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18/06/2024 | FRANCE | N°21/05985

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 18 juin 2024, 21/05985


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 18 JUIN 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05985 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFMR





Décision déférée à la Cour : Jugement du 17

SEPTEMBRE 2021

Tribunal Judiciaire de RODEZ

N° RG 19/01122





APPELANT :



Monsieur [A] [H]

né le [Date naissance 4] 1990 à [Localité 8] ([Localité 8])

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Emily APOLL...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 18 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05985 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFMR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 SEPTEMBRE 2021

Tribunal Judiciaire de RODEZ

N° RG 19/01122

APPELANT :

Monsieur [A] [H]

né le [Date naissance 4] 1990 à [Localité 8] ([Localité 8])

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Emily APOLLIS de la SELARL SAFRAN AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Jacques VERDIER, avocat au barreau d'AURILLAC, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [E] [Z]

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représenté par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

CPAM DU TARN

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Bruno LEYGUE de la SCP CAUVIN, LEYGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Eléonore TROUILLARD, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Bruno LEYGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

ONIAM agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Yann GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Pierre RAVAUT, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 24 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 MAI 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par le même article, devant la cour composée de :

Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Françoise FILLIOUX, Présidente de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

Faits, procédure et prétentions :

Après avoir effectué des travaux de vitrification d'un escalier entre le 17 et le 21 novembre 2016, M. [A] [H] a ressenti des douleurs irradiant le muscle trapèze en haut des épaules et dans le cou.

Le 22 novembre 2016, les douleurs persistant, il a consulté son médecin traitant, le docteur [T] [R] qui lui a prescrit dix séances de kinésithérapie.

Le 24 novembre 2016, M. [E] [Z], kinésithérapeute, lui a prodigué les soins prescrits. La nuit suivante, M. [H] a été pris de violents maux de tête et de vomissements.

Conduit le 25 novembre 2016 aux services des urgences de l'hôpital de [Localité 8], où aucune anomalie cardiaque ou neurologique n'a été détectée, il s'est rendu le 28 novembre 2016 à l'hôpital de [Localité 13] où un accident vasculaire cérébral a été diagnostiqué.

Transféré à l'unité de soins intensifs à l'hôpital [Adresse 9] de [Localité 12] où le diagnostique a été confirmé, l'AVC étant consécutif à une dissection de l'artère vertébrale gauche, M. [H] a été hospitalisé à [Localité 11] pendant une semaine à compter du 3 décembre 2016.

Par acte d'huissier du 13 septembre 2017, M. [H] a fait citer devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Rodez, M. [Z] afin de voir ordonner une expertise.

Par ordonnance du 5 octobre 2017, une expertise a été confiée au docteur [W] [J] remplacé par le docteur [K] [D] par ordonnance du 22 mai 2016.

Le rapport d'expertise déposé le 10 septembre 2018, conclut à l'existence d'un lien de causalité 'direct et certain entre le geste kinésithérapeute et la dissection artérielle vertébrale de M. [H] ...il s'agit d'un accident kinésithérapeutique grave non fautif' , l'expert fixant la date de la consolidation au 1er janvier 2018 et évaluant l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique à 25%.

Par courrier du 20 novembre 2018, M. [H] a sollicité l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux en vue d'obtenir de l'ONIAM l'indemnisation de son préjudice.

Le 14 février la CCI a rejeté sa demande.

Par acte du 13 novembre 2019, M. [H] a assigné devant le tribunal judiciaire de Rodez, M. [Z], la CPAM du Tarn et par acte du 28 février 2020, l'ONIAM, afin d'obtenir indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 17 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Rodez a débouté M. [H] et la CPAM du Tarn de leurs demandes et a condamné M. [H] aux entiers dépens y compris les frais d'expertise.

