RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /23 DU 22 FEVRIER 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/02436 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3IW
Décision déférée à la Cour :
jugement du Tribunal de Commerce de NANCY, R.G. n° 2018.008056, en date du 23 août 2021,
APPEL PRINCIPAL / INTIME SUR APPEL INCIDENT :
S.A.R.L. SOCIETE FRANCAISE DE TELESURVEILLANCE, [Adresse 4] à [Localité 12]/FRANCE inscrite au registre du commerce et des sociétés de Nancy sous le numéro 333 996 197, exerçant sous l'enseigne SOFRATEL
Représentée par Me Patrice CARNEL de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocat au barreau de NANCY
Avocat plaidant Me Manuel DE ABREU avocat au barreau de Valencienne
INTIMÉS :
Monsieur [S] [H]
né le 12 Juin 1972 à [Localité 11], [Adresse 2] en sa qualité de gérante de droit de la société SE3I,
Représenté par Me Didier LANOTTE, avocat au barreau de NANCY
Monsieur [C] [G], demeurant [Adresse 1] en sa qualité de gerant de fait de la société SE3I,
Représenté par Me Didier LANOTTE, avocat au barreau de NANCY
Madame [P] [B], demeurant [Adresse 5]
Représentée par Me Armin CHEVAL de la SELAFA AUDIT-CONSEIL-DEFENSE, avocat au barreau de NANCY
INTIMES SUR APPEL PRINCIPAL / APPEL INCIDENT
S.A.R.L. SE3I, [Adresse 6] inscrite au registre du commerce et des société sous le numéro anciennement dénommée SOFRATEL FRANCE exerçant sous l'enseigne SE3I SOFRATEL FRANCE
Représentée par Me Aline POIRSON de la SELARL LYON MILLER POIRSON, avocat au barreau de NANCY
Madame [J] [V]
née le 27 Mai 1971 à [Localité 13], demeurant [Adresse 3] en sa qualité de gérante de droit de la société SE3I,
Représentée par Me Aline POIRSON de la SELARL LYON MILLER POIRSON, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de Chambre chargé du rapport et Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre,
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,
Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 22 Février 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 22 Février 2023, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCEDURE
La Société française de télécommunications, ci après dénommée société Sofratel, a été crée en 1985 avec une activité liée aux systèmes de sécurité et à l'installation et la maintenance de dispositifs de sécurité et de télésurveillance.
Depuis 2012, M. [X] [G] est associé majoritaire et gérant, à hauteur de 251 parts et son frère M. [C] [G] détient les 249 autres parts.
Jusqu'en 2016, le siège social était situé [Adresse 6] à [Localité 12] (54) et la société comporte deux établissements l'un à [Localité 12] et l'autre à [Localité 7] (59), au sein duquel M. [X] [G] exerce ses fonctions.
Au siège social se trouvait Mme [J] [V], responsable commerciale, Mme [P] [B], employée en comptabilité, M. [A] [W], technicien installateur, outre deux autres salariés employés en contrat à durée déterminée.
Plusieurs autres sociétés ont été créées, ayant également leur siège social [Adresse 6] à [Localité 12] :
- la société civile immobilière Monse, propriétaire de l'immeuble et dont le gérant est M. [C] [G],
- la société SOFRATELE, créée en 1995, dont la gérant est M. [C] [G] et M. [X] [G] associé,
- la société PROSYSTEL, créée en 2001 par M. [C] [G] et Mme [J] [V],
- la société SOFRATEL France, créée en 2007 par M. [C] [G] et dénommée société SE3I depuis décembre 2015, dont la gérance a été confiée à Mme [J] [V] jusqu'au 26 novembre 2015, puis à M. [S] [H], du 27 novembre 2015 au 30 novembre 2016, puis à nouveau à Mme [J] [V].
M. [C] [G] détient 997 des parts de la société et Mmes [J] [V], [P] [B] et M. [A] [W], une part chacun.
L'activité de la société SOFRATEL France devenue SE3I, onsiste dans l'installation d'alarme, de vidéo contrôle, d'accès incendie.
En juillet 2016, des saisies attributions ont été diligentées sur les comptes de la société SOFRATEL au bénéfice des sociétés SE3I, PROSYTEL, SOFRATELE et MONSE.
Mmes [J] [V] et [P] [B] ont été licenciées pour faute lourde et M. [A] [W] a démissionné alors qu'il était mis à pied à titre conservatoire.
Par ailleurs, la société SOFRATEL a engagé une action en concurrence déloyale à l'encontre de la société SE3I, Mme [J] [V], M [S] [H], M. [C] [G] et Mme [P] [B].
