ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 24 MAI 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 20/00845 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQL4
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 28 JANVIER 2020
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG 18/00468
APPELANT :
Monsieur [M] [R]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Isabelle PLANA, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
Me [T] [J] - es qualité de mandataire ad'hoc de la Société ZM CONSTRUCTION
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté par Me Ingrid BARBE, avocat au barreau de MONTPELLIER
UNEDIC DELEGATION AGS - CGEA de [Localité 8],
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Julien ASTRUC de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 20 Février 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Florence FERRANET, Conseiller
Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Véronique ATTA-BIANCHIN
ARRET :
- contradictoire;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévu le 03 mai 2024 à celle du 24 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.
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* *
EXPOSE DU LITIGE :
Le 21 mai 2017, la société ZM Construction ayant une activité de maçonnerie générale a signé un contrat à durée déterminée allant du 21 mai 2017 au 20 août 2017, avec M. [R] en qualité d'ouvrier d'exécution coefficient 150 de la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment.
Un second contrat à durée déterminée pour une période allant du 21 mai 2017 au 31 décembre 2017 pour pallier un accroissement temporaire d'activité, a été signé le même jour par la société ZM Construction.
Le 31 décembre 2017, la société ZM Construction a délivré à M. [R] un certificat de travail attestant que celui-ci a travaillé du 21 mai 2017 au 31 décembre 2017.
Le 15 février 2018, elle a adressé à Pôle Emploi une attestation de fin de contrat qui fait référence à une rupture du contrat pour licenciement au motif de fin de chantier au 31 décembre 2017.
Par jugement du 8 juin 2018, le tribunal de commerce de Montpellier a constaté l'état de cessation des paiements de la société ZM Construction, prononcé sa liquidation judiciaire, fixé la date de cessation des paiements au 19 mars 2018 et désigné Me [T] [J] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par déclaration au greffe du 15 mai 2018, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de voir :
Fixer au passif de la société ZM Construction les sommes suivantes:
- 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale,
- 2 476,40 € à titre de salaire des mois de janvier et février 2018,
- 1 592,54 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 592,54 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
- 12 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,
- 3 820,47 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,
- 9 555,24 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- 4 220 € à titre d'indemnité de petits déplacements, trajets et transport,
- 1 504,56 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés en fonction des bulletins de salaire délivrés et à délivrer,
- 159,25 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés à valoir sur le préavis,
- 382,04 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés à valoir sur le rappel d'heures supplémentaires,
Condamner Me [J] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ZM Construction, à assurer la délivrance sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir les documents suivants : bulletins de salaire de janvier et février 2018, bulletins de salaire rectifiés de mai 2017 à décembre 2017, attestation Pôle Emploi rectifiée et certificat de travail rectifié.
Par jugement rendu le 28 janvier 2020, le conseil de prud'hommes a :
Dit que le contrat de travail de M. [R] est un contrat à durée déterminée et qu'il a travaillé du 21 mai 2017 au 31 décembre 2017 selon son certificat de travail, lequel est conforme;
Fixé la créance de M. [R] à 1 256,96 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 21 mai 2017 au 31 décembre 2017 ;
Dit que cette somme doit être portée par Me [J] en sa qualité de liquidateur judiciaire sur l'état des créances de la société ZM Construction au profit de M. [R] ;
Dit qu'à défaut de fonds suffisants dans l'entreprise, les créances seront payées par l'AGS dans les limites de la garantie prévue aux articles L.3253-6 et L.3253-17 du code du travail ;
Dit que Me [J] devra établir et délivrer à M. [R] les bulletins de salaires rectifiés de mai 2017 à décembre 2017 ainsi que l'attestation Pôle Emploi rectifiée ;
Débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche, en l'absence de préjudice ;
Débouté M. [R] de sa demande de rappel de salaire, et de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de ses demandes d'indemnités de préavis, pour non respect de la procédure de licenciement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour petits déplacements ;
Débouté le CGEA-AGS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Mis les dépens de l'instance à la charge de la société ZM Construction et dit qu'ils seront inscrits sur l'état des créances par Me [J] en sa qualité de liquidateur judiciaire.
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M. [R] a interjeté appel de ce jugement le 11 février 2020, intimant Me [J] ès qualités de liquidateur et l'association UNEDIC CGEA AGS de [Localité 8].
