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30/07/2024 | FRANCE | N°22/01634

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 30 juillet 2024, 22/01634


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 30 JUILLET 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01634 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLPT





Décision déférée à la Cour :

J

ugement du 07 MARS 2022

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG 19/01067





APPELANTES :



Société X MEDICAL PICTURE - XMP, venant aux droits de la Société SYSTEM X

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué pa...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 30 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01634 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLPT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 MARS 2022

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG 19/01067

APPELANTES :

Société X MEDICAL PICTURE - XMP, venant aux droits de la Société SYSTEM X

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me LAPORTE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant)

Représentée par Me Blaise DELTOMBE de la SELARL JOFFE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

INTIMEE :

Madame [P] [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Alexandra SOULIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 02 Avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 AVRIL 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

M. Jean-Jacques FRION, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Véronique ATTA-BIANCHIN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après prorogation de la date du délibéré initialement prévue le19 juin 2024 à celle du 30 juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat à durée indéterminée et à temps complet du 28 janvier 2015, la société SYSTEMX aux droits de laquelle vient dorénavant la SAS X MEDICAL PICTURE-XMP, a recruté [P] [X], née le 10 décembre 1979, en qualité de responsable de secteur moyennant une convention de forfait de 218 jours annuels, un salaire fixe brut auquel s'ajoute une part variable.

La convention collective applicable est celle relative au personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseil (SYNTEC 3018). La société propose des solutions de communication, visualisation, interprétation, diffusion, impression et archivage d'images médicales principalement à destination des radiologues et autres médecins spécialisés.

[P] [X] a subi des arrêts de travail en 2015 et en 2016. Elle était mère de deux enfants et avait subi deux interruptions de grossesse en novembre 2015 et en octobre 2016 pour raisons médicales.

[P] [X] était en arrêt de travail à compter du 30 août 2017. Une contre-visite médicale à la demande de l'employeur a été effectuée le 8 septembre 2017 concluant que l'arrêt de travail était justifié le jour du contrôle.

Par courrier du 25 septembre 2017, [P] [X] informait la SAS X MEDICAL PICTURE-XMP de son état de grossesse.

Ayant repris le travail courant octobre 2017, la salariée était en arrêt de travail du 20 octobre 2017 jusqu'au 12 février 2018 pour maladie.

À compter du 13 février 2018, [P] [X] était en congé de maternité jusqu'au 2 août 2018 date à laquelle la salariée a pris trois semaines de congés payés jusqu'au 1er septembre 2018.

S'étant plainte le 26 février 2018 d'une baisse injustifiée de son salaire pendant la suspension de son congé de maternité au motif que l'employeur ne lui avait payé que la part fixe de son salaire qui ne représente que 30 % sans ajouter comme il l'aurait dû une indemnité correspondant à la part variable, la salariée a sollicité une régularisation salariale. La somme de 12 040,07 euros brute a été versée et mentionnée sur le bulletin de salaire du mois de juin 2018.

Par courrier du 13 avril 2018, la salariée a demandé à son employeur la mise en place d'un congé parental à 30 % sur une période de 18 mois. Par courrier du 20 avril 2018, l'employeur refusait la demande au motif qu'elle dépassait le plafond légal de 12 mois. Par courrier du 26 avril 2018, la salariée demandait à nouveau le bénéfice d'un congé parental mais sur une durée de 12 mois, demande réitérée le 23 mai 2018. Par avenant du 25 mai 2018, la convention de congé parental à 30 % a été conclue. Le forfait jours a été réduit à la suite de la demande de la salariée.

Par acte du 11 avril 2019, l'employeur convoquait la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 30 avril 2019. Un licenciement pour cause réelle et sérieuse a été prononcé le 6 mai 2019 par l'employeur.

La salariée a vainement contesté le licenciement le 3 juin 2019.

Par acte du 20 septembre 2019, [P] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier essentiellement pour demander la nullité du licenciement du fait de la discrimination liée à son état de grossesse, prolongé au cours du congé de maternité et de congé parental ainsi que pour demander réparation de ses préjudices et paiement des rappels de salaires.

Par jugement du 7 mars 2022, le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement était nul, a évalué le salaire mensuel moyen à la somme de 5742,91 euros brute et a condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes :

172 287 euros brute à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

10 000 euros brute à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

5000 euros brute pour licenciement dans des conditions vexatoires et humiliantes,

5000 euros brute pour exécution déloyale du contrat de travail,

5000 euros brute pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,

36 464,48 euros brute à titre de rappel de salaire et la somme de 3646,45 euros brute à titre de congés payés y afférents,

12 121 euros brute à titre de rappel sur commission et 1212 euros brute à titre de congés payés y afférents,

10 646,48 euros brute au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 1064,65 euros brute au titre des congés payés y afférents,

1000 euros brute sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens à la charge des parties,

a ordonné à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat conformes sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document commençant à courir à compter d'un délai de 15 jours de la notification du jugement,

a condamné l'employeur au remboursement des organismes intéressés de parties des indemnités de chômage versé du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,

a débouté l'employeur de ses demandes reconventionnelles.

Par acte du 24 mars 2022, la SAS X MEDICAL PICTURE-XMP a interjeté appel des chefs du jugement.

