ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/02157 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PMPT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 28 MARS 2022 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER -N° RG F20/00116
APPELANTE :
Société ACTION LOGEMENT SERVICES
[Adresse 2]
Représentée par Représentée par Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM'S AVOCATS, avocat au barreau de PARIS (postulant) et par Me Marie-Laure TREDAN, substituée sur l'audience par Me Laurent KASPEREIT de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE (plaidant),et substituant Me OLIVIER, avocat
INTIMEE :
Madame [C] [J] épouse [E]
née le 06 Février 1973 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
Représentée par Me Emilie NOLBERCZAK, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 02 Mai 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mai 2024,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport, et Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par lettre d'embauche du 31 août 1999, Mme [C] [J] a été engagée à temps complet en qualité de secrétaire dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée jusqu'au 31 décembre 1999, lequel a été prorogé jusqu'au 31 décembre 1999, ses fonctions étant à compter de cette date celles d'une assistante de direction, catégorie C, moyennant un salaire mensuel brut de 13 200 francs, soit 2'958,55 euros.
Le 29 juin 2000, les parties ont transformé le contrat en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2000, les autres conditions demeurant inchangées.
Puis la salariée a occupé le poste de chargée de clientèle.
Par lettre du 29 mars 2019 remise en main propre le même jour, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé le 11 avril 2019, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre du 18 avril 2019, l'employeur a notifié à cette dernière son licenciement pour faute grave, précisé par lettre du 9 mai 2019 sur demande de la salariée le 29 avril 2019.
Par requête enregistrée le 28 janvier 2020, exposant que l'employeur n'avait pas exécuté loyalement le contrat de travail en faisant sur sa personne des actes de pression répétés ayant entraîné une détérioration de ses conditions de travail et de son état de santé et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [C] [J] épouse [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'obtenir :
- la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ainsi que le rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire,
- à titre principal, le prononcé de sa réintégration et la condamnation de l'employeur à lui payer son salaire à compter de son licenciement jusqu'à sa réintégration ;
- à titre subsidiaire, la condamnation de l'employeur à lui payer des sommes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts ;
- la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.
Par jugement du 28 mars 2022, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le salaire mensuel moyen de Mme [C] [J] épouse [L] était de 2 936,25 euros brut, que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, que son contrat de travail n'avait pas fait l'objet d'une exécution déloyale,
- rejeté la demande de réintégration émise par Mme [J],
- dit qu'Action Logement devait verser à Mme [J] les sommes suivantes :
* 14 681,25 euros brut de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 895,97 euros brut au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
* 26 547,75 euros brut au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 8 808,75 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 880,88 euros brut au titre de congés payés y afférents,
* 1 000 euros brut au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que l'Action Logement devait remettre à Mme [J] l'ensemble des documents sociaux de fin de contrat conformes,
- débouté Mme [J] de ses autres demandes,
- ordonnée le remboursement par l'Action Logement aux organismes intéressés des indemnités de chômage perçues par la salariée à hauteur d'un mois,
- débouté l'Action Logement de ses demandes reconventionnelles,
- laissé les éventuels dépens à la charge des parties.
Par déclaration enregistrée au RPVA le 21 avril 2022, la SASU Action Logement Services a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 21 décembre 2022, la SASU Action Logement Services demande à la Cour :
- A titre principal, d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes ;
- A titre subsidiaire si la Cour considérait que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter la salariée de ses demandes aux fins de licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de confirmer le jugement sur le surplus ;
- A titre infiniment subsidiaire, si la Cour considérait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la salariée des sommes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau, de limiter sa condamnation au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 8 810,88 euros brut et débouter la salariée du surplus de sa demande et de confirmer le jugement sur le surplus, notamment le rejet de la demande de réintégration de la salariée ;
- En tout état de cause, de :
* confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
* juger que la salariée n'a pas valablement saisi la Cour d'un appel incident des chefs du jugement ayant dit qu'elle devait verser à Mme [C] [J] épouse [L] les sommes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents et dire que son appel incident n'a pas produit d'effet dévolutif et qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de salariée tendant à voir augmenter le montant des sommes allouées en première instance à ces titres ;
* réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles et en ce qu'il a laissé les éventuels dépens à la charge des parties et statuant à nouveau de ces chefs, condamner la salariée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 25 avril 2024, Mme [C] [J] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit que son salaire mensuel moyen de était de 2 936,25 € brut, rejeté sa demande de réintégration, dit que son contrat de travail n'avait pas fait l'objet d'une exécution déloyale, en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes, en ce qu'il a statué sur le montant des dommages et intérêts pour exécution déloyale et au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- fixer son salaire mensuel brut à la somme de 3 510,00 euros ;
- condamner la SASU Action Logement Services à lui payer les sommes suivantes :
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 1 895,97 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied ;
- à titre principal, prononcer sa réintégration au sein de la SASU Action Logement Services et condamner celle-ci à lui payer les salaires à compter du licenciement jusqu'à sa réintégration, soit la somme de 214 110 euros pour la période du 19 avril 2019 au 23 mai 2024 ;
- à titre subsidiaire, de condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :
* 52 650,05 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 27 158,20 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 10 530 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 1 053 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
- condamner la SASU Action Logement Services à lui payer la somme due au principal avec intérêts de droit à compter de la demande en justice et ce jusqu'au parfait paiement ;
- dire que les intérêts seront capitalisés par année entière conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
- condamner l'employeur à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 mai 2024.