Par ordonnance du 17 juillet 2023, le président du tribunal de commerce de Montpellier a désigné Me [J] en qualité de mandataire ad hoc de la société ZM Construction, dont la clôture pour insuffisance d'actif a eu lieu le 8 avril 2022, aux fins de représentation de cette société devant la chambre sociale de la Cour d'Appel de Montpellier.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 5 février 2024, M. [R] demande à la cour de :
Réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
Constater que le seul contrat de travail valable est le contrat à durée déterminée signé le 21 mai 2017 venant à expiration au 20 août 2017 et la poursuite des relations contractuelles au-delà du terme de ce contrat, et par conséquent ordonner la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée de droit commun avec toutes conséquences de droit ;
Fixer les créances de M. [R] dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société ZM Construction aux sommes suivantes :
- 2 476,40 € au titre des salaires du 1er janvier au 15 février 2018,
- 247,64 € au titre des congés payés afférents,
- 1 592,54 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 159,25 € au titre des congés payés sur préavis,
- 6 000 € de dommages et intérêts pour rupture irrégulière et abusive,
- 1 592,54 € au titre de l'indemnité de requalification,
- 1 256,96 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 21 mai au 31 décembre 2017,
- 3 820,47 € au titre des heures supplémentaires non réglées,
- 382,04 € au titre des congés payés sur heures supplémentaires,
- 9 555,24 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
- 4 220 € au titre des indemnités de déplacement ;
Déclarer la décision à intervenir commune et opposable au CGEA ;
Rappeler que la moyenne des trois derniers mois de salaires s'élève à la somme de 1 592,54 € ;
Ordonner la délivrance des documents sociaux conformes ;
Dire les dépens frais privilégiés.
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Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 16 octobre 2023, l'association Unedic AGS CGEA de [Localité 8] demande à la cour de :
Constater la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation de la société ZM Construction, l'absence de mandataire ad hoc et dire que l'affaire n'est pas en état d'être jugée ;
Juger que la demande de requalification du contrat est irrecevable car nouvelle en cause d'appel, avec les demandes pécuniaires afférentes ;
Prendre acte de ce que M. [R] a abandonné ses demandes au titre de la visite médicale d'embauche et de l'irrégularité de la procédure de licenciement ;
Infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la créance de M. [R] à 1 256,96 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 21 mai au 31 décembre 2017 ;
Condamner M. [R] à rembourser cette somme entre les mains de l'AGS ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [R] de l'ensemble du reste de ses demandes ;
Condamner M. [R] au paiement de la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 25 septembre 2023, Me [J], ès qualités d'administrateur ad hoc de la société ZM Construction, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [R] de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
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Pour l'exposé des moyens, il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 20 février 2024 fixant la date d'audience au 12 mars 2024.
MOTIFS :
Sur la procédure :
Contrairement à ce qui est soulevé par l'Unedic, Me [J] a été désigné en qualité de mandataire ad'hoc de la société ZM Construction par ordonnance présidentielle du 17 juillet 2023 aux fins de représentation de cette société devant la chambre sociale de la Cour d'Appel de Montpellier, et il a déposé des conclusions, il en résulte que la procédure est en état.
Sur la recevabilité de la demande de requalification du contrat:
En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. L'article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si le fondement juridique est différent. Il faut entendre par « fin des prétentions » le but poursuivi ou le résultat recherché par l'auteur de la demande. L'article 566 du code de procédure civile prévoit que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
L'association UNEDIC AGS CGEA soulève l'irrecevabilité de la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée formée par M. [R] car formulée pour la première fois par ce dernier devant la cour d'appel. Elle soutient que cette demande de requalification ne se rattache pas par un lien suffisant aux prétentions initiales (à savoir la poursuite du contrat à durée déterminée après son terme le 31 décembre 2017) comme exigé par l'article 70 du code de procédure civile s'agissant de la recevabilité des demandes reconventionnelles ou additionnelles.
Les prétentions nouvelles devant la cour d'appel sont à examiner au regard des demandes qui ont été formées en première instance et sur lesquelles le premier juge a statué.
En l'espèce, M. [R] a sollicité devant le conseil de prud'hommes le versement de diverses sommes au titre de la poursuite de son contrat au-delà du terme du contrat à durée déterminée fixé au 20 août 2017 ou au 31 décembre 2017. La demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en raison de l'absence de motif du contrat initial est le complément des demandes soumises au premier juge, savoir la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et le paiement de salaires et des indemnités qui en découlent même si le fondement juridique est différent, cette demande est donc recevable.
Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée:
M. [R] fait valoir qu'il a signé deux contrats, un premier le 21 mai 2017 avec un terme au 30 août 2017, puis un second signé plus tard avec la même date du 21 mai 2017 mais avec un terme au 31 décembre 2017, qu'aucun des deux contrats ne comporte de motif, que par conséquent la relation doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée et qu'il est donc fondé à solliciter une indemnité de requalification de 1 592,54 €.