Par conclusions du 29 mars 2024, la SAS X MEDICAL PICTURE-XMP demande à la cour d'infirmer le jugement, débouter la salariée de ses demandes, à titre subsidiaire, réduire la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul à l'équivalent de six mois de salaire soit la somme de 23 339,34 euros outre celle de 34 457,46 euros selon le salaire de référence mensuelle qui sera retenu (5742,91 euros ou 3889,89 euros), en tout état de cause condamner la salariée au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par conclusions du 28 mars 2024, [P] [X] demande à la cour d'infirmer le jugement seulement en ce qu'il a rejeté la demande portant sur la nullité de convention de forfait, celle au titre du travail dissimulé, du défaut d'explication sur le calcul de la part variable du salaire et condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

201 000 euros nette au titre du licenciement nul,

30 000 euros en réparation du préjudice subi par la discrimination,

10 000 euros au titre du licenciement intervenu dans des conditions vexatoires et humiliantes,

15 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat,

15 000 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

36 464,48 euros brute à titre de rappel de salaire sur les périodes de suspension du contrat depuis l'arrêt maladie depuis le mois de septembre 2016 et la somme de 646,45 euros au titre des congés payés y afférents,

12 121 brute au titre des commissions (« churn » anticipée pendant son congé maternité) et la somme de 1212 euros brute au titre des congés payés y afférents,

10 646,56 euros à titre de rappel de salaire sur l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1064,65 euros au titre des congés payés y afférents,

20 731 euros brute à titre de rappel de salaire du fait de la nullité de la convention de forfait à temps réduit outre celle de 2073,10 euros brute à titre de congés payés y afférents,

34 457,46 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

6000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'explication quant au calcul du salaire variable,

ordonner la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, l'ensemble des documents sociaux de fin de contrat conformes à la décision,

45 000 euros à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera fait référence aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des faits et des moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 avril 2024.

LES MOTIFS DE LA DECISION :

La salariée considère qu'en réalité les griefs évoqués dans la lettre de licenciement sont erronés et masquent une discrimination liée à sa grossesse et au congé parental qu'elle a pris à la suite de son congé de maternité.

Sur la discrimination en raison de l'état de grossesse :

L'article L.1132-1 du code du travail dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'adaptation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, notamment en raison de sa situation de famille ou de sa grossesse, [...] ou en raison de son état de santé. L'article L. 1132-4 précise que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul et l'article L. 1134-1 dispose que lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

1 - En premier lieu, le salarié doit présenter des éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination. Pour cela, le salarié doit établir la matérialité de chacun des faits invoqués pour permettre de déterminer s'ils sont ou non établis.

La salariée fait valoir les éléments suivants :

L'employeur a proposé oralement une rupture conventionnelle qui a été refusée par la salariée quand elle était en congé de maternité. Ce fait n'est établi par aucun élément.

Par ailleurs :

elle indique qu'alors qu'elle était en arrêt de travail depuis le 30 août 2017 en raison de sa grossesse, l'employeur a demandé une contre visite médicale qui s'est déroulée le 8 septembre 2017 concluant que l'arrêt de travail était justifié le jour du contrôle.

Pendant son absence, elle n'a pas perçu l'intégralité de son salaire comme convenu mais seulement une partie correspondant à la part fixe sans que la part variable ne soit prise en compte alors qu'elle représente une part importante de son salaire et générant une forte diminution de ses revenus.

Le salaire qu'elle a perçu était moindre que celui qui était dû puisque d'une part, l'employeur n'a pris en compte que la moyenne des trois derniers mois de salaire et non la moyenne des 12 derniers mois comme il aurait dû et, d'autre part, elle n'a bénéficié que de la part fixe sans que la part variable qui représente environ 70 % de sa pleine rémunération, ne soit intégrée dans les sommes reçues. Elle indique avoir reçu une régularisation partielle en juin 2018 pour un montant brut de 12 040,07 euros mais elle estime que la somme de 36 464,48 euros reste due.

En cours de congé maternité, elle a demandé le 13 avril 2018 un congé parental de 18 mois qui a été refusé par l'employeur le 20 avril 2018 au motif que la durée maximale est de 12 mois sans pour autant faire droit à la demande sur 12 mois, l'obligeant à reformuler cette demande le 26 avril 2018, réitérée le 23 mai 1018 en l'absence de réponse de l'employeur.

À son retour de congé maternité le 12 août 2018, l'employeur lui a imposé de prendre trois semaines de congés payés alors qu'elle ne souhaitait n'en prendre que deux.

À son retour de congé maternité et pendant son congé parental partiel, la salariée avait demandé à ne pas travailler le mercredi ainsi qu'un vendredi sur deux. La seule première demande a été acceptée ce qu'il l'a contrainte à solliciter au fur et à mesure la direction pour certains vendredis. Ensuite seulement, elle a demandé à ne pas travailler le mercredi et pendant les vacances scolaires.

Son planning de travail avait été mis en place par sa supérieure hiérarchique à compter de septembre 2018 jusqu'en décembre 2018 contrairement à l'autonomie dont elle jouissait du fait de son statut de cadre en forfait jours ce qu'elle avait contesté par courrier électronique du 13 novembre 2018.

La salariée indique par courrier du 28 septembre 2018 qu'elle n'a pas eu la formation que ses autres collègues de travail ont eue le 31 mai et 1er juin 2018. Elle ajoute le 13 novembre 2018 qu'elle utilise partiellement le CRM en plus de son agenda et de Outlook comme auparavant, lorsqu'elle affirme que « le CRM est bien alimenté par tous les prospects mais qui ne sont pas effectivement entrés dans le CRM comme prospect mais dans mon agenda, il est bien précisé pour mes rendez-vous si ce sont des visites de prospection ou des rendez-vous client (') la perte de temps au niveau du CRM ne se fait pas vraiment sur l'écriture de compte-rendus mais plutôt sur la qualification des comptes et personnellement, je ne trouve pas cela terrible d'être en face d'un client à pianoter sur un téléphone ou un ordinateur portable. Comment peut-on expliquer que tu ne souhaites m'accorder qu'une demi-journée administratif par semaine alors que d'autres ont deux jours par semaine. Effectivement, je pense qu'au vu de tout le travail administratif demandé, ce n'est clairement pas suffisant afin d'être au clair sur tout ».

