ARRÊT No 239
1ère Chambre B
R. G. : 06 / 02827
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
20 mars 2001
S / RENVOI CASSATION
Y...
C /
X...
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre B
SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT DU 08 AVRIL 2008
APPELANT :
Monsieur Vincent Frédéric Y...
né le 01 Janvier 1957 à AVIGNON (84000)
...
...
représenté par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assisté de la SCP VOLFIN ASSOCIES, avocats au barreau d'AVIGNON
INTIMÉE :
Madame Martine Yvette Christiane X...
née le 05 Septembre 1957 à AVIGNON (84000)
...
...
représentée par la SCP CURAT- JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de Me Jean Louis BOISNEAULT, avocat au barreau de MARSEILLE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Janvier 2008, révoquée sur le siège en raison d'une cause grave invoquée conjointement par les avoués des parties, et à nouveau clôturée au jour de l'audience avant les débats.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean- Gabriel FILHOUSE, Président,
Mme Muriel POLLEZ, Conseillère,
Mme Isabelle THERY, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 19 Février 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Avril 2008.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean- Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 08 Avril 2008, date indiquée à l'issue des débats, sur renvoi de la Cour de Cassation, par mise à disposition au greffe de la Cour.
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FAITS et PROCÉDURE – MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement du tribunal de grande instance d'Avignon du 20 mars 2001, l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 14 décembre 2004, les arrêts de la Cour de Cassation des 10 mai 2006 et 30 octobre 2006,
Vu la saisine de la cour d'appel de Nîmes par déclaration de M. Vincent Y... le 11 juillet 2006,
Vu la révocation de l'ordonnance de clôture, prononcée, à la demande de tous les avoués de la cause, par mention au dossier à la date de l'audience du 19 février 2008 pour le motif grave pris de la nécessité de veiller au respect du principe du contradictoire, afin de permettre de recevoir les dernières écritures déposées par Madame X..., ainsi que la nouvelle clôture prononcée par mention au dossier avant l'ouverture des débats.
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 25 janvier 2008 par M. Vincent Y..., appelant et le 6 février 2008 par Madame Martine X..., intimée,
pièces auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.
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Monsieur Vincent Y... et Madame Martine X... se sont mariés le 21 août 1982 sans contrat préalable.
Suite à la requête déposée par Madame X... le 22 février 1993, le juge aux affaires familiales a constaté le double aveu des faits rendant intolérable le maintien de la vie commune et a renvoyé les époux devant le tribunal.
Par jugement du 12 janvier 1995, le tribunal de grande instance d'Avignon a notamment prononcé le divorce des époux Y...
X... sur le fondement de l'ancien article 233 du Code civil, dit que le jugement prendra effet dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens à la date du 13 septembre 1993 et a ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux en commettant le président de la chambre des notaires du Vaucluse avec faculté de délégation.
À la suite du procès- verbal de difficultés dressé par Maître A..., notaire le 26 mai 1999 et du procès- verbal de non conciliation du 29 février 2000, Madame X... a saisi le tribunal qui, par jugement du 20 mars 2001, a :
– constaté que les effets du divorce ont été fixés au 13 septembre 1993 par le jugement prononcé par le tribunal de grande instance d'Avignon le 12 janvier 1995,
– dit n'y avoir lieu à rectification d'erreur matérielle,
– dit que l'activité de Madame X... n'a aucune valeur patrimoniale de nature à entrer dans l'actif de communauté.
Préalablement aux opérations de compte liquidation et partage de la communauté, le tribunal a ordonné une expertise confiée à M. Christian B... afin de procéder à l'évaluation des parts sociales détenues par M. Y... dans la SELARL laboratoire Orfanos Y... Alary Bouhnick et SCI rocade et Gragalhem et renvoyé les parties devant le notaire pour la poursuite des opérations de compte liquidation et partage.
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L'expert a déposé son rapport le 21 novembre 2002.
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À la suite de l'appel interjeté par M. Y..., la cour d'appel de Nîmes par arrêt du 14 décembre 2004 a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celle découlant implicitement de la mission donnée à l'expert B..., ne prévoyant que la prise en compte des revenus perçus par M. Y... au titre de ses parts dans la SELARL laboratoire Orfanos Y... Alary Bouhnick et statuant à nouveau sur ce point, a dit :
– que Madame X... est en droit de prétendre à la moitié des revenus que M. Y... en a retiré non pas seulement avant le 13 septembre 1993 mais aussi postérieurement à cette date et jusqu'au partage,
– dit, en conséquence, que M. Y... devra faire connaître au notaire commis pour procéder aux opérations de compte liquidation et partage le montant des revenus qu'il a perçus des sociétés SELARL laboratoire Orfanos Y... Alary Bouhnick et SCI rocade et Gragalhem tant avant qu'après le 13 septembre 1993, et ce sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt,
– débouté les parties de toute autre demande,
– condamné M. Y... aux dépens d'appel.
