ARRÊT N° 333
R. G. : 05 / 02354
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
21 mars 2005
X...
C /
CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE
CAISSE RÉGIONALE ALPES PROVENCE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1re Chambre A
ARRÊT DU 03 JUIN 2008
APPELANTE :
Mademoiselle Sandra X...
née le 13 Juillet 1971 à BOURGOIN JALLIEU (38)
...
représentée par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Michel AMBROSINO, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉES :
CNP ASSURANCES
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social
4 Place Raoul Dautry
75716 PARIS CEDEX 15
représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
assistée de la SCP FORTUNET & ASSOCIES, avocats au barreau D'AVIGNON
CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CAISSE REGIONALE ALPES PROVENCE, venant aux droits des Caisses Régionales de Crédit Agricole Mutuel de Vaucluse, Bouches du Rhone et Hautes Alpes
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social
25 chemin des Trois cyprès
13796 AIX EN PROVENCE
représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
assistée de la SCP FORTUNET & ASSOCIES, avocats au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 29 Février 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Pierre BOUYSSIC, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Pierre BOUYSSIC, Président
M. Emmanuel DE MONREDON, Conseiller
M. Serge BERTHET, Conseiller
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 27 Mars 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 Juin 2008
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 03 Juin 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour
* * *
FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE
A l'occasion d'un emprunt fait auprès de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE (ci-après le CRÉDIT AGRICOLE) pour un montant de 60. 000 € destinés à l'acquisition, réalisée par acte authentique du 27 décembre 2002, d'un appartement à Avignon, feu Jean-Claude X... a demandé le 19 septembre 2002, à un moment où il était en arrêt de travail, à adhérer à un contrat d'assurance groupe décès-invalidité auprès de la CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE (ci-après la CNP) pour garantir le remboursement de ce prêt en cas de survenance des risques visés à la police (condition suspensive de l'octroi du prêt).
Après son décès survenu le 20 décembre 2003, son unique héritière, Sandra X..., estimant au constat du prélèvement de primes d'assurance au préjudice de son père que la garantie précitée aurait du être mise en oeuvre nonobstant une décision d'ajournement de la souscription d'assurance notifiée à l'assuré le 22 novembre 2002, a fait attraire en paiement du solde du prêt s'élevant au décès à 57. 340, 30 € selon tableau d'amortissement et de dommages et intérêts pour résistance abusive le CRÉDIT AGRICOLE et la CNP devant le tribunal de grande instance d'Avignon qui, par jugement rendu le 21 mars 2005,
- l'a déboutée de sa demande principale en paiement du solde du prêt,
- a mis hors de cause le CRÉDIT AGRICOLE
-a condamné la CNP à lui payer une somme de 1. 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation d'une modification unilatérale des conditions d'octroi de la garantie décès « ajournée » tout en continuant à prélever les primes correspondantes à compter du 22 novembre 2002, et une indemnité de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-a rejeté les demandes de remboursement de frais irrépétibles présentées par les défendeurs,
- a condamné la CNP aux entiers dépens avec distraction directe au profit de l'avocat de la demanderesse.