Son secteur d'activité a été géographiquement réduit pour un motif qui ne peut pas être justifié à son profit par la distance géographique puisque le département 84 ainsi qu'une partie des départements 13 et 30 lui ont été retirés de sa zone professionnelle alors même que certains départements qu'elle a gardés comme le 48 et l'extrême ouest de l'Aveyron sont situés plus loin que ceux qui lui ont été retirés.

L'objectif professionnel qui lui a été fixé était proportionnellement supérieur à celui qui avait été fixé l'année précédente alors même qu'elle était aujourd'hui à temps partiel, que l'objectif précédent n'avait pas été réalisé et qu'elle travaillait désormais sur des secteurs restreints et éloignés. Elle indique dans son courrier du 13 novembre 2018 que « je ne suis pas d'accord avec l'objectif XD ».

Deux mois après son retour de congé maternité, elle a subi pour la première fois un bilan professionnel imposé qui n'avait jamais eu lieu auparavant. Il lui a été notamment reproché des manquements à sa communication alors que l'employeur ne lui avait remis aucun document commercial de communication.

En janvier 2019, elle a effectué son entretien annuel qui a été pour la première fois très mauvais, présentant une régression tous les niveaux alors même qu'elle avait été absente presque une année avant son retour en septembre 2018.

Elle indique avoir été exclue du séminaire à [Localité 3] au cours du mois de février 2019 alors qu'elle était disponible, qu'un autre salarié s'était rétracté pour y participer laissant une place vacante.

Elle conteste les griefs de la lettre de licenciement considérant qu'en réalité, ils dénaturent la réalité d'une discrimination du fait de son état de grossesse et de la volonté de l'employeur de l'évincer de l'entreprise.

Ces faits sont établis.

Ces faits, pris dans leur ensemble, sont de nature à faire présumer une discrimination du fait de la grossesse de la salariée.

2 - Dès lors, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'une discrimination liée à l'état de grossesse de la salariée et que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'employeur indique avoir demandé une contre-visite médicale effectuée le 8 septembre 2017 dans le cadre d'une politique interne de la société comme cela a pu être appliqué à d'autres salariés.

La salariée a injustement perçu des commissions pendant son arrêt de travail pour cause de maladie puisque, étant absente, elle ne répondait pas aux critères de commissionnement du plan primaire qui avait été mis en place relatif au paiement des commissions. L'employeur considère que le paiement des commissions à la salariée subordonne un bon de commande signé par le client, du matériel livré sur site et installé, un procès-verbal de réception signé par le client, une facture par le service ADV de la société, le règlement du client reçu permettant le paiement de la commission à la salariée le mois suivant celui du règlement de la facture. Les contrats Churn litigieux sont les contrats de renouvellement de transaction avec une clientèle existante. Il considère que la marge commerciale réalisée est déterminée ainsi le taux des commissions calculé à partir de cette marge. L'employeur considère que la commission est due uniquement au salarié qui est à l'initiative de la conclusion du renouvellement ou d'un contrat nouveau. Du fait de l'absence de la salariée, elle n'a pu en bénéficier.

L'employeur conteste que le salarié qui l'a remplacée pendant cette période ait procédé à des renouvellements anticipés des contrats dont elle avait la charge.

/ S'agissant de la fixation de la date des congés payés, l'employeur lui a demandé de les prendre du 13 août au 31 août 2018, période correspondant à la prise de congés annuels des salariés sans aucune contestation de [P] [X] sur le moment.

/ L'employeur reconnaît une erreur de sa part concernant l'absence de maintien de la part variable du salaire pendant la suspension du contrat de travail de la salariée en cours de congé maternité, erreur régularisée intégralement dès le mois de juin 2018 à hauteur de la somme brute de 12 040,07 euros.

L'employeur conteste toute attitude dilatoire pour faire droit à la demande de congé parental sollicitée par la salariée qui s'est trompée en demandant un délai excédant celui autorisé, l'obligeant à lui demander de reformuler une demande avec un délai correct. Il a ensuite accepté cette demande par avenant du 25 mai 2018 sans délai.

/ L'employeur conteste que la salariée devait solliciter au cas par cas une autorisation d'absence les vendredis puisqu'un planning identifiant les vendredis travaillés lui avait été communiqué par courrier électronique du 6 septembre 2018, soit dès son retour, organisant son travail un vendredi sur deux comme la salariée l'avait demandé, à charge pour elle de « mettre à jour le CRM avec les activités concernant les comptes visités et les informations collectées en fonction des RDV ». C'est sur initiative de la salariée et par courrier électronique du 28 septembre 2018, qu'elle indiquait à l'employeur qu'il y aurait toujours au moins un jour chômé lors de chaque vacance scolaire attendant pour le surplus un retour de la nounou pour les vacances de Noël et le jour de l'an.

Le périmètre d'intervention de la salariée a été réduit lors de son retour de congé parental en raison du temps partiel qui a succédé un temps plein. L'employeur indique que pour redéfinir la zone de protection, la société a retenu une logique de business potentiel afin de faciliter les tâches et les missions de la salariée.

L'employeur indique que l'agenda de la salariée n'était pas dicté par sa supérieure hiérarchique à son retour de congé maternité, cette dernière ne faisant que contrôler son activité et sa charge de travail au titre de ses prérogatives et obligations en matière de salariés en forfait jours. C'est pour cette raison que sa supérieure organisait tous les deux mois des entretiens avec la salariée afin de faire le point sur son organisation et ses activités comme pour tous les autres salariés en forfait jours et notamment pour lui rappeler l'obligation non respectée de remplir la base de données de suivi d'activité et de rendez-vous (CRM). Lors de l'entretien d'évaluation en janvier 2019, il a été à nouveau constaté l'absence de suivi par la salariée de son activité et l'absence de remise des états récapitulatifs tels que demandés par l'employeur sur le CRM. L'employeur justifie que cet état récapitulatif hebdomadaire est important pour lui pour contrôler la durée du travail et le respect de ses obligations relatives à la gestion de son forfait jours et d'effectuer un décompte objectif et vérifié de son temps de travail. La salariée s'est contentée de formaliser ces informations sur Outlook et sur son agenda personnel.