Le tribunal a proposé une conciliation, qui a échoué et par jugement du 23 août 2021, il a :
- déclaré la société SOFRATEL irrecevable en ses demandes à l'encontre de Mme [P] [B],
- dit n'y avoir lieu à se prononcer sur le litige opposant la société SOFRATEL à Mme [J] [V],
- déclaré la société SOFRATEL mal fondée en ses demandes au titre de la concurrence déloyale à l'encontre de la Sarl SE3I, de M. [S] [H] et de M. [C] [G] et l'en a déboutée,
- condamné la société SE3I à payer à la société SOFRATEL la somme de 26.606,92€,
-condamné la société SE3I à payer à la société SOFRATEL la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société SE3I à payer à Mme [P] [B] la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 8 octobre 2021, la société SOFRATEL a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 3 juin 2022, la société SOFRATEL sollicite l'infirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 23 août 2021 en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable sa demande à l'encontre de Mme [P] [B]
- déclaré n'y avoir lieu à se prononcer sur le litige l'opposant à Mme [J] [V],
- déclaré mal fondées ses demandes au titre de la concurrence déloyale à l'encontre de la société SE3I, de M. [S] [H] et de M. [C] [G],
- condamné la société SOFRATEL à payer à Mme [P] [B] la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau demande de :
- déclarer ses demandes recevables,
- juger que les agissements de la société SE3I, avec la complicité ou sous la direction de M.[S] [H], Mme [J] [V], Mme [P] [B] et M. [C] [G], sont bien constitutifs d'actes de concurrence déloyale ;
- ordonner l'arrêt immédiat des agissements de concurrence déloyale de la part de la société SE3I, ainsi que de son animatrice, Mme [J] [V] et ce sous astreinte de 10 000.00 euros par infraction constatée,
- condamner solidairement la société SE3I, M.[S] [H], Mme [J] [V], Mme [P] [B] et M. [C] [G] à lui payer la somme de 416 329.00 euros pour le préjudice subi durant le temps de la cohabitation parasitaire et 250 000.00 euros pour le préjudice subi postérieurement au 29 juillet 2016 ;
- subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour estimait être insuffisamment informée pour statuer sur la demande indemnitaire, ordonner une expertise financière aux fins de détermination de l'amplitude du préjudice subi;
- ordonner la publication de la décision dans la presse dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision ;
- ordonner l'affichage du dispositif du jugement sur la page d'accueil du site internet de la société SE3I (http://www.se3i.fr) ou de tout autre site de la société;
En tout état de cause,
- débouter purement et simplement Mme [P] [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- débouter purement et simplement Mme [J] [V] et la société SE3I de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner solidairement la société SE3I, M.[S] [H], Mme [J] [V], Mme [P] [B] et M. [C] [G] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;
Y ajoutant,
- condamner solidairement la société SE3I, M.[S] [H], Mme [J] [V], Mme [P] [B] et M.[C] [G] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
- les condamner en outre solidairement aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, en ce compris les frais de greffe et les frais de constats d'huissier.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 7 avril 2022, Mme [J] [V] et la société SE3I demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- déclaré n'y avoir lieu a se prononcer sur le litige opposant la société SOFRATEL à Mme [J] [V],
- déclaré la société SOFRATEL mal fondée en ses demandes au titre de la concurrence déloyale à l'encontre de la société SE31, de M. [S] [H] et de M. [C] [G],
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 23 aout 2021 en qu'il l'a condamnée à payer à la société SOFRATEL la somme de 23.606,92 euros et 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau :
- débouter la société SOFRATEL de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions
- condamner la société SOFRATEL payer à la sociéte SE31 et à Madame [J] [V] la somme de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 21 mars 2022, Mme [P] [B] sollicite la confirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de la société SOFRATEL à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M.M [S] [H], M. [C] [G] ont constitué avocat mais n'ont pas conclu par le RPVA. Il n'y aura donc pas lieu d'examiner les conclusions insérées au dossier de plaidoirie remis à la cour.
En application de l' article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précédemment visées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
1- Sur la demande formée à l'encontre de Mme [P] [B]
Mme [P] [B] était salariée de la société SOFRATEL et associée de la société SE3I.
En première instance, Mme [P] [B] a demandé au tribunal de constater qu'il n'était pas compétent pour statuer sur les demandes formulées à son encontre et de les déclarer irrecevables.
Le jugement entrepris, après avoir constaté que les actes reprochés à Mme [P] [B], ont été réalisés alors qu'elle était salariée de la Sarl SOFRATEL en a conclu que les faits relevaient de la compétence exclusive du conseil de prud'hommes, qu'en conséquence le tribunal de commerce n'avait pas le pouvoir juridictionnel de trancher le litige et a en conséquence déclaré irrecevables les demandes formées à son encontre.
La société SOFRATEL fait valoir que la demande de Mme [P] [B] ne pouvait être déclarée irrecevable puisqu'il s'agissait d'un problème de compétence et non d'une fin de non-recevoir et que de ce seul fait la décision du tribunal de commerce doit être infirmée.
Même si le tribunal de commerce était incompétent pour statuer sur la demande eu égard à la compétence du conseil de prud'homme, ainsi que l'a relevée le premier juge, l'incompétence ne pouvait toutefois conduire à prononcer à une irrecevabilité pour défaut de pouvoir juridictionnel.
Par ailleurs, la demande était soumise aux dispositions de l'article 75 du code de procédure civile et il appartenait donc à Mme [P] [B] d'indiquer la juridiction qu'elle estimait compétente.
Faute d'avoir satisfait à cette obligation, l'exception soulevée était irrecevable et le tribunal de commerce était tenu de statuer au fond, le jugement étant infirmé sur ce point.
2- Sur la demande formée à l'égard de Mme [J] [V]
En première instance, Mme [J] [V], s'associant aux conclusions de la société SE3I avait conclu à l'irrecevabilité de la demande ainsi qu'à son débouté.
Le tribunal a retenu que les actes qui seraient susceptible de caractériser la concurrence déloyale ont été exécutés alors qu'elle était salariée, qu'ils relèvaient de la compétence exclusive du conseil de prud'hommes et que 'la défenderesse ayant précisé que la procédure devant cette juridiction était actuellement pendante, il n'y a pas lieu de se prononcer sur le litige'.
La société SOFRATEL observe que Mme [J] [V] n'avait nullement soutenu en première instance que la juridiction était incompétente et qu'en s'abstenant de statuer la juridiction a en réalité commis un déni de justice.
Dès lors qu'aucune exception ni d'incompétence, ni éventuellement de litispendance n'avait été soulevée, le tribunal de commerce était effectivement tenu de statuer, le jugement devant être infirmé sur ce point.
3- Sur les actes de concurrence déloyale
La société SOFRATEL fonde son action en concurrence déloyale et parasitaire sur l'article 1240 du code civil, qui suppose l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.
Elle fait valoir que les intimés ont commis des actes de dénigrement, de désorganisation par l'intermédiaire du personnel de l'entreprise , de désorganisation générale du marché, de désorganisation de l'activité commerciale de l'entreprise et enfin de confusion entre les deux entreprises.
