ARRÊT N°
N° RG 20/00977 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HV47
CG
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON
10 janvier 2020 RG :16/03630
SCI LES AIGALADES
C/
[G]
[G]
[I]
S.C.P. LAPEYRE DUCROS AUDEMARD
Grosse délivrée
le
à Me Pomiès Richaud
Selarl Vajou
Selarl Rochelemagne
Scp Divisia
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
2ème chambre section A
ARRÊT DU 28 AVRIL 2022
APPELANTE :
SCI LES AIGALADES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Catherine CHANEAC, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [P] [G]
né le 15 Août 1939 à [Localité 11]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Jean-François CECCALDI de la SELASU CECCALDI & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Madame [W] [G]
née le 27 Octobre 1936 à [Localité 12]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-François CECCALDI de la SELASU CECCALDI & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Maître [Y] [I] de la SCP [I] ET ADRIEN
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représenté par Me Anne HUC-BEAUCHAMPS de la SELARL ROCHELEMAGNE-GREGORI-HUC.BEAUCHAMPS, Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
Représenté par Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.C.P. LAPEYRE [V] AUDEMARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Jean-Michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 30 Décembre 2021
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Mme Catherine Ginoux, conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre
Mme Catherine Ginoux, conseillère
Mme Elisabeth Granier, conseillère
GREFFIER :
Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et Mme Delcourt Céline, greffière lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 18 janvier 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 mars 2022 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre, et Mme Céline Delcourt, greffière, le 28 avril 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
Exposé du litige
Suivant acte authentique reçu le 22 décembre 2006 par Me [C] [V] notaire à [Localité 9] (84) en concours avec Me [I] notaire à [Localité 14] (93), M. [P] [G] et Mme [W] [G] (les époux [G]) ont vendu à la SCI Aigalades une propriété sise à [Adresse 10] , moyennant la somme de 730.000 € .
La SCI Aigalades a exercé dans les lieux acquis une activité de chambres d'hôtes pendant sept années , puis a décidé de revendre l'immeuble .
Suivant acte sous-seing-privé en date du 25 août 2014, la SCI Aigalades a signé avec les époux [F] un compromis de vente pour un montant de 1.170.000€ mais ces derniers n'ont pas donné suite à la vente en invoquant le défaut d'autorisation administrative affectant une partie de l'immeuble, plus précisément une surélévation réalisée en 1999.
La résiliation de l'accord est intervenu le 17 novembre 2014, sans indemnité de part ni d'autre.
Estimant que ce fait leur avait été caché lors de leur acquisition, la SCI Les Aigalades a fait citer ses vendeurs -les époux [G] - ainsi que les deux notaires ayant concouru à la vente - Me [I] et la SCP Lapeyre [V]- , en indemnisation de leurs préjudices .
Par jugement rendu le 10 janvier 2020, le tribunal judiciaire d'Avignon a :
- débouté la SCI les Aigalades de l'ensemble de ses demandes dirigées tant à l'encontre des notaires que de ses vendeurs
- débouté les époux [G] de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive
- débouté les parties défenderesses de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la SCI les Aigaladess aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 16 mars 2020, la sci les Aigalades a interjeté appel.
Suivant conclusions notifiées et remises le 16 décembre 2020, la SCI Les Aigalades demande à la cour de :
- réformer la décision
- condamner les vendeurs et les notaires à lui payer :
* la somme de 205.000€ au titre de la perte de chance de vendre le bien aux conditions fixées dans le compromis du 24 août 2014 passé avec les époux [F]
*la somme de 50.000€ en réparation de son préjudice moral
* la somme de 5.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'appelante estime que les vendeurs qui avaient connaissance du défaut de permis de construire de la surélévation de 120 m2 et ne l'en ont pas informée, ont engagé leur responsabilité au titre de la garantie des vices cachés, subsidiairement au titre de la réticence dolosive .
Elle prétend que les notaires ont commis un manquement à leur devoir de conseil et d'information et auraient dû ,à l'instar de Me [L], notaire des époux [F], vérifier si la construction était autorisée, ce qui pouvait s'effectuer sans déplacement . Elle affirme qu'après l'échec en 2014 du premier compromis de vente, trouvant son origine dans la découverte par les époux [F] du caractère illicite de la surélévation , le bien n'a pu être vendu qu'en 2016 et ce avec une réduction notable du prix, justifiée par les problèmes d'urbanisme . Elle ajoute qu'une régularisation de la situation n'était pas possible dès lors que le bien se trouve en zone PPRI.