L'entretien d'évaluation annuelle de janvier 2019 fait état de mauvais résultats de la salariée, les éléments de conclusion reposant uniquement sur des éléments factuels et objectifs. L'employeur a mentionné le commentaire final suivant : « ces quatre derniers mois de reprise ont été compliqués dans les échanges avec beaucoup de choses remises en question : objectif, stratégie SYSTEMX, communication avec manager n+2, utilisation des outils et qui se formalisent par un manque de résultat obtenu » après que la salariée ait indiqué que « la reprise a été très agréable sur le secteur, avec les clients satisfaits de me retrouver. Difficultés à être en phase avec l'objectif quand lors de ma reprise, tous les projets devaient être créés (0 signature de contrats avec projets initiés en mon absence), pas de remplacement sur le secteur pendant mon absence et contrats churnés de manière anticipée. Solutions Bacs à adapter à la cible des spécialistes sur mon secteur ».

L'employeur indique que la salariée n'a jamais contesté les objectifs au fur et à mesure qu'ils lui ont été notifiés lors de son retour de congé maternité.

Concernant le séminaire organisé en février 2019 à [Localité 3] du mercredi au vendredi, la salariée avait indiqué qu'elle était disponible qu'à compter du jeudi. Pour des raisons d'organisation et de transport, il a été indiqué qu'il n'était pas possible d'envisager une arrivée le jeudi, en plein milieu du séjour.

L'employeur conteste le jugement en ce qu'il s'est contenté de souligner une temporalité des griefs soulevés par la salariée avec la date du licenciement sans établir de lien entre la mesure de licenciement et l'état de grossesse de la salariée. De surcroît, le licenciement est intervenu dix mois après le retour de la salariée permettant d'exclure la temporalité des événements que le conseil de prud'hommes avait relevée.

3 - Au vu des éléments produits par les parties, il résulte que, s'agissant de la contre visite médicale effectuée le 8 septembre 2017 à la demande de l'employeur, celui-ci ne justifie pas qu'il a demandé pareille contre-visite à l'égard d'autres salariés. Toutefois, la salariée n'a informé l'employeur que le 25 septembre 2017 de son état de grossesse. Le moyen soulevé par la salariée n'est pas caractérisé.

S'agissant du grief invoqué par la salariée relatif à l'obligation de prendre trois semaines de congés payés au lieu de deux en août 2018, si cette durée est bien établie, aucun élément ne permet de considérer qu'elle n'en avait demandé que deux.

S'agissant du paiement des commissions de renouvellement des contrats (Churns), l'employeur justifie des conditions d'attribution et de paiement de ces commissions qui reposent sur la présence effective du salarié provoquant un renouvellement et un paiement. En l'absence de la salariée pour cause de maladie et congé maternité, cette dernière n'y avait donc pas droit. De même, estimant que des contrats ont été renouvelées rapidement alors qu'elle aurait pu le faire à son retour, la privant d'une rémunération due, le tableau produit en pièce 25-2 n'explique pas de façon précise la date d'échéance des contrats et la période au cours de laquelle il est d'usage de provoquer le renouvellement. Par conséquent, il n'est pas établi que l'employeur ait provoqué des renouvellements de contrats anticipés. Ces griefs ne sont pas établis et les demandes en réparation seront rejetées.

S'agissant de l'acceptation tardive de l'employeur à la demande de la salariée du congé parental, il est établi que cette dernière s'est trompée en demandant une durée dépassant le cadre légal qu'elle a rectifiée le 26 avril 2018 et le 23 mai 2018. L'avenant établissant le congé parental a été signé le 25 mai 2018, sans retard imputable à l'employeur.

S'agissant du refus de l'employeur qu'elle dispose d'un vendredi sur deux, libre pour raisons familiales, celui-ci justifie que la salariée disposait d'un planning tel qu'elle l'avait demandé qui a ensuite évolué du fait de sa propre demande de pouvoir bénéficier de jours non travaillés pendant les vacances scolaires.

S'agissant de la rémunération perçue par la salariée en son absence au cours d'arrêts maladie en 2016, 2017 et 2018, les parties conviennent que la salariée a perçu la part correspondant à son fixe mais s'opposent sur la part variable qu'elle percevait auparavant et qui aurait dû être prise en compte dans le montant de la rémunération versée en son absence. Le paiement des heures régularisées en juin 2018 corrobore la version de la salariée et l'erreur de l'employeur. S'agissant du reliquat des impayés que la salariée invoque jusqu'en septembre 2018, il est établi que l'employeur n'a calculé la rémunération due qu'à partir de la part fixe antérieure de la salariée sans prendre en compte la part variable qui représentait la part essentielle de la rémunération. L'activité de la salariée avait un caractère fluctuant et son évaluation annuelle permet de lisser ces écarts de variables et sa demande tendant à voir calculer sa rémunération sur la moyenne de ces 12 derniers mois est justifiée.

Pendant son arrêt de travail entre septembre et novembre 2016, la salariée fait valoir des bulletins de paie établis sur la base d'un salaire fixe de 2000 euros alors que le salaire moyen de référence à prendre en considération était de 5742,91 euros au titre de la moyenne de ses salaires sur les 12 derniers mois précédant l'arrêt de travail créant un manque à gagner mensuel de 3742,91 euros pendant les trois mois non régularisés soit la somme de 11 228,73 euros.