L'Association Unedic AGS CGEA de [Localité 8] fait valoir que les deux contrats produits aux débats ne sont pas signés par le salarié, qu'en tout état de cause celui qui a été été appliqué est celui qui a comme terme le 31 décembre 2017, que ce second contrat mentionne qu'il est lié à un accroissement d'activité, qu'il est donc régulier.
Il ressort des dispositions de l'article L 1242-2 du code du travail que, sous réserve des dispositions de l'article L 1242-3 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tache précise et temporaire et seulement dans certains cas et notamment:
1° remplacement d'un salarié ;
2° accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;
3° emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir aux contrats de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
En l'espèce les deux contrats à durée déterminés produits aux débats par le salarié ne sont pas signés par lui, bien que celui-ci indique dans ses conclusions qu'il les a signés. Il est par contre établi que les deux contrats ont été signés par l'employeur le 21 mai 2017 et que celui-ci a de même établi le 31 décembre 2017 un certificat de travail pour la période du 21 mai au 31 décembre 2017, il peut en être déduit que le contrat qui a reçu exécution est celui qui a pris fin le 31 décembre 2017. Ce contrat mentionne comme motif un accroissement d'activité, accroissement d'activité qui n'est pas contesté par M. [R], il convient donc de dire que le contrat de travail à durée déterminée est régulier. M. [R] sera donc débouté de sa demande d'indemnité de requalification.
Sur la poursuite d'activité à compter du 1er janvier 2018 :
Conformément à l'article L.1243-11 du code du travail, la poursuite de l'exécution du contrat à durée déterminée au-delà de son échéance, en dehors de l'hypothèse du renouvellement ou du report du terme et sans qu'ait été conclu un nouveau contrat, le transforme automatiquement en contrat à durée indéterminée et ce quel que soit le motif du recours au contrat. L'existence de relations de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des circonstances de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle. Il appartient à celui qui invoque l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
M. [R] soutient que les relations contractuelles se sont poursuivies au-delà du terme du contrat à durée déterminée, et qu'elles ont perduré jusqu'au 15 février 2018. Il verse aux débats une feuille de pointage faisant mention de sa présence sur le chantier Eiffage à [Localité 7] durant tout le mois de janvier 2018.
L'association UnedicC AGS CGEA soutient que la relation contractuelle entre M. [R] et son employeur ne s'est pas poursuivie à l'issue du contrat à durée déterminée qui a pris fin le 31 décembre 2017, que l'attestation de travail et l'attestation pôle emploi mentionnent comme fin d'activité le 31 décembre 2017, que M. [R] a lui-même déclaré cette date à Pôle Emploi, que le feuillet manuscrit non signé de l'employeur ne démontre pas la relation salariale postérieurement au 31 décembre 2017.
Me [J] conteste également l'existence d'un travail effectif de M. [R] pour le compte de la société ZM Construction au-delà du terme du contrat à durée déterminée le 31 décembre 2017 faisant valoir les incohérences affectant les feuilles de pointage.
Il n'est pas justifié aux débats de ce que M. [R] a déclaré lui-même à Pôle Emploi une fin d'activité au 31 décembre 2017, par contre il est exact que l'attestation Pôle Emploi de l'employeur signée le 15 février 2018 mentionne bien comme fin d'activité le 31 décembre 2017, ce qui correspond aux bulletins de salaire produits aux débats et au certificat de travail.
Les feuilles de présence produites par M. [R] pour les mois de mai à septembre 2017 ne portent pas de signature mais celles d'octobre à décembre 2017 portent une signature qui ne correspond pas à celle qui figure sur le contrat de travail. La feuille de présence du mois de janvier 2018 porte une signature qui ressemble par contre à celle des feuilles de présence d'octobre à décembre 2017. En outre il est mentionné sur les feuillets de la période d'octobre à décembre 2017 le chantier de [Localité 7], comme sur celle de janvier 2018 et les noms des salariés présents sont les mêmes sur toute la période.
Il est donc justifié M. [R] était présent sur son lieu de travail (chantier de [Localité 7]) du 3 au 31 janvier 2018, et ce alors que son contrat à durée déterminée avait pris fin, le contrat sera donc requalifié à compter du 1er janvier 2018 en contrat à durée indéterminée, le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de rappel de salaire :
Selon l'article L.1222-1 du code du travail, « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi ». En matière de paiement des salaires, la charge de la preuve du paiement incombe à l'employeur auquel il appartient de produire les éléments de preuve de nature à établir qu'il a satisfait à son obligation.