Suivant conclusions notifiées le 14 septembre 2020, les époux [G] demandent à la cour de:
- confirmer la décision
- débouter l'appelante de ses demandes
- condamner la SCI Les Aigalades à leur payer :
* la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts
* celle de 3.500€ au titre des frais irrépétibles.
Les intimés estiment que toute action de l'administration est prescrite de sorte qu'il n'y a aucun risque de demande de démolition des bâtiments vendus. Ils en déduisent que la SCI Les Aigalades ne justifie pas d'un préjudice. Ils soulignent que rien n'établit que la vente aux époux [F] aurait pu prospérer puisque les conditions suspensives n'étaient pas levées . Ils estiment que la SCI Les Aigalades ne démontre ni l'existence d'un vice caché ni qu'elle aurait acheté à un prix moindre si elle avait connu cet élément.
Suivant conclusions notifiées le 1er septembre 2020, la SCP [I] et Adrien, notaire à Villemomble, demande à la cour de :
- confirmer le jugement
- débouter la SCI Les Aigalades de l'ensemble de ses demandes
- condamner la SCI Les Aigalades à lui payer la somme de 4.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
L'intimée soutient que la SCI Les Aigalades ne justifie pas de l'existence d'une faute, ni d'un préjudice ni d'un lien de causalité entre ces deux, susceptible d'engager sa responsabilité.
Elle estime que le notaire n'avait aucune raison de douter, au vu des éléments en sa possession de l'existence d'une construction de 120 m2 non autorisée par les services de l'urbanisme. Elle prétend que la régularisation au regard de la réglementation était possible sous réserve d''aération des logements' (lettre des services d'urbanisme en date du 29 octobre 2019).
Suivant conclusions notifiées le 14 septembre 2020, la S.C.P. notariale Lapeyre demande à la cour de :
- confirmer le jugement
- débouter toute demande dirigée à son encontre
- condamner la SCI Les Aigalades ou tout succombant à lui payer la somme de 3.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
L'intimée fait valoir que la construction litigieuse n'est pas rappelée dans l'acte et que le notaire ne disposait d'aucun moyen pour déceler l'existence et le caractère illégal de cette surélévation ou bien le projet commercial de l'acquéreur . Elle fait valoir que le délai pour agir en démolition de l'administration est expiré. Elle souligne que la SCI Les Aigalades a réalisé une plus-value de 216. 400€ et qu'ainsi, elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice économique .
La clôture de la procédure a été fixée au 30 décembre 2020.
Motifs de la décision
Sur les demandes de La sci les Aigalades à l'encontre des époux [G] et des notaires :
La sci les Aigalades qui recherche la responsabilité civile d'une part des époux [G] sur le plan contractuel et d'autre part des notaires sur le plan délictuel, doit établir que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité sont réunies , ce qui suppose la démonstration de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.
- sur la faute :
En matière de vérification de la consistance et de la superficie des lieux vendus, le notaire n'est pas tenu de procéder sur place à une vérification de la consistance des locaux.
S'agissant des renseignements et prescriptions administratifs concernant l'immeuble , le notaire rédacteur de l'acte de vente , n'est pas tenu pour assurer l'efficacité de cet acte, de vérifier l'étendue des droits des vendeurs en l'absence d'éléments portés à sa connaissance laissant suspecter l'existence d'irrégularités.
L'existence d'une faute commise par les notaires consistant en une absence de diligence n'est donc pas caractérisée en l'espèce .
- sur le préjudice:
La sci les Aigalades invoque avoir subi un préjudice résultant de l'échec de la transaction de vente avec les époux [F] qui devait s'effectuer à des conditions financières particulièrement avantageuses, le prix de vente étant fixé à 1.170.000 € et qui n'a pu se réaliser en raison du caractère illégal d'une partie des travaux, la cession étant intervenue en définitive le 22 avril 2016 au profit de la SCI La Bastide des Anges moyennant le prix de 975.000€.
Le 28 août 2014, la SCI Les Aigalades et les époux [F] ont signé un compromis de vente sous diverses conditions suspensives, parmi lesquelles, que le vendeur obtienne dès avant la signature de l'acte authentique de vente un courrier de la mairie justifiant que la transformation du bâtiment agricole en bâtiment d'habitation a été faite en conformité avec les règles d'urbanisme applicables .