Pendant son arrêt de travail en septembre 2017, elle indique n'avoir perçu que la somme de 2000 euros au titre de son maintien de salaire alors qu'elle aurait dû percevoir celle brute de 5388,71 euros provoquant un manque à gagner de la somme de 3388,71 euros.

Pendant son arrêt de travail de novembre 2017 à août 2018, un manque à gagner de la somme de 33 187,10 - 12 040,07 = 21 847,04 euros est établi.

Il en résulte un impayé de la somme de 36 464,48 euros brute et celle de 3646,45 euros brute à titre de congés payés y afférents.

Mais force est de constater que cette créance est née pour partie avant le congé de maternité et le congé parental litigieux puisque la salariée justifie d'une telle créance depuis des arrêts de travail en 2016 sans formuler d'explications sur le motif de ces arrêts à cette date.

De plus, il convient de relever que l'employeur a aussi payé indûment les commissions sur les contrats renouvelés lorsqu'elle était en arrêt de travail entre novembre 2017 et février 2018 avant le congé de maternité est alors qu'il était informé depuis le 25 septembre 2017 que la salariée était enceinte.

Cependant, l'employeur ne produit aucun justificatif permettant de justifier :

les raisons du découpage géographique décidé lors du retour de la salariée qui était justifié en son principe du fait d'une activité professionnelle réduite à 70 % mais qui a créé une zone géographique commerciale de la salariée plus éloignée que la précédente.

les entretiens tous les deux mois avec d'autres salariés de l'entreprise en forfait jours.

l'acceptation par la salariée des heures régularisées en juin 2018 valant transaction et renonciation à toute autre demande. Il en résulte une créance de salaire au bénéfice de la salariée à compter de son arrêt de travail postérieur à sa déclaration de grossesse.

Du bien-fondé des objectifs de performance attendus de la salariée à son retour de congé parental.

L'employeur ne peut reprocher à la salariée de ne pas utiliser pleinement le CRM alors même qu'elle n'a pas disposé d'une formation pour le faire qui s'est déroulée en son absence les 31 mai et 1er juin 2018, qu'elle a appris par elle-même le maniement de cet outil qui a finalement été intégralement rempli en février 2019 et qu'elle reprenait à temps partiel après près d'un an d'absence ce qui a nécessairement généré un temps de « remise en route » non fautif. L'employeur ne justifie d'aucune aide à la salariée à cette occasion. En effet, ce nouvel outil nécessite un temps pour le maîtriser lorsqu'il n'est pas expliqué. Enfin, l'employeur ne justifie pas que ce logiciel n'est pas nouveau et que seule l'interface de l'outil a été modifiée comme il le prétend.

Au cours de la relation de travail, la salariée a questionné son employeur sur l'étendue de ses droits sans jamais outrepasser les limites de ton et de respect. Aucune insubordination n'est ainsi caractérisée sauf à interdire à la salariée de revendiquer des droits auxquels elle prétend.

La salariée a été évaluée défavorablement en janvier 2019. La salariée a mentionné, sans être contestée, qu'en son absence, aucun nouveau contrat n'avait été signé ce qui a provoqué pour elle une perte de rémunération pour l'avenir et qu'elle a dû reprendre les contacts avec la clientèle après une absence de près d'un an. L'employeur ne justifie pas des reproches qu'il formule à l'encontre de la salariée relatifs à une remise en cause de consignes ou de procédures autrement que par les courriers de la salariée qui revendique ses propres droits dans le cadre de termes courtois et adaptés. Ainsi, force est de constater qu'après une longue absence, l'activité d'un salarié est moins efficace dans le court délai de reprise étant donné les charges administratives et commerciales à relancer et à rattraper.

S'agissant de la non-participation de la salariée au séminaire de [Localité 3] en février 2019, il n'est pas contesté qu'elle ne pouvait être présente le premier jour, le mercredi. L'employeur a opposé un refus pour des raisons de transport, de logistique et d'opportunité, d'une arrivée le jeudi matin alors que le séminaire s'achève le vendredi. Toutefois, la participation des salariés à un tel séminaire a essentiellement vocation à renforcer les liens et fédérer les salariés entre eux et avec la direction. Dès lors, l'absence de la salariée le premier jour ne rend pas légitime le refus de l'employeur de refuser de la laisser participer aux deux derniers jours du séminaire. La convocation du 11 avril 2019 de la salariée à l'entretien préalable au licenciement est intervenue rapidement après ce séminaire.

Au vu de ces éléments, il en résulte que l'employeur ne prouve pas que les faits invoqués par la salariée sont étrangers à toute discrimination.

L'employeur conteste la nullité du licenciement et se prévaut de faits contenus dans la lettre de licenciement.

Sur le licenciement de la salariée :

L'article 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la lettre de licenciement fait état des faits suivants : « à la suite de votre congé maternité du 11 février 2018 au 13 août 2018, vous avez par courrier du 13 avril 2018 demandé à bénéficier, à compter de votre reprise, d'un congé parental à temps partiel à hauteur de 70 % de votre temps de travail. Nous avons donc convenu, par avenant du 25 mai 2018, qu'à compter du 13 août 2018 et jusqu'au 12 août 2019, vous exerceriez vos fonctions en forfait jours réduit.

Au terme de cet avenant, vous vous êtes expressément engagée à décompter vos jours de travail et à nous les communiquer sous forme « d'états récapitulatifs détaillés hebdomadaires ». Ce récapitulatif dont vous avez accepté le principe en signant l'avenant du 25 mai 2018 a été instauré afin de nous permettre de contrôler votre durée du travail et le respect de nos obligations relatives à la gestion de votre forfait jours, d'effectuer un décompte objectif et vérifié de votre temps de travail. Or, vous ne nous avez jamais adressé cet état récapitulatif hebdomadaire. Vous estimez que votre reporting hebdomadaire est effectué via votre calendrier Outlook. Il n'y a aucune pertinence à l'utilisation d'un tel outil dans la mesure où les informations qui sont enregistrées sont à votre main et facilement modifiables par vous ce qui ne nous permet pas de contrôler objectivement le suivi de votre temps de travail.

