ARRÊT N° 512
R. G. : 05 / 04976
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES
12 septembre 2005
X...
C /
Y...
CPAM DU GARD
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1re Chambre A
ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2008
APPELANT :
Monsieur Francis
X...
né le 20 Novembre 1940 à ROUEN (76)
...
30000 NÎMES
représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour
assisté de la SCP FABRE GUEUGNOT SAVARY, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉES :
Madame Marie-Madeleine
Y...
épouse
Z...
née le 30 Juillet 1923 à LYON (69)
...
69004 LYON 04
représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO-JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Benoit JULIA, avocat au barreau de ROUEN
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD
poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social
14 rue du Cirque Romain
30000 NÎMES
représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Avril 2008.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Pierre BOUYSSIC, Président,
Mme Christine JEAN, Conseiller,
M. Serge BERTHET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier lors des débats et du prononcé de la décision,
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
à l'audience publique du 13 Mai 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Septembre 2008,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au Greffe de la Cour d'Appel,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Serge BERTHET, Conseiller, en l'absence du Président légitimement empêché, publiquement, le 23 Septembre 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 19 avril 1999, Madame Marie-Madeleine
Z...
, âgée de 76 ans, consultait le Docteur
X...
, chirurgien orthopédiste, auquel elle était adressée par son rhumatologue en raison de douleurs constantes au niveau de la hanche droite et des douleurs lombaires.
Une arthroplastie sous anesthésie rachidienne était préconisée par le Docteur
X...
qui réalisait cette intervention chirurgicale le 7 juin 1999.
Au réveil, le pied droit de la patiente était froid et insensible sans possibilité de mouvement. Le Docteur
X...
pratiquait en urgence une nouvelle intervention chirurgicale pour libérer le plan capsulaire postérieur.
Malgré une rééducation à domicile puis en centre, l'atteinte du nerf sciatique a persisté. Le 10 juin 2001, Madame
Z...
a fait une chute ayant nécessité une nouvelle hospitalisation et opération chirurgicale.
Par exploit du 11 février 2002, Madame
Z...
a assigné devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de NÎMES Monsieur
X...
et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD pour obtenir la désignation d'un expert. Le Professeur
B...
était commis par ordonnance de référé du 20 mars 2002 et déposait son rapport le 20 novembre 2002.
Par exploit du 7 juin 2004, Madame
Z...
a fait assigner Monsieur Francis
X...
et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD aux fins de voir déclarer Monsieur
X...
responsable des dommages subis à la suite de l'intervention chirurgicale du 7 juin 1999 et d'obtenir réparation de son préjudice.
Suivant jugement du 12 septembre 2005, le Tribunal de Grande Instance de NÎMES a statué comme suit :
" Déclare le Docteur Francis
X...
tenu à indemniser intégralement Madame
Z...
Marie-Madeleine des conséquences dommageables de l'intervention volontaire pratiquée sur elle le 7 juin 1999 ;
Vu le rapport du Professeur J. P
B...
;
Fixe à la somme de 46. 352, 28 € l'indemnité de l'entier préjudice corporel subi par
Z...
Marie-Madeleine ;
Après déduction de la créance de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD, condamne le Docteur Francis
X...
à porter et payer :
- à
Z...
Marie-Madeleine les sommes suivantes :
1) 36. 000 € au titre du préjudice corporel
2) 1. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD les sommes suivantes :
1) 10. 352, 28 € au titre de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale
2) 760 € sur le fondement de l'article L 376-1 alinéa 5 du Code de la Sécurité Sociale ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne le Docteur Francis
X...
aux entiers dépens ".
Monsieur
X...
a régulièrement relevé appel de cette décision.
Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour, il est expressément fait référence à leurs conclusions signifiées le :
-11 juillet 2006 pour Madame
Z...
,
-27 juillet 2006 pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD.
Monsieur
X...
demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de constater que Madame
Z...
ne rapporte pas la preuve d'une faute par lui commise, de dire et juger que la complication présentée par Madame
Z...
ressort de l'aléa thérapeutique et que Madame
Z...
n'apporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice indemnisable du fait d'un prétendu défaut d'information allégué.
Il entend voir :
- prononcer sa mise hors de cause,
- débouter Madame
Z...
de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Madame
Z...
à lui payer une somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à supporter les dépens.
