ARRÊT N° 455
RG : 06 / 01046
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES
16 février 2006
BANQUE POPULAIRE DU SUD
C /
X...
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE
1re Chambre A
ARRÊT DU 2 SEPTEMBRE 2008
APPELANTE :
BANQUE POPULAIRE DU SUD, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DU MIDI, poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social
38 Boulevard Clemenceau
66000 PERPIGNAN
représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour
assistée de la SCP REINHARD DELRAN, avocats au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Madame Marianne X...
née le 11 Août 1947 à ARGENTEUIL (95)
...
13090 AIX EN PROVENCE
représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
assistée de Me Philippe JANIOT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Janvier 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Pierre BOUYSSIC, Président,
Mme Christine JEAN, Conseiller,
M. Serge BERTHET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 29 Janvier 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 01 Avril 2008, prorogé à celle de ce jour,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 2 septembre 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE
Par déclaration déposée le 13 mars 2006 dont la régularité n'est pas mise en cause, la SA Coopérative BANQUE POPULAIRE DU SUD venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DU MIDI a relevé appel d'un jugement prononcé le 16 février 2006 par le tribunal de grande instance de Nîmes qui, à la demande de Mme X..., a :
- condamné la BANQUE POPULAIRE DU MIDI à payer à la demanderesse une somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'accroissement de surendettement subi par Mme X... du fait de l'octroi à cette dernière, par son agence de Nîmes, de deux prêts, l'un immobilier l'autre personnel pour favoriser son implantation professionnelle à Nîmes en provenance d'Aix en Provence où elle était déjà sérieusement endettée auprès de l'agence d'Aix en Provence de la SOCIÉTÉ MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC), au point de voir ses capacités financières de remboursement quasiment obérées en totalité,
- condamné Mme X... à payer à la BANQUE POPULAIRE DU MIDI une somme de 4 067,46 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2001 jusqu'à parfait paiement, en remboursement du débit de son compte courant arrêté à la date précitée
- ordonné la compensation entre les créances précitées par application de l'article 1290 du code civil
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la BANQUE POPULAIRE DU MIDI aux dépens et à payer à Mme X... une indemnité de 1 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a :
- admis un témoignage selon lequel Mme X... s'est bien vue proposer par le responsable de l'agence BPM de Nîmes un emprunt immobilier supérieur à ses réels besoins pour solder son endettement auprès de la SMC d'Aix en Provence, puis, en raison du refus de la direction de la BPM, un prêt immobilier associé à un prêt personnel, lequel a également été refusé alors que les travaux dans l'immeuble acquis étaient engagés, avant de lui consentir le prêt personnel dont s'agit
- relevé que se trouvaient plausibles les dénégations de Mme X... quant à l'apport personnel pour l'acquisition immobilière faussement mentionné dans l'acte notarié de vente, dès lors que si cet apport existait, la demanderesse n'aurait pas hésité à apurer son endettement antérieur auprès de la SMC d'Aix en Provence avant d'investir à Nîmes, et alors que le prix de vente augmenté des frais de l'opération correspond à la somme empruntée,
- relevé également que les échéances de remboursement de l'emprunt immobilier étaient nettement supérieures aux loyers précédemment acquittés par Mme X... pour son cabinet professionnel à Nîmes
- retenu en conséquence que la BPM avait été particulièrement légère en octroyant le prêt dont elle savait le remboursement critique sans attendre la restructuration de l'endettement de sa cliente dont les comptes courants étaient de surcroît en débit important et en ne remplissant pas auprès de cette dernière son devoir de conseil, ce qui constituait une faute de la part de la banque qui a généré pour Mme X... un préjudice égal à la perte de la chance de pouvoir réduire son endettement estimée, compte tenu des agios et frais divers générés par sa défaillance à 35 000 €
- en revanche retenu que Mme X... restait débitrice des sommes inscrites en débit de son compte courant à l'égard de la BPM qui ne réclamait que 4 067, 46 € selon arrêté de compte du 1er décembre 2001.
