rendue le 23 août 2023 par le bureau d'aide juridictionnelle.
* frais et dépens
L'appelante succombant à l'incident, elle sera condamnée aux dépens et l'équité commande de rejeter la demande de M. [X] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Nous, Catherine Konstantinovitch, magistrat de la mise en état, par décision contradictoire,
DÉCLARONS irrecevables les conclusions et pièces remises au greffe par le conseil de Mme [R] le 11 mars 2024 alors que l'audience était en cours.
DÉCLARONS irrecevable l'appel interjeté le 18 juillet 2023.
CONDAMNONS Mme [P] [R] aux entiers dépens d'appel.
DÉBOUTONS M. [X] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
RAPPELONS qu'en application de l'article 916 du code de procédure civile, cette ordonnance peut être déférée de ces chefs par simple requête à la cour dans les 15 jours de sa date.
ORDONNONS le retrait de l'aide juridictionnelle dont bénéficie Mme [P] [R] par décision n°2023/6848 rendue le 23 ao 2023 par le bureau d'aide juridictionnelle.
ORDONNONS communication de la présente décision à M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Montpellier.
ORDONNONS communication de la présente décision au Bureau d'aide juridictionnelle de Montpellier et au service d'administration régionale de la cour en charge du recouvrement.
La greffière, Le magistrat chargé de la mise en état,