Madame
Z...
conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré le Docteur
X...
responsable des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale pratiquée le 7 juin 1999. Formant appel incident du chef du quantum de la réparation, elle demande la condamnation de Monsieur
X...
à lui payer la somme de 67. 500 € se décomposant comme suit :
- sur le préjudice économique :
. ITT : 15. 000 €
. IPP : 17. 500 €
- sur les préjudices personnels :
. Pretium doloris : 10. 000 €
. Préjudice esthétique : 2. 000 €
. Préjudice d'agrément : 10. 000 €
. Article 700 du CPC : 2. 000 €.
Elle entend voir mettre les dépens à la charge de Monsieur
X...
.
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD demande à la Cour, en cas de confirmation de la décision entreprise, de condamner le Docteur
X...
à lui payer la somme de 10. 352, 28 € en remboursement de ses débours, celle de 910 € au titre de l'article L 376-1 alinéa 5 du Code de la Sécurité Sociale et celle de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 11 avril 2008.
MOTIFS :
- Sur la responsabilité
Attendu que l'intervention chirurgicale réalisée par le Docteur
X...
sur Madame
Z...
en date du 7 juin 1999 est antérieure au 5 septembre 2001 ; que les dispositions de l'article L 1142-1 du Code de la Santé Publique issues de la loi du 4 mars 2002 ne sont pas applicables en la cause ;
Attendu que la reconnaissance de la responsabilité du médecin est subordonnée à la preuve d'une faute commise par lui qu'il appartient au malade d'établir ;
Attendu qu'en l'espèce, le lien certain et direct entre l'intervention chirurgicale du 7 juin 1999 et la paralysie au niveau du nerf sciatique poplité droit est mis en exergue par l'expert judiciaire ;
Attendu que l'indication opératoire comme la technique chirurgicale employées sont justifiées compte tenu du handicap lié à la coxarthrose dont souffrait Madame
Z...
confirmée par les examens et radiographies pré-opératoires ;
Attendu que l'expert précise que l'origine des atteintes du SPE et du SPI qui sont des branches du sciatique " traduit le fait que l'atteinte du nerf au cours de la première intervention a été suffisante pour que ses branches terminales ne récupèrent que très lentement et très imparfaitement " ; qu'il relève l'absence d'une preuve objective d'une fragilité antérieure du nerf sciatique ; qu'après avoir exclu en l'espèce une dissection du lambeau aponévrotique postérieur ayant entraîné une lésion du nerf, l'expert retient comme cause la plus probable une contusion du nerf réalisée par un écarteur au cours de l'intervention, fait qui n'est pas exceptionnel ;
Attendu qu'il ressort du compte rendu post-opératoire et de la deuxième intervention chirurgicale pratiquée le 7 juin 1999 pour libérer le plan capsulaire postérieur, que " le fil le plus bas faisait une boucle qui l'empêchait de coulisser probablement responsable d'une traction excessive du plan musculaire entraînant une petite répercussion sur le trajet du nerf sciatique " ; que dans un courrier du 21 juin 1999, le Docteur
X...
précise que l'hypothèse lésionnelle la plus probable était en rapport avec une " mise sous tension trop importante d'une fermeture capsulaire ayant pu entraîner une compression du nerf " ;
Attendu qu'il est donc avéré que le nerf sciatique a été atteint au cours de l'intervention chirurgicale pratiquée le 7 juin 1999, soit par une contusion de ce nerf par un écarteur soit par une traction excessive exercée par une fermeture capsulaire réalisée pendant cette opération ; que c'est donc bien un manquement de vigilance sur la position ou la pression des écarteurs ou une maladresse du geste opératoire qui est à l'origine de l'atteinte du nerf sciatique dont la localisation nécessitait, comme à juste titre relevé par le Tribunal, une attention particulière dans la réalisation de l'intervention sur la hanche ;
Attendu qu'en l'absence de constatation d'une anomalie chez la patiente, Madame
Z...
, rendant l'atteinte du nerf sciatique inévitable et dès lors que la réalisation d'une arthroplastie de la hanche droite n'implique pas cette atteinte, la faute du médecin est, au vu des constatations ci-dessus développées, caractérisée ; que contrairement aux affirmations de Monsieur
X...