M. [R] sollicite le paiement de la somme de 2 476,40 € à titre de salaires pour la période du 1er janvier au 15 février 2018, outre la somme de 247,64 € au titre des congés payés afférents.
Il a été statué supra sur le fait que M. [R] a continué son activité salariée pour la société ZM Construction postérieurement au 1er janvier 2018 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. L'employeur est tenu de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition et à défaut de démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail, il est tenu de payer sa rémunération.
L'employeur ne justifie pas avoir versé son salaire à M. [R] et ne justifie pas de la rupture du contrat de travail avant le 15 février 2018, le jugement sera infirmé le jugement qui a débouté M. [R] de sa demande de rappel de salaires.
Le salaire brut de M. [R] s'élevait à la somme de 1 592,54 €, il sera fait droit à sa demande à hauteur de la somme de 2 445,68 € outre les congés payés correspondants.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires :
Il résulte des dispositions des articles L.3171-2 et L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [R] prétend qu'il ressort de son décompte et de ses agendas qu'il a réalisé au cours des années 2017 et 2018 des heures supplémentaires non réglées par son employeur à hauteur de la somme de 3 820,47 €, outre 382,04 € au titre des congés payés y afférents. Il verse aux débats un décompte qui mentionne pour chaque mois le nombre d'heures supplémentaires qu'il estime avoir réalisées sur toute la période soit :
- 7 heures supplémentaires réalisées en mai 2017 ;
- 25,83 heures supplémentaires réalisées en juin 2017 ;
- 30,33 heures supplémentaires réalisées en juillet 2017 ;
- 46,33 heures supplémentaires réalisées en octobre 2017 ;
- 35,33 heures supplémentaires réalisées en novembre 2017 ;
- 29,83 heures supplémentaires réalisées en janvier 2018 ;
Soit un total de 174,65 heures supplémentaires.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié au regard notamment des dispositions des articles L.3171-2 et suivants du code du travail.
L'Unedic objecte d'une part que le décompte produit par le salarié est imprécis en ce qu'il ne mentionne pas ses heures de début et de fin de prise de poste, et d'autre part que le salarié n'a formulé aucune demande à ce titre au cours de la relation de travail. M. [J] , ès qualité ne produit aucune pièce de nature à justifier les horaires de travail du salarié.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ZM Construction la somme de 3 820,47 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires ainsi que la somme de 382,04 € au titre des congés payés correspondants.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.
En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'Association Unedic AGS CGEA de [Localité 8] soutient que la preuve de l'élément intentionnel de l'infraction n'est pas rapportée, toutefois il ressort des feuilles de pointage signées, versées aux débats sur lesquelles figurait le nombre d'heures de travail effectuées chaque jour par chaque salarié de l'entreprise, que l'employeur ou son représentant sur le chantier, ne pouvait ignorer l'accomplissement d'heures supplémentaires par M. [R]. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ZM Construction la somme de
9 555,24 € au titre de l'infraction caractérisée de travail dissimulé.
Sur les indemnités de petits déplacements :
M. [R] soutient que sur toute la période il a travaillé à [Localité 7], que l'employeur ne l'a pas indemnisé au titre des déplacements qu'il a effectués, que lui est due la somme de 4 220 €.
L'Association Unedic AGS CGEA de [Localité 8] fait valoir que M. [R] ne justifie pas de ses déplacements par ses propres moyens, qu'en outre il ressort de ses bulletins de salaire qu'il a bien perçu des indemnités de transport et de repas.
La convention collective nationale des ouvriers du bâtiment prévoit un régime des petits déplacements ayant pour objet d'indemniser forfaitairement les ouvriers travaillant dans les entreprises du bâtiment de frais supplémentaires qu'entraîne pour eux la fréquence des déplacements inhérente à la mobilité de leur lieu de travail. Le régime d'indemnisation des petits déplacements comporte trois indemnités professionnelles : une indemnité de repas, une indemnité de frais de transport et une indemnité de trajet. Ces indemnités de remboursement de frais sont journalières, forfaitaires et fixées en valeur absolue.
Bénéficient des indemnités de petits déplacements les ouvriers non sédentaires du bâtiment pour les petits déplacements qu'ils effectuent quotidiennement pour se rendre sur le chantier avant le début de la journée de travail et pour en revenir, à la fin de la journée de travail. Sont considérés comme ouvriers non sédentaires du bâtiment ceux qui sont occupés sur les chantiers et non pas ceux qui travaillent dans une installation fixe permanente de l'entreprise.