Le 17 novembre 2014, La sci les Aigalades ayant déclaré être dans l'impossibilité de fournir la justification de la régularisation de la construction du bien vendu avec les règles d'urbanisme applicables, les parties décident de résilier purement et simplement le compromis du fait de la non-production par le vendeur de ce justificatif.
Toutefois, il importe de relever que si la surélévation de 120 m2 n'a pas fait l'objet d'une autorisation de l'administration et ne bénéficie pas d'un permis de construire , d'une part, elle est susceptible de régularisation , ainsi qu'il résulte du courrier des services d'urbanisme en date du 29 octobre 2019, d'autre part, elle ne peut être démolie du fait de la prescription, plus de dix ans s'étant écoulés depuis sa construction.
Il s'en déduit que les vices cachés administratifs affectant l'immeuble ne rendaient pas l'immeuble impropre à l'usage de chambre d'hôtes auquel la SCI les Aigalades le destinait ou diminuaient tellement cet usage que la SCI les Aigalades ne l'aurait pas acquis ou n'en aurait donné qu'un moindre prix si elle les avait connus. La demande formée par la SCI Les Aigalades sur le fondement des vices cachés ne peut donc prospérer .
Par ailleurs, il résulte de la lecture du sous-seing-privé signé le 28 août 2014 entre la sci les Aigalades et les époux [F] que la réalisation de la vente était soumise à plusieurs conditions suspensives, outre celle visée dans l'avenant de résiliation :
- l'obtention par l'acquéreur d'un prêt d'un montant de 800.000 € (pages 5 et suivantes du compromis) sur une durée maximale de remboursement de vingt années, à un taux d'intérêt de 3,20 %
- la vente par l'acquéreur d'un bien immobilier lui appartenant sis à [Localité 13] (89), étant précisé que l'avant-contrat signé par les époux [F] était conclu sous diverses conditions suspensives non encore levées (pages 8 et 9 du compromis)
- la fourniture d'un document de contrôle de l'installation d'assainissement avant la réitération par acte authentique (page 9 du compromis)
- la réalisation concomitante de vente du fonds de commerce par M. [H] (gérant de la SCI les Aigalades) au profit des époux [R].
Ainsi, la réitération de la vente était soumise à l'obtention d'un important emprunt bancaire d'un montant de 800.000 € . Les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir que cette condition suspensive était levée au jour de la résiliation, puisqu'il résulte d'une attestation du Crédit Agricole Finance l'accord de principe d'un concours bancaire à hauteur seulement de la somme de 384.928 € (contre-valeur en euros de la somme de 462.979 francs suisses) soit moins de 50 % du financement sollicité .
Le préjudice allégué par la sci les Aigalades consistant en la perte de chance d'avoir vendu l'immeuble aux époux [F] au prix de 1.170.000€ n'est réparable qu'à la condition d'établir la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable .
Or, en l'état de l'aléa lié à l'obtention du financement sollicité par les époux [F] à la date de la résiliation du compromis de vente, aucun élément ne permet de retenir que la vente du bien aux époux [F] aux conditions financières stipulées aurait prospéré .
La réalisation du préjudice invoqué revêt donc un caractère hypothétique.
Il s'en déduit que la SCI ne démontre pas l'existence de la perte de chance invoquée et n'est donc pas fondée en ses demandes de réparation de son préjudice tant à l'égard du vendeur que des notaires .
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI les Aigalades de ses demandes dirigées à l'encontre des notaires et des époux [G] .
Sur les dommages et intérêts :
L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière de droit. Toutefois rien de tel n'est démontré en l'espèce de sorte qu'il convient de confirmer la décision du premier juge qui a débouté les époux [G] de leur demande de dommages et intérêts .
Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La sci les Aigalades qui succombe en son recours, sera condamnée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à payer :
- aux époux [G] la somme de 1.800 €
- à la scp [I] et Adrien la somme de 1.000€
- à la scp Lapeyre [V] Audemard la somme de 1.000€
et aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y ajoutant
Condamne la SCI les Aigalades à payer à M. [P] [G] et Mme [W] [G] la somme de 1.800 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SCI les Aigalades à payer à la SCP notariale [I] et Adrien la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SCI les Aigalades à payer à la SCP notariale Lapeyre Ducros Audemard la somme de 1.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SCI les Aigalades aux dépens d'appel.
Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.
La greffière, La présidente,