MOYENS ET DEMANDES
Dans le dernier état de ses écritures signifiées le 26 octobre 2007, auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, la BPS qui vient aux droits de la BPM soutient
- qu'après avoir obtenu un prêt hypothécaire de 340 000 francs par acte notarié du 5 décembre 1997 pour l'acquisition d'un appartement destiné à recevoir son cabinet de relaxation ou de psychanalyste puis un prêt personnel de 110 000 francs pour couvrir le travaux d'aménagement dudit appartement et étaler dans le temps son manque de trésorerie, Mme X... a bénéficié d'un report de 17 échéances du prêt immobilier selon avenant du 8 mars 1999 comportant un nouveau tableau d'amortissement apurant le remboursement au 5 mai 2014, accord qu'elle n'a pas respecté de sorte que la garantie hypothécaire a été mise en oeuvre par commandement délivré le 17 octobre 2002,
- que la présente procédure n'est qu'une réponse dilatoire de la débitrice à la procédure de saisie immobilière puisqu'elle a engendré un sursis à la vente judiciaire de l'appartement que Mme X... a voué à la vente amiable selon compromis du 14 mars 2003 resté sans suite,
- que le premier juge s'est contredit en relevant d'une part que l'existence d'un apport personnel, nié par Mme X..., n'aurait pu servir qu'à la diminution de l'endettement préalablement constitué auprès de la SMC d'Aix et d'autre part que Mme X... ne rapportait pas la preuve que cet endettement était connu de la BPM au moment de l'octroi des prêts, alors que seules sont en cause les conditions d'octroi du prêt immobilier puisque rien n'est demandé relativement au prêt personnel dont le remboursement au demeurant est touché par la forclusion, la décision attaquée équivalant à faire bénéficier Mme X... de l'acquisition quasi gratuite de l'appartement dont au surplus elle tire un revenu locatif supérieur aux échéances de remboursement du prêt immobilier (ainsi nullement ruineux), outre qu'elle comporte des difficultés d'exécution faute de préciser les créances réciproques devant se compenser,
- qu'en réalité, elle n'a commis aucune faute dans l'octroi du prêt immobilier (comportant un premier différé d'amortissement de trois mois) qu'elle n'a consenti que sur justificatif fiscal des revenus professionnels de Mme X... sur Aix en Provence auxquels devaient être ajouté ceux réalisés à Nîmes puisque Mme X... entendait poursuivre son activité sur les deux agglomérations, que lors de la négociation de ce prêt elle était assistée de son conseil, M. A..., qui aujourd'hui témoigne contre la banque comme simple relation de la débitrice alors qu'il en était le comptable gestionnaire (cf. Courrier du 27 janvier 1999), que le compromis d'acquisition s'est négocié hors la présence de la BPM le 16 octobre 1997 tandis que les premières approches avec cette banque sont de novembre 1997, que l'endettement auprès de la SMC d'Aix en Provence n'y a pas été révélé, pas plus que les autres engagements obérant la situation financière de Mme X..., que tous ces engagements faisaient l'objet d'accord de prélèvement sur des comptes SMC auxquels la BPM n'avait pas accès,
- qu'en outre Mme X... est bien en peine de caractériser son préjudice alors que l'opération lui a permis jusqu'ici de se constituer un patrimoine immobilier sans bourse délier, et d'en tirer des revenus locatifs, ce sans compter le gain obtenu du fait d'une attitude dilatoire relativement au remboursement du prêt personnel qui ne peut plus donner lieu à action aujourd'hui atteinte de forclusion,
- qu'enfin les mentions relatives au crédit immobilier (TEG, tableau d'amortissement, etc.) sont conformes à la loi, ce qui ruine la demande de Mme X... de voir dire déchue sa créancière du droit aux intérêts conventionnels.