Cette indemnité étant un remboursement de frais qui a pour objet d'indemniser la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir, elle n'est pas due lorsque l'ouvrier n'engage pas de frais de transport, notamment lorsque l'entreprise assure gratuitement le transport des ouvriers ou rembourse les titres de transport. Cette indemnité dépend de la distance parcourue par le salarié pour se rendre sur le chantier à partir du siège social de l'employeur.
En l'espèce, il ressort des bulletins de salaire produits aux débats que M. [R] a perçu à titre d' indemnités de repas et de primes de transport la somme de 1 883 € sur la période considérée, il ne justifie pas que la somme de 4 220 € lui reste due, il sera débouté de sa demande.
Sur le licenciement :
M. [R] soutient que son employeur a rompu oralement son contrat de travail le 15 février 2018 suite à sa demande de se voir payer son salaire du mois de janvier 2018 et soulève l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.
L'AGS objecte que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un licenciement verbal et ne produit aucun élément de nature à établir l'étendue de son préjudice.
Il a été statué sur le fait qu'à compter du 1er janvier 2018 M. [R] a poursuivi son activité jusqu'au 15 février 2018 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Le motif de la rupture du contrat de travail de M. [R] dans l'attestation Pôle Emploi, « licenciement pour fin de chantier » ne peut être retenu dès lors que dans le contrat de travail intial ne figure aucune clause précisant que le contrat est conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés et à l'achèvement des tâches pour lesquelles le salarié a été embauché.
L'employeur qui a pris l'initiative de la rupture n'a pas notifié de lettre de licenciement à M. [R] énonçant les motifs du licenciement. Ce licenciement ne répond pas aux exigences de l'article L.1232-1 du code du travail, il est irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement sera infirmé de ce chef.
M. [R] est donc fondé à solliciter au titre de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dès lors qu'il justifie d'une ancienneté de huit mois dans une entreprise employant moins de onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 0 et 1 mois de salaire brut.
Il était âgé de 26 ans au jour du licenciement, il ne produit aucune pièce justifiant de sa situation professionnelle et financière postérieurement au 15 février 2018, il lui sera alloué la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [R] sollicite le versement d'une indemnité de préavis égale à un mois de salaire soit 1 592,54 € bruts outre 159,25 € au titre des congés payés afférents. En application des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail dès lors qu'il justifie d'une ancienneté comprise entre 6 mois et deux ans, il est fondé à percevoir une indemnité égale à un mois de salaire, il sera fait droit à sa demande.
Sur la demande d'indemnité au titre des congés payés :
M. [R] sollicite le versement de la somme de 1 256,96 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, pour la période du 21 mai au 31 décembre 2017, somme qui lui a été octroyée par le jugement du conseil de prud'hommes.
Comme l'a retenu le premier juge les bulletins de salaire produits aux débats ne portent mention d'aucun jour de congés payés, il n'est pas justifié que l'employeur a remis à son salarié l'attestation pour le paiement de ses congés payés, le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [R] la somme de 1 256,96 € correspondant au dixième de sa rémunération brute.
Sur les autres demandes :
Il sera fait droit à la demande de délivrance des documents sociaux conformes au présente arrêt, formée par M. [R].
M. [J], ès qualité de mandataire ad hoc de la société ZM Construction qui succombe sera tenu aux dépens d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
Déclare recevable la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée formée par M. [R] en cause d'appel ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 28 janvier 2020 en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande au titre des indemnités de petits déplacements, au titre des congés payés, rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de Me [J] et l'infirme pour le surplus :
Statuant à nouveau,
Dit que le contrat de travail de M. [R] est un contrat à durée indéterminée ;
Dit que le licenciement de M. [R] est sans cause réelle et sérieuse ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société ZM Construction les sommes suivantes :
- 2 445,68 € à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier au 15 février 2018, outre 244,56 € au titre des congés payés y afférents,
- 3 820,47 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires, outre 382,04 € au titre des congés payés y afférents,
- 9 555,24 € au titre de l'infraction de travail dissimulé,
- 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 592,54 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 159,25 € au titre des congés payés afférents,
Ordonne la délivrance par Me [J], ès qualités, d'administrateur ad hoc de la société ZM Construction des documents sociaux conformes au présent arrêt ;
Y ajoutant :
Déboute M. [R] de sa demande d'indemnité de requalification du contrat ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens seront à la charge de Me [J] ès qualité de mandataire ad hoc de la société ZM Construction.
La greffière Le président