ARRÊT No1260
R. G. : 05 / 04951
RT / AG
CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NÎMES
24 novembre 2005
Section : Industrie
SA CEGELEC SUD EST
C /
X...
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 25 JUILLET 2007
PREMIER APPELANT :
SA CEGELEC SUD EST
prise en la personne de son représentant légal en exercice
Route de Salon
BP 9-La Gavotte
13755 PENNES MIRABEAU CEDEX
représentée par la SCP CAPSTAN AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE
DEUXIEME APPELANT :
Monsieur Jean-François X...
Numéro de sécurité sociale...
...
30200 ORSAN
comparant en personne, assisté de la SCP FONTAINE-FLOUTIER-BLANC, avocats au barreau de NÎMES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Madame Brigitte OLIVE, Conseiller,
Madame Isabelle MARTINEZ, Vice-Présidente placée,
Mademoiselle Delphine PIQUEMAL élève avocat a assisté au délibéré selon les dispositions de l'article 12-2 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
GREFFIER :
Madame Annie GAUCHEY, Greffier, lors des débats, et lors du prononcé,
DÉBATS :
à l'audience publique du 25 Avril 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Juin 2007, prorogée au 25 Juillet 2007,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 25 Juillet 2007,
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Jean François X... était embauché le 17 février 1981 en qualité de monteur catégorie 2 avec reprise d'ancienneté au 17 octobre 1978 par la société Alsthom, et dont le contrat était poursuivi par la société CEGELEC Sud Est.
En dernier lieu il était classé ETAM. Le 30 août 2004 il était en arrêt de maladie, et, après plusieurs renouvellements prenait rendez vous avec le médecin du travail qui, le 1er décembre 2004, émettait l'avis suivant « Je suis actuellement incapable de faire des propositions de reclassement ou d'aménagement de postes compte tenu des informations portées à ma connaissance. Danger immédiat. »
Cet avis n'était transmis que le 8 décembre 2004 à l'employeur. Ce dernier contestait immédiatement la mention de visite de reprise, tout en sollicitant parallèlement des précisions du médecin du travail sur la portée exacte de l'avis émis quant aux possibilités de retour à l'emploi de Monsieur X....
En même temps l'employeur informait le salarié de la mise en place de cette procédure.
Le médecin du travail convoquait alors le salarié les 10 et 20 janvier 2005, mais celui-ci ne se présentait pas aux rendez vous.
Le 14 février 2005 Monsieur X..., invoquant l'avis rendu le 1er décembre 2004, prenait acte de la rupture du contrat de travail et saisissait le Conseil des Prud'hommes de Nîmes invoquant des manquements de l'employeur.
Il sollicitait le paiement de :
-10. 215 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-2. 880 € de rappel de salaire pour le mois de janvier et pour la période du 1er au 14 février,
-500 € de RTT pour cinq jours,
-1. 524 € pour la médaille du travail,
-1. 200 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Et la délivrance d'un certificat de travail et de l'attestation destinée à l'ASSEDIC.