La BPS demande donc à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à des dommages et intérêts en faveur de Mme X..., de débouter celle-ci de cette demande, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il condamne Mme X... à lui payer la somme de 4 067,46 € en remboursement du débit de son compte courant, sauf à y ajouter la précision que cette somme de 4 067,46 € portera intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2001 et la condamnation de Mme X... à lui payer une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre la prise en charge des dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions en réplique déposées le 20 avril 2007, auxquelles il est également renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, Mme X... explique au contraire qu'elle s'est rapprochée de la BPM pour restructurer son endettement contracté auprès de la SMC à Aix, par le truchement d'un prêt immobilier sur Nîmes comprenant des travaux exagérément surévalués conformément à la proposition du directeur de l'agence nîmoise de cette banque, que celle-ci a cependant refusé cette opération, lui offrant d'abord de financer l'acquisition de l'appartement, ce qu'elle a accepté alors que ses facultés financières ne le lui permettaient pas, ce qui s'est vite révélé, de sorte que la BPM lui a octroyé un an plus tard un nouveau prêt dit personnel pour faire face à cette situation, solution qui n'a rien résolu, au contraire, de sorte qu'elle a dû demander un report des échéances de remboursement du crédit immobilier avant d'être soumise à la déchéance des termes des deux prêts et exposée aux poursuites immobilières.
Elle tire la preuve de ses allégations du témoignage de M. A... et de la production à la BPM non seulement de ses documents fiscaux mais aussi de ses relevés de compte SMC sur lesquels apparaissent les prélèvements correspondant à ses engagements antérieurs, source de son endettement, du fait qu'elle était seule et profane face à la BPM, M. A... n'étant intervenu professionnellement à ses cotés que bien plus tard, et de la surévaluation des travaux à prévoir.
Elle fait valoir que les échéances de remboursement du prêt immobilier sont supérieures du double au montant du loyer du local professionnel qui hébergeait son activité avant l'acquisition de l'appartement pour affirmer le caractère ruineux du crédit en cause, cause exclusive de l'aggravation de son surendettement que l'octroi de l'ultime prêt personnel, un an plus tard, n'a pas permis d'améliorer, de sorte que ce second prêt a précipité la cessation des paiements, ce que d'ailleurs la BPM a admis en acceptant le report d'échéance en fin de prêt. Finalement, la banque a, pour Mme X..., commis une double faute en lui octroyant le prêt immobilier litigieux puis en gérant mal son remboursement par refus d'affecter les règlements faits par la débitrice audit remboursement, en n'affectant pas le loyer de l'appartement audit remboursement, en multipliant les divers frais et commissions (entre 1998 et 2001, plus de 130 000 francs seront ainsi prélevés pour paiements de ces accessoires) et en refusant de la rencontrer.
Elle estime que le premier juge a fort bien analysé ces fautes et son préjudice en condamnant la BPM à lui payer 35 000 € à titre de dommages et intérêts, ce dont elle demande confirmation, avec compensation entre créances réciproques.
Elle demande cependant à la cour de reconnaître que la BPM a indiqué un TEG erroné dans l'offre de prêt immobilier, de sorte qu'elle se trouve aujourd'hui déchue du droit aux intérêts conventionnels. Elle sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle porte sa condamnation à payer le solde débiteur de son compte courant professionnel alors que la BPM n'a articulé cette demande qu'en dernier recours, ce qui montre qu'elle avait la volonté de renoncer à ses droits sur ce points. Elle nie enfin toute intention de fraude contre la BPM et réclame l'allocation d'une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISCUSSION
Etant vérifié que la perception par la BPM (ou aujourd'hui la BPS) de frais et commissions générés par la défaillance de Mme X... ne sont guère que les conséquences régulières des contrats que celle-ci a obtenus de cette banque et reste sans incidence sur la caractérisation de la faute alléguée, n'en étant qu'un des effets, il y a lieu de préciser que l'action en responsabilité contre la BPM ne peut prospérer que s'il est démontré qu'au temps de la signature du contrat de prêt hypothécaire, seul visé et d'ailleurs seul visable puisque la BPS admet avoir perdu par forclusion tout droit à réclamation relativement au prêt ultérieur dit personnel et déclare ne rien réclamer de ce chef, la banque prêteuse a consenti ledit prêt immobilier, en connaissance de la situation d'endettement antérieur de sa cliente et du risque pour celle-ci de le voir aggraver par l'effet de l'engagement en cause.