La juridiction a retenu que le 28 novembre 2016, le service des urgences de l'hôpital de[Localité 13] a constaté que Monsieur [A] [H] était victime d'un A.V.C. consécutif à une dissection de l'aorte vertébrale d'origine traumatique, que l'expert judiciaire a conclu en ces termes : ' devant les éléments décrits et la survenance concordante des signes neurologiques quelques heures après cette mobilisation cervicale, il est donc logique de s'orienter vers un lien de causalité direct et certain au geste kinésithérapeutique..' que cette analyse se trouve exclusivement fondée sur l'absence d'élément médical antérieur et sur la proximité chronologique entre cette séance et les maux de tête et vomissement ; que ces deux arguments s'avèrent fragiles, faute d'être corroborés par des indices précis et concordants, alors qu'une dissection de l'aorte peut avoir été causée par un facteur traumatique survenu dans le mois ayant précédé l'apparition des symptômes, que l'argument lié à l'absence d'élément médical antérieur est démenti par le courrier du docteur [G] qui fait état d'épisodes céphalallgiques notables 2 à 3 fois par an, que M. [H] a reconnu avoir souffert de cervicalgies suite aux travaux de vitrification de son escalier réalisé entre le 17 et le 21 novembre 2016.

Elle conclut que le lien de causalité ne peut être établi avec certitude ainsi que cela apparaît à la lecture de l'expertise qui indique ' il est logique de ...' , que M. [H] n'a pas fait état, lors de son admission aux urgences, d'actes violents intervenus lors des soins dispensés par M. [Z].

Concernant l'ONIAM, la juridiction a retenu que l'incertitude sur le lien de causalité entre l'acte de soins et le dommage ne permet pas l'intervention de la solidarité nationale.

Le 8 octobre 2021, M. [H] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 13 novembre 2023, M. [A] [H] demande à la cour de :

Vu les articles 1142-1 et 110-5 du Code de la Santé Publique ;

INFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de RODEZ, en ce qu'il a

'' -DÉBOUTÉ M.[A] [H] de ses demandes à l 'encontre de M. [Z] et de l'O.N.I.A.M.

' -DÉBOUTE la CPAM du TARN de ses demandes à t 'encontre de M. [Z].

' -DÉBOUTE M. [H] de ses demandes plus amples ou contraires.

' -CONDAMNE M. [A] [H] aux dépens en ce compris les frais d 'expertise.'

DÉCLARER Monsieur [Z] responsable de l'Accident médical subi par Monsieur [H];

CONDAMNER Monsieur [Z] à la réparation du préjudice de Monsieur [H] et au paiement de :

PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

TEMPORAIRES

' Dépenses de santé actuelle

Prises en charge par la CPAM : 139.181,78 €,

Restées à charge : 0

' Frais divers :351 €,

' Pertes de gains professionnels actuels :6.128,25 €.

PERMANENTS

' Dépenses de santé future prises en charge par la CPAM :8.182,66 €,

' Pertes de gains professionnels futurs :2.973,17€

' Incidence professionnelle :20.000 €,

' Tierce personne :2.400 €.

PRÉJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX

TEMPORAIRES

Déficit fonctionnel temporaire :4.433 €,

Souffrances endurées :5.000 €.

PERMANENTS

Déficit fonctionnel permanent :71.500 €

JUGER que la CPAM exercera son recours à l'encontre de Monsieur [Z] ;

DÉBOUTER Monsieur [Z] de ses demandes, fins et conclusions ;

DÉBOUTER l'ONIAM de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre Monsieur [H],

CONDAMNER Monsieur [Z] au paiement de la somme de 5.000 €sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Pénale ;

Le CONDAMNER aux entiers dépens de l'instance, dont le coût du rapport d'expertise ;

SUBSIDIAIREMENT, à défaut de condamnation par la Cour de Monsieur [Z] au titre de sa responsabilité :

Vu l'article L. 1142 -1 II du Code de la Santé Publique ;

CONDAMNER l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux à la réparation intégrale du préjudice de Monsieur [H] dans les conditions ci-dessus énoncées au titre des préjudices patrimoniaux et des préjudices extra-patrimoniaux ;

CONDAMNER l'ONIAM au paiement de la somme de 3.000 €sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER l'ONIAM aux entiers dépens de l'instance dont le coût du rapport d'expertise.

