COUR D'APPEL DE NÎMES
DEUXIÈME CHAMBRE
Section B-COMMERCIALE
ARRÊT DU11 SEPTEMBRE 2008
ARRÊT No 378
Magistrat Rédacteur : Mme BRISSY-PROUVOST/ DDP
R.G : 07/02921
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
14 mai 2007
X...
Y...
C/
SNC SERNAM SERVICES
APPELANTE :
Madame Isabelle X...
Y...
née le 10 Octobre 1962 à MONTELIMAR (26200)
...
84000 AVIGNON
représentée par la SCP CURAT- JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de la SCP BILLY SIGNORET BOUCHOUCHA, avocats au barreau de TARASCON
INTIMÉE :
SNC SERNAM SERVICES, venant aux droits de la SERNAM SUD EST, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
23 Avenue Claude Debussy
92110 CLICHY
représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour
assistée de Me Alain RIQUIER, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 23 Mai 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame Catherine BRISSY-PROUVOST, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du CPC, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur Raymond ESPEL, Président
Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller
Madame Catherine BRISSY-PROUVOST, Conseiller
GREFFIER :
Mme Dominique RIVOALLAN, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DEBATS :
à l'audience publique du 09 Juin 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Septembre 2008
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRET:
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Monsieur Raymond ESPEL, Président, publiquement, le 11 Septembre 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour
DONNÉES DU LITIGE
Le litige
Le 6 juin 2005, Isabelle X...
Y... , kinésithérapeute, a chargé la société Sernam ( Nice ) de transporter, de Valbonne (06560) en Avignon, un appareil LPG cellu M6 IP d'un poids de 99 kilos qu'elle venait d'acquérir à des fins professionnelles pour le prix de 9 850 €.
Le 9 juin 2005, elle a refusé la livraison de cet appareil qui présentait des dégâts.
La Sernam a procédé à une indemnisation forfaitaire de 750 € qu 'elle tient pour définitive alors qu' Isabelle X...
Y... la considère comme une provision.
La procédure devant le tribunal de grande instance d'Avignon
Par acte du 9 mai 2006, Isabelle X...
Y... a assigné la snc Sernam sud-est devant le Tribunal de grande instance d'Avignon pour obtenir:
- à titre principal et au visa des articles 1784 du Code civil, L. 133-1 et L. 133-2 du code de commerce,
sa condamnation à paiement de la somme de 11 148,64 €
correspondant, après la déduction de la provision de 750 €, pour
+ 156,02 euros au coût du transport,
+ 3342,63 € à son préjudice matériel,
+ 2400 € à sa perte d'exploitation,
+ 6 000 € à son préjudice moral et à la perte de sa clientèle,
- subsidiairement, et au visa des articles 1135,1147 du Code civil, sa condamnation à paiement de la somme de 11 148,64 € pour manquement à son obligation de conseil et de prudence,
- en toute hypothèse, sa condamnation à paiement
+ de la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
+ des dépens,
la décision à intervenir devant être assortie de l'exécution provisoire.
Répondant que son obligation d'indemnisation est limitée et contestant toute faute lourde de nature à faire obstacle à cette limitation, la snc Sernam a conclu au débouté de ces demandes et a sollicité reconventionnellement paiement de la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 14 mai 2007, le tribunal de grande instance d'Avignon, retenant les moyens développés par la Sernam ,
- a débouté Isabelle X...
Y... de ses demandes
- l'a condamnée aux dépens.
Isabelle X...
Y... a interjeté appel de cette décision par acte du 2 juillet 2007.
Les prétentions et moyens des parties devant la Cour
Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 22 mai 2008, auxquels il est fait expressément référence
Isabelle X...