Cette difficulté est notamment illustrée par votre demande formulée fin mars 2019 concernant la prise de jours de congés du 8 juillet au 12 août 2019 au motif que vous auriez déjà atteint le nombre de jours travaillés prévu à votre forfait. À défaut de reporting correct avec l'outil requis, nous ne pouvons répondre à votre demande qu'en contrôlant les jours où vous avez enregistré une activité. Nous avons pourtant attiré à plusieurs reprises votre attention sur la nécessité de remplir de manière détaillée et régulière cet outil afin de permettre un suivi optimal de la prospection commerciale. De nombreux échanges en février et mars 2019 retracent ces demandes outre votre entretien annuel d'évaluation du 24 janvier 2019.

Vous refusez ainsi de respecter vos engagements et les procédures mises en place par la société. Votre refus d'utiliser les outils choisis par la direction de la société perturbe le fonctionnement et l'organisation du service commercial tant d'un point de vue de suivi de votre activité que de votre temps de travail. Nos alertes sur ces points entraînent systématiquement des polémiques de votre part et mobilisent inutilement et de manière excessive du temps et de l'énergie. Malgré les rappels des procédures en vigueur au sein de la société, force est de constater que vous vous inscrivez dans un mode relationnel réfractaire et contestataire. Or, ces faits participent à un comportement plus général de remise en cause de l'autorité et d'insubordination envers vos supérieurs hiérarchiques (à titre d'exemple, les échanges interminables sur ce qui est demandé au plan commercial et vos réfutations les 14 novembre et 3 décembre 2018).

Nous sommes contraints de constater que les relations que vous entretenez tant avec vos supérieurs qu'avec le service des ressources humaines ou l'administration des ventes sont en effet particulièrement inadaptées et inutilement polémiques. Or, vous avez été alertée à plusieurs reprises sur les propos et le ton employé dans vos e-mails. À plusieurs reprises, vos supérieurs hiérarchiques ont dû intervenir et vous demander de mesurer vos propos. Ainsi à titre d'exemple, en janvier 2019 et le 9 avril 2019 concernant l'affaire MEDIGARD. Nous ne pouvons tolérer plus longtemps ce comportement qui perturbe le fonctionnement de la société. Dès lors, nous ne pouvons envisager le maintien de votre contrat de travail et devons vous licencier pour faute ».

S'agissant du refus de la salariée de respecter les engagements pris ainsi que les procédures mises en place par la société, l'employeur justifie que par courrier électronique du 6 septembre 2018, il avait rappelé à la salariée l'obligation de mettre à jour le CRM avec des activités concernant les comptes visiter et les informations collectées en fonction des rendez-vous. Il s'agissait pour la salariée de remplir une base de données en ligne plutôt que son agenda personnel ou Outlook. En s'abstenant de le faire et compte tenu du terme employé par la salariée dans ses écrits, l'employeur a considéré qu'elle faisait preuve d'insubordination.

Il a été précédemment jugé que la salariée n'avait pas reçu une formation à propos de la mise en place de la CRM, qu'elle s'est formée seule, qu'elle l'a utilisée partiellement puis totalement en février 2019 et n'a fait preuve d'aucune insubordination de ton et de comportement à l'égard de son employeur.

Ainsi, il n'est pas établi l'existence d'une cause réelle et sérieuse du licenciement.

Par conséquent, les motifs étrangers à toute discrimination n'étant pas établis par l'employeur, il en résulte que le licenciement est nul pour discrimination liée à l'état de grossesse. Ce chef de jugement sera confirmé.

Au vu des éléments produits par les parties, il est établi l'existence d'une discrimination du fait de la grossesse de [P] [X] qui sera réparée par l'octroi de la somme de 7000 euros à titre de dommages et intérêts. Ce chef de jugement qui avait condamné l'employeur au paiement de la somme de 10 000 euros brute à titre de dommages et intérêts sera infirmé.

Sur les indemnités de rupture pour licenciement nul :

La salariée ayant été recrutée le 22 février 2015 et licenciée le 6 mai 2019, elle bénéficie d'une ancienneté de quatre ans et de deux mois.

L'article L.1225-4 du code du travail prévoit que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constatée, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité qu'elle use ou non de ce droit et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les 10 semaines suivant l'expiration de ces périodes. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé, non liée à l'état de grossesse ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque la salariée a été licenciée plus de 10 semaines suivant l'expiration de cette période.

/ L'article L.1235-3-1 du code du travail prévoit que l'article L.1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché (') 3° d'un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L.1132-4 et L.1134-4. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité à charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, la salariée ne demande pas sa réintégration dans l'entreprise et ne peut donc pas prétendre, contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes, au versement d'une indemnité dans la limite du montant des salaires dont la salariée a été privée, soit 35 mois de salaire équivalent à la somme de 201 000 euros, sans autre précision notamment relative à son préjudice sauf à indiquer qu'avant cette grossesse, elle était mère de deux enfants, avait subi deux interruptions de grossesse avant la naissance de son troisième enfant et qu'elle avait dû mener un combat à l'occasion de cette troisième grossesse.

Aucun élément n'est produit par la salariée sur le préjudice effectivement subi et notamment sa situation postérieurement à la rupture. L'employeur sera condamné à payer la somme de 4727,83 x 6 = 28366,98 euros.

Ce chef de jugement sera infirmé.