Il fait valoir que les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de soins qu'en cas de faute selon l'article L1142-1 du code de la santé publique, que la preuve de la faute se fait par tout moyen tels que témoignages, indices ou présomptions, qu'en l'espèce, l'intervention du kinésithérapeute devait se faire sur les muscles et dans la zone du faisceau supérieur du muscle trapèze, ce qui exclut l'aorte vertébrale, que l'atteinte à une autre partie du corps ou organe, en l'occurrence l'artère vertébrale, est ici une évidence, qu'elle est présumée fautive, à charge pour le professionnel de détruire la présomption, que Monsieur [Z] ne pourra s'exonérer de sa responsabilité qu'en apportant la preuve d'une anomalie morphologique qui n'a pas été révélée ni par les neurologues ni par le médecin expert ou par la démonstration d'un risque inhérent à l'intervention, ce qui n'est pas le cas s'agissant, selon la fiche de traitement, de «massage du rachis cervical » ; qu'il appartient dès lors, non à Monsieur [H] de faire la démonstration d'une faute de Monsieur [Z], mais à ce dernier de s'exonérer en apportant la preuve d'une force majeure, du fait d'un tiers ou d'une faute de Monsieur [H].

Il soutient qu'il a toujours décrit les séances de kinésithérapie comme douloureuses, que dès le jeudi matin à l'hôpital de [Localité 11] il a fait état de manipulations du rachis ayant entraîné un craquement et des douleurs, qu'à l'hôpital de [Localité 12], le Docteur [I] note 'Dissection traumatique de l'artère vertébrale gauche dans sa portion V3 avec infarctus cérébelleux gauche provoqué par des manipulations du rachis cervical. », que le 20 février 2017, le Docteur [M] note 'Monsieur [H] a présenté un accident vasculaire cérébral en rapport avec une dissection de l'artère vertébrale gauche au décours d'une manipulation du rachis cervical' que le geste kinésithérapeutique a provoqué la rupture de l'aorte, que l'imprudence ou la maladresse sont de nature à engager la responsabilité du praticien, que le geste de manipulation exagérément pratiqué, a eu pour conséquences immédiates de majorer la douleur et de provoquer un traumatisme tel qu'il a engendré une dissection artérielle provoquant un AVC.

Il soutient que le geste imposé de rotation du tronc cervical n'a pas d'incidence sur la décontraction musculaire recherchée et que l'atteinte jusqu'à un point de craquement n'est pas contenue dans la prescription et ne peut présenter la moindre utilité thérapeutique, que la preuve de la faute est ainsi rapportée par négligence ou maladresse, que l'indication thérapeutique, c'est-à-dire l'application du bon geste ou du geste adapté à la pathologie et la prescription, n'a pas été respectée.

Il souligne que tant l'expert judiciaire que les différents praticiens, qui sont intervenus, ont conclu à l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la dissection de l'aorte cérébrale et le geste de M. [Z].

Il s'oppose à l'idée que les travaux de peinture puissent être à l'origine du préjudice alors qu'il a eu le bras en extension mais pas le cou, que le 22 novembre s'il présentait des cervicalgies, le médecin consulté n'a pas relevé de manifestations d'un l'AVC.

Par conclusions déposées le 27 octobre 2023, M. [Z] demande à la cour de :

Vu l'article L 1142-1 du Code de la santé publique ;

Vu le rapport d'expertise judiciaire du Docteur [D] ;

Vu l'avis CCI du 14/02/2019 ;

A TITRE PRINCIPAL :

CONFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de RODEZ du 17 septembre 2021 en ce qu'il a :

« DÉBOUTÉ Monsieur [A] [H] de ses demandes à l'encontre de Monsieur [E] [Z],

DÉBOUTÉ Monsieur [A] [H] de ses demandes à l'encontre de l'O.N.I.A.M.,

DÉBOUTÉ la CPAM du TARN de ses demandes à l'encontre de Monsieur [E] [Z],

DÉBOUTÉ les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE Monsieur [A] [H] aux dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise, »

DÉBOUTER Monsieur [H] de toutes ses demandes fins et conclusions.