3-1 Sur le dénigrement
La société SOFRATEL indique avoir été informée par divers clients qu'ils avaient été démarchés par la société SE3I et produit deux exemplaires d'un courrier du 5 janvier 2017, adressés à deux de ses clients, par lequel Mme [J] [V] en qualité de gérante de la société SE3I indique que la société SOFRATEL a 'laissé sur la touche' l'équipe de [Localité 12] que le destinataire 'étant client et satisfait de l'équipe de l'Est sous le nom de Sofratel', elle propose des services de meilleure qualité 'sous la dénomination de SE3I'.
La société SE3I ne conteste l'existence du mailing mais indique qu'il a été réalisé plus de six mois après le licenciement de Mme [J] [V] et qu'il s'agissait de répondre aux accusations diffamatoires lancées par la nouvelle équipe commerciale de la société SOFRATEL, mise en place après les licenciements.
Pour justifier de ces propos, elle produit un courrier recommandé avec accusé de réception de la société Pignolet matériel adressé le 7 mars 2018 , par lequel cette dernière signifie qu'elle n'a pas à intervenir dans le litige existant entre les deux sociétés.
Ce courrier ne justifie toutefois l'envoi non contesté par la société SE3I d'un courrier aux clients de la société SOFRATEL, dont la liste n'était connue par Mme [J] [V] qu'en sa qualité d'ancienne salariée de la société SOFRATEL, par lequel elle dénigre effectivement son ancien employeur en indiquant que l'outillage n'était pas renouvelé, que les livraisons fournisseur étaient réduites et qu'il n'existait aucune possibilité d'embauche.
La société SOFRATEL produit par ailleurs un article paru dans le Journal des Entreprises édition Lorraine, au sein duquel Mme [J] [V] indique 'relancer la société SE3I à la suite du licenciement de l'ensemble de l'équipe de Sofratel à [Localité 12]'.
Elle indique que le 29 juillet le gérant 'est arrivé avec des lettres de licenciement, un huissier et des déménageurs ...Ils ont vidé les bureaux, récupéré toutes les archives... Par la suite nous avons appris qu'une nouvelle entité Sofratel avait été créée à [Localité 12] et opérait sur les mêmes marchés que nous....'.
Or, le constat d'huissier établi à cette occasion fait apparaître que ce sont Mme [J] [V] et Mme [P] [B] qui se sont opposés à l'entrée de l'employeur dans les locaux de sa propre entreprise et que ce dernier a dans un deuxième temps dû se faire assister de la force publique, le licenciement des deux salariés étant consécutif à ces événements.
Il ne résulte par ailleurs d'aucune pièce du dossier que la société SOFRATEL ait créé une nouvelle structure visant à concurrencer son propre établissement, mais a simplement poursuivi son activité avec de nouveaux salariés.
Il s'agit donc également d'une présentation qui vise à dénigrer la société SOFRATEL.
3-2 Sur les actes de désorganisation
Au titre de la désorganisation du marché, la société SOFRATEL fait valoir que la société SE3I diffuse une plaquette d'information sur lequel figure le logo APSAD, alors qu'elle n'est pas détentrice de cette certification et que cette affirmation erronée fausse le marché.
La société SE3I reconnaît qu'elle n'est pas certifiée APSAD, mais indique que l'entreprise avec laquelle elle travaille en télésurveillance dispose de cette qualification, sans toutefois en justifier.
Par ailleurs, elle observe que la société SOFRATEL ne dispose elle-même pas de la qualification APSAD, ce que cette dernière ne conteste pas.
Alors qu'au surplus le logo APSAD n'est que l'un des huit figurant sur la documentation de la société SE3I, ce fait apparaît peu pertinent pour justifier d'une désorganisation du marché.
La société SOFRATEL se prévaut ensuite d'une désorganisation par l'intermédiaire du personnel de l'entreprise, dès lors que Mme [J] [V] et [P] [B] ont développé une activité commerciale concurrente durant l'exécution de leur contrat de travail et que la société a usé du travail de [A] [W], lui même salarié. Ce grief rejoint celui tiré de la confusion dont se prévaut l'appelante.
3-3 - Sur les actes allégués de moyens de confusion
Sur l'utilisation des moyens financiers et du personnel de la société SOFRATEL
La société SOFRATEL fait valoir que la société intimée à développé son activité en utilisant son personnel et s'appuie sur les données comptables de l'entreprise qui font apparaître :
- 17413€ de rémunération du personnel en 2013 pour des produits d'exploitation à hauteur de 36488€,
- 13560€ de rémunération du personnel en 2014 pour des produits d'exploitation à hauteur de 56124€,
- 13861€ de rémunération du personnel en 2015 pour des produits d'exploitation à hauteur de 125467€,
- 39379€ de rémunération du personnel en 2016 pour des produits d'exploitation à hauteur de 297376€.
La société SE3I ne conteste pas qu'elle ne disposait que de peu de salariés, ce qui est manifeste au vu des rémunérations versées et n'a jamais fourni son registre du personnel malgré les sommations de la société SOFRATEL.
Par ailleurs, l'ensemble des pièces produites par les parties permettent d'identifier uniquement un salarié en la personne de M.[D].
L'intimée indique qu'elle recourrait essentiellement à la sous-traitance, mais ne produit pas de pièces qui permettrait d'en justifier et ne procède à aucune analyse comptable qui permettrait de le confirmer.
Il sera uniquement possible d'observer que les charges de sous-traitance sont comptabilisés en charges externe, dont l'évolution est la suivante : 4658€ en 2013, 9784€ en 2014, 44613€ en 2015, 105.478€ en 2026, étant toutefois observé qu'en l'absence de toute autre pièce plus précise produite par la société SE3I, il ne peut être exclu que cette augmentation soit due à l'accroissement d'autres charges externes.
La société SOFRATEL se prévaut également d'un constat du 3 août 2016 par lequel l'huissier relève que M. [A] [W], indique être salarié de la 'société SOFRATEL [Localité 11]', qu'il est en congé, mais que 'son patron M. [C] [G] l'a appelé afin d'intervenir dans les locaux de la société Coliposte en sous-traitance de la société ADS', l'intéressé indique que 'la société SOFRATEL est sous-traitant technique pour la société SE3I. Il m'indique que la société ADS est un client SE3I et que la Poste est un client ADS'.