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Suite au pourvoi en cassation formé par M. Y..., la Cour de Cassation, par arrêt du 10 mai 2006 a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 14 décembre 2004 entre les parties par la cour d'appel de Nîmes et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Nîmes autrement composée.
Se saisissant d'office en application de l'article 462 du nouveau code de procédure civile, la Cour de Cassation, par arrêt du 30 octobre 2006, a rectifié l'arrêt rendu le 10 mai 2006 en disant que :
– le dispositif est ainsi corrigé : « casse et annule mais seulement en sa disposition rejetant la demande de M. Y... tendant à reporter les effets du divorce au mois de septembre 1991, l'arrêt rendu entre les parties le 14 décembre 2004 par la cour d'appel de Nîmes ; remet en conséquence sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes autrement composée ;
– dit également qu'à la dernière ligne de la page 3 est ajouté le mot « partiellement » entre les mots « arrêt » et « cassé ».
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M. Y... conclut à la réformation du jugement et demande à la cour de :
– constater que les époux Y...
X... ont cessé de cohabiter et de collaborer en septembre 1991 et de reporter les effets du divorce au mois de septembre 1991,
– dire en conséquence que les parts sociales de la SCI Gragalhem ont été acquises par M. Y... postérieurement à septembre 1991 et ne font pas partie ni de la communauté ni de l'indivision post communautaire,
– débouter Madame X... en ce qui concerne les parts sociales de la SCI Gragalhem de sa demande en paiement de la moitié de la valeur des parts sociales et des revenus,
– dire que si les revenus des parts sociales du laboratoire Orfanos Y... Alary Bouhnick et de la SCI rocade sont partageables par moitié entre les ex époux, M. Y... devra recevoir :
* au titre de son travail, de ses frais et de sa responsabilité professionnelle comme gérant du laboratoire, 25 % des revenus avant partage par moitié,
* au titre de sa rémunération prévue par l'article 815 – 12 du Code civil, pour sa gestion de l'indivision post communautaire la somme de 10. 000 €.
Il réclame encore la somme de 5. 000 € pour ses frais irrépétibles et la condamnation de l'intimé aux dépens.
Il fait valoir que la séparation de fait des époux au mois de septembre 1991 est confirmée d'une part, par Madame X... qui a produit entre les mains du notaire le 16 mai 1999 un décompte consacrant ipso facto la date de la rupture la vie commune, et d'autre part par les opérations de partage effectuées peu après.
Il soutient qu'il a droit à une récompense sur les parts de la SCI rocade acquise le 29 avril 1991 puisqu'il a remboursé seul le prêt destiné à l'achat de ces parts.
En ce qui concerne la SCI Gragalhem, il observe que les parts sociales ne font pas partie de la communauté ayant été acquises au mois de juin 1992.
Il estime qu'ayant géré l'ensemble des biens figurant dans l'indivision post communautaire et valorisé les parts sociales, il a droit à une rémunération de son activité.
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Madame X... prie la cour de statuer dans les limites de la cassation et de :
– rejeter la demande de report de la date des effets du divorce et très subsidiairement de la fixer au plus tôt au 7 septembre 1992,
– dire que les parts des deux SCI Gragalhem et Rocade appartiennent à la communauté et que leur valeur doit être estimée à la date la plus proche du partage,
– déclarer irrecevables au visa de l'article 564 du nouveau code de procédure civile les demandes nouvelles tendant à une rémunération pour la prétendue gestion de l'indivision post communautaire et en paiement de 25 % des revenus du laboratoire à titre de rémunération et à tout le moins les rejeter,
– débouter de toute autre demande et condamner M. Y... à lui verser la somme de 1. 600 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle réplique que M. Y... ne remplit aucune des conditions de l'article 262- 1 du code civil puisqu'il porte les torts de la séparation qu'il a préparée de manière déloyale et fautive et n'établit pas la cessation de la collaboration.
Elle ajoute que les demandes de rémunération étant formulées pour la première fois en cause d'appel sont irrecevables et mal fondées à défaut d'établir la réalité d'actes de gestion voire de gestion dans l'intérêt de l'indivision.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est rappelé que la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. (Article 624 du nouveau code de procédure civile).
En l'occurrence, s'agissant d'une cassation partielle consacrée par l'arrêt du 30 octobre 2006, les dispositions de l'arrêt du 14 décembre 2004, non atteintes par la cassation demeurent et sont devenues définitives de sorte que la cour de renvoi n'est saisie que de la seule question relative aux effets du divorce.