DÉBOUTER l'ONIAM de toutes ses demandes fins et conclusions.

Y AJOUTANT,

CONDAMNER Monsieur [H] à payer à Monsieur [Z] 5 000 € en application de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens.

SUBSIDIAIREMENT :

ORDONNER avant dire droit une nouvelle mesure d'expertise confiée à tel Médecin expert au choix de la Cour avec la mission habituelle en la matière afin d'évaluer le préjudice corporel subi par Monsieur [H] à la suite de l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime.

ORDONNER le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

TRÈS SUBSIDIAIREMENT :

EVALUER comme suit le préjudice de Monsieur [H] à la suite de l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime :

- Frais médicaux : 20 690,13 €

- Déficit fonctionnel temporaire : 4 079,25 €

- Souffrances endurées : 2 000 €

- Déficit fonctionnel permanent : 60 000 €

DIRE ET JUGER qu'après recours de l'organisme social, il sera alloué à Monsieur [H] 6 079,25 €

DÉBOUTER Monsieur [H] de toutes autres et plus amples demandes.

DIRE ET JUGER que la CPAM n'exercera son recours que sur les sommes de 20690,13 € au titre des frais médicaux.

DÉBOUTER la CPAM de ses autres demandes au titre des indemnités journalières, de l'arrérage échus et capital invalidité, frais futurs, puisque le recours ne peut s'exercer que poste par poste, la victime monsieur [H] n'ayant pas subi de préjudice à ce titre.

DÉBOUTER en conséquence la CPAM de toutes ses demandes autres celles au titre des frais médicaux pharmaceutiques et d'hospitalisation.

DIRE ET JUGER à titre infiniment subsidiairement que la créance de l'organisme social au titre de l'arrérage échu invalidité et au titre du capital invalidité, ne peut s'imputer par priorité que sur l'évaluation du poste de préjudice perte de gains professionnels futurs, s'il reste un solde sur l'incidence professionnelle, s'il reste un solde sur le déficit fonctionnel permanent.

DÉBOUTER la CPAM de toute demande supérieure à l'évaluation de ces trois postes de préjudice.

DIRE ET JUGER qu'en l'état du recours de l'organisme social, aucune somme ne saurait être allouée à Monsieur [H].

DIRE ET JUGER que la partie de la créance de la CPAM, qui serait retenue par la Cour, serait alors remboursée, sous forme de rente, au fur et à mesure des dépenses effectuées par la CPAM, et sur présentation de justificatifs en ce sens par celle-ci, indexée conformément à la loi n°51-695 du 24 mai 1951, payable à terme échu, en ce qui concerne la réclamation au titre de la rente d'invalidité future sollicitée, et des dépenses de santé futures.

STATUER ce que de droit sur les dépens.

Il soutient qu'en application des dispositions de l'article L 1142-1 du code de la santé publique les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences de leurs actes qu'en cas de faute, que l'expert judiciaire ne retient aucune faute commise par M. [Z] , que devant l'expert, M. [H] a reproduit un geste doux, dénué de brutalité, du rachis cervical , que l'expert relie le geste accompli par M. [Z] et le préjudice subi, mais sans relever de faute, qu'il n'existe en réalité aucun lien direct et certain entre les actes accomplis par M. [Z] et le préjudice subi, qu'il n'a effectué aucune manipulation ni aucun mouvement forcé mais uniquement des massages ainsi que le confirme M. [H] devant l'expert judiciaire, en mimant un mouvement cervical doux et horizontal.

