ARRÊT N°
N° RG 19/02162 -
N° Portalis DBVH-V-B7D-HL2A
MPF - NR
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES
15 avril 2019
RG:15/01415
[X]
[P]
[W]
C/
[X]
[W]
[Z]
[P]
S.C.P. CARRE GUY-GALLEGO AVIGNON
S.A. MMA IARD
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
Grosse délivrée
le 12/05/2022
à Me Philippa DEBUREAU
à Me Philippe REY
à Me Jean-michel DIVISIA
à Me Sylvie SERGENT
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 12 MAI 2022
APPELANTS :
Monsieur [N] [X]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 18]
[Adresse 8]
[Localité 14]
Représenté par Me Philippa DEBUREAU, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Sophia BELKACEM-GONZALEZ DE CANALES, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [U] [W] épouse [X]
née le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 16] ( SÉNÉGAL)
[Adresse 8]
[Localité 14]
Représentée par Me Philippa DEBUREAU, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Sophia BELKACEM-GONZALEZ DE CANALES, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [I] [P]
né le [Date naissance 6] 1966 à [Localité 15] (Algérie)
[Adresse 11]
[Localité 9]
Représenté par Me Philippe REY de la SCP REY GALTIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [N] [X]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 18]
[Adresse 8]
[Localité 14]
Représenté par Me Philippa DEBUREAU, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Sophia BELKACEM-GONZALEZ DE CANALES, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [U] [W] épouse [X]
née le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 16] ( SÉNÉGAL)
[Adresse 8]
[Localité 14]
Représentée par Me Philippa DEBUREAU, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Sophia BELKACEM-GONZALEZ DE CANALES, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [K] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 19]
Représenté par Me Bernard VIAL de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE-KNOEPFFLER, Plaidant, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Représenté par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Monsieur [I] [P]
né le [Date naissance 6] 1966 à [Localité 15] (Algérie)
[Adresse 11]
[Localité 9]
Représenté par Me Philippe REY de la SCP REY GALTIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
SCP CARRE GUY-GALLEGO AVIGNON
Prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 19]
Représentée par Me Bernard VIAL de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE-KNOEPFFLER, Plaidant, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
SA MMA IARD,
inscrite au RCS le MANS sous le n° 537 052 368 prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité en son siège social sis
[Adresse 5]
[Localité 12]
Représentée par Me Bernard VIAL de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE-KNOEPFFLER, Plaidant, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
Prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège social
[Adresse 5]
[Localité 12]
Représentée par Me Bernard VIAL de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE-KNOEPFFLER, Plaidant, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, immatriculée au RCS sous le n° 379 502 6445 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés es qualité en son siège social sis
[Adresse 7]
[Localité 13]
Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Victoire DEFOS DU RAU, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente,
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,
Mme Séverine LEGER, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
À l'audience publique du 15 Février 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Avril 2022, et prorogé au 12 Mai 2022,
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente, le 12 Mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte reçu le 27 juillet 2011 par Maître [K] [Z], notaire associé de la société civile professionnelle [K] [Z], Claude Bonnefond et Jean-Jacques Carre, titulaire d'un office notarial à [Localité 19], [I] [P] a vendu à [N] [X] et son épouse, [U] [W] une maison à usage d'habitation, sise [Adresse 10], figurant au cadastre à la section D, sous le numéro [Cadastre 4], au prix de 195 000 euros.
Le Crédit immobilier de France est intervenu à l'acte en sa qualité de prêteur de deniers et a consenti aux époux [X] un prêt de 204 484 euros remboursable en trente années.
Estimant avoir été victime d'une escroquerie commise par leur agent immobilier avec la complicité du vendeur et du notaire, par acte du 11 mars 2015, les époux [X] ont assigné Maitre [K] [Z], notaire, et la société civile professionnelle [K] [Z], Claude Bonnefond et Jean-Jacques Carre, la société le Crédit immobilier de France sud ouest et [I] [P] à comparaître devant le tribunal de grande instance de Nîmes pour obtenir l'annulation de la vente. La société MMA Iard Assurances Mutuelles, assureur de l'office notarial, a été assignée en intervention forcée.