, l'atteinte qui s'est effectivement produite ne résulte pas d'un risque accidentel inhérent à l'acte médical qui ne pouvait être maîtrisé ;
Attendu que la faute même involontaire du médecin engage sa responsabilité ; qu'indépendamment du manquement du Docteur
X...
au devoir d'information concernant le risque de survenue d'une paralysie sciatique non porté à la connaissance de Madame
Z...
, la faute dans l'exécution de l'acte chirurgical est caractérisée ; que les troubles du sciatique avec steppage c'est à dire risque d'accrochage de la pointe du pied, sont, comme retenu par l'expert, un facteur ayant favorisé la chute de Madame
Z...
survenue le 10 juin 2001 ; que Monsieur
X...
est donc tenu à réparer le préjudice corporel subi par Madame
Z...
décrit et évalué dans le rapport d'expertise non contesté sur ce point ;
- Sur le préjudice et la réparation
Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise que Madame
Z...
a subi :
- une ITT imputable à la complication neurologique de 15 mois,
- une IPP imputable de 15 %,
- un pretium doloris de 4 sur 7,
- un préjudice esthétique de un sur 7,
- un préjudice d'agrément en relation avec le handicap dans la vie sociale et la difficulté à jouer du piano ;
Attendu que l'expert a retenu ces évaluations après déduction des préjudices résultant des suites normales d'une prothèse totale de hanche ; que la consolidation est fixée au 30 septembre 2002 ;
Attendu que Madame
Z...
était âgée de 76 ans à la date de l'intervention chirurgicale ;
Attendu que comme à juste titre énoncé par le Tribunal, l'indemnisation de l'ITT comprend celle des troubles physiologiques ressentis par la victime pendant cette période et la gêne dans la vie courante qui en est résultée ; que ce poste de préjudice a été exactement réparé par l'allocation d'une somme de 7. 500 € ;
Attendu que l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent (IPP) résultant du handicap séquellaire à hauteur de 13. 500 € qui correspond à 900 € le point d'IPP, est justifiée et sera confirmée ;
Attendu que le pretium doloris de 4 sur 7 résulte des douleurs subies, des multiples séances de rééducation et des soins auxquels Madame
Z...
a dû se soumettre ; que l'indemnité réparatrice fixée par le Tribunal à 9. 000 € est justifiée ;
Attendu que le préjudice esthétique est en lien avec les troubles de la marche et le steppage ; que qualifié de très léger par l'expert, il est entièrement réparé par la somme de 1. 000 € accordée par le Tribunal ;
Attendu que les troubles ressentis par Madame
Z...
dans la vie sociale et ses difficultés à jouer du piano en raison des séquelles constatées par l'expert ont une incidence importante dans la vie de Madame
Z...
âgée de 79 ans à la date de consolidation ; que le Tribunal a à juste titre accordé en réparation de ce chef de dommage une indemnité de 5. 000 € ;
Attendu que le remboursement des frais médicaux et pharmaceutiques a à juste titre été mis à la charge de Monsieur
X...
par le Tribunal outre l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale qui doit être portée à 910 € ; que l'équité ne justifie pas de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD ;
Attendu qu'en revanche, il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame
Z...
les frais irrépétibles que l'appel de Monsieur
X...
l'a contrainte d'exposer ; qu'il y a lieu de lui allouer de ce chef la somme supplémentaire de 1. 800 € ;
Attendu que Monsieur
X...
sera débouté de ses demandes ;
Attendu que l'appelant succombe et supportera les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Dit l'appel régulier et recevable en la forme ;
Ayant tels égards que de droit pour le rapport d'expertise déposé par Monsieur le Professeur
B...
;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à porter à 910 € l'indemnité allouée à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD en application de l'article L 376-1 alinéa 5 du Code de la Sécurité Sociale ;
Y ajoutant ;
Rejette le surplus des demandes de Madame
Z...
;
Déboute Monsieur
X...
de ses prétentions ;
Condamne Monsieur
X...
à payer à Madame
Z...
la somme supplémentaire de 1. 800 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Dit n'y avoir lieu à application de ce texte au profit de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD ;
Condamne l'appelant aux dépens qui seront distraits au profit de la SCP FONTAINE-MACALUSO-JULIEN et de la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués, sur leurs affirmations de droit ;
Arrêt signé par M. BERTHET, Conseiller, par suite d'un empêchement du Président, et par Mme VILLALBA, Greffier.