Il souligne que la date de réalisation des travaux est incertaine puisqu'elle ne résulte que des déclarations de M. [H], qu'ils ont certainement eu lieu la veille de la consultation du médecin, soit le 21 novembre 2016 du fait des douleurs, que M. [H] n'a pas fait état de gestes violents lors de son arrivée à l'hôpital de [Localité 8], que ce n'est que le 28 novembre qu'il les mentionne en indiquant également qu'il souffre de cervicalgies, que l'AVC peut s'expliquer par les travaux accomplis par M. [H], dont le port de charges lourdes ou la vitrification nécessitant un travail avec le cou en hypertension, ainsi que cela résulte de ses propres déclarations devant les médecins et ses affirmations contenues dans son assignation en référé, que la doctrine reprise par l'expert précise que des mouvements d'hyper-extension favorisent la dissection de l'aorte cérébrale .

Il fait valoir que même à retenir un lien de causalité, il n'existe aucune faute de sa part à l'origine du préjudice, que le principe de la présomption de responsabilité n'existe que lorsque le médecin atteint un organe que l'intervention n'impliquait pas , que tel n'est pas le cas en l'espèce, cette présomption s'applique dans le cas précis d'une opération chirurgicale, que les médecins, qui décrivent une manipulation douloureuse, n'ont pas été personnellement témoins de l'acte mais ne font que reprendre les dires de M. [H], que M. [Z] a bien pratiqué les gestes prescrits par le médecin.

Il sollicite une nouvelle expertise aux motifs que l'expert judiciaire a surévalué le taux de DFP en le fixant à 25% alors que le déficit fonctionnel temporaire partiel était de 10% juste avant la consolidation.

Sur l'évaluation du préjudice, il conteste les sommes retenues comme étant excessives et note que l'expert n'a pas relevé la nécessité d'une tierce personne, que M. [H] était au chômage lors des faits et qu'il se prévaut d'une hypothétique embauche, que l'existence de frais futurs ne relève pas de l'expertise, qu'il ne souffre d'aucune perte de gains futurs puisque sans emploi avant les faits, il bénéficie actuellement d'un emploi d'ambulancier qui lui offre un revenu équivalent à celui perçu auparavant.

Par conclusions déposées le 5 avril 2022, la CPAM du Tarn demande à la cour de :

Infirmer la décision rendue

Donner acte à la CPAM du Tarn de ce que le montant de son recours s'établit définitivement, selon attestation jointe aux présentes comme suit :

Dépenses de santé actuelles :

Frais hospitaliers :

Du 28/11/2016 au 28/11/2016 : 790,86euros,

Du 29/11/2016 au 3/12/2016 : 9 467,20euros,

Du 3/12/2016 au 10/12/2016 : 6 762,56euros,

Du 12/12/2016 au 14/12/2016 : 790,86euros,

Frais médicaux du 25/11/2016 au 26/12/2017 : 1 980,55euros,

Frais pharmaceutiques du 25/11/2016 au 22/12/2017: 317,95euros,

Frais d'appareillage du 26/11/2016 au 30/06/2017: 176,41euros,

Frais de transport du 28/11/2016 au 14/12/2016 : 599,24euros,

Franchises du 25/11/2016 au 26/12/2017 : -95,50euros,

Indemnités journalières :

Coût x Nombres de jours :

0 X3 Du 28/11/2016 au 30/11/2016: 0

28,94€ x 95 Du 1/12/2016 au 27/02/2017: 2 749,30euros

28,94€x 396 Du 1/03/2017 au 31/03/2018 : 11 460,24euros,

Arrérages échus en invalidité du 01/04/2018 au 30/06/2019 : 3377,70euros

Capital invalidité : 3 437,63x26.291 : 90 378,73euros

Frais futurs : du 19/10/2018 au 19/10/2018 : 8 182,66euros

TOTAL : 136 838,76euros

Inclure dans le montant du préjudice soumis à recours tel qu'il sera arbitré au bénéfice de M. [H] le montant des prestations servies par la CPAM du Tarn ,

Autoriser la CPAM du Tarn à prélever à due concurrence du montant de ce préjudice, le montant de son recours et ce poste par poste, tel arrêté la somme de 136 838,76euros,