Y... conclut à l'infirmation du jugement dont appel et demande à la Cour:
- à titre principal et au visa des articles 1784 du Code civil, L. 133-1 et L 133-2 du code de commerce, de l'article 8 paragraphe 2 alinéa 3 de la loi LOT du 31 décembre 1982, de :
+ constater la défaillance de la société Sernam services,
+ dire que les avaries constatées sur l'appareil transporté ont été exclusivement causées par son fait délictueux ,
+ dire que les clauses limitatives de responsabilité lui sont inopposables,
+ dire que le contrat type prévu par le décret du 6 avril 1999 ne peut s'appliquer en l'espèce,
+ condamner la société Sernam services à indemniser intégralement son préjudice,
- subsidiairement, et au visa des articles l131 du Code civil, de :
+ dire que la société Sernam services a manqué à une obligation essentielle du contrat,
+ dire que son droit à indemnisation est intégral sans que puisse lui être opposée une clause contractuelle limitative de responsabilité d'origine conventionnelle ou légale,
- plus subsidiairement et au visa de l'article 1150 du Code civil, de :
+ dire que la société Sernam services a commis une faute lourde,
+ dire que son droit à indemnisation est intégral sans que puisse lui être opposée une clause contractuelle limitative de responsabilité d'origine légale,
en conséquence et en toutes hypothèses, condamner la société Sernam services à paiement de la somme de 11 148,64 €correspondant, après la déduction de la provision de 750 €, pour
+ 156,02 € au prix des obligations inexécutées,
+ 3342,63 € à son préjudice matériel,
+ 2400 € à la perte d'exploitation,
+ 6 000 € à son préjudice moral et à la perte de clientèle,
-très subsidiairement et au visa des articles 1135 et 1147 du Code civil, de:
+ dire que la société Sernam services a manqué à son obligation de conseil et de prudence,
+ en conséquence la condamner à paiement de la somme de 11 148,64 € pour perte de chance,
- en toutes hypothèses, condamner la société Sernam services à paiement :
+ de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
+ des dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués Curat- Jarricot.
Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 7 janvier 2008, auxquels il est fait expressément référence,
la snc Sernam services venant aux droits de la snc Sernam sud-est conclut à la confirmation du jugement déféré et prie la juridiction d'appel de condamner Isabelle X...
Y... à payer:
- la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles ,
- les entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués Tardieu.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2008.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la procédure
Attendu qu'au vu des pièces produites, la recevabilité de l'appel n'est ni contestée ni contestable;
Sur les faits constants à l'origine du litige
Attendu qu'en l'état des pièces produites et des explications fournies par l'une des parties et non contredites par l'autre, les faits constants s'établissent ainsi :
- le 6 juin 2005, Isabelle X...
Y..., qui exerce une activité de kinésithérapeute en Avignon, a acheté pour le prix de 9850 € à Annie B... ,qui exerce cette même activité à Valbonne (06560), un appareil LPG cellu M6 IP (année 2001) constitué d' une structure comprenant notamment 2 bras articulés et un tableau de bord électronique.
- selon contrat passé par téléphone le 6 juin 2005, elle a confié à la snc Sernam de Nice le transport de cet objet jusqu'en Avignon,
- la facture en date du 7 juin 2005 a été établie au nom de Isabelle X...
Y... et porte la mention "payé le 7 juin 2005",
- le 7 juin 2005 , l'expéditeur Annie B..., demeurant à Valbonne (06560) a confié à la société ATE cet "appareil médical - 90 kilos " ( cf fiche numéro 77 962 établie par ATE ),
les conditions générales de transport figurant sur cette fiche précisant que l'expéditeur accepte formellement le fait que, de convention expresse, «le transporteur n'est responsable qu'à concurrence de 23 € par kilo avec maximum de 686 €par colis, sauf déclaration de valeur faite par l'expéditeur »,
- le 9 juin 2005, l'appareil a été livré par la Sernam à sa destinataire, Isabelle X...
Y..., laquelle, constatant des dégâts graves et nombreux, en a refusé la livraison ainsi qu'il résulte de la mention portée sur le " récépissé pour le destinataire " sur lequel il est mentionné qu'« en cas de perte ou d'avarie, l'indemnité payée pour tous dommages justifiés ne peut excéder 23 €par kilo sans que cette somme puisse excéder 750 € par colis perdu ou avarié »,
- Isabelle X...
Y... a fait procéder à la réparation de l'appareil médical détérioré,
- par courrier du 20 juin 2005, la snc Sernam sud-est, invoquant " la limitation contractuelle " a proposé une indemnisation forfaitaire de 750€,
- Isabelle X...
Y... a consenti au paiement de cette somme qui lui a été réglée le 22 septembre 2005 ;
Sur la limitation de l'indemnisation à charge du transporteur
Attendu que, comme l'a souligné le premier juge, la société Sernam ne conteste pas sa responsabilité , la discussion portant sur la limitation de l'indemnisation par le transporteur ;
Attendu qu' Isabelle X...