/ S'agissant de l'indemnité au titre du préavis de départ, la salariée a droit à une indemnité de préavis de trois mois qui est calculée sur la base des salaires et avantages bruts auxquels elle aurait pu prétendre. L'indemnité de préavis sera fixée sà la somme de (4727,83 x 3) ' (1400 x 3) = 9983,49 euros brute au titre de l'indemnité de préavis outre la somme de 998,34 euros brute à titre de congés payés y afférents.

Ce chef de jugement qui avait condamné l'employeur à payer la somme de 10 646,48 euros brute à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 1064,65 euros brute à titre de congés payés sera infirmé.

Sur le licenciement brutal et vexatoire :

S'agissant de la demande de la salariée fondée sur un licenciement brutal et vexatoire, elle produit un courrier électronique du 13 mai 2019 de l'employeur aux destinataires suivants « All System X » qui indique « je voulais communiquer avec vous aujourd'hui sur trois départs récents. (') Le cas de [P] [X] est tout à fait différent. Nous n'étions pas satisfaits de ses services, avons eu beaucoup d'occasions de le lui signifier et avons dû nous résoudre à la licencier en la dispensant immédiatement de son préavis ».

Il en résulte que l'employeur adressait à l'ensemble des salariés de la société la semaine qui a suivi le licenciement de la salariée, ce courrier électronique faisant état de reproches qui ont justifié une dispense immédiate de son préavis, mettant ainsi en doute la qualité professionnelle de la salariée devant l'ensemble du personnel sans aucune justification.

Il en résulte un préjudice distinct de celui déjà réparé qui sera évalué à la somme de 3000 euros.

Ce chef de jugement qui avait condamné l'employeur au paiement de la somme de 5000 euros sera infirmé.

Sur le travail dissimulé :

L'article L.8221-5 du code du travail prévoit qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur 1° de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L.1221-10 relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; 2° de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de salaire ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire ou de mentionner sur un bulletin de paie ou le document équivalent, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement de temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. L'article L. 8223-10 dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, l'employeur a été condamné pour non-paiement de l'intégralité des salaires pendant les arrêts de travail de la salariée. Si l'ampleur des salaires non payés est établie, le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé n'est pas établi du fait de la régularisation partielle qui a été opérée.

La demande du salarié sera par conséquent rejetée.

Ce chef de jugement sera confirmé.

Sur la nullité de la convention de forfait jours :

L'article L.3121-64 du code du travail prévoit que l'accord prévoyant la conclusion de la convention individuelle de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine (') 3° le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait dans la limite de 218 jours s'agissant du forfait en jours.

En l'espèce, [P] [X] a été recrutée le 23 février 2015 en qualité de responsable de secteur avec l'application d'une convention de forfait en jours par avenant du 15 mai 2015 fixant à 218, le nombre de jours travaillés par an. Par avenant 25 mai 2018, les parties conviennent qu'à compter du 13 août 2018 et jusqu'au 12 août 2019, la salariée exercera sa fonction en forfait jours réduit suite à sa demande d'un temps partiel parental équivalent à 70 % du temps de travail à temps plein.

L'avenant stipule que les autres stipulations contractuelles existantes ne sont pas modifiées.

Il en résulte un nombre d'heures correspondant au forfait déterminé à hauteur de 152,6 heures par an. D'ailleurs, par courrier du 15 avril 2019, la salariée écrivait à son employeur pour lui indiquer qu'à compter du 5 juillet 2019 au soir, elle aurait travaillé la totalité de son forfait jours annuel à 70 % soit 153 jours arrondis à la demi-journée supérieure. Il n'y a donc pas lieu d'annuler la convention de forfait pour ce motif.

Il est admis que la convention de forfait annuel en jour n'instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l'organisation du travail par l'employeur. En l'espèce, s'agissant de l'organisation du planning de la salariée qui serait dicté par sa supérieure, la directrice commerciale [H] [E], en contradiction avec l'autonomie dont elle disposait dans le cadre de la convention de forfait, le document produit par la salariée dans la synthèse du 13 novembre 2018 des deux premiers mois de reprise dans le cadre du congé parental énonce que « nous avions défini le planning ci-dessous » mentionnant la présence d'une matinée le lundi pour les affaires administratives et l'affectation par jour dans les départements listés sur les mois de septembre et d'octobre. Ce même document fait mention du point suivant : « point fait le 9/11 avec [P] pour respecter cette organisation jusqu'à la fin de l'année car nécessité d'avoir une vision claire du potentiel de chaque département. Or, à ce jour ce n'est pas le cas, le CRM ne contient pas tous les prospects de chaque secteur, il faut l'alimenter en fonction des remontées de journées terrains. Point fait aussi sur optimisation et gain de temps : prise de notes directement sur le RDV outlook en clientèle ainsi pas besoin de ressaisir ses notes concernant le RDV. Ces données sont archivées dans le CRM dès la mise en relation avec le compte concerné dans Dynamics 365 ». Ainsi, il résulte de ce document que l'employeur a demandé à la salariée de remplir le CRM pour avoir un suivi de son activité ce qui est justifié mais qu'il a en outre imposé le planning des visites par département et par jour de la salariée entre septembre et octobre 2018 et à valoir jusqu'à la fin de l'année 2018. Dès lors que l'employeur impose à la salariée un planning d'activité pendant quatre mois, la convention de forfait jour est nulle puisqu'elle est en contradiction avec l'autonomie accordée au salarié, condition de la convention de forfait jours.

La salariée en déduit qu'elle est bien fondée à solliciter un rappel de salaire sur la base d'une rémunération à temps plein à hauteur de la somme de 3473,10 euros brute du mois d'août 2018 jusqu'à la rupture de son contrat. Pour autant, le salarié soumis à une convention de forfait en jours sur l'année dont le nombre est inférieur à 218 jours, ce qui est le cas, n'est pas à temps partiel. Par conséquent, la demande de la salariée de voir condamner l'employeur au paiement d'une rémunération à temps plein sera rejetée.

