ARRÊT N° 601
RG : 07/02563
TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DU GARD
03 avril 2007
SARL NIMES MATERIAUX
C/
URSSAF DES PYRENEES ORIENTALES
DRASS (34)
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 29 AVRIL 2008
APPELANTE :
SARL NIMES MATERIAUX
Numéro RCS : 412249203
prise en la personne de son représentant légal en exercice
536 rue Pavlov
30900 NIMES
représentée par la SELARL DONAT, avocats au barreau de PERPIGNAN
plaidant par Maître HAMOU, avocat
INTIMÉE :
URSSAF DES PYRENEES ORIENTALES
26, rue Petite la Monnaie
BP 59926
66021 PERPIGNAN CEDEX
représentée par la SCP BROQUERE DANTHEZ DE CLERCQ COMTE, avocats au barreau de NIMES
APPELE EN CAUSE :
DRASS (34)
615 Boulevard d'Antigone
34064 MONTPELLIER CEDEX
non comparante, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller,
Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Loïc RAGUSA, Adjoint administratif exerçant les fonctions de greffier, lors des débats, et Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors du prononcé,
DÉBATS :
audience publique du 19 Février 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Avril 2008
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 29 Avril 2008
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par soit transmis du 13 juillet 2004, le Parquet de Perpignan, saisi d'une plainte d'un salarié, a requis la compagnie de gendarmerie de Rivesaltes de procéder à une enquête, et y participaient tant un contrôleur de l'URSSAF qu'un inspecteur des impôts à la demande des enquêteurs.
A la suite des investigations, le procès-verbal de synthèse, dressé le 13 mai 2006, mettait en évidence, outre des faux et des usages de faux, des infractions de travail dissimulé, par dissimulation d'activité et par dissimulation de salarié à l'encontre des dirigeants de la société GDB Construction et de GDB Aménagement.
Le 13 septembre 2006, l'URSSAF des Pyrénées-Orientales notifiait à la société SARL Nîmes Matériaux une lettre d'observations, au titre de la solidarité financière en application de l'article L. 324-14 du Code du travail, entraînant un rappel de cotisations de 10.465 euros, outre majorations de retard, aux motifs que :
- elle avait confié à la société GBD Aménagement en 2003, 2004 et 2005 des travaux effectués aux dépôts situés à Nîmes et à Alès,
- cette société GBD Aménagement, située Rue Albert-Saman à Perpignan, ne s'était jamais acquittée de déclarations d'embauche ni de paiements de cotisations et n'avait pas pu produire les documents visés à l'article R. 324-4 du Code du travail.
Contestant la mise en demeure délivrée le 20 octobre 2006 par l'URSSAF, la société Nîmes Matériaux saisissait, après procédure amiable, le Tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard soutenant que :
- l'URSSAF des Pyrénées-Orientales ne pouvait adresser une mise en demeure car elle n'avait aucune compétence territoriale à ce titre, en sorte qu'elle avait agi en méconnaissance des dispositions de l'article L. 243-7 du Code de la sécurité sociale, et aucune dérogation de compétence n'existait autorisant cette pratique,
- selon une circulaire du 31 décembre 2005, la procédure impose à l'agent, qui a constaté un délit de travail dissimulé, de donner mission à un agent territorialement compétent de procéder aux investigations nécessaires auprès du donneur d'ordre,
- la procédure est irrégulière puisque aucun contrôle n'a été effectué au sein de la société Nîmes Matériaux en méconnaissance de l'article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale,
- lors du contrôle dans les locaux de la société GDB Aménagement, le gérant a remis une attestation indiquant qu'elle était en règle avec l'URSSAF, et que ce document ait été ou non un faux, néanmoins il était en apparence authentique pour elle et elle n'avait pas à vérifier son authenticité,
- de ce chef l'URSSAF n'a pas démontré que le gérant de la société GDB Aménagement n'a pas été en mesure de fournir des documents obligatoires prévus par l'article R. 324-4 du Code du travail,
- la procédure de redressement était donc irrégulière car la lettre d'observations n'a pas été envoyée à l'issue du contrôle comme l'exige l'article R. 243-59, mais six mois après,
- les éléments mentionnés dans la mise ne demeure laissent la société Nîmes Matériaux dans l'ignorance de la nature et de l'étendue de son obligation, car elle n'a jamais été informée des manquements de la société GDB Aménagement, ce qui constitue d'ailleurs une méconnaissance de la circulaire de l'ACOSS 99-82 du 16 juillet 1999,
- enfin l'URSSAF n'a pas précisé les dettes spécifiques pour lesquelles la société Nîmes Matériaux serait solidaire de la dette, en sorte qu'en la forme la mise en demeure devait être annulée.