Prononcer condamnation de M. [Z] au paiement des dites sommes,

Dire que la condamnation, dont bénéficiera la CPAM du Tarn, sera assortie des intérêts de droit à compter de l'acte introductif d'instance et jusqu'à complet paiement,

Dire qu'en application des dispositions des articles 9 et 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative aux mesures d'urgence tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale, que le règlement d'une indemnité forfaitaire sera réglé à la CPAM du Tarn qui sera égale à 1/3 des sommes allouées dans les limites d'un montant maximum de 1 080euros et d'un montant minimum de 107euros soit la somme de 1080euros,

Allouer à la CPAM du Tarn la somme de 1 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

le tout avec intérêt au taux légal et anatocisme à compter des présentes.

Par conclusions du 23 avril 2024, l'ONIAM demande à la cour de

Confirmer le jugement rendu le 17 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Rodez en toutes ses dispositions,

Juger que les dommages dont il est demandé réparation ne trouvent pas leur origine dans un acte de prévention, de diagnostique ou de soins,

Juger que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies,

Rejeter les demandes de M. [H] dirigées à l'encontre de l'ONIAM,

Prononcer la mise hors de cause de l'ONIAM

A titre subsidiaire si le lien de causalité entre l'acte de kinésithérapie et l'AVC de M. [H] devait être retenu :

Juger que le dommage de M. [H] résulte d'une faute dans la réalisation du geste de kinésithérapie pratiqué par M. [Z] le 24 novembre 2016,

Juger que M. [Z] engage sa responsabilité de ce fait,

Prononcer la mise hors de cause de l'ONIAM,

Condamner M. [Z] à lui verser la somme de 2 000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Juger qu'aucun recours de la CPAM ne peut être exercé contre l'ONIAM

Statuer ce que de droit sur les dépens.

Il expose que le demandeur à une réparation versée par l'ONIAM doit rapporter la preuve de l'absence de responsabilité du professionnel de santé et que les préjudices subis sont directement imputables à un acte de prévention, diagnostic et soins, que la solidarité nationale n'intervient que lorsque l'accident est imputable à un acte de prévention, diagnostic ou de soins, qu'il convient d'apporter une explication rationnelle des mécanismes ayant abouti à la réalisation des dommages, que le système d'indemnisation par la solidarité nationale n'a pas pour vocation de prendre en charge tous les événements indésirables non expliqués qui sont survenus dans un contexte de prise en charge médical, que la seule chronologie ne peut à elle seule être considérée comme apportant la démonstration de l'imputabilité, alors qu'il convient de démontrer qu'elle est directe et certaine et qu'il appartient au demandeur de l'établir, que le doute ne profite pas au demandeur, que la preuve du lien de causalité peut être rapportée par des indices graves, précis et concordants.

Il soutient qu'en l'espèce, il n'est pas établi que la dissection de l'artère vertébrale sera imputable à l'acte de kinésithérapie du 24 novembre 2016 par des indices graves précis et concordants, que M. [H] souffrait de cervicalgies depuis plusieurs jours quand il a consulté son médecin traitant le 22 novembre 2019, à la suite de travaux de bricolage réalisés le cou en extension, que ni le docteur [X] du centre hospitalier de [Localité 13] ni le docteur [M] du centre hospitalier de [Localité 11] n'ont retenu de lien entre le geste du kinésithérapeute et la dissection de l'artère vertébrale, que l'expert judiciaire se fonde uniquement sur la chronologie pour retenir un lien de causalité entre les deux événements, alors que M. [H] présentait un état antérieur puisqu'il a consulté son médecin en raison justement de cervicalgies résultant des travaux réalisés quelques jours avant et qu'ainsi que le relève l'expert judiciaire, la doctrine médicale retient comme cause de la dissection, des mouvements d'hyper-extension cervicale ; que l'expert qualifie la séance de kinésithérapie de douce, sans manipulation, que la simple mobilisation cervicale ne peut avoir entraîner une dissection.

