ARRÊT No R.G : 03/00824 PB/CM TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES 19 décembre 2002 X... C/ Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS Association FÉDÉRATION FRANOEAISE DE PARACHUTISME Y... Cie d'assurances VAUDOISE ASSURANCES COUR D'APPEL DE NIMES CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A ARRÊT DU 17 JANVIER 2006 APPELANTE : Madame Marie Agnès X... 18 avenue de Montchoisi 1006 LAUSANNE SUISSE représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assistée de Me Eve SOULIER, avocat au barreau de NIMES INTIMES : Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS venant aux droits d'AXA GLOBAL RISKS Poursuites et diligences de son Président du Conseil d'administration 4 rue Jules Lefebvre 75426 PARIS CEDEX 09 représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assistée de Me DE BOISMILON, avocat au barreau de PARIS FÉDÉRATION FRANOEAISE DE PARACHUTISME Représentée par son Président en exercice 62 rue Fécamp 75012 PARIS représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assistée de Me DE BOISMILON, avocat au barreau de PARIS Monsieur Laurent Y... né le 08 Juin 1960 à LYON (69000) "SILVER SKY" AÉRODROME DE PUJAUT 30131 PUJAUT représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me DE BOISMILON, avocat au barreau de PARIS Cie d'assurances VAUDOISE ASSURANCES Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice Place de Milan 1001 LAUSANNE SUISSE représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour ORDONNANCE DE CLÈTURE rendue le 14 Octobre 2005 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : M. Pierre BOUYSSIC, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Pierre BOUYSSIC, Président M. Serge BERTHET, Conseiller M. Jean Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller GREFFIER : Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de
la décision. DÉBATS : à l'audience publique du 10 Novembre 2005, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2006. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 17 Janvier 2006, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
[**][**] FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE
Par déclaration déposée le 20 février 2003 dont la régularité formelle n'est pas mise en cause, Mme X... a relevé appel d'un jugement rendu le 19 décembre 2002 par le tribunal de grande instance de NIMES qui, lui laissant la charge des dépens y compris de référé et frais d'expertise médicale, l'a déboutée de ses demandes, présentées sur un fondement contractuel, en indemnisation des préjudices corporels qu'elle a subis en conséquence d'un accident de parachutisme survenu le 6 mai 1997 aux alentours de l'aérodrome de Pujaut, alors qu'elle participait à un stage de formation de parachutisme sportif selon la méthode PAC (progression accélérée en chute) sous la direction et l'enseignement de M. Y..., moniteur professionnel diplômé et agréé, exerçant à titre personnel sous l'enseigne SILVER SKY INTERNATIONAL SKYDIVING mais utilisant l'infrastructure mise à sa disposition par l'association CENTRE ECOLE RÉGIONAL DE PARACHUTISME LANGUEDOC MÉDITERRANÉE (ci-après CERPLM), elle-même affiliée, comme M. Y..., à la FÉDÉRATION FRANOEAISE DE PARACHUTISME (ci-après la FFP) qui a souscrit en faveur de ses affiliés un contrat d'assurance groupe auprès de la compagnie AXA
GLOBAL RISKS aux droits de laquelle vient aujourd'hui la compagnie AXA CORPORATE SOLUTION (ci-après AXA). Les premiers juges ont mis hors de cause la FFP au constat de l'absence de lien contractuel entre la victime et cette fédération et de lien entre la mise de matériels et moyens par le CERPLM à disposition de M. Y..., qui n'a jamais perdu ou vu atténuer par ce fait la direction qu'il exerçait sur la victime, et la survenance de l'accident, lors du troisième des six sauts en chute libre à 3 800 m prévus pendant le stage sous l'accompagnement de deux puis d'un moniteur. Ils ont en outre recherché en vain une faute contractuelle ou un manquement à l'obligation de sécurité incombant à M. Y..., dont la parfaite qualification était avérée, lors du saut litigieux dont ils ont relevé qu'il s'était déroulé dans des conditions atmosphériques normales, sur un largage certes excentré d'1,5 km par rapport à l'aire d'atterrissage mais imputable essentiellement aux personnels naviguant de l'appareil mis à disposition de M. Y..., avec une mise en vrille non démontrée du parachute prêté à Mme X..., et en l'état d'une panne radio non plus prouvée et en tout cas sans influence sur la réalisation de l'accident dû à des erreurs techniques commises par la victime elle-même. MOYENS ET DEMANDES Dans le dernier état de ses écritures signifiées le 22 septembre 2004, auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, Mme X... reproche essentiellement à M. Y... : 1. de lui avoir permis de sauter alors que les conditions atmosphériques et plus particulièrement la force du vent, qu'elle qualifie de violent, devait l'inciter à plus de prudence avec une débutante et ce d'autant plus qu'il apparaît évident que ce vent est la cause première de l'emmêlement des voiles à l'origine directe de l'accident, et non le défaut de maîtrise de l'élève, 2. de n'avoir pas pris toutes les précautions pour que le largage du binôme