Par jugement du 8 avril 2007, la société était déboutée de son recours.
La société Nîmes matériaux a régulièrement relevé appel de cette décision et reprend l'essentiel de son argumentation déjà développée tout en précisant que le jugement s'est fondé sur des pièces non communiquées aux débats.
Elle demande donc l'infirmation du jugement, l'annulation de la mise en demeure et le paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'URSSAF demande la confirmation du jugement.
MOTIFS
- Sur la compétence de l'organisme social
Attendu que selon la société appelante l'URSSAF des Pyrénées-Orientales n'avait aucune compétence territoriale en sorte qu'elle avait agi en méconnaissance des dispositions de l'article L. 243-7 du Code de la sécurité sociale, et aucune dérogation de compétence n'existait permettant à l'agent, qui avait constaté le délit de travail dissimulé, de ne pas donner mission à un agent territorialement compétent afin de procéder aux investigations nécessaires auprès du donneur d'ordre ;
Attendu, cependant, que la procédure légale instituée au titre de la solidarité financière du donneur d'ordre est prévue par les dispositions du Code du travail en vue de réprimer le travail dissimulé ; qu'elle est autonome et distincte de celle ayant pour objet le contrôle de la régularité des déclarations des cotisants assujettis dans la circonscription de l'URSSAF telle que définie par les règles de la sécurité sociale ;
Attendu que dès lors l'organisme social poursuivant est celui qui a constaté l'infraction du débiteur principal dans sa circonscription en sorte que l'URSSAF du département des Pyrénées-Orientales, lieu de l'infraction découverte, pouvait poursuivre le débiteur, qualifié légalement de solidaire, situé dans le département du Gard en vue de recouvrer les sommes dues en raison d'une dissimulation dont le débiteur solidaire, donneur d'ordre, est à l'origine par son défaut de vigilance ;
Attendu que l'argumentation tirée d'une incompétence territoriale est donc infondée ;
- Sur la régularité de la procédure
Attendu que la société appelante ne peut soutenir que l'URSSAF devait respecter les prescriptions de l'article 5-1 de la circulaire précitée qui prévoit que lorsque le donneur d'ordre n'est pas situé dans une zone géographique de l'agent verbalisateur, celui-ci doit demander à un autre agent de procéder aux investigations nécessaires auprès du donneur d'ordre ;
Attendu qu'en effet la situation évoquée par cette circulaire concerne l'enquête effectuée à l'initiative de l'agent de l'URSSAF prévue par l'article L. 243-7, alors qu'en l'espèce le Parquet avait saisi les militaires de la gendarmerie de cette enquête et les agents des impôts ou de l'URSSAF, déférant aux réquisitions, n'ont été que les assistants des officiers ou agents de la police judiciaire ;
Attendu qu'ainsi ces derniers ont agi selon les prescriptions du Code de procédure pénale et se sont déplacés dans le Gard en vue de vérifier la situation du donneur d'ordre ; qu'ainsi les investigations sont régulières ;
Attendu que de même dans ce cadre légal l'URSSAF ne pouvait disposer des procès-verbaux établis en sorte que cet organisme ne pouvait transmettre l'un de ceux-ci avant de pouvoir en recevoir une copie à l'expiration de l'enquête et autorisation du Parquet ; que la société appelante ne peut donc soutenir que l'URSSAF devait lui transmettre le procès-verbal établissant le délit du débiteur principal au moment du contrôle effectué dans ses locaux ;
Attendu que la procédure est donc régulière ;
- Sur le bien-fondé de la dette