Pour se décider ainsi, le premier juge a relevé
-qu'informé par le CRÉDIT AGRICOLE de l'ajournement de souscription au contrat groupe CNP avec possibilité pour l'emprunteur de recourir, sans frais ni pénalités, à un autre assureur afin d'obtenir son prêt, ou d'y renoncer, feu Jean-Claude X... avait poursuivi la réalisation de son acquisition immobilière avec le concours financier du CRÉDIT AGRICOLE qui était intervenu à l'acte en sa qualité de prêteur de deniers, ce qui montrait que cette banque avait renoncé elle-même à la condition suspensive d'octroi du prêt, si bien que sa responsabilité ne saurait être recherchée pour un manquement contractuel qu'elle n'a pas commis,
- que le dit acte ne mentionnait pas l'acceptation de la garantie invalidité décès par la CNP, ni aucune autre notification postérieure à la décision d'ajournement de garantie, celle-ci étant originellement et contractuellement prévue pour ne prendre effet qu'au jour de son acceptation, de sorte qu'aucun contrat d'assurance n'a jamais couvert feu Jean-Claude X... dans son obligation de rembourser l'emprunt au CRÉDIT AGRICOLE,
- que cependant la CNP a persisté à prélever sur le compte bancaire de Jean-Claude X... le montant de primes correspondant à une assurance décès en cas d'accident, moins importantes toutefois que celles que l'assuré aurait du payer si son adhésion au contrat groupe couvrant aussi le risque décès non accidentel avait été admise,
- que si cette situation est la résultante d'une clause des conditions générale du contrat de groupe prévoyant qu'en cas d'ajournement de l'acceptation de garantie, le candidat à l'assurance, qui devait réitérer sa demande d'assurance en fin d'ajournement, restait assuré pour le risque décès accidentel pendant 90 jours à compter de la demande ajournée, la CNP ne pouvait sans avoir recueilli l'accord de son cocontractant limiter ainsi et unilatéralement sa garantie pour prélever des primes inconnues préalablement de l'assuré « forcé »
- qu'ainsi le prélèvement de primes sans l'accord du prélevé constituent de la part de la CNP un manquement à ses obligations contractuelles et ce d'autant plus que l'assuré a pu légitimement comprendre que, dès lors qu'il avait signé la demande d'adhésion, l'assureur pouvait tout se permettre en se moquant parfaitement du contenu du contrat, ce qui justifiait l'octroi de dommages et intérêts à Mlle X... ès qualités d'héritière de son père.
Celle-ci a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 31 mai 2005 dont la régularité ne fait l'objet d'aucune contestation et n'est pas non plus contestable d'office.
MOYENS ET DEMANDES
Dans le dernier état de ses écritures signifiées le 22 juin 2007, auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, Mlle X... soutient que son père était effectivement assuré dès lors :
- que lui ont été prélevées les primes correspondant aux risques pour lesquels il s'était porté candidat à l'assurance, y compris avec doublement après l'âge de 60 ans,
- que la clause de couverture du seul risque décès accidentel en cas d'ajournement prévoit qu'après notification de l'ajournement de la demande d'assurance, ce risque n'est plus couvert, contrairement à ce qu'affirment les intimés et ce qu'à retenu à tort le premier juge, si bien que se trouveraient injustifiés les paiements de primes si le contrat était considéré comme non conclu, ce qui ne peut être,
- qu'à tout le moins, existe un manquement au devoir de conseil et d'information imputable aux deux intimées, dès lors qu'en l'état d'un ajournement qui n'est pas un refus d'agrément de la demande mais une simple suspension dudit agrément, d'une part son père, ne sachant pas s'il était ou non assuré, a été trompé par l'intervention du CRÉDIT AGRICOLE en qualité de prêteur de deniers à l'acte d'achat de l'appartement lui laissant penser, à défaut d'autres précision, que sa couverture était effective, et ce d'autant plus que la notification de l'ajournement par la CNP a été portée à sa connaissance par le CRÉDIT AGRICOLE, sans que la décharge-type que cette banque emploie habituellement lui ait été proposée à la signature, alors qu'il s'agissait tout de même d'une condition suspensive du prêt lui-même, d'autre part, la suspension qui serait un effet de l'ajournement jusqu'à la fin du troisième mois de la reprise du travail, ne saurait durer pendant toute la durée du prêt accordé dès lors que la dite reprise de travail n'est jamais intervenue, son père étant décédé quelques mois après sans savoir s'il était ou non accepté aux garanties pour lesquelles il s'était porté candidat, ce qui est une faute préjudiciable à imputer à la CNP, et ce d'autant plus que cette dernière n'a pas fait figurer les effets de l'ajournement dans la notice relative aux conditions particulières du contrat d'assurance, mais seulement en termes sibyllins et selon une procédure des plus succinctes dans les conditions générales, sans aucune précision autre que celle d'obliger le candidat ajourné à représenter une nouvelle demande « à la fin du délai qui lui sera indiqué », ce qui peut effectivement se comprendre comme un refus d'assurance mais vient se heurter aux prélèvements de primes laissant au contraire croire que la suspension d'assurance issue de l'ajournement a cessé, outre que celle-ci n'est pas expliqué dans les document contractuels opposables et notamment l'acte de prêt inséré à l'acte authentique de vente.