Il oppose à la contestation de M. [H] sur la nature des travaux entrepris, ses propres dires tant dans l'assignation en référé que durant les opérations d'expertise judiciaire et qu'il n'a pas contesté les propos que lui prête l'expert, que le délai entre l'événement traumatique et l'AVC peut être de plusieurs jours voir semaines, de sorte que le délai entre les travaux et l'AVC n'est pas de nature à exclure le lien de causalité.

A titre subsidiaire, il soutient que si la cour retient un lien de causalité entre le geste de M. [Z] et la dissection, elle doit qualifier ce geste de fautif et que n'est qu'en l'absence de faute que l'indemnisation par la solidarité nationale peut être engagée, que la faute est exclusive d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale, que la réalisation d'une simple mobilisation ne peut provoquer de dissection, que si un lien est retenu entre le geste et le préjudice, il ne peut s'agir que d'un geste d'imprudence fautive.

Enfin, il soutient que l'ONIAM ne rembourse pas leurs créances aux organismes sociaux qui n'ont de recours que contre le tiers responsable, qualité que ne possède pas l'ONIAM.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 avril 2024.

Motifs

1) Sur la responsabilité professionnelle du professionnel de santé :

En application des dispositions de l'article L 1142-1 du code de la santé publique 'Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute...'.

Il convient de retenir que les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences des actes de prévention, diagnostiques ou de soins qu'en cas de faute. Il appartient donc au demandeur de rapporter la preuve de l'existence d'une faute. En l'absence de certitude scientifique sur la cause du dommage, le demandeur peut recourir aux présomptions de l'homme, graves, précises et concordantes par l'utilisation d'un faisceau d'indices permettant de considérer comme établie l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre le fait litigieux et le préjudice subi.

En l'espèce , M. [H], qui a été victime le 28 novembre 2016 d'une AVC consécutive à une dissection de l'aorte vertébrale impute ce dommage aux gestes de kinésithérapie pratiqués sur lui par M. [Z] le 24 novembre 2016 en se basant sur le rapport d'expertise judiciaire établi par le docteur [D].

Ce dernier note 'qu'en raison de l'absence d'autres symptômes que les cervicalgies avant le geste de kinésithérapeute, de la concordance de la description du mouvement cervical et par M. [Z] et par M [H], geste étant une simple mobilisation cervicale et la survenance concordante des signes neurologiques quelques heures après cette immobilisation cervicale et il est donc logique de s'orienter vers un lien de causalité direct et certain au geste kinésithérapeutique. Il n'y a pas d'élément médical antérieur, les cervicalgies étant tout à fait bénignes'.

Toutefois, ainsi que le relève à raison le juge de première instance, cette analyse se fonde essentiellement sur l'existence d'une coïncidence chronologique puisque l'AVC est intervenu à la suite du geste kinésithérapeutique et sur l'absence d'élément médical antérieur, les épisodes de cervicalgies avérées dont souffre M. [H] étant qualifiés par l'expert de bénins.

Cependant, ainsi que l'expert le relève lui -même, l'intéressé, sujet à épisodes céphaliques migraineux notables à raison de deux à trois fois par an et intéressant les régions occipitales, selon le docteur [G], médecin au centre hospitalier de [Localité 11], présente un état antérieur. Or, les études scientifiques, citées par l'expert, mettent en évidence un lien de causalité entre la dissection de l'aorte et les migraines, l'expert écartant cette causalité possible au motif que la 'migraine est d'une telle fréquence dans la population générale qu'on ne peut affirmer le lien de dissection avec la migraine'. La multiplicité des cas de migraine dans la population générale ne peut permettre pour autant d'écarter une causalité entre cet élément médical antérieur et la dissection de l'aorte alors que le docteur [G] le qualifie de notable et le décrit comme accompagnés de nausées et de vomissements dans le cas de M. [H] lui ôtant tout caractère bénin.