Par jugement contradictoire du 15 avril 2019, le tribunal a :
- prononcé la nullité de la vente,
- condamné les époux [X] à restituer à [I] [P] le bien immobilier
- condamné [I] [P] à restituer aux époux [X] la somme de 195 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
- dit que [I] [P] devra régler les taxes foncières depuis le 27 juillet 2011 ;
- condamné in solidum Maître [K] [Z], la société civile professionnelle [K] [Z], Claude Bonnefond et Jean-Jacques Carre et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer aux époux [X] la somme de 8 859 euros représentant les frais notariés;
- declaré irrecevables les demandes formées par les époux [X] au titre des manquements de la société Crédit immobilier de France Développement à ses obligations pré-contractuelles ;
- condamné les époux [X] à payer à la société Crédit immobilier de France la somme de 197 049,24 euros outre intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2016 ;
- débouté les époux [X] de leur demande de dommages et intérêts supplémentaires et de leur demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société Crédit immobilier de France développement de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les époux [X] du surplus de leurs demandes ;
- condamné [I] [P] à payer les frais d'expertise judiciaire réglés à Mme [G] [M] ;
- condamné Maître [K] [Z], la société civile professionnelle [K] [Z], Claude Bonnefond et Jean-Jacques Carre et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles aux autres dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration du 29 mai 2019, [I] [P] a interjeté appel de cette décision.
Par déclaration du 11 juin 2019, les époux [X] ont interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 24 juin 2019, les deux appels ont été joints sous le numéro RG 19/02162.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 27 janvier 2022, les époux [X] demandent à la cour de :
- juger que l'acte du 27 juillet 2011 est un faux en écritures authentiques et qu'il est nul et de nul effet ;
-juger que le délai de leur droit de rétractation n'a pas expiré et donner acte aux appelants qu'ils en font usage,
- condamner conjointement et solidairement [I] [P], Maître [K] [Z], l'office notarial et les MMA, tous succombant, à les relever et garantir des conséquences de la déclaration en inscription de faux de l'acte de vente du 11 juillet 2011, des conséquences de la nullité prononcée de l'acte de vente du 27 juillet 2011, ainsi que de la nullité du contrat de prêt souscrit, et les condamner à régler au CIF la somme de 204 484 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signature de l'acte authentique de vente du 27 juillet 2011,
- condamner conjointement et solidairement [I] [P], Maître [K] [Z], la SCP Carre Guy - Gallego Avignon, et les MMA, à leur payer une somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- condamner la banque à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamner solidairement tous succombants à leur régler la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant le tribunal de grande instance de Nîmes, et celle de 10 000 euros sur le même fondement pour la procédure d'appel, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Philippa Debureau, avocat au barreau de Nîmes ;
- condamner solidairement tous succombants à leur régler la somme de 2 096,40 euros au titre des dépenses de procédure pour les frais d'expertise graphologique qu'ils ont payés en cours d'instance ;
- ordonner la publicité de la décision à intervenir au service du fichier immobilier ;
Leur argumentation peut se résumer de la manière suivante :
Les appelants font grief aux premiers juges de les avoir condamnés à rembourser les fonds prêtés alors qu'ils avaient demandé à être relevés et garantis par le vendeur et le notaire des conséquences de la nullité du contrat de prêt en raison des fautes commises par le vendeur et le notaire qui ont participé à l'escroquerie dont ils ont été victimes. Le notaire et le vendeur, tiers complice, étant coupables de dol à leur détriment, les appelants estiment qu'ils sont réputés ne jamais avoir souscrit de crédit ni acquis de bien immobilier, et ne pourront dès lors pas être condamnés à la restitution du montant du crédit, ni à la restitution du bien immobilier, dont ils n'ont jamais été en possession. Ils font valoir que le notaire a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour avoir méconnu son devoir de conseil et son obligation d'impartialité et doit être tenu de rembourser l'intégralité des sommes dues à l'établissement de crédit.