Il résulte de ce constat, malgré le défaut de clarté des explications de l'intéressé que M. [A] [W], salarié de la société SOFRATEL intervient pour le compte de la société SE3I auprès d'un client de cette dernière société.
Plusieurs échanges de courriels établissent par ailleurs que M. [A] [W] intervient au bénéfice du client ADS, dont le sous-traitant est la société SE3I, au cours des mois de mai à juillet 2016.
En outre le 11 juillet 2016, M. [A] [W] établit un bon de commande au nom de SE3I-SOFRATEL France, alors qu'il n'est nullement salarié de cette société.
Enfin, la société SOFRATEL produit les plannings de M. [A] [W] pour les semaines des 20 juin 2015 au 4 décembre 2015 en surlignant les multiples clients dont elle indique qu'il ne s'agit pas des siens, plannings non contestés par la société SE3I.
Le recours aux service de M. [A] [W], salarié de la société SOFRATEL, par la société SE3I est donc pleinement établi.
Par ailleurs, il résulte de différents mails que Mme [P] [B] sur instruction de Mme [V], établit des facturations au bénéfice de la société SE3I.
L'appelante procède également à la comparaison des ratios matières premières/ produits d'exploitation de la société SE3I au cours des années 2015 et 2016.
En 2015, les comptes font apparaître 15.752€ d'achats de matières premières pour un produit d'exploitation de 125.46€, soit un ratio de 12%.
Au cours de l'année 2016, durant laquelle au mois de juillet, tout lien a été rompu entre les deux sociétés, il est comptabilisé, 130.001€ au titre des matières premières pour un produit d'exploitation de 297.376€, soit un ratio de 43%.
La société SE3I indique travailler avec les matières premières fournies par les clients, ce qui expliquerait le faible montant de ses achats, mais n'explique pas l'augmentation brutale du ratio entre les années 2015 et 2016.
Sur l'activité développée par la société SE3I
La société SOFRATEL fait valoir que la société SE3I a utilisé et utilise encore des documents de présentation strictement identiques aux siens afin de maintenir la confusion dans l'esprit des clients, qui pensaient n'avoir affaire qu'à un seul interlocuteur et ont découvert après juillet 2016 qu'ils avaient contracté avec deux sociétés différentes, alors que la société SE3I n'avait pas sa crédibilité et son importance puisque la société SOFRATEL emploie plusieurs centaines de salariés à travers toute la France.
Il est exact qu'en févier 2016 alors que la société SOFRATEL France est devenue SE3I , elle établit toujours ses devis au nom de SOFRATEL France -SE3I, la mention SE3I, dénomination officielle de l'entreprise, figurant sur certains documents en caractère nettement plus petits que SOFRATEL.
Enfin, la société SOFRATEL produit une attestation de M [Y], responsable commercial de la société SOFRATEL selon laquelle un client lui indique le 31 août 2017, soit près d'un an après la rupture entre les deux sociétés, avoir été démarché par une personne, se présentant comme appartenant à 'SOFRATEL [Localité 12]', alors que son équipe ne comporte pas de femme et qu'aucune action commerciale n'avait été planifiée sur la commune, l'auteur de l'appel étant probablement Mme [J] [V].
Les intimés font valoir que les documents adressés au différents clients sont clairs quant aux identités des différentes structures, ce que leur lecture ne permet pas de confirmer. Par ailleurs, Mme [J] [V] utilise l'adresse courriel de la société SOFRATEL pour les correspondances relatives à la société SE3I.
La société SOFRATEL fait ensuite état des clients ci-après pour faire valoir que la société SE3I a développé son activité en maintenant la confusion :
1- Client Optic 2000
La société SOFRATEL justifie que la société SE3I a installé un matériel en juin 2015 auprès de ce client alors que depuis quinze ans il était son propre client, sans toutefois en justifier.
La facturation est établie au nom de SOFRATEL France en ce qui concerne l'installation du matériel (pièce n° 40), l'abonnement étant quant à lui facturé au nom de la société SOFRATEL, sur deux factures d'un format strictement identique à l'exception de la mention 'France'.
La confusion est telle pour le client qu'il a établi un chèque global. Par une attestation du 29 avril 2016, Mme [J] [V] indique que ce chèque est perdu, sans qu'il soit toutefois possible d'établir à quelle société la somme a été au final réglée.
2- Client Sauter Régulations
La société SOFRATEL fait valoir qu'il s'agit d'un de ses clients depuis plus de cinq années, au bénéfice duquel elle a installé le matériel, alors que la société SE3I lui a fait souscrire un contrat de maintenance en 2016.
Elle produit toutefois uniquement le contrat de maintenance au nom de la 'Sarl SE3I -SOFRATEL France', sans toutefois justifier qu'il s'agissait de l'un de ses clients et c'est à juste titre que le premier juge a écarté ce contrat.
3- Client Communauté de commune du sud messin
L'installation du matériel a eu lieu en 2014 par la société SOFRATEL, mais le contrat de maintenance, à hauteur de 864€ annuels sur trois ans, a été établi à la même date au nom de SOFRATEL France, sous la même signature de Mme [J] [V] pour les deux sociétés ( pièce n° 43).
Le premier juge a retenu que le choix de la société SE3I a été fait avec l'accord du gérant de la Sarl SOFRATEL représenté par M. [C] [G], cet élément n'étant pas déterminant puisque la concurrence déloyale est également invoquée à l'égard de ce dernier.
4 - Client Campus [8] [Localité 9]
Selon l'appelant c'est la société SOFRATEL qui a remporté l'appel d'offres, mais c'est la société SE3I qui a fourni les pièces pour finaliser le marché.
Ainsi que l'a retenu le premier juge, la société SOFRATEL n'établit pas que c'est la société SE3I qui aurait fourni un Kbis et un RIB lors de l'étape ultime de la finalisation du contrat.