MOTIFS
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail.
L'article L. 1222-1 du Code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En l'espèce, la salariée fait valoir que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail en usant à son égard d'actes de pressions répétés. Elle présente trois arguments :
- ses conditions de travail étaient désastreuses et ont entraîné une détérioration de son état de santé, l'agence étant en sous-effectif constant (3 ou 4 salariés au lieu de 10 salariés) et les employés travaillant dans le cadre de contrats à durée déterminée dont certains duraient deux ou trois ans, ce qui entraînait un « turn-over » important,
- le 7 février 2018, elle a informé par courriel son supérieur hiérarchique de ses difficultés de l'année précédente mais la situation ne s'est pas améliorée,
- il lui a été demandé d'effectuer des tâches d'encadrement en sus de ses missions de chargée de clientèle, sans prise en compte de la charge de travail et sans mettre à jour son statut et sa rémunération.
Il est constant que la salariée a occupé le poste de chargée de clientèle, statut cadre.
Au vu notamment de l'entretien annuel du 8 janvier 2019, il est établi qu'elle a ensuite occupé les fonctions de responsable d'équipe Locatif, soit un poste de « manager », après avoir reçu une formation sur le « management » et il résulte de son compte rendu d'activité pour l'année 2017 (courriel du 7 février 2018) qu'elle a dû faire face à une surcharge d'activité en lien avec les missions supplémentaires confiées mais également avec les absences de certains salariés en arrêt de travail par exemple.
Pourtant, le dossier ne contient aucune pièce permettant d'établir que l'employeur aurait réagi à ce constat en prenant les mesures adéquates ; ce, même si la salariée n'établit pas la dégradation de son état de santé.
Dès lors que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail, il convient de le condamner à payer à la salariée la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de ce chef de demande.
Sur le licenciement pour faute grave.
L'article L 1232-1 du Code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à une cause réelle et sérieuse.
L'article L 1235-1 du même Code prévoit que le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur débiteur qui prétend en être libéré.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement, étant précisé que, depuis le 1er janvier 2018, les motifs énoncés peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié.
En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée comme suit :
« Madame,
(') nous avons le regret de vous informer de notre décision de vous licencier pour faute grave pour les faits ci-après énoncés.
Nous vous rappelons que vous avez été engagée le 31 août 1999 et que, depuis février 2018, vous êtes Responsable d'Equipe Locatif. A ce titre il vous appartient notamment :
D'assurer la gestion opérationnelle de l'activité, tout en veillant à l'application des évolutions règlementaires et en contrôlant le respect des procédures
D'animer, encadrer et motiver l'équipe.
Conformément aux dispositions de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ' dite Loi Sapin II ' des alertes internes ont été envoyées à la Direction du Service Locatif faisant état de favoritisme dans le cadre de votre fonction envers certains salariés d'entreprises clientes, au mépris de nos règles internes.
C'est pourquoi, la Direction de l'Audit a été saisie, à la demande de la Direction Générale, et est intervenue en direct sur le site de l'agence de [Localité 5], le mercredi 3 avril 2019, pour étudier le processus d'attribution des quatre dossiers identifiés et nommés dans les différents témoignages, à savoir :
- [H] [P] ' Orange
- [A] [U] ' Manpower en mission chez Orange
- [S] [W] ' Carrefour
- [I] [N] ' Boutique 123 (processus similaire juste débuté).