Par ailleurs, ils déplorent n'avoir obtenu à titre de réparation de leur préjudice que le remboursement des frais notariés alors même qu'ils subissent depuis une dizaine d'années des préjudices moraux, psychologiques, familiaux et financiers justifiant de leur allouer une indemnité de 60 000 euros et qu'ils ont dû exposer des frais d'expertise graphologique en cours d'instance pour démontrer qu'ils n'ont jamais signé les offres de prêt.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 27 janvier 2020, [I] [P] demande à la cour d' infirmer le jugement et de débouter les parties adverses de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre, de condamner Maître [Z], la SCP Carre Guy-Gallego Avignon, les sociétés MMA et la société CIF à le relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées contre lui et de lui allouer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[I] [P] explique qu'avant la vente litigieuse, il n'avait pas acheté le bien immobilier vendu aux époux [X] et que postérieurement à cette vente il n'avait pas perçu la somme de 195 000 euros.N'étant ni propriétaire vendeur, ni vendeur bénéficiaire du prix de vente, les époux [X] et le CIF doivent être déboutés de leurs demandes dirigées à son encontre. A titre subsidiaire, il relève que Maître [Z] ayant méconnu ses devoirs de vérification, d'information et de mise en garde à l'occasion de la vente, il doit être condamné à le relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, puisqu'il n'a jamais été propriétaire du bien litigieux, ni bénéficiaire de la somme susmentionnée.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 9 décembre 2021, la société Crédit immobilier de France Développement demande à la cour de :
- confirmer partiellement le jugement entrepris ;
- condamner les époux [X] à lui payer, en deniers ou quittances valables, la somme principale de 204 484 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision du 10 avril 2014 jusqu'à parfait paiement ;
- lui donner acte qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de garantie présentée à l'encontre de la SCP notariale, de Maître [Z], de leur assureur et de M. [P] ;
- rejeter toute demande présentée à son encontre ;
- déclarer irrecevables les demandes présentées par les époux [X] ;
- déclarer irrecevables les demandes indemnitaires présentées à son encontre et subsidiairement, les rejeter,
- rejeter toute demande de condamnation et tout appel en garantie présentée à son encontre, notamment par M. [P] ;
- condamner les époux [X] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La banque soutient essentiellement que la nullité du contrat de prêt déclarée par jugement du 10 avril 2014 entraîne de droit une obligation de restitutions réciproques et que les demandeurs ne peuvent, sans se heurter au principe de l'autorité de la chose jugée, se fonder sur la convention dont ils ont eux-mêmes réclamé et obtenu l'anéantissement rétroactif, dans le cadre d'une instance où il leur appartenait de concentrer tous leurs moyens de défense, pour agir ensuite en responsabilité contractuelle à son encontre. Les demandes indemnitaires présentées ont été introduites selon le Crédit Immobilier France Développement en violation des principes de loyauté et d'interdiction de se contredire au détriment d'autrui et sont en conséquence irrecevables et subsidiairement infondées, faute de preuve de tout manquement à son devoir d'information précontractuelle ou de tout autre faute. La banque se prétend enfin étrangère à l'annulation ou à la résolution de la vente que la cour pourrait être amenée à prononcer.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 28 octobre 2019, Maître [Z], la SCP Carre Guy - Gallego Avignon, et les sociétés MMA demandent à la cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, de condamner [I] [P] à lui verser la domme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés font notamment valoir que [I] [P] a perçu l'intégralité du prix de vente comme le montrent les versements et ordres de virement et le relevé de compte ouvert à son nom en l'étude et que seules les mentions relatives à la conclusion du prêt sont fausses. Si la faute du notaire a pour conséquence d'entraîner la nullité de la vente, elle n'a entraîné aucun autre préjudice pour les époux [X] qui seront déboutés de leurs demandes indemnitaires faute de justification. Ils demandent à la cour de les débouter de leur demande tendant à la condamnation du notaire d'avoir à rembourser le prêt immobilier, laquelle est irrecevable, nul ne plaidant par procureur, et le notaire ne pouvant être tenu de rembourser des fonds qu'il n'a pas lui-même reçus, cette restitution incombant aux seuls époux [X]. A leurs dires la banque ne peut leur réclamer à titre de réparation les intérêts produits par le prêt puisque l'annulation de la vente provient