Attendu qu'il est établi par les pièces du dossier que les sociétés GDB Construction et GDB Aménagement étaient dirigées toutes les deux par le gérant de fait qui n'avait pas procédé aux déclarations d'embauche, ni adressé des déclarations de salaires, ni payé de cotisations sociales bien qu'ayant retenu les précomptes sur les bulletins de paie ;
Attendu que l'épouse de ce gérant a reconnu que l'extrait du registre du commerce envoyé aux gendarmes était un faux et que les sociétés n'avaient aucune existence légale par défaut d'immatriculation ; qu'étaient concernés huit salariés pour GDB Construction et deux pour GDB Aménagement, mais il existait toutefois des changements possibles dans les affectations entre les deux sociétés ; que l'évaluation des salaires non déclarés fut de 239.050 euros ;
Attendu qu'il est établi que la société Nîmes Matériaux était à l'époque en relation d'affaires suivies avec GB Construction et GDB Aménagement au point que le gérant de la première louait aux secondes un local servant de bureau, non occupé, et que la société Nîmes Matériaux lui avait confié des chantiers à Nimes, à Porte sur Garonne et à Montpellier ;
Attendu qu'à aucun moment la société Nîmes Matériaux n'a demandé les documents exigés par l'article L. 324-14 du Code du travail au moment des premiers ordres passés en 2003 ; que c'est donc à juste titre que le jugement a considéré que les éléments matériels du travail dissimulé étaient constitués, étant observé que les factures émises étaient adressées non pas au siège de la société appelante à Nîmes mais à une filiale selon la formule suivante :
M+Nîmes Chez FDE Bd de Clairfont-Naturopole
66 350 Toulouges ;
Attendu que, selon les pièces, le montant des factures s'élève en l'espèce à 91.481 euros s'agissant de travaux presque ininterrompus de réparations et d'entretien courant qui ont été effectués dans deux dépôts situés à Nîmes et Alès appartenant à la société appelante ;
Attendu qu'ainsi sont démontrées tant la réalité des faits de travail dissimulé que l'absence de vigilance de la société Nîmes Matériaux, en sorte que les conditions légales sont bien réunies ;
- Sur la procédure de recouvrement
Attendu que, enfin et contrairement à ce qu'affirme la société appelante, les éléments mentionnés dans la lettre d'observations sont très précis et n'ont pas laissé la société Nîmes Matériaux dans l'ignorance de la nature et de l'étendue de son obligation, l'URSSAF ayant rappelé les textes, bien détaillé les montants des factures retenus, la part en pourcentage des dettes spécifiques pour lesquelles la société Nîmes Matériaux est solidaire, et indiqué les calculs ayant permis la fixation de la dette, en principal, à hauteur de 10.465 euros ;
Attendu que la mise en demeure mentionne les années, le montant des cotisations par années, la ventilation des majorations et les textes applicables ; qu'elle a pu permettre à la société appelante de connaître la nature et la cause se son obligation ; qu'elle est donc régulière en sorte que cette argumentation n'est pas fondée ;
Attendu qu'enfin, lors du recouvrement, l'URSSAF pouvait mettre en œuvre soit des procédures de droit commun, soit celles spécifiques et découlant de ses attributions légales pouvant aller jusqu'à décerner une contrainte ;
Attendu que le fait que l'URSSAF des Pyrénées-Orientales ait utilisé la procédure d'une lettre d'observations, prévue à l'article R. 243-59, et l'émission d'une mise en demeure, n'à donc aucune incidence en l'espèce ;
Attendu que, dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
Vu l'article R 144-10 du Code de la sécurité sociale ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y Ajoutant,
Dispense la société appelante du paiement du droit prévu par l'article . 144-10 du Code de la sécurité sociale.
Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame SIOURILAS, Greffier.