Par ailleurs, la perte d'exploitation annoncée par la société SOFRATEL à hauteur de 997.587,814€ brut, sans pièces justificatives, est incohérente puisqu'elle est supérieure aux produits d'exploitation de la société SE3I sur les années 2015 et 2016.
5- Client Syndicat hospitalier de la blanchisserie de Metz
La société SE3I a régularisé en juin 2014 deux contrats d'installation et de maintenance de matériel au profit de ce client dont la société SOFRATEL soutient qu'il s'agit d'un de ses clients historiques.
Le premier juge a retenu que la société SOFRATEL n'établissait pas qu'il s'agissait de l'un de ses clients et à hauteur d'appel, cette dernière n'apporte pas plus de précisions sur ce point.
6- Client AEIM
La société SOFRATEL produit deux devis établis en 2016 par la société SE3I portant les initiales AP, dont elle indique qu'il s'agit de M. [U] [K], qu'elle avait elle-même embauché en tant qu'apprenti, soit du 10 octobre 2013 au 31 juillet 2015 selon le contrat produit.
Alors que la société SOFRATEL n'indique pas avoir embauché l'intéressé à la suite du contrat d'apprentissage, les devis établis au nom de la société SE3I plus d'un an après la fin de ce contrat ne sont pas constitutifs d'actes de concurrence déloyale.
7- Client CHRU de [Localité 11]
La société SOFRATEL justifie qu'elle est titulaire du marché de télésurveillance de l'établissement et produit une facture du 10 mai 2016 d'un montant de 1050€ établie à son nom.
Elle indique que par un courriel du 14 août 2015, Mme [J] [V] en invoquant une 'restructuration interne' a demandé à Mme [J] [B] d'adresser au CHRU de [Localité 11] un nouveau relevé d'identité bancaire de la Banque populaire, banque de la société SE3I.
Ainsi que l'a retenu le premier juge la facture adressée ultérieurement le 10 mai 2016 comporte toutefois bien les coordonnées bancaires de la société SOFRATEL.
8- Client communauté de communes de [Localité 13]
8-1 Contrat avec le contrat de rugby club de la ville
La société SOFRATEL observe que le devis comporte les références AP, ce qui ne présente toutefois pas d'intérêt(cf § 6 AEIM).
Un mail courriel du 4 décembre 2015 de Mme [J] [V] ( pièce n° 65) et une facture du 10 février 2016 de 73,18€ ( pîèce n° 56) établissent toutefois que c'est M. [A] [W] qui est intervenu
8-2 Contrat pour la médiathèque de la ville
La société SE3I a émis le 11 juillet 2016 un devis d'intervention pour un montant de 2.196,00€ ( pièce n° 57) et a émis une facture du même montant le 19 août 2016.
Le bon d'intervention est réalisé par M. [A] [W] et est établi au nom de la société SOFRATEL
8-3 Contrat pour l'école de la ville
Une facture est émise le 22 février 2015 au nom de la société SOFRATEL à hauteur de 1044,28€, mais comporte les références bancaires de la société SE3I auprès de la Banque populaire.
8-4 Contrat d'abonnement muli-bâtiment au centre de réception des alarmes anti-intrusion
Ce contrat est établi au nom de la société SOFRATEL, mais comporte les références bancaires de la société SE3I, le préjudice étant évalué par le premier juge à hauteur de 15.000€.
8-5 Contrat concernant l'école primaire [Localité 14]
La facturation est établie à l'en-tête de la société SOFRATEL à hauteur de 100,04€, mais comporte les coordonnées bancaires de la société SE3I.
8-6 Contrat concernant l'espace Montrichard
La facturation est établie à l'en-tête de la société SOFRATEL à hauteur de 135,60€, mais comporte les coordonnées bancaires de la société SE3I.
8-7 Facturation 2015120208 du 29 décembre 2015
Un bon d'intervention est établi au nom de la société SOFRATEL le 18 décembre 2015, et une facture SE3I est établie le 28 janvier 2016 à hauteur de 123,60€.
Il résulte d'un échange de courriers entre Mmes [J] [V] et [P] [B] que la confusion est totale puisque cette dernière sollicite les instructions de Mme [J] [V] 'on laisse SOFRATEL ou on met SE3I''.
9 Client [E]
Le devis est établi à hauteur de 399,60€ par la société SE3I, mais c'est M. [A] [W] qui intervient (pièces n° 66 et 67).
10- Client communauté de commune de Selle et Mauchère
La facture, d'un montant de 7323€ (pièce n° 68) comporte bien le numéro de compte de SOFRATEL, mais un courrier de la communauté de commune communique le RIB qui avait été joint, et qui est en réalité celui de la société SE3I.
11- Fournisseur TIL
Trois commandes d'un montant de 7.421,18€ ont été passées par la société SE3I, mais signées par Mme [J] [V] avec le cachet portant les références de la société SOFRATEL.
Aucun préjudice n'est toutefois établi puisque les rappels de la société TIL ont été émis le 17 octobre 2016, postérieurement à la rupture entre les deux sociétés, mais établissent que la confusion entre les deux sociétés était de nature à permettre la prise en charge d'achats de matières premières de la société SE3I par la société SOFRATEL.
12- Fournisseur Cottel Expert
De la même manière que précédemment , l'établissement Cottet Expert a adressé à la société SOFRATEL un courrier de rappel à hauteur de 1.202,90€ pour des commandes de la société SE3I, tamponnées à l'en-tête de la société SOFRATEL.
13- Client commune de [Localité 12]
La société SE3I a établi des devis le 30 novembre 2015 et 2 décembre 2015 la commande ayant ensuite été passée le 4 juillet à la société SOFRATEL.
La société SOFRATEL fait valoir que le client avait été victime d'une confusion entre les deux sociétés et qu'elle a dû intervenir pour récupérer le marché, le premier juge ayant toutefois observé que la preuve de l'intervention de la société SOFRATEL pour récupérer la commande n'est pas établie puisque le courrier adressé au client est postérieur à cette commande.