Or, hormis les déclarations de M. A... dont l'intervention au profit de Mme X... est bien postérieure au temps ci-dessus défini, selon ce que celle-ci indique elle-même dans ses conclusions, ce qui rend lesdites déclarations très suspectes puisque dans ces conditions il n'a pu être témoin de rien (Mme X... affirmant de surcroît avoir été seule face à son banquier) et ce d'autant plus que son rôle non dénié de consultant ultérieur (à compter de la mi-1998) peut l'avoir conduit à avaliser par complaisance les affirmations de sa « cliente », rien au dossier ne montre que le directeur de l'agence nîmoise de la BPS savait que Mme X... était surendettée à Aix notamment auprès de la SMC avec laquelle il n'avait aucune raison d'entrer en contact, ni qu'il lui avait proposé le stratagème que l'intimée décrit sans le prouver, la cour notant que le compromis de vente de l'appartement qui va être financé à l'aide du prêt en cause ayant déjà été signé et les travaux quasiment définis avant que la BPM soit contactée pour l'octroi du prêt, l'ouverture préalable de deux comptes dans les livres de cette banque ne suffisant pas à étayer l'hypothèse avancée par Mme X..., laquelle s'était déjà installée « secondairement » depuis longtemps à Nîmes dans un local loué.
Il y a lieu en outre de relever que dans sa demande écrite de prêt, Mme X... passe sous silence ses difficultés aixoises, non seulement avec la SMC mais aussi avec d'autres organismes de crédit à la consommation, et rien dans les documents fiscaux qu'elle a produits à l'appui de sa demande de prêt immobilier auprès de la BPM ne permettait à cette dernière de les deviner.
Il en résulte que, même si les effets juridiques de cet engagement immobilier ont pu à juste titre impressionner le premier juge qui les a, à ce niveau de son raisonnement, confondus avec leur cause, il n'est pas possible d'emboîter le pas de Mme X... dans la reconnaissance à la charge de la BPM d'une quelconque faute dans l'octroi d'un prêt immobilier garanti par une hypothèque et une activité professionnelle non déficitaire exercée à titre principal à Aix en Provence et secondairement à Nîmes.
Le jugement déféré doit donc être infirmé en ce qu'il condamne la banque à payer des dommages et intérêts à Mme X... qui est la seule artisane de la situation d'aggravation de son endettement qu'elle cherche à tort à imputer à la BPM.
En revanche, il est certain et d'ailleurs non sérieusement contesté par Mme X... qu'elle doit le débit de son compte courant à hauteur de la somme exactement arbitrée en première instance selon une motivation que la cour adopte pour confirmer le jugement attaqué sur ce point.
Aucune autre demande n'est justifiée et notamment ni la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels contre la BPS, le contrat de prêt étant rigoureusement l'expression de la loi qui permet à l'emprunteur de savoir à quoi il s'engage et selon quelles modalités, ce que les tableaux d'amortissement annexés au prêt ou à son avenant suffisent à établir, ni la demande d'indemnisation d'un prétendu abus qui n'existe pas en l'espèce.
Mme X... supportera les entiers dépens de première instance et d'appel mais il n'apparaît pas équitable eu égard à la disparité de fortune entre les parties de faire droit à la demande d'indemnisation de la banque pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement en dernier ressort par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il condamne la BANQUE POPULAIRE DU MIDI (devenue la BANQUE POPULAIRE DU SUD) à payer des dommages et intérêts à Mme X... et statuant à nouveau, déboute cette dernière de sa demande en dommages et intérêts,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il condamne Mme X... à payer à la BANQUE POPULAIRE DU MIDI devenue la BANQUE POPULAIRE DU SUD une somme de 4 067,46 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2001,
Dit que faute de créances réciproques, il n'y a pas lieu à compensation,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et notamment la BANQUE POPULAIRE de sa demande de dommages et intérêts pour abus et de sa demande d'indemnisation de frais irrépétibles, et Mme X... de sa demande de déchéance de son adversaire de ses droits à intérêts conventionnels, de sa demande de dommages et intérêts pour abus et de sa demande d'indemnisation de frais irrépétibles,
Ordonne qu'il soit fait masse des dépens de première instance et d'appel et condamne Mme X... à les supporter intégralement
Autorise la SCP TARDIEU à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
Arrêt signé par M. BOUYSSIC, Président, et par Mme VILLALBA, Greffier.