Y... soutient que:
- lors de la souscription du contrat, la Sernam, manquant à son obligation d'information et de conseil, n'a pas porté à sa connaissance les clauses contractuelles limitant sa responsabilité en cas d'avarie de sorte que celles-ci lui sont inopposables et que son préjudice doit être intégralement réparé,
- en l'état du contrat contenant ces clauses limitatives de responsabilité, le texte réglementaire édictant au profit du transporteur, une limitation d' indemnisation (contrat type), ne saurait recevoir application eu égard à sa nature supplétive,
- en tout état de cause, la faute lourde commise par la snc Sernam dans l'exécution du contrat de transport met en échec les clauses tant contractuelles que légales limitant l'indemnisation ;
Mais attendu à titre préliminaire que le contrat type général applicable aux transports publics de marchandises dispose en son article 21 paragraphe 2 : « Pour les envois inférieurs à 3 t, cette indemnité ne peut excéder 23 € par kilogramme de poids brut de marchandises manquantes ou avariées, pour chacun des objets compris dans l'envoi, sans pouvoir dépasser 750 € par colis perdu, incomplet ou avarié, quels qu'en soient le poids, le volume, les dimensions, la nature ou la valeur»;
Attendu tout d'abord qu'il convient d'observer que les différents documents contractuels reprennent les termes de l'article 21 paragraphe 2 du contrat type général ci-dessus reproduits;
que les parties invoquent donc à tort une limitation conventionnelle d'indemnité personnelle au transporteur lequel s'est borné à reproduire et appliquer les dispositions du contrat - type général dont la valeur supplétive est vainement invoquée par Isabelle X...
Y... ;
Attendu ensuite que la limitation légale ou réglementaire, du fait de sa publication au journal officiel, est réputée connue de tous et automatiquement applicable ; qu' Isabelle X...
Y... ne saurait donc valablement invoquer son ignorance et son manque d'information par la Sernam;
qu'en outre, l'expéditeur, régulièrement avisé de cette limitation légale mentionnée sur la fiche numéro 77 962, n'a pas estimé utile de procéder à une déclaration de valeur, laquelle aurait entraîné des frais et débours d'assurances ;
Attendu enfin qu' en droit, la faute lourde du transporteur « est une négligence d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission contractuelle qu' il a acceptée » ;
qu'elle « ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur » ;
qu' Isabelle X...
Y... reproche à la Sernam un manquement à son obligation contractuelle, à savoir la dégradation dans des circonstances non précisées , de l'appareil médical qui lui avait été confié ;
que le premier juge a donc justement retenu qu'en l'absence de preuve de faits précis caractérisant la négligence grossière, l'incapacité où l'incurie de la Sernam, aucune faute lourde ne peut lui être reprochée ;
Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments , les limites d'indemnisation ont été valablement opposées par la snc Sernam services à Isabelle X...
Y... ;
Sur le manquement de la société Sernam à son obligation de conseil et de prudence
Attendu qu' Isabelle X...
Y... réclame subsidiairement paiement de dommages-intérêts en raison du manquement de la société Sernam à son obligation de conseil et de prudence ;
qu'en l'état de la présente décision ayant retenu que la limitation légale ou réglementaire, du fait de sa publication au journal officiel, est réputée connue de tous et automatiquement applicable, Isabelle X...
Y... ne saurait valablement reprocher au transporteur de ne lui en avoir pas rappelé l'existence ;
que le premier juge a justement rejeté cette demande en paiement de dommages et intérêts pour perte de chance de souscrire une assurance;
Attendu en définitive que le jugement déféré sera intégralement confirmé ;
Sur les dépens de première instance et d'appel ainsi que les frais irrépétibles
Attendu que les entiers dépens seront supportés par Isabelle X...
Y... qui succombe mais qu' il ne s'avère pas équitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la snc Sernam services;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire ,publiquement ,en matière commerciale et en dernier ressort
- déclare l'appel recevable,
- confirme la décision déférée ,
- rejette le surplus des demandes ,
- condamne Isabelle X...
Y... aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit delà SCP d'avoués Tardieu.
Arrêt signé par M.Espel ,président, et par Mme Rivoallan , greffier, présente lors du prononcé
Le greffier Le président