Il est admis qu'en cas de nullité d'une telle convention, le droit commun des heures supplémentaires s'applique et le salarié doit présenter des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande de rappel de salaire pour ces heures. La salariée ne sollicite aucune demande de paiement d'heures supplémentaires.

Toutefois, n'ayant perçu à compter du mois d'août 2018 jusqu'à la rupture, que la somme de 1400 euros brute par mois au lieu de celle de 3473,10 brute, l'employeur sera condamné à payer la somme de 14 511,70 euros brute à titre de rappel de salaire à compter du mois d'août 2018 jusqu'à la rupture du contrat outre la somme de 1451,17 euros brute à titre de congés payés y afférents.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur :

En application de l'article L.1222-1 du code du travail, le contrat doit être exécuté loyalement.

La salariée fait valoir qu'elle n'a pu bénéficier de l'intégralité de ses jours de récupération car l'employeur a refusé de croire qu'elle travaillait le vendredi. Pour autant, il a été précédemment jugé que l'employeur avait tenu compte de son travail certains vendredis comme la salariée l'avait demandé. L'absence de certains jours de récupération n'est donc pas établie.

S'agissant des documents de fin de contrat, il est admis en application des articles L.1234-19 et L.1234-20 du code du travail qu'ils sont quérables. Il en résulte l'obligation pour l'employeur de tenir ces documents à la disposition du salarié qui doit venir les chercher sauf impossibilité médicale du salarié. Ces documents doivent être tenus à disposition du salarié à l'expiration du contrat de travail c'est-à-dire à l'issue du préavis, effectué ou non. En l'espèce, la salariée fait valoir que les documents de fin de contrat lui ont été adressés avec cinq jours de retard le 29 mars 2022 et réclame la liquidation de l'astreinte à hauteur de la somme de 1300 euros. Il n'est pas établi que l'employeur n'ait pas tenu à disposition de la salariée les documents de fin de contrat.

La demande sur ce fondement sera rejetée.

Ce chef de jugement qui avait condamné l'employeur à payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts sera infirmé.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

En application des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu vis-à-vis des salariés d'une obligation de sécurité et de protection de la santé dont il doit assurer l'effectivité et prendre toutes les mesures visant à assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale des travailleurs.

Dès lors que le salarié invoque précisément un manquement professionnel en lien avec le préjudice qu'il invoque, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du respect de son obligation de sécurité à l'égard du salarié.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l'espèce, la salariée fait valoir qu'à l'occasion de ses arrêts de travail en 2015 et 2016, elle n'a pas bénéficié d'une visite de reprise ce qui lui cause grief. L'employeur ne justifie d'aucune visite de reprise. Pour autant, la salariée ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque. Par conséquent, sa demande sera rejetée.

Ce chef de jugement qui avait condamné l'employeur à payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts sera infirmé

Sur l'imprécision de la clause d'objectifs relative à la part variable du salaire :

En application de l'article 1353 du Code civil, il incombe à l'employeur d'établir qu'il a effectivement payé au salarié les sommes qu'il lui doit à titre de salaire. Lorsque le calcul de la rémunération dépens d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

En l'espèce, la salariée prétend qu'elle n'était pas en mesure de vérifier qu'elle avait bien perçu ce qui était dû au titre de la prime d'objectif, faute de connaître la façon dont était calculée par l'employeur et demande réparation par l'octroi de dommages et intérêts.

L'annexe 2 au contrat de travail du 23 février 2015 prévoit les objectifs, la rémunération et le remboursement des frais et, s'agissant des commissions, stipule un pourcentage calculé à partir de la marge de l'employeur selon la nature des activités.

Pour autant, si l'employeur justifie des dispositions contractuelles, il ne justifie pas de la façon dont elles sont calculées ne permettant pas à la salariée d'en contrôler le montant.

Il en résulte un préjudice résultant du caractère imprécis de la clause qui sera réparé par l'octroi de la somme de 700 euros à titre de dommages et intérêts.

Ce chef de jugement qui avait rejeté la demande sera infirmé.

Sur les autres demandes :

L'article L.1235-4 du code du travail prévoit que dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11 et notamment de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Tel sera le cas pour un montant de six mois d'indemnité.

La partie appelante succombe à la procédure, elle sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'intimée, l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'employeur devra tenir à disposition de la salariée les documents de fin de contrat rectifiés sans astreinte.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a :

dit que le licenciement est nul.

rejeté la demande au titre du travail dissimulé.

condamné l'employeur au paiement de la somme de 36 464,48 à titre de rappel de salaire outre celle de 3646,45 euros bruts à titre de congés payés y afférents jusqu'en août 2018.

condamné l'employeur à payer aux organismes sociaux la somme de six mois d'indemnité de chômage.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que la convention de forfait en jours est nulle.

Condamne la SAS X MEDICAL PICTURE-XMP à payer à [P] [X] les sommes suivantes :

28366,98 euros au titre du licenciement nul.

7000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination fondée sur l'état de grossesse.

9983,49 euros brute au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 998,34 euros brute à titre de congés payés y afférents.

3000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

14 511,70 euros brute à titre de rappel de salaire à compter du mois d'août 2018 jusqu'à la rupture du contrat outre la somme de 1451,17 euros brute à titre de congés payés y afférents.

700 euros à titre de dommages et intérêts pour imprécision de la clause d'objectifs.

Déboute déboute [P] [X] de ses autres demandes.

Ordonne à l'employeur de tenir à disposition du salarié les documents sociaux de fin de contrat rectifiés sans astreinte.

Y ajoutant,

Condamne la SAS X MEDICAL PICTURE-XMP à payer à [P] [X] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS X MEDICAL PICTURE-XMP aux dépens de la procédure d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01634
Date de la décision : 30/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-30;22.01634 ?
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