instructeur-élève s'effectue correctement, ce que les premiers juges ont constaté tout en n'en tirant, curieusement, que le partage de la faute entre les pilotes et le moniteur exonérait ce dernier de toute responsabilité, alors qu'il appartenait à M. Y... de s'assurer que les pilotes avaient toutes les bonnes données d'un bon largage en toute sécurité 3. de n'avoir pas su maîtriser la mise en vrille du parachute de son élève par des consignes précises. Elle estime par ailleurs que la responsabilité de la FFP (et donc l'obligation de réparation pesant sur AXA) doit être retenue comme trouvant son fondement dans la mise à la disposition de son moniteur d'une infrastructure qui a failli. Elle demande donc à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de retenir la responsabilité de M. Y..., de la FFP, d'AXA et de sa propre compagnie, la Vaudoise qui est intervenue en qualité d'organisme social en vertu de la loi suisse, et de les condamner au paiement des sommes suivantes : - 35 825,52 ç au titre de l'ITT telle que définie par l'expert judiciaire, à raison d'un salaire mensuel net de 30 000 francs en qualité de travailleuse indépendante, - 41 161,24 ç au titre de l'IPP fixée par l'expert à 18 %, en tenant compte d'un problème persistant de claudication, d'une fatigabilité constante et de douleurs en fin de journée chez une femme âgée de 34 ans, - 7 622,45 ç au titre du taux de souffrance endurée évalué à 4/7 mais aggravé par des douleurs continuelles et un gêne dans la vie courante, - 7 622,45 ç au titre du préjudice professionnel (elle est masseuse et les douleurs qu'elle ressent continuellement outre la fatigue en fin de journée justifient ce poste), - 4 573,47 ç au titre du préjudice esthétique évalué à 2/7 alors que son corps est couvert de cicatrices disgracieuses pour une femme, - 3 048,98 ç au titre du préjudice d'agrément, puisqu'elle se voit aujourd'hui limitée dans sa mobilité alors qu'elle était très sportive, - 3 048,98 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau
code de procédure civile. Aux termes de leurs conclusions en réplique déposées le 9 septembre 2005, auxquelles il est également renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, la FFP, M. Y... et AXA poursuivent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a : - mis hors de cause la FFP à l'encontre de laquelle l'appelante ne démontre aucune faute que ce soit sur le plan délictuel ou sur le plan contractuel choisi par elle, - débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes dès lors qu'il n'est pas démontré que M. Y..., seul responsable de Mme X..., a enfreint à son obligation de moyen, le saut en cause s'étant déroulé dans des conditions atmosphériques normales faute de démonstration du contraire, le posé effectué dans des conditions de vent de l'ordre de 5 m/s soit bien inférieures au maximum admis de 7 m/s, la torsade de la voile ayant été résorbée immédiatement par Mme X... et n'ayant eu aucune incidence sur l'atterrissage, le largage effectivement excentré de 1,5 km par rapport à la cible à terre, 4 000 m plus bas, permettant au contraire aux parachutistes de regagner plus aisément leur destination à la condition de se placer dans le lit du vent et non lui tourner le dos comme l'a fait Mme X..., et ne pouvant en tout cas pas être imputé à faute à M. Y... qui n'avait pas la maîtrise de l'avion ni de son axe ou de son point de largage, le largage n'ayant de surcroît aucune incidence prouvée sur les conditions de l'atterrissage, le système radiophonique reliant M. Y... à Mme X... étant en parfait état de marche contrairement à l'affirmation sans preuve de l'appelante, seul pouvant être mise en cause l'éloignement de cette dernière de son moniteur hors de portée de l'appareillage radiophonique, parce qu'elle a choisi une trajectoire et une aire de posé non prévue à l'origine. Cependant, formant appel incident, ils demandent l'allocation en faveur de AXA d'une indemnité de 3 048 ç au titre des frais irrépétibles engagées
en première instance par voie de réformation du jugement entrepris sur ce point, et d'une indemnité de 3 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel. La compagnie d'assurance LA VAUDOISE, qui contrairement aux affirmations de AXA, a non seulement constitué avoué mais a conclu selon écritures signifiées le 20 septembre 2005, déclare des débours en qualité d'organisme de sécurité sociale de Mme X... pour un montant de 66 563,40 francs suisses, ce dont elle demande acte. DISCUSSIONDISCUSSION Il résulte des pièces produites en cause d'appel, qui sont les mêmes que celles examinées par les premiers juges, et des débats devant la Cour que le Tribunal a, par une motivation exacte en droit et pertinente en fait que la Cour adopte, fait une excellente analyse des faits de la cause qu'il convient de confirmer purement et simplement. En effet, en premier lieu, nonobstant d'ailleurs le choix du fondement contractuel de sa recherche de responsabilité fait par Mme X..., la mise hors de cause de la FFP s'impose dès lors qu'aucune faute ni aucune obligation à l'égard de la victime ne peut être caractérisée à son