Il s'ensuit que les développements de M. Y... relatifs aux dispositions critiquées du jugement du 20 mars 2001 sont inopérantes.
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L'article 262 – 1 al 2 ancien du code civil dispose que " les époux peuvent, l'un ou l'autre, demander, s'il y a lieu que l'effet du jugement soit reporté à la date où ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Celui auquel incombent à titre principal les torts de la séparation ne peut obtenir ce report ".
Il s'évince de ces dispositions que la demande de report des effets du divorce suppose la démonstration de la cessation de cohabitation des époux mais également que l'époux demandeur ne soit pas à l'origine de la séparation.
À cet égard, les torts de la séparation doivent être distingués des torts du divorce ce qui nécessite de se prononcer sur l'imputabilité de la rupture, le juge aux affaires familiales n'ayant pas été saisi d'une demande de report des effets du divorce.
En l'occurrence, la recevabilité de cette demande n'est plus discutée devant la cour.
Au soutien de sa demande de report des effets du divorce, M. Y... fait valoir que les époux ont cessé de collaborer au mois de septembre 1991.
Madame X... s'oppose à cette demande estimant que la séparation du couple est imputable à M. Y....
Les écritures et les pièces produites par Madame X..., en particulier le dépôt de plainte du 27 septembre 1991 duquel il résulte que le véhicule de M. Y... était stationné entre 23h et 7h aux allées de l'Oulle à Avignon (84) alors qu'il était domicilié à Villeneuve les Avignon, le document intitulé Partage des biens de la communauté et l'ordonnance de non conciliation qui donne acte aux époux de ce qu'ils sont séparés depuis le mois de septembre 1991 établissent que M. Y... avait quitté le domicile conjugal à cette date ce qu'il ne dément pas dans ses écritures.
Dès lors, l'abandon du domicile conjugal par le mari, à défaut d'avoir été autorisé, constitue une violation du devoir de cohabitation énoncé dans l'article 215 du Code civil et permet de considérer que cette faute est la cause de la séparation des époux et de la fin de leur cohabitation subie par la femme.
Les torts de la séparation lui incombant à titre principal, la demande de report des effets du divorce sera donc rejetée.
Il appartiendra en conséquence au notaire désigné d'inclure dans les opérations de partage les parts des SCI, leur valeur devant être estimée à la date la plus proche du partage.
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M. Y... sollicite une rémunération au visa de l'article 815 – 12 du Code civil pour la gestion de l'indivision post communautaire ainsi que 25 % des revenus du laboratoire à titre de rémunération.
En ce qui concerne cette dernière demande, il fait valoir qu'en travaillant en qualité de pharmacien biologiste au laboratoire exploité par la SELARL, il a contribué à l'augmentation de la valeur des parts de cette société.
Madame X... oppose vainement les dispositions de l'article 564 du nouveau code de procédure civile qui prohibent en appel les prétentions nouvelles dans la mesure où il s'agit d'une demande reconventionnelle, M. Y... étant défendeur en première instance, demande qui se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant, étant exposée dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial.
L'article 815 – 12 du Code civil autorise l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis à réclamer une rémunération de son activité.
Encore faut- il que M. Y... justifie en fait de cette gestion et des diligences accomplies. Ainsi que le relève justement l'intimée, il n'apporte aucun élément sur les actes de gestion qu'il aurait effectués au bénéfice de l'indivision post communautaire alors qu'il indique lui- même dans ses écritures que les actes de partage ont été effectués peu après la séparation de fait des époux.
En ce qui concerne la rémunération au titre d'un pourcentage des revenus du laboratoire, cette demande ne peut davantage prospérer s'agissant d'une activité exercée en société personne morale distincte qui est seule tenue de rémunérer les activités accomplies pour son compte.
Dès lors, à supposer que soit démontrée que cette activité ait participé à la valorisation des parts sociales, celle- ci ne peut donner lieu à une rémunération spécifique dans le cadre de la liquidation du régime matrimoniale de l'un des associés.
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M. Y... qui succombe en son recours devra supporter les dépens de l'appel. Cependant l'équité commande de n'allouer aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Statuant dans les limites de la cassation,
Rejette la fin de non recevoir tirée des dispositions de l'article 564 du Code de Procédure Civile,
Déboute M. Y... de sa demande de report de la date d'effet du divorce dans les rapports entre époux,
Le déboute également de ses demandes de rémunération de gestion de l'indivision et de valorisation du laboratoire exploité par la SELARL laboratoire Orfanos Y... Alary Bouhnick,
Dit que Monsieur Y... supportera les dépens qui comprendront ceux afférents à la décision cassée, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP CURAT- JARRICOT dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Arrêt signé par M. FILHOUSE, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé.