ARRÊT No1381
CHAMBRE SOCIALE
R. G. : 05 / 04207
OT / AG
Conseil de Prud'hommes
de Béziers
26 janvier 2004
Cour d'Appel de Montpellier
15 septembre 2004
Cour de Cassation
28 septembre 2005
S / RENVOI CASSATION
X...
C /
ASSOCIATION BITERROISE CENTRE THIERRY ALBOUY
ASSEDIC LANGUEDOC ROUSSILLON
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2007
APPELANT :
Monsieur Jean-Claude X...
né le 27 Juin 1938 à MONTAGNAC (30350)
...
34310 MONTADY
comparant en personne, assisté de Me Alain OTTAN, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉES :
ASSOCIATION BITERROISE
CENTRE THIERRY ALBOUY
prise en la personne de son représentant en exercice
10 Rue Evariste Galois
34500 BEZIERS
représentée par Me Michel PIERCHON, avocat au barreau de MONTPELLIER
ASSEDIC LANGUEDOC ROUSSILLON
prise en la personne de son représentant légal en exercice
152 Rue de la Méditerranée
34000 MONTPELLIER
représentée par la SCP CHATEL CLERMONT TEISSEDRE TALON, avocats au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller,
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Vice Président Placé,
GREFFIER :
Madame Annie GAUCHEY, Greffier, lors des débats, et Madame Catherine ANGLADE, Agent Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors du prononcé,
DÉBATS :
à l'audience publique du 04 Juillet 2007, où l'affaire a été mise en délibéré,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 19 Septembre 2007, sur renvoi de la Cour de Cassation,
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Jean-Claude X... a été embauché par l'Association Biterroise Centre Thierry Albouy, en 1976, en qualité de chef de service éducatif puis adjoint technique.
Il a été délégué du personnel à partir du 1er avril 1991.
L'inspecteur du travail ayant accordé son autorisation, Monsieur X... a été licencié pour faute grave le 28 juin 1993 pour les motifs suivants :
" (...) le mardi 20 avril 1993, vous avez frappé d'une gifle et d'un coup de pied un travailleur handicapé accueilli dans notre établissement (....) ".
Cette mesure a été contestée par Monsieur X... dans une lettre du 20 juillet 1993.
Par jugement du 5 mars 1997, le tribunal administratif a annulé l'autorisation administrative de licenciement et par arrêt du 26 septembre 2000, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par l'employeur.
Par arrêt du 20 octobre 2001, le Conseil d'Etat a déclaré non admis le pourvoi de l'employeur.
Entre temps la juridiction prud'homale, par jugement du 20 avril 1998, avait ordonné le sursis à statuer en l'état de la procédure administrative en cours et de la plainte déposée par l'employeur le 16 octobre 1997, du chef d'atteinte à l'intimité de la vie privée et fondée sur la découverte, le 6 juillet 1995, d'un système d'écoutes téléphoniques installé par Monsieur Jean-Claude X....
Par arrêt du 7 mars 2002, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Montpellier, a condamné Monsieur X... à une peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et de 6 000 euros d'amende pour atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui, mais par arrêt du 5 novembre 2002, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé cette décision et ce sans renvoi.
Jean-Claude X... a repris l'instance devant le conseil des prud'hommes de Béziers pour obtenir la requalification de son licenciement et par jugement du 26 janvier 2004 cette juridiction a considéré que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, aux motifs que :
Vu l'article L 122-14-3 du Code du Travail,
Attendu que les éléments fournis par les parties conduisent à rejeter la qualification de faute grave pour le licenciement de Mr X..., et à retenir la qualification de cause réelle et sérieuse.
Attendu qu'en effet le Conseil estime que Mr X... a fait preuve lors de l'altercation avec Mr B..., d'un comportement incompatible avec ses fonctions, justifiant son licenciement, sans que la qualification de faute grave puisse être retenue,
Attendu qu'en conséquence Mr X... percevra l'indemnité conventionnelle de licenciement,1 " indemnité de préavis et 1'indemnité de congés payés en découlant.
La juridiction prud'homale a condamné l'employeur à lui payer diverses sommes et indemnités au titre de la violation du statut protecteur à savoir :
* 64 966,36 € au titre de l'indemnité pour le préjudice subi, conformément aux dispositions prévues à l'article L 212-19 du Code du Travail
* la somme de 11 212,32 € au titre des quatre mois d'indemnité de préavis.
* la somme de 1 121,23 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis.
*33 600,37 € au titre de l'indemnité de licenciement de 12 mois.
Sur appel de Monsieur X..., la Cour d'appel de Montpellier, par arrêt du 15 septembre 2004, a confirmé au fond le jugement sur les sommes allouées et, ajoutant, a condamné l'association à payer à l'appelant la somme de 67 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que le remboursement par l'association des indemnités de chômage versées par l'ASSEDIC dans la limite de 6 mois de salaire et 1000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur pourvoi formé par l'association, et, par arrêt du 28 septembre 2005, la Cour de Cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a alloué au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse l'arrêt rendu, au visa de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de ce siège aux motifs que :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu que pour décider que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse l'arrêt attaqué énonce que l'employeur se borne à produire aux débats la copie d'une sommation interpellative qui ne peut valoir moyen de preuve ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'examiner l'ensemble des pièces qui lui étaient soumises et qu'il résulte de la procédure que l'employeur avait versé aux débats, outre la sommation, une lettre d'un témoin, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué au salarié des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 15 septembre 2004 (...)