14- Client SIBM
Ce client fait l'objet d'un mail du 24 décembre 2015 de Mme [J] [V] adressé à M.[C] [G], selon lequel un paiement de 5.000€ a été effectué par erreur par le client sur le compte SOFRATEL au lieu de celui de SOFRATEL France et qu'il indique ne plus pouvoir régulariser la situation. M. [C] [G] demande de répondre à ce client que 'Les deux sociétés sont des entités juridiques différentes et que nous n'avons aucun moyen de transférer l'argent'.
Ce mail illustre la totale confusion existant dans l'esprit des clients et la connaissance que l'associé majoritaire de la société SE3I pouvait avoir de cette confusion.
15- Client communauté de communes du Vernois
Mme [J] [V] adresse un cadre de décomposition des prix (CDPGF), signé au nom de la société SOFRATEL, mais signe également un contrat de maintenance, à hauteur de 720€ annuels sur trois ans, au nom de SOFRATEL France. La société SOFRATEL indique qu'elle pouvait parfaitement assurer cette maintenance, qui a selon elle probablement été réalisée par ses propres salariés.
16-Client commune de [Localité 10]
Le devis est établi, par Mme [J] [V] au nom de la société SOFRATEL pour la télésurveillance et de la société SE3I pour l'installation à hauteur de 3.619,84€ ( (pièces n° 94 et 95), alors que la société SOFRATEL indique qu'elle pouvait effectuer les deux prestations.
17 - Client le Complex
La société SOFRATEL justifie avoir émis une facture de 5.089€, le 19 juin 2015 pour une intervention du 20 mai 2015 et avoir mis le client en demeure de payer le 14 décembre 2015 le solde soit 1651,20€.
Le même jour une facture est établie par la société SOFRATEL France pour un 'complément d'installation' à hauteur de 5050,80€ et une seconde facture de 438€ pour une reprise du tableau électrique, une relance étant également adressée au client le 14 décembre 2015 pour le solde.
Les documents relatives aux deux sociétés ont été établis au même moment par Mmes [J] [V], la relance de la société SE3I étant tamponnée par le cachet de la société SOFRATEL.
18- Client SNCF et Lyonnaise des Eaux
La société SOFRATEL indique que ces sociétés ne font pas partie de sa clientèle, mais justifie que Mme [J] [V] développe une activité commerciale auprès de ces entreprises dans le cadre d'échanges de courriels à son adresse mail SOFRATEL.
19- Client BEPG
La société SOFRATEL indique que c'est son personnel qui est intervenu alors que ce client n'est pas référencé chez elle.
20- Développement d'une activité de télésurveillance fictive
La société SOFRATEL indique que de nombreuses lignes de télésurveillance ont été déprogrammées dans les mois qui ont suivi les événements de 2016 et qu'en réalité la société SE3I proposait une prestation de télésurveillance et transmettait avec la complicité du personnel de [Localité 12] l'exercice effectif de cette télésurveillance sur le site de [Localité 7] de SOFRATEL.
La seule production de la liste des lignes déprogrammées est toutefois insuffisante pour établir l'existence de ces faits, qu'il n'y aura pas lieu de retenir.
21- Client Multi Accueil la Zirond'Aile
Le seul courriel de cet organisme du 19 août 2016, relatif à un défaut de fonctionnement de l'installation est insuffisant pour établir un acte de concurrence déloyale.
22- Contrat Sécuritas Mobile
Le 5 février 2016, la société Sécuritas adresse un courriel à Mme [J] [V] sur son adresse mail SOFRATEL relatif à un contrat établi pour la société SE3I, établissant la confusion existant chez les clients quant à l'existence de deux entités distinctes.
23- Fournisseur Francofa Eurodis
Le seul courriel de cet organisme du11 mai 2016, relatif à la fourniture d'un dôme de protection est insuffisant pour établir un acte de concurrence déloyale.
24- Constat d'huissier du 29 juillet 2016
Ce constat a été établi lorsque M. [X] [G] est intervenu au site de [Localité 12], également siège social de l'entreprise.
La société SOFRATEL relève que Mme [J] [V] indique ne pas connaître la société SOFRATEL France alors qu'elle en a été la gérante et est toujours actionnaire à la date du constat d'huissiers et que Mme [P] [B] ne prétend pas plus connaître cette société alors qu'il résulte de différents courriels qu'elle a exercé une activité pour son compte.
L'appelant observe également qu'il résulte du constat que les séparations physiques entre les sociétés étaient particulièrement poreuses au siège de [Localité 12] et que par ailleurs un seul téléphone était utilisé en tant que standard, les autres sociétés utilisant outre le matériel, les coordonnées téléphoniques de SOFRATEL
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L'analyse des faits invoqués par l'appelante fait clairement apparaître que :
- Mmes [V] et [B] et M. [A] [W], salariés de la société SOFRATEL réalisent des prestations pour le compte de la société SE3I,
- des prestations réalisées par la société SOFRATEL sont facturées par la société SE3I, ou ce sont les coordonnées bancaires de cette société qui sont fournies au client,
- Mme [J] [V] établit, alors qu'elle est salariée de SOFRATEL concomitamment des contrats d'installation au nom de la société SOFRATEL et de maintenance au nom de la société SE3I, ou inversement, alors que la société SOFRATEL était en mesure de réaliser la prestation dans sa globalité,
- des bons de commande de la société SE3I comportent également les références de la société SOFRATEL.
Les intimées font valoir que cette confusion avait été voulue à l'origine puisque de multiples sociétés ont été créées par M.M [X] et [C] [G].
Il résulte de la pièce n° 15 de la société SE3I qu'ont été créées dans le nord de la France, 5 sociétés regroupant 37 établissements distincts, outre les sociétés ayant leur activité en Lorraine, qui pour l'essentiel comportent le nom SOFRATEL.