Elle demande donc l'infirmation du jugement et la condamnation solidaire du CRÉDIT AGRICOLE et de la CNP à payer le solde du prêt en capital et intérêts tel qu'il ressort du tableau d'amortissement faisant apparaître un montant du de 57. 340, 30 € en capital au jour du décès de son père, et à lui verser une somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts pour réparer l'incertitude que fait peser l'attitude de refus des intimées sur le devenir de l'appartement dont elle a hérité et dont elle supporte toujours les charges inutilement, ou, si mieux n'aime la cour, la condamnation solidaire des intimées à lui payer la somme de 57. 340, 30 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à leur devoir de conseil et d'information, et en tout état de cause, outre les dommages et intérêts pour résistance abusive ci-avant énoncés, à lui payer une indemnité de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel devant leur échoir sous la même solidarité avec pour ceux d'appel distraction directe au profit de son avoué.
Aux termes de ses dernières conclusions en réplique déposées le 28 novembre 2006, auxquelles il est également renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, le CRÉDIT AGRICOLE poursuit la confirmation du jugement entrepris sauf à y ajouter la condamnation de l'appelante à lui payer une indemnité de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens de son appel infondé avec distraction directe au profit de son avoué.
Cette banque fait valoir qu'on ne peut prétendre que M. X... était assuré ni pouvait le croire dès lors que l'ajournement de son agrément lui avait notifié le 22 novembre 2002 par ses soins avec la précision qu'il pourrait reformuler une nouvelle demande à l'issue du délai de trois mois après la reprise de son travail ou souscrire pareille demande auprès d'un autre assureur sans pénalité, que le prêt restait conditionné à la souscription d'une assurance décès invalidité y compris au moment où l'acte d'achat de l'appartement a été dressé en forme authentique mentionnant le recours au dit prêt sous condition, qu'en signant cet acte de vente Jean-Claude X... a renoncé à la possibilité d'être assuré par un tiers mais n'a pas renoncé à obtenir le prêt que la banque lui offrait sous condition d'agrément au contrat de groupe CNP,
qu'il n'a cependant pas réitéré sa demande d'agrément dans les conditions fixées à la notification, que sa couverture pour le risque décès accidentel subsistant aux termes mêmes de la notification d'ajournement qui correspond à l'application des clauses générales de la police avait un coût qui lui a été prélevé dans des conditions normales, qu'il était parfaitement informé tant pas la lettre du 22 novembre 2002 que par les conditions générales d'adhésion au contrat CNP des conséquences de l'ajournement et des possibilités de renoncement, y compris à l'octroi du prêt, qu'une telle décision entraînait, qu'ainsi aucune faute ne peut être caractérisée contre elle sans que l'on puise lui reprocher de n'avoir pas utilisé des formulaires qui ne correspondent pas à la situation dans laquelle l'emprunteur se trouvait après réception de la lettre de notification du 22 novembre et jusqu'au moment où il a choisi d'acheter le 27 décembre, acceptant la prise d'une inscription sur l'immeuble acquis par son préteur de denier, garantie effective venant remplacer provisoirement celle de l'assurance décès invalidité, qu'aujourd'hui Mlle X... est mal fondée à se plaindre de la conservation d'un appartement que la banque de son père a financé sans être remboursée alors qu'elle est seule responsable du choix de sa gestion dont elle doit assumer les conséquences.
De son coté, aux termes de ses dernières conclusions en réplique déposées le 29 novembre 2005, auxquelles il est également renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, la CNP soutient, outre que sa garantie n'a jamais été accordée à feu Jean-Claude X... pour la raison qu'étant en arrêt de travail pour motif de santé, sa demande d'adhésion a été ajournée, ce qui contractuellement (selon les conditions générales) l'a d'office assuré au risque décès accidentel nécessitant paiement de primes mais l'a aussi obligé à renouveler sa demande dans le délai de trois mois après sa reprise de travail, ce qu'il n'a jamais fait. Quant au prélèvement des primes que le premier juge a jugé fautif, il s'agit de la contrepartie de l'assurance subsistante en cas d'ajournement, et ce tant que le délai de trois mois à compter de la reprise de travail et réitération de la demande d'adhésion ne s'était pas écoulé, ce qui avait été porté à la connaissance de l'ajourné dans la lettre de notification du 22 novembre 2002, suffisante en information au regard des dispositions de l'article L. 140-4 alinéa 1er du code des assurances qui n'impose pas de détailler la procédure d'ajournement et ses effets ; or, dans la mesure où Jean-Claude X... n'a jamais repris le travail et n'a a fortiori jamais présenté de nouvelle demande d'adhésion, il est normal qu'en contre partie de la garantie subsistante de décès accidentel, les primes correspondantes aient été prélevées. Elle demande donc la confirmation du jugement déféré en ce qu'il déboute Mlle X... de sa demande principale en prise en charge solidaire par le CRÉDIT AGRICOLE et l'assureur groupe du prêt contracté par feu Jean-Claude X..., mais sur son appel incident, elle sollicite l'infirmation du dit jugement en ce qu'il porte sa condamnation pour une faute qu'elle n'a pas commise et le débouté général de Mlle X... qui sera condamnée à lui payer une indemnité de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les entiers dépens dont pour ceux d'appel distraction directe au profit de son avoué.