Devant la Cour d'Appel de renvoi, Monsieur X... expose que :
-Les témoignages à son encontre sont douteux, leur existence aurait pour seule raison la volonté de l'employeur de l'évincer, sa présence n'étant plus souhaitée dans l'établissement,
-pour réparer le licenciement il doit être tenu compte du caractère inutilement vexatoire et préjudiciable du licenciement pour un salarié de plus de 55 ans, avec 17 ans d'ancienneté, et du préjudice physique et moral qui en a résulté.
Il demande donc à la Cour de :
-dire et juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
-condamner l'association à lui payer les sommes de 100. 000 euros à titre de dommages intérêts, et de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'association Biterroise centre Thierry Albouy, intimée, expose que :
-Il ne peut y avoir cumul des indemnisations puisqu'il ne peut réclamer de façon automatique, en plus de la réparation de son préjudice lié à l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement, des dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse.
-l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement n'entraîne pas la nullité du licenciement,
-Le salarié apparaît donc mal fondé à réclamer des dommages et intérêts pour une faute établie.
Elle sollicite donc :
-le rejet des demandes actuelles.
-la restitution des sommes perçues avec intérêts de droit,
-la somme de 3. 000 € à titre de dommages intérêts et celle de 2. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ASSEDIC Languedoc Rousssillon, intimée, expose dans ses dernières conclusions que :
-La décision de la cour d'appel de Montpellier concernant les dispositions de l'article L. 122-14-4 alinéa 2 du code du travail est désormais définitive.
-L'association s'est acquittée de ses obligations à cet égard.
-En conséquence, quelle que soit la décision de la Cour quant à l'absence de caractère réel et sérieux du licenciement, la condamnation en remboursement au titre des dispositions de cet article est définitive.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le 28 juin 1993, Monsieur X... s'est vu notifier son licenciement pour faute grave au motif que le mardi 20 avril 1993, il avait frappé d'une gifle et d'un coup de pied un travailleur handicapé en la personne de Lionel B....
Il résulte du témoignage de Madame D... que Monsieur X... aurait donné une gifle à Monsieur B....
Il convient de relever que le jour des faits le docteur E... a examiné Monsieur X... et a constaté la présence d'un hématome au niveau d'un testicule.
Cependant, il convient de replacer les faits dans leur contexte.
Il résulte en effet des témoignages de Mesdames Manuela F..., mère d'un résident du centre Thierry Albouy, et de Madame Roselyne G..., ouvrière dans ce même centre, que Monsieur B... avait assez souvent un comportement violent.
Au surplus de nombreux autres témoins (François H..., Salvadora I..., Mesdames K...
J... et L...) décrivent le contexte particulièrement difficile dans lequel travaillaient les éducateurs, ceux-ci devant faire face à beaucoup d'agressivité verbale et physique.
Or, Monsieur X... a travaillé pendant 17 ans dans ce centre sans qu'aucun reproche ne lui ait été formulé avant l'incident.
Il avait donc eu un comportement professionnel irréprochable malgré les difficultés de son travail.
La sanction d'un licenciement décidé par l'employeur revêt dès lors, dans un tel contexte, un caractère manifestement excessif et comme l'ont souligné tant le Tribunal Administratif que la Cour administrative d'Appel, qui n'ont pas validé l'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail, le comportement de Monsieur X... qui démontre un défaut de maîtrise n'était cependant pas de nature à justifier une telle sanction disciplinaire.
Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, l'employeur, qui ne démontre pas que le comportement de Monsieur X... rendait impossible la poursuite du contrat de travail, disposait d'une sanction intermédiaire qui aurait permis au salarié de poursuivre l'exécution de son contrat de travail.
Il convient dans ses conditions de considérer que le licenciement de Monsieur X... ne repose pas sur un motif réel et sérieux et de confirmer sur ce point le jugement déféré.
Le salarié licencié avait donc 17 ans d'ancienneté et était âgé de 55 ans au moment de son licenciement.
Il convient de fixer à la somme de 80. 000 euros le montant des dommages intérêts indemnisant les préjudices subis par ce salarié licencié sans motif réel et sérieux.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant la totalité des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.
Il convient de lui allouer la somme de 2. 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation, en date du 28 septembre 2005,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Monsieur Jean-Claude X... la somme de 33. 600,37 € au titre au titre de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
et statuant de nouveau de ce chef,
Condamne l'Association Biterroise CENTRE THIERRY ALBOUY à payer à Monsieur Jean-Claude X... à payer la somme de 80. 000 euros au titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
La condamne en outre à lui payer la somme de 2. 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure civile,
Condamne l'Association Biterroise CENTRE THIERRY ALBOUY aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame ANGLADE, Agent Administratif exerçant les fonctions de Greffier, présente lors du prononcé.