Le jugement a retenu que dans ces sociétés soit les deux frères étaient associés, soit l'un était associé majoritaire, les pièces produites ne permettant toutefois pas d'établir la répartition du capital social pour les sociétés ayant leur siège dans le nord de la France et faisant apparaître que pour les sociétés dont le siège social est en Lorraine, seule la société SOFRATELE comporte les deux frères dans son capital social
Les intimées soutiennent ensuite que la société SOFRATEL France avait été créée en accord avec M. [X] [G], au motif qu'elle lui évitait de développer l'effectif de la société SOFRATEL, d'éviter de mettre en place un CHSCT ainsi que de diminuer le chiffre d'affaires et de payer moins d'impôts.
Sur ce point la société SOFRATEL indique qu'il ne pouvait en être ainsi puisque la société société SE3I a toujours eu un nombre de salariés très réduit. Il est exact que malgré les sommations de la société SOFRATEL, la société SE3I n'a jamais produit son registre du personnel, les différentes pièces faisant apparaître de manière certaine l'existence d'un unique salarié.
Par ailleurs, la société SOFRATEL observe que M. [X] [G] ne participant pas au capital social de la société SE3I, il est n'est pas concevable qu'il ait pu donner son accord pour la réalisation d'opérations permettant d'augmenter le chiffre d'affaires d'une société dans laquelle il n'avait aucune participation.
La société SE3I ajoute que son existence de la société SE3I permettait le développement commercial de marchés dans lesquels la société SOFRATEL n'entendait pas candidater, en particulier pour récupérer en sous-traitance des marchés non obtenus par la société SOFRATEL.
La société SE3I n'a produit toutefois aucun élément permettant notamment de justifier d'un recours massif à la sous-traitance, même s'il a été précédemment observé que le poste du compte de résultat relatif aux charges externes est susceptible d'intégrer les charges de sous-traitance.
Le premier juge a retenu de ces éléments que 'la confusion entre les diverses sociétés créées était initialement voulue par les deux associés de manière à se placer dans le sillage de la société SOFRATEL' et que ' les multiples sociétés, situées dans l'Est étaient connues de la société SOFRATEL, et ont été au minimum exploitées avec son consentement de ce dernier et elle avait connaissance des flux existants entre ces sociétés' et qu'ainsi ' jusqu'à la date du 30 mars 2015, l'envoi de devis par l'une ou l'autre des entités, l'emploi de personnel d'une entité au profit de l'autre, résultent de choix techniques, commerciaux ou financiers, effectués par le dirigeant local de la société SOFRATEL, à savoir M. [C] [G]'.
Le fait que M. [C] [G] ait dirigé l'établissement de la société SOFRATEL de [Localité 12] ne peut toutefois conduire, pour ce seul motif, à écarter les faits relevés avant la date de son départ effectif puisque l'action en concurrence déloyale est également dirigée à son encontre à titre personnel, étant par ailleurs observé que l'essentiel des actes retenus est postérieur à son départ de la société.
Il est ainsi établi que si la société SOFRATEL n'établit pas qu'elle ignorait jusqu'à l'existence de la société SE3I, il n'existait aucune relation entre elles qui pouvait conduire à expliquer, le développement par la société SE3I, d'une activité concurrente avec l'utilisation des salariés et les moyens de matériels de la société SOFRATEL, en mettant par ailleurs a profit la confusion entretenue entre les deux sociétés.
L'existence d'actes fautifs de concurrence déloyale est donc établie, notamment en ce qui concerne les faits retenus par le premier juge sous la dénomination de 'détournement de revenus', dont la société SOFRATEL n'avait pas sollicité l'indemnisation de manière distincte.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a d'une part débouté la société SOFRATEL de sa demande au titre de la concurrence déloyale et d'autre part a alloué à l'appelante la somme de 23.6306,92€ au titre d'un détournement de revenus.
4- Sur le préjudice subi
La société SOFRATEL fait valoir que jusqu'au 29 juillet 2016, la société SE3I a développé une activité en utilisant à la fois le personnel et le matériel de l'entreprise et que, passé cette date, elle a continué à développer son activité n'hésitant pas à la dénigrer auprès de ses clients et a continuer d'utiliser le nom de SOFRATEL pour attirer de nouveaux clients.
Pour la période courant jusqu'au 29 juillet 2016, elle sollicite la somme de 416.329€ correspondant aux 'produits d'exploitation généré par la société SE3I durant le temps de la cohabitation parasitaire', sans toutefois expliquer précisément le mode de calcul de cette somme.
Elle soutient que les fruits de l'activité économique de la société SE3I ont été générés grâce à elle, et notamment que ses propres salariés qui lorsqu'ils travaillaient pour la société SE3I ne développaient plus son activité sur le site de l'Est dont l'activité chutait dramatiquement.
Elle indique que le chiffre d'affaires de l'établissement de l'Est a connu l'évolution suivante : 1.042423€ en 20212, 501.119€ en 2013, 424.313€ en 2014 et 295.684€ en 2015, alors que le chiffre d'affaires de l'établissement de [Localité 7] est resté sensiblement constant sur ces mêmes années.
Toutefois, pour ces mêmes années le chiffres d'affaires de la société SE3I est de 36485€ en 2013, 56119€ en 2014, 117.127€ en 2015 et 258.745€ en 2016.
La comparaison de ces chiffres établit que la diminution importante du chiffre d'affaires de la société SOFRATEL ne s'explique pas uniquement par le développement de l'activité de la société SE3I.
Pour évaluer le préjudice subi jusqu'au 29 juillet 2016, la société SOFRATEL reprend les données comptables relatives aux charges de personnel précédemment analysées ainsi que l'incohérence entre le ratio matières premières/produits d'exploitation faisant apparaître un ratio 4 fois supérieur en 2016 par rapport en 2016, première année au cours de laquelle la société SE3I a dû se développer par ses propres moyens.