Cependant entre temps le 24 janvier 2005 la société avait saisi l'inspecteur du travail d'un recours contestant le bien fondé de l'avis d'inaptitude formulé par le médecin du travail le 1er décembre 2004. Finalement l'inspecteur du travail annulera le 18 mai 2005 l'avis du médecin aux motifs suivants :
CONSIDÉRANT que la direction de la société CEGELEC SUD EST conteste l'avis d'inaptitude médicale émis par le docteur Y... le 1er décembre 2004 au motif d'une part que celui-ci s'inscrirait dans le cadre d'une visite de pré reprise et non opposable à elle et non pas dans le cadre d'une visite de reprise comme indiqué sur l'avis lui-même, d'autre part que celui-ci rendrait irnpossible pour elle la mise en oeuvre de son obligation de reclassement du salarié déclaré inapte faute d'information de la part du médecin du travail ;
CONSIDÉRANT qu'il ressort tant de l'enquête menée par l'Inspection Médicale du Travail de la Région Languedoc Roussillon que de l'enquête contradictoire effectuée le 17 mai 2005, que Monsieur Jean François X... a eu seul l'initiative de la visite médicale en date du 1er décembre 2004 et qu'il n'a pas averti son employeur de cette visite médicale intervenue au terme de son arrêt de maladie d'où il résulte que cette visite ne peut être qualifiée de visite de reprise mais seulement de visite de pré reprise non opposable à l'employeur ;
CONSIDÉRANT qu'il ressort également de l'enquête menée par l'Inspection Médicale du Travail de la Région Languedoc Roussillon que Monsieur Jean François X... en sa qualité de responsable assurance qualité était affecté à l'agence CEGELEC d'Avignon et intervenait sur le site de l'INB à Marcoule ; que son suivi médical était assuré par l'Association Médicale de Santé au Travail de la région de Marcoule laquelle n'est pas agréée pour l'agence CEGELEC d'Avignon, le centre de travail ne pouvant pas être considéré comme une agence ou une antenne d'entreprise extérieure dotée de l'autonomie du fonctionnement suffisant d'où il résulte que l'Association Médicale de Santé au Travail de la région de Marcoule n'avait pas compétence pour assurer le suivi médical de Monsieur X... ;
CONSIDÉRANT qu'il résulte de ce qui précède que l'avis médical rendu le 01 décembre 2004 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ;
Par jugement du 24 novembre 2005 cette juridiction :
-prononçait la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur,
-condamnait la société CEGELEC Sud Est à payer à Monsieur X... les sommes de 11. 520 € de dommages intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 14. 515,20 € au titre de l'indemnité de licenciement,
-rejetait les autres demandes.
La société a régulièrement relevé appel de cette décision et première appelante soutient essentiellement que :
-seule la prise d'acte doit être examinée, et doit être réformée la résiliation prononcée alors que le contrat était rompu,
-à la date de la prise d'acte aucun manquement ne peut être reproché à l'employeur, ni aucune faute, ni aucune légèreté blâmable, en sorte qu'en l'état la prise d'acte du salarié doit s'analyser en une démission,
-en effet la décision d'annulation de l'inspecteur du travail de la première visite démontre que cette visite ne lui est pas opposable,
-les arrêts de travail ont été renouvelés les 13 et 27 septembre, le 18 octobre et le 17 novembre, aussi la société ne pouvait savoir exactement à quelle date le salarié pouvait reprendre le travail, et il existe une procédure légale auquel le salarié devait se soumettre.
Elle sollicite donc l'infirmation du jugement déféré, le rejet des demandes, et le paiement de la somme de 2. 500 € pour ses frais non compris dans les dépens en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur X..., deuxième appelant, demande la confirmation de cette décision en son principe, et sollicite la condamnation de la société à lui payer la somme de 69. 120 € de dommages intérêts, celle de 23. 040 € au titre d'un licenciement abusif,320 € au titre de jours RTT acquis au mois de novembre 2004 qui figurent sur le bulletin de paie,1. 524 au titre de la médaille du travail et 1. 500 € pour ses frais en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS
Attendu que Monsieur X... a pris acte de la rupture du contrat de travail par une lettre du 14 février 2005 ainsi libellé :
Je considére que le lien qui me lie à CEGELEC Sud Est est rompu. A ce titre je saisis le Conseil des Prud'hommes afin de faire reconnaître que cette rupture vous est entièrement imputable compte tenu des conclusions rendues par la médecine du travail en date du 1er décembre 2004, notifiant un danger immédiat.
Cette rupture ayant pour cause une inaptitude, elle prend donc effet immédiatement puisqu'en la matière il n'y a pas de préavis.