De la même façon, la doctrine reproduite par l'expert judiciaire relevée dans l'encyclopédie médico-chirurgicale retient que la dissection peut intervenir après 'des traumatismes mineurs tels que des mouvements d'hyper-extension cervicale, de rotation ou de latéroversion : manipulations rachidiennes, activités sportives, toux sévère, mouvements cervicaux brusques '.

Or M. [H] lui-même dans son assignation en référé du 13 septembre 2017 affirme avoir réalisé des 'travaux à son domicile, travaillant à certains moments le cou en hyper-extension. Ressentant des douleurs prolongées consécutivement à ces travaux...' dires qu'il a repris devant l'expert judiciaire tel que ce dernier les a retranscrits, démontrant ainsi l'existence d'un traumatisme certain survenu antérieurement à l'intervention de M. [Z] et qui a pu causer la dissection de l'aorte. De surcroît, dans son courrier du 9 décembre 2016, le docteur [M] indique que M. [H] a été hospitalisé le 28 novembre 2016 au centre hospitalier de [Localité 11] 'se plaignant de cervicalgies depuis une quinzaine de jours. Il avait fait un travail inhabituel nécessitant une position prolongée avec le cou en hyper-extension ' reprenant les dires de l'intéressé qui à cette date ne conteste pas l'existence d'un geste traumatique antérieur à l'intervention de M. [Z]. Le docteur [I], qui diagnostique le 2 décembre 2016 'une dissection de l'artère vertébrale gauche au décours d'une manipulation du rachis cervical' note également que l'intéressé a fait état de bricolage ayant entraîné des cervicalgies peu avant l'AVC.

Enfin, l'expert judiciaire, qui a examiné M. [H] en septembre 2018, note que l'intéressé lui décrit l'intervention de M. [Z] comme ayant consisté en des massages du cou et des mouvements de la tête de droite à gauche sur un plan horizontal et 'cela sans mouvements brusques'. Il détaille donc une simple mobilisation sans manipulation, même s'il indique avoir ressenti un craquement. Les affirmations des docteurs [M] et [I] sur l'existence d'une manipulation douloureuse par M. [Z] reposent uniquement sur les dires de M. [H], et non sur des constatations personnelles de sorte qu'elles sont dépourvues de force probante. L'existence de mouvements cervicaux brusques, contraire à la simple mobilisation du cou et pouvant être à l'origine de la dissection, n'est pas établie alors que les travaux de bricolage tels que décrits par l'intéressé lui-même peuvent en être la cause.

L'ensemble de ces éléments ne rend pas certain un rapport de causalité direct entre l'intervention litigieuse de M. [Z] et la dissection dénoncée. Les circonstances particulières retenues ne constituent pas un faisceau suffisant de présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir le caractère certain de la causalité. L'existence d'une chronologie ne peut être considérée à elle seule comme apportant la preuve de l'imputabilité alors que les circonstances permettent d'envisager d'autres causes à l'origine du préjudice.

Il convient de confirmer la décision de première instance.

2) Sur la responsabilité de l'ONIAM:

L'article L1142-1 II du code de la santé publique énonce que 'lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire...'.

Il résulte de ce texte que l'ONIAM n'intervient dans la prise en charge d'un préjudice que si l'absence de faute du professionnel de santé est établie et que le préjudice dénoncé est en lien certain et direct avec un acte de prévention, diagnostique et de soins.

En l'espèce, il ne saurait être considéré que la seule chronologie du diagnostique de la dissection posé dans un laps de temps réduit après l'intervention de M. [Z], serait suffisant pour l'imputer à une mobilisation du cou opérée par ce dernier. Si la preuve d'un lien de causalité direct et certain peut être rapportée par tous moyens, la chronologique ne peut suffire à le caractériser alors que d'autres facteurs peuvent avoir été à l'origine du dommage. La condition de l'imputabilité n'étant pas remplie, il convient de confirmer le jugement de première instance.

L'équité ne commande nullement de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs, la cour, statuant par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement rendu le 17 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Rodez en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [A] [H] aux dépens de la procédure d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/05985
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;21.05985 ?
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