La société SOFRATEL ne peut toutefois isoler uniquement les charges de personnel mais il doit être tenu compte de l'ensemble de l'ensemble des charges d'exploitation, soit
- pour l'année 2015 des produits d'exploitation de 125.467€ avec des charges d'exploitation, incluant notamment la sous-traitance, de 105.853€ et un résultat d'exploitation de 19645€
- pour l'année 2016 des produits d'exploitation de 297.376€ € avec des charges d'exploitation de 289.759€ et un résultat d'exploitation de 7617€.
Sur cette période antérieure à août 2016, l'indemnisation ne saurait donc excéder le montant du préjudice résultant de l'analyse des différents contrats précédemment réalisées, tenant compte des règlements indus au bénéfice de la SE3I et de la durée des contrats de maintenance, le préjudice sera évalué à la somme de 40.000€.
Pour la période postérieure au 29 juillet 2016, l'appelante fait valoir que l'activité développée l'a été principalement sur la base des contrats détournés auparavant. Or, la société SOFRATEL n'a pas rapporté la preuve de ces détournements, au-delà des cas précédemment énumérés, notamment en ce qui concerne la liste des plusieurs dizaines de contrat, dont elle soutenait sur la base d'un simple listing qu'ils correspondaient à une activité fictive de télésurveillance de la société SE3I.
Compte-tenu de la poursuite, au-delà de juillet 2016, des contrats dont il a été précédemment établi qu'ils ont été obtenus à la suite d'actes de concurrence déloyale, ainsi que des actes de dénigrement, l'indemnisation au titre de la période postérieure au 29 juillet 2016 sera fixée à 10.000€.
5- Sur les débiteurs de l'indemnité
Mme [J] [V], est intervenue, en qualité de salariée responsable d'agence, dans l'ensemble des opérations retenues au titre de la concurrence déloyale et ce dans l'intérêt de la société SE3I dont elle était gérante et elle doit être tenue de l'indemnisation avec la société SE3I.
Mme [P] [B] indique qu'elle n'a été qu'une exécutante et qu'à aucun moment elle n'a pris de décision pour le compte de son employeur.
Il est exact que les différentes pièces produites par la société SOFRATEL elle-même font apparaître qu'elle intervient sur instruction de Mme [J] [V] et aucun acte ne peut lui imputer qui permettrait d'établir qu'elle a agi à titre personnel, au-delà de l'exécution des instructions de l'employeur.
La société SOFRATEL sera en conséquence déboutée de sa demande à l'égard de cette dernière.
Aucune pièce ne permet d'établir l'existence d'actes de concurrence déloyale de la part de M. [S] [H], la seule pièce produite le concernant étant sa lettre de démission de ses fonctions de gérant de la société SE3I, d'ailleurs curieusement adressée à la société SOFRATEL et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société SOFRATEL de sa demande à son encontre.
En ce qui concerne, M. [C] [G], porteur de 997 des 1.000 parts de la société SE3I, qui n'a pas conclu à hauteur d'appel, l'appelante fait valoir qu'il était en réalité gérant de fait de cette société.
Alors que M. [C] [G] a quitté la société en 2015, M. [A] [W], intervenant alors pour le compte de la société SE3I interrogé par l'huissier le 3 août 2016 indique que 'M. [C] [G], son patron, l'a appelé hier pour dépanner et intervenir....' et par ailleurs, Mme [J] [V] lui soumet divers documents pour approbation.
En outre, il maintient lui-même la confusion entre les deux entreprises puisqu' en mars 2016, alors qu'il a cessé son activité depuis 2015, il se présente comme responsable hygiène et sécurité de l'entreprise de la société SOFRATEL et continue à utiliser une adresse courriel 'Sofratel-Est'.
Il sera donc également tenu de l'indemnisation du préjudice subi.
6 - Sur les demandes de la société SOFRATEL
La société SE3I, Mme [J] [V] et M. [C] [G] seront condamnés in solidum à payer à la société SOFRATEL les sommes précédemment déterminées.
L'appelante sollicite également qu'il soit ordonné à la société SE3I et à Mme [J] [V] de cesser immédiatement tout agissement de concurrence déloyale, sous astreinte. En l'absence de tout élément permettant d'établir la nature des agissemens susceptibles de se poursuivre , il sera uniquement fait interdiction à la société SE3I, sous astreinte d'utiliser le nom SOFRATEL.
Pour les mêmes raisons, il n'y aura pas lieu d'ordonner la publication et/ou l'affichage de la décision.
7 - Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur ce point.
La société SE3I, Mme [J] [V] et M. [C] [G] seront condamnés in solidume à payer à la société SOFRATEL la somme de 5.000€ au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel et ils seront condamnés aux dépens, qui ne pourront toutefois comprendre les frais de constat d'huissier en application de l'article 695 du code de procédure civile.
La somme de 2.500€ sera allouée à Mme [P] [B] au même titre.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
DECLARE recevable les demandes de la société SOFRATEL à l'encontre de Mme [J] [V] et Mme [P] [B] ;
DEBOUTE la société SOFRATEL de sa demande à l'égard de Mme [P] [B];
CONDAMNE in solidum la société SE3I, Mme [J] [V] et M. [C] [G] à payer à la société SOFRATEL la somme de 40.000 € (quarante mille euros) à titre de dommages et intérêts pour la période antérieure au 29 juillet 2016 ;
CONDAMNE in solidum la société SE3I, Mme [J] [V] et M. [C] [G] à payer à la société SOFRATEL la somme de 10.000 € (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts pour la période postérieure au 29 juillet 2016 ;
FAIT interdiction à la société SE3I d'utiliser la dénomination SOFRATEL sous astreinte de 1.000 € ( mille euros) par infraction constatée ;
CONDAMNE in solidum la société SE3I, Mme [J] [V] et M. [C] [G] à payer à la société SOFRATEL la somme de 5.000 € (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société SOFRATEL à payer à Mme [P] [B] la somme de 2.000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la société SE3I, Mme [J] [V] et M. [C] [G] aux dépens de la procédure d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre, à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en vingt-trois pages.