Les conclusions du rapport sont incontestables et confirment l'alerte remontée, ainsi il a été constaté ;
Le non-respect de la procédure d'instruction (cf. Un document de décembre 2018 intitulé « Synthèse des bonnes pratiques » - source : Direction de l'Offre Locative ALS et un document de juin 2017 intitulé « Procédure de traitement de la demande de logement ») pour les quatre dossiers avec intervention directe de la Responsable d'Equipe non prévue dans nos procédures internes ;
Un délai de traitement anormalement rapide dont la justification n'est pas apparente, eu égard au nombre de demandeurs Orange de rang prioritaire sur la candidature de Messieurs [P] et [U], mais également en raison de la forte tension du marché locatif sur la commune de [Localité 4] ;
Une présentation au bailleur avantagée par l'association de candidatures en rangs 2 et 3, incompatibles avec les critères d'attribution pour un T3 pour les 3 dossiers présentés ;
Un non-respect de la procédure susceptible de porter préjudice à l'entreprise Carrefour, avec le placement d'un candidat en dehors des règles fixées et l'accord de celle-ci (absence d'attestation ou de validation de l'employeur car traitement de la candidature en dehors du seul canal numérique obligatoire) ;
Une présomption de favoritisme contrevenant à la charte de déontologie du Groupe Action logement.
Tous ces faits, qui vous sont reprochés et qui vous ont été signifiés lors de l'entretien, mettent en exergue le non-respect de votre part des procédures en vigueur dans le cadre de l'attribution de logements locatifs à nos clients, ainsi qu'un manquement grave aux différentes missions et activités de votre poste de Responsable d'Equipe Locatif (cf. fiche emploi), justifiant un licenciement immédiat pour faute grave.
Vous avez par ailleurs fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée le 29 mars 2019 à 12 heures, cette période non travaillée ne sera pas rémunérée.
(') ».
Par lettre du 9 mai 2019, l'employeur a précisé, sur demande de la salariée, les motifs du licenciement comme suit :
« En réponse à votre courrier en date du 29 avril dernier, vous voudrez bien trouver, ci-joint, les précisions demandées par vos soins à la lettre de licenciement qui vous a été notifiée.
Par ailleurs, les explications avancées dans votre correspondance ne sont aucunement de nature à remettre en cause le bien-fondé de notre décision. Bien au contraire, elles nous conduisent à constater que vous n'avez toujours pas pris la mesure de la gravité de vos agissements.
Vous faites enfin référence, dans votre correspondance, à « différents cas de favoritisme dans le même service qui n'ont pourtant pas fait l'objet d'aucune alerte en interne ». Vous voudrez bien nous apporter toute précision ou information à ce sujet de telle sorte que nous puissions faire l'entière lumière sur ces éventuels agissements et en tirer les conséquences qui s'imposent. (') ».
Est joint à cette lettre le document suivant :
« Le dossier procède de faits de favoritisme de Madame [C] [E] dans le traitement des dossiers suivants :
Dossier n°1 : [A] [U]
Entreprise : Manpower en mission chez Orange.
Date de numéro SNE : 5 mars 2018 avec actualisation en février 2019.
Date de dépôt de dossier ALS : 8 février 2019 (date de saisie sur l'extranet).
Collaborateur ALS en charge de l'enregistrement du dossier : [F] [B].
Collaborateur ALS en charge de la présentation de la candidature : [C] [L].
Date de lettre d'attribution adressée au bailleur : 8 février 2019 pour un logement de type T3.
Date de commission d'attribution : 14 février 2019.
Date de signature du bail : 27 février 2019.
Bailleur et commune du logement : Promologis/ commune de [Localité 4] (zone tendue).
Constats
Sont établis les constats suivants :
- Un délai de traitement anormalement rapide par les services d'ALS, dont la justification n'est pas apparente eu égard à la fois au nombre de demandeurs Orange de rang prioritaire sur la candidature de M. [U], mais également en raison de la forte tension du marché locatif sur la commune de [Localité 4].
- Une intervention directe de la chef d'équipe non prévue dans les procédures internes (mention dans les statistiques du service).
- Une lettre de présentation au bailleur, signée de [V] [O], mentionnant le caractère prioritaire de la candidature pour Action Logement Services.
- Une présentation au bailleur avantagée par l'association de candidatures incompatibles avec les critères d'attribution d'un T3.
- Candidature n°2 présentant un niveau de suroccupation : couple avec 2 enfants.
- Candidature n°3 présentant un niveau de sous-occupation : couple sans enfant.
- Une proximité de lieu de travail avec le dossier n°2 (agence Orange).
Dossier n°2 : [H] [P]
Entreprise : Orange.
Date de numéro SNE : 8 octobre 2018 avec actualisation le 29 octobre 2018.
Date de dépôt de dossier ALS : 7 septembre 2018 (date de saisie sur l'extranet).