DISCUSSION
Dans la mesure où le CRÉDIT AGRICOLE s'est (en page 4 des conditions générales de son offre de prêt) réservé la possibilité de ne pas donner suite à son offre si l'emprunteur n'a pas été accepté par la CNP, ce qui ne recouvre pas la situation de feu Jean-Claude X... qui a reçu le 22 novembre 2002 la notification d'un simple ajournement laissant persister une couverture limitée au risque décès accidentel, on ne peut dire que le prêt était conditionné à l'acceptation par l'assureur de l'emprunteur, ce qui d'ailleurs explique que le CRÉDIT AGRICOLE ait persisté dans son offre jusqu'à la confirmer de manière authentique dans l'acte de vente de l'appartement, le premier juge ayant fort bien analysé la situation en relevant le renoncement de la banque à la garantie d'assurance, d'abord exigée, conservant toutefois son privilège de prêteur de deniers régulièrement inscrit.
Cependant, ce renoncement ne s'est manifesté que lors de la réitération de l'acquisition de l'immeuble ainsi financé le 27 décembre 2002 l'acte authentique fixant pour première échéance de remboursement le 5 février 2003.
Le même acte énonce aussi, sur déclaration d'un clerc de notaire mandataire du CRÉDIT AGRICOLE, que Jean-Claude X... a souscrit un contrat d'assurance collective prenant effet à la date d'acceptation du prêt, sauf à reporter cette prise d'effet à la date de notification par l'assureur de son accord au préteur lorsque cette notification survient postérieurement à l'acceptation du prêt par le préteur.
Sachant que la seule notification reçue par l'emprunteur est du 22 novembre 2002, soit avant le 27 décembre 2002, qu'elle n'est ni une acceptation ni un refus mais un « ajournement » (notifié par le prêteur conformément à l'article 3 des conditions générales), que l'« ajournement » n'est défini nulle part, la notice ne portant comme seules informations à l'emprunteur (qui a signé en avoir eu connaissance le 19 septembre 2002 au moment de présenter sa candidature)
1 / son obligation s'il persiste en sa candidature de réitérer celle-ci à la fin du délai d'ajournement que la banque a dans sa notification fixé à trois mois après la reprise du travail, sans autre précision
2 / l'instauration d'une garantie décès accidentel pendant les 90 jours suivant la demande d'adhésion sauf en cas notamment d'« ajournement » (rapportée au cas d'espèce, la stipulation n'est effective qu'entre le 19 septembre et le 22 novembre 2002, ainsi que l'a très bien vu le premier juge, ce qui explique aussi que la CNP soit resté curieusement taisante dans ses écritures quant au montant des primes qu'elle a fait prélever à son bénéfice jusqu'au décès de Jean-Claude X... le 20 décembre 2003), étant précisé qu'il faut être un juriste professionnel et très attentif pour comprendre, eu égard à l'éparpillement des éléments de sa définition dans les dites conditions générales, ce qu'est le décès accidentel couvert par opposition à un décès provenant d'une maladie, risque de confusion aggravé par la transcription de l'information malheureusement coupée entre deux lignes dans la lettre-notification du CRÉDIT AGRICOLE
3 / la prise d'effet de la garantie à compter de la plus tardive des deux dates suivante : celle mentionnée à l'offre ou au contrat de prêt et celle de l'accord de l'assureur au prêteur (et non à l'emprunteur),
force est de relever qu'en participant par intervention expresse à l'acte de vente et en modifiant son offre par fixation de l'amortissement du prêt dans le temps, le CRÉDIT AGRICOLE a conforté Jean-Claude X... dans sa conviction que, nonobstant l'ajournement de sa demande qui lui avait été notifié un mois auparavant et dont il pouvait tirer que n'étant pas refusé il était accepté hors cas d'invalidité (ce qu'il pouvait déduire de son arrêt de travail) puisqu'on lui affirmait une couverture décès, il était bien assuré comme il en avait manifesté l'intention bien avant de contracter le prêt litigieux, ainsi que le lui démontraient par ailleurs tant le déblocage des fonds empruntés après le 22 novembre 2002 que les prélèvements de primes d'assurance correspondant au montant du risque total contre lequel il avait posé sa candidature à garantie, conviction renforcée par la suite par le doublement des prélèvements aussitôt ses soixante ans atteints (conformément au contrat d'assurance).
