Ordonnance n°22/235
N° RG 22/00262 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INMV
J.L.D. NIMES
02 mai 2022
[P]
C/
LE PREFET DU HAUT-RHIN
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 03 MAI 2022
Nous, Mme Elisabeth GRANIER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté de M. Le Préfet du Haut-Rhin portant obligation de quitter le territoire national en date du 1er avril 2022 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 1er avril 2022, notifiée le même jour à 16h30 concernant :
M. [K] [P]
né le 01 Janvier 1975 à [Localité 6] (TURQUIE)
de nationalité Turque
Vu l'ordonnance en date du 4 avril 2022 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 1er mai 2022 à 10h37, enregistrée, présentée par M. le Préfet du Haut-Rhin ;
Vu l'ordonnance rendue le 02 Mai 2022 à 12h43 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES sur seconde prolongation, qui a :
* Ordonné pour une durée maximale de 30 jours commençant à l'expiration du précédent délai de 28 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [K] [P];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter du 1er mai 2022 à 16h30,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [K] [P] le 02 Mai 2022 à 16h54 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [I] [B], représentant le Préfet du Haut-Rhin, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu l'assistance de Monsieur [V] [U] interprète en langue turque inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,
Vu la comparution de Monsieur [K] [P], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Saâdia ESSAKHI, avocat de Monsieur [K] [P] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Vu le placement en rétention de M. [K] [P] le 1er avril 2022 en exécution d'une obligation de quitter le territoire français selon arrêté préfectoral du 1er avril notifié le jour même,
Vu l'ordonnance prononcée le 4 avril 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes qui a prolongé à l'encontre de M. [K] [P] la mesure de rétention pour vingt-huit jours,
Vu la requête déposée par le préfet du Haut Rhin le 1er mai 2022 sollicitant la prolongation de la rétention de M. [K] [P] à 10h37,
Vu l'ordonnance prononcée le 2 mai 2022 à 12h43 par le juge des libertés et de la détention de Nîmes qui a prolongé cette mesure pour trente jours,
Vu l'appel formé par M. [K] [P] le 2 mai 2022 à 16h54,
Vu l'audience du 3 mai 2022 à laquelle :
Son avocat soutient la libération de son client s'en rapportant à la déclaration d'appel sur l'irrecevabilité de la requête en prolongation de la rétention pour incompétence de son signataire. Il plaide l'insuffisance de diligence de l'administration qui n'a rien fait entre le 4 et le 27 avri dernier et subsidiairement une assignation à résidence.
Monsieur le Préfet du Haut Rhin, pris en la personne de son représentant légal, sollicite confirmation de l'ordonnance contestée,
M. [K] [P] dit vouloir retourner en Turquie par ses propres moyens pour retourner auprès de sa femme atteinte d'un cancer. Il explique ne pas avoir pu faire renouveler son passeport en raison du covid.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté par M. [K] [P] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.741-23, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
En l'espèce, M. [K] [P] soutient le moyen nouveau de l'irrégularité de la requête en prolongation de la rétention administrative qui est recevable.
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :
La requête en prolongation de la rétention administrative est en date du 1er mai 2022 et a été signée pour le préfet, « par délégation le secrétaire administratif [J] [D]».
C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation alors qu'est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 12 janvier 2022 lui portant délégation de signature.
Le moyen d'irrecevabilité doit donc être écarté.
SUR LE FOND :
Selon l'article L.742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la première période de prolongation de 28 jours depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L.742-1, le juge peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants:
« 1° en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public,
2° lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement,
3° lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à la décision d'éloignement,
b) de l'absence de moyens de transport ;
La rétention court pour une nouvelle période de trente jours, la durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours »
Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.
En l'espèce, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a statué sur les moyens de fond soulevés devant lui et repris devant la cour sans qu'il soit nécessaire d'apporter quelques observations.
L'assignation à résidence sollicitée ne peut prospérer en l'absence de passeport valide de l'intéressé ni d'une adresse stable (a lui même indiqué dans son audition en rétention avoir eu une adresse chez sa belle s'ur quartier de l'Europe à [Localité 3] puis une autre chez un ami [Adresse 1] sans avoir justifié d'une attestation d'hébergement) permettant de garantir sa représentation à l'exécution de la mesure d'éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9, R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [K] [P] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 2].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 03 Mai 2022 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 5] à [K] [P], par l'intermédiaire d'un interprète en langue turque
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
Monsieur [K] [P], pour notification au CRA
Me Saâdia ESSAKHI, avocat
M. Le Préfet du Haut-Rhin
M.Le Directeur du CRA de [Localité 4]
Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
M. / Mme Le Juge des libertés et de la détention