Collaborateur ALS en charge de l'enregistrement du dossier : Non précisé.
Collaborateur ALS en charge de la présentation de la candidature : [V] [O].
Date de lettre d'attribution adressée au bailleur : 8 février 2019 pour un logement de type T3.
Date de commission d'attribution : 14 février 2019.
Date de signature du bail : 27 février 2019.
Bailleur et commune du logement : Promologis/ commune de [Localité 4] (zone tendue).
Constats
Sont établis les constats suivants :
- Un délai de traitement anormalement rapide par les services d'ALS, dont la justification n'est pas apparente eu égard à la fois au nombre de demandeurs Orange de rang prioritaire sur la candidature de M. [P], mais également en raison de la forte tension du marché locatif sur la commune de [Localité 4].
- Une intervention directe de la chef d'équipe non prévue dans les procédures internes.
- Une lettre de présentation au bailleur, signée de [V] [O], mentionnant le caractère prioritaire de la candidature pour Action Logement Services.
- Une présentation au bailleur avantagée par l'association de candidatures incompatibles avec les critères d'attribution d'un T3.
- Candidature n°2 présentant un niveau de sous-occupation : célibataire avec 1enfant en droit de visite.
- Candidature n°3 présentant un niveau potentiel de suroccupation : célibataire avec garde alternée de deux enfants.
- Une proximité de lieu de travail avec le dossier n°2 (agence Orange).
Dossier n°3 : [S] [W]
Entreprise : Carrefour.
Date de numéro SNE : 3 mai 2017 avec actualisation le 29 octobre 2018.
Date de dépôt de dossier ALS : 17 octobre 2017 (date de saisie sur l'extranet).
Collaborateur ALS en charge de l'enregistrement du dossier : [X] [G].
Collaborateur ALS en charge de la présentation de la candidature : [Y] [E].
Date de lettre d'attribution adressée au bailleur : Non disponible
Date de commission d'attribution : Non disponible.
Date d'entrée dans les lieux : 18 février 2019 dans un logement de type T3.
Bailleur et commune du logement : CDC Habitat/[Localité 3] (zone tendue).
Constats
Sont formellement établis les constats suivants :
- Une intervention directe de la chef d'équipe non prévue dans les procédures internes.
- Une absence d'attestation ou de validation de l'employeur.
- L'utilisation dans les dossiers Action Logement Services d'un numéro de SNE échu.
- Une lettre de présentation au bailleur qui fait défaut sans que ceci ne puisse être directement imputable à Mme [E].
- Une présentation au bailleur ne répondant pas aux critères d'attribution d'un T3 : couple attendant un enfant.
Dossier n°4 : [I] [N]
Entreprise : Boutique 123.
Date de numéro SNE : 19 février 2019.
Date de dépôt de dossier ALS : 20 février 2019 (dossier papier).
Collaborateur ALS en charge de l'enregistrement du dossier : [F] [B].
Collaborateur ALS en charge de la présentation de la candidature : [Y] [E].
Date de lettre d'attribution adressée au bailleur : candidature non présentée.
Constats
- Une intervention directe de la chef d'équipe non prévue dans les procédures internes.
- Une absence d'enregistrement sur le SNE.
Ces différentes précisions, qui sont extraites du rapport d'audit visé dans la lettre de licenciement, confirment donc les très graves manquements de Madame [E] aux règles en vigueur au sein de notre entreprise ».
L'employeur reproche à la salariée d'être intervenue directement dans la procédure d'obtention de logements à quatre reprise et d'avoir proposé quatre candidatures à l'obtention d'un logement dans des conditions non conformes.
L'analyse des pièces produites ne suffit pas à écarter le doute qui doit profiter à la salariée.
D'une part, les témoignages et lettres produits faisant état pour certains (Mmes [B], [D], MM. [O] et [M]) de l'intervention de la salariée dans l'attribution de logement, par la commission d'attribution des logements (CAL), à deux hommes travaillant au sein du magasin Orange (MM. [P] et [U]) contre l'obtention de deux Iphones à des prix intéressants et d'autre part, le document intitulé « Relevé d'observations Procédure d'analyse d'un soupçon de corruption au sein de l'agence de [Localité 5] » mentionnant que MM. [U] et [P] ont été présentés en rang 1, avec à chaque fois deux autres candidats qui ne pouvaient pas sérieusement leur faire concurrence, ne permettent pas d'établir avec certitude la fraude reprochée à la salariée.