Il s'ensuit que si effectivement le prêt n'est pas garanti car Jean-Claude X... n'est pas décédé par suite d'un accident répondant à la définition des conditions générales de la police de groupe en cause, comme l'a justement relevé le premier juge, il n'en demeure pas moins que tant le CRÉDIT AGRICOLE, pour n'avoir pas été plus clair à l'égard de son emprunteur au moins le jour de la signature de la vente financée, mais aussi pour ne s'être pas interrogé sur les prélèvements exigés par la CNP alors que d'évidence, ils correspondaient aux montant des primes si la garantie recherchée en septembre 2002 lui avait été totalement accordée par le dit assureur (celui-ci restant taisant sur ce point, tout comme la banque qui se contente un peu légèrement de renvoyer la Cour à la « démonstration » inexistante de la CNP), que la CNP qui ne justifie ni le nombre des prélèvements ni leur montant, ont commis à l'égard de feu Jean-Claude X... une faute dans leur obligation de conseil qui a abouti à conduire ce dernier à contracter un emprunt sans les garanties qu'il estimait nécessaire à son projet immobilier, et donc à manquer d'une chance de réaliser le dit projet conformément à ses voeux.
Il n'est donc pas possible de mettre hors de cause la banque ni de limiter le préjudice de Mlle X... comme le premier juge l'a décidé : compte tenu des éléments susvisés et du montant indûment prélevé, il sera accordé à Mlle X... ès qualité d'héritière de son père, une somme de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts correspondant à la moitié de la somme pour laquelle Jean-Claude X... s'est engagé sans les garanties qu'il voulait pour réaliser son projet immobilier, alors qu'une information claire et franche aurait pu lui faire prendre une autre décision.
C'est donc en ce sens que le jugement déféré sera réformé, la cour ne trouvant pas matière à caractériser un autre abus de la part des intimées.
Ces dernières qui succombent supporteront in solidum les entiers dépens de première instance et d'appel et devront payer à Mlle X..., sous la même solidarité, une indemnité de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité accordée en première instance sur le même fondement, sauf à dire que cette indemnité de première instance échoit aussi au CRÉDIT AGRICOLE sous la même solidarité.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement en dernier ressort par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ce qu'il déboute Mlle X... de sa demande en prise en charge par ses adversaires du solde du prêt que feu son père a contracté sans assurance, et en ce qu'il détermine le montant de l'indemnité due à Mlle X... pour frais irrépétibles de première instance,
Le réformant pour le surplus,
Condamne in solidum la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D'ALPES PROVENCE et la CAISSE NATIONALE DE PRÉVENTION à payer à Mlle X... ès qualité d'unique héritière de son père feu Jean-Claude X... une somme de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts pour réparer la perte d'une chance de contracter un prêt dans de bonnes conditions
Déboute les parties du surplus de leurs demandes sauf ce qui suit,
Condamne in solidum CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D'ALPES PROVENCE et la CAISSE NATIONALE DE PRÉVENTION à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, à supporter le paiement de l'indemnité pour frais irrépétibles engagés par Mlle X... en première instance et à payer à cette dernière en sus une indemnité supplémentaire de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel,
Autorise la SCP PERICCHI à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
Arrêt signé par M. BOUYSSIC, Président et par Mme VILLALBA, Greffier.