encontre, hors la couverture d'assurance au titre de la licence et dans les termes du contrat qui y est lié, ce qui n'est pas discuté ici. En second lieu, aucune faute contractuelle n'est démontrée contre M. Y... par Mme X... qui ne saurait : - appuyer son affirmation d'un vent violent sur une seule coupure de presse qui n'apporte d'ailleurs aucune certitude quant à la violence alléguée, ou sur une déduction purement intellectuelle d'une vitesse de vent à 4 000 m d'altitude à partir non d'une mesure mais d'une évaluation faite au sol, alors que le problème du vent se pose au moment précédent immédiatement l'atterrissage soit au plus haut à 1 500 m ou environ une minute et demi avant le posé, - reprocher une absence de consignes à son moniteur alors que celui-ci lui a prodigué son
enseignement avant le saut, tant en théorie qu'en pratique compte tenu de la progression du stage particulier consistant à développer les facultés sportives d'une déjà pratiquante du parachutisme ainsi qu'en atteste sa licence préalable et du fait qu'il s'agissait du troisième saut, et même encore pendant le saut, dans sa phase complexe de vol libre avant ouverture de la voile au cours de laquelle on apprend à se diriger dans l'air et à bouger, étant précisé qu'à ce stade, les réflexes sont acquis pour les parties de vol voile ouverte et posé qui se réalisent forcément en individuel puisqu'il ne s'agit pas d'un vol en double d'initiation ou d'animation où le moniteur transporte l'élève, - se prévaloir d'une approximation de largage qui n'entre nullement en compte dans la survenance de l'accident de posé, et n'est pas imputable à M. Y..., - se plaindre d'une mise en vrille de son parachute alors que, même si les voiles actuelles peuvent effectivement se mettre en torche contrairement à ce que soutient l'avocat des intimés, Mme X... n'en rapporte pas la preuve, ne serait-ce que par témoin, et confond effectivement incident grave de vrille (en principe irrattrapable et rendant nécessaire la coupure des sangles et l'utilisation du deuxième parachute en principe ventral encore que la technique ayant progressé on trouve maintenant des parachutes dorsaux de secours), et incident fréquent de remplissage de voilure facilement évacué par une manoeuvre technique simple sur l'une des suspentes (qui donne d'ailleurs l'illusion au parachutiste normalement diligent l'impression fugitive de flotter dans l'air), à moins que Mme X... ait été victime d'un tourni ayant trouvé sa cause dans la manoeuvre précédente qu'elle a effectuée trop brutalement (sous l'empire de la panique par exemple) et ayant pour effet d'accélérer la chute jusqu'à rétablissement de la stabilité de la voile (ce qui se pratique volontairement pour écourter le vol), en
tout cas toutes sortes d'hypothèses qui ne sont imputables qu'à l'élève lui-même, et ne mettent nullement en cause la responsabilité de l'enseignant, - se plaindre d'avoir tourné le dos à la cible à terre alors que, conformément à ce qui lui a été appris précédemment, il fallait qu'elle se mettre dans le lit du vent dominant, et non rester dans une position passive, - se plaindre d'avoir mal préparé son atterrissage sur une bute caillouteuse d'un chantier TGV alors qu'il existait des aires moins dangereuses alentours, ainsi que le démontre le posé de M. Y..., et qu'elle avait la capacité de se diriger voile ouverte ainsi que le démontre le stade atteint dans son stage sportif. S'il est vrai que l'appel de Mme X... n'est appuyé par aucune pièce probante, comme l'ont analysé justement les premiers juges, il n'apparaît pas que la demande d'allocation d'indemnité pour frais irrépétibles, présentée comme une sanction de la victime, puisse prospérer au regard des impératifs d'équité régissant la matière et de la différence de fortune entre AXA et Mme X.... C'est donc l'ensemble du jugement déféré qui doit être confirmé, sauf à dire en cause d'appel que la compagnie LA VAUDOISE est intervenue pour alléguer un débours, en qualité d'organisme de sécurité sociale, de 66 563,40 francs suisses, ce dont la Cour prend acte sans savoir à quoi cela servira. Mme X... qui succombe devra les dépens d'appel. Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les même considérations que celles ayant présidé au débouté de cette compagnie en sa demande d'infirmation du jugement déféré. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement en dernier ressort par arrêt contradictoire, Déclare l'appel recevable en la forme, Le disant mal fondé, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute la compagnie AXA de ses demandes, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Donne acte à la
compagnie LA VAUDOISE de ce qu'elle prétend que ses débours en qualité d'organisme de sécurité sociale de Mme X... s'élèvent à la somme alléguée de 66 563,40 francs suisses, Condamne Mme X... aux dépens d'appel, Autorise la SCP GUIZARD-SERVAIS et la SCP FONTAINE MACALUSO-JULLIEN cette dernière en sa qualité d'avoué de la compagnie LA VAUDOISE à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision. Arrêt signé par M. BOUYSSIC, Président et par Mme VILLALBA, Greffier présent lors du prononcé. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,