Attendu qu'ainsi lorsque ce salarié a saisi le 7 mars 2005 la juridiction prud'homale le contrat était définitivement rompu et la demande la résiliation ne pouvait être accueillie
Attendu que le jugement doit donc être réformé de ce chef ;
Attendu que dès lors il convient en l'état des reproches allégués à l'encontre de l'employeur de rechercher si cette prise d'acte produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites que :
-le dernier arrêt de maladie de Monsieur X... se terminait le 1er décembre 2004,
-sans se présenter à son travail afin que l'employeur organise la visite de reprise, ce salarié prenait l'initiative de se rendre chez un médecin du travail sans en avertir son employeur, et dans des conditions telles que l'autorité administrative a décidé que cette visite ne pouvait être qualifiée de visite de reprise mais seulement de visite de pré reprise non opposable à l'employeur,
-en outre la même autorité administrative a décidé d'annuler l'avis d'inaptitude médicale du 1er décembre 2004 pris à l'issue d'une procédure irrégulière par un médecin qui ne pouvait légalement y procéder ;
Attendu qu'en l'état de cette annulation, le juge judiciaire ne peut, sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur un tel avis médical en lui faisant produire des effets créateurs de droit à l'égard du salarié, alors que cet acte est réputé n'avoir jamais existé ;
Attendu que par ailleurs il n'est pas allégué une contestation sérieuse sur la régularité ou la validité de cette décision de l'inspecteur du travail pouvant constituer une question préjudicielle relevant de la juridiction administrative ;
Attendu que Monsieur X... ne peut donc se fonder sur cet avis pour invoquer un manquement de son employeur ;
Attendu qu'en outre l'employeur a écrit au salarié dès la réception de l'avis médical du 1er décembre en lui précisant qu'il organisait une visite de reprise, et qu'il engageait immédiatement des démarches pour rechercher une solution de reclassement professionnel au sein de l'entreprise et du groupe CEGELEC ; qu'il demandait aussi au premier médecin du travail de lui faire connaître ses préconisations ; que le salarié ne se présentait pas aux convocations du médecin du travail, et se dérobait à toute rencontre avec l'employeur malgré les demandes de celui-ci au point qu'il fut convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction ;
Attendu que dans ces conditions Monsieur X... ne peut donc invoquer les dispositions de l'article L. 122-4 du Code du travail selon lequel l'employeur peut se voir imputer la responsabilité de la rupture du contrat de travail lorsque, par son fait, il rend impossible pour le salarié la poursuite dudit contrat ;
Attendu qu'il ne peut non plus invoquer l'article et R. 241-51 du même Code selon lequel le salarié, doit, lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours, bénéficier d'un examen par le médecin du travail, afin d'apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation et éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures ;
Attendu que dès lors en s'abstenant de satisfaire à la visite de reprise, le salarié ne pouvait se plaindre de l'attitude de l'employeur qui lui a refusé une reprise du travail ;
Attendu qu'en conséquence les manquements allégués ne sont pas établis et il convient de rejeter les demandes de Monsieur X..., étant précisé que l'absence de paiement des jours acquis au titre de la RTT ne résulte pas d'une faute de l'employeur, mais d'une précipitation excessive et sans motif du salarié à se référer à une visite médicale qui ne pouvait être qualifiée de visite de reprise ; que de ce chef le jugement sera donc réformé ;
Sur la médaille du travail :
Attendu que contrairement à ce que soutient Monsieur X... les conditions de l'obtention d'une prime à l'occasion de l'attribution de cette médaille ne résultent pas d'un usage ni d'une note de service, cette dernière ne précisant que l'ancienneté dans l'entreprise pour y prétendre ; que de ce chef le jugement doit être confirmé ;
Vu l'article 696 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté une prime pour l'attribution d'une médaille, et le paiement de jours RTT non pris,
Réforme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Rejette les demandes de Monsieur Jean François X...,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Condamne Monsieur Jean François X... aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER Président et par Madame GAUCHEY, Greffier, présente lors du prononcé.