En effet, en premier lieu, ni la « Synthèse des bonnes pratiques », ni la « Procédure de traitement de la demande de logement » auxquels l'employeur fait référence dans sa lettre de rupture, ne sont produits au dossier alors qu'ils auraient mis en mesure la Cour de vérifier si, effectivement, les fonctions de la salariée faisaient obstacle à ce qu'elle intervienne directement dans le dépôt des dossiers.
En deuxième lieu, aucune liste des candidatures alors en cours de traitement ne permet de vérifier les conclusions du rapport produit par l'employeur sur la zone tendue, le délai de traitement des dossiers et, surtout, sur le caractère faussement avantageux ou tronqué des dossiers litigieux soumis à la CAL au détriment d'autres dossiers qui auraient mérité d'être proposés en lieu et place des personnes évoquées dans la lettre de licenciement.
En troisième lieu, alors que la salariée conteste les faits reprochés, les propositions d'attribution de logement soumises à la CAL sont signées du chargé de clientèle, M. [V] [O], et non de l'intéressée.
Enfin, les paroles attribuées à la salariée par les membres de son équipe au sujet des deux téléphones portables ne suffisent pas à elles seules à établir une fraude ; ce, d'autant que celle-ci verse aux débats deux factures d'achat de téléphones, concomitantes des faits reprochés, dont les montants n'apparaissent pas disproportionnés, ainsi que l'attestation régulière en la forme de M. [A] [U], salarié du magasin Orange, précisant que les achats ont été faits au regard de l'ancienneté et des forfaits de la cliente.
Il s'ensuit qu'un doute subsiste et qu'il doit profiter à la salariée.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire.
Sur la réintégration.
L'employeur estime que la Cour n'est pas valablement saisie de l'appel incident des chefs de jugement relatifs à la demande de réintégration en ce que la salariée sollicite la confirmation des dispositions relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'infirmation du rejet de sa demande au titre de la réintégration.
Toutefois, la salariée sollicite la réintégration à titre principal et la condamnation au paiement de sommes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, de sorte que l'effet dévolutif a opéré.
L'article L.1235-3 alinéas 1 et 2 du code du travail prévoit que « si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous ».
En l'espèce, si la salariée sollicite à titre principal sa réintégration, l'employeur s'y oppose, de sorte que sa demande doit être rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.
L'employeur estime encore que la Cour n'est pas valablement saisie de l'appel incident des chefs de jugement relatifs aux demandes de condamnation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en ce que la salariée se contredit dans le dispositif de ses conclusions, demandant à la fois la confirmation et l'infirmation des dispositions du jugement ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Effectivement, la salariée se contredit dans ses demandes contenues au dispositif de ses conclusions car elle sollicite à la fois :
- la confirmation des dispositions ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et ayant condamné l'employeur à payer les sommes de 14 681,25 euros brut au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, 26 547,75 euros brut au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 8 808,75 euros brut de l'indemnité compensatrice de préavis et 880,88 euros brut de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
- et l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé la somme au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, sollicitant la somme de 52 650,05 euros,
* la somme au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, sollicitant la somme de 27 158,20 euros,
* la somme au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, sollicitant la somme de 10 530 euros,
* la somme au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, sollicitant la somme de 1 053 euros.
Or, en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement et doit mentionner les chefs du jugement attaqué.
Il en résulte que lorsque l'appel incident de l'intimé tend à la fois à la confirmation et à l'infirmation des mêmes dispositions d'un jugement, la Cour n'est saisie d'aucune demande et l'effet dévolutif n'opère pas.
Il y aura lieu en conséquence de confirmer le jugement de ces chefs.
Sur les demandes accessoires.
L'employeur devra rembourser à France Travail les allocations de chômage servies à Mme [C] [J] dans la limite d'un mois, ainsi que l'a décidé le conseil de prud'hommes.
Il sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.
Il est équitable de le condamner à payer à la salarié la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;
INFIRME le jugement du 28 mars 2022 du conseil de prud'hommes de Montpellier en ce qu'il a débouté Mme [C] [J] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
Statuant à nouveau de ce seul chef,
CONDAMNE la SASU Action Logement Services à payer à Mme [C] [J] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail ;
DIT que la Cour est valablement saisie de la demande au titre de la réintégration ;
DIT que les demandes contradictoires de Mme [C] [J] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et des sommes allouées au titre de la rupture abusive n'opèrent pas d'effet dévolutif et que la Cour n'est pas saisie de ces demandes ;
CONFIRME le surplus du jugement ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SASU Action Logement Services à payer à Mme [C] [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE par la SASU Action Logement Services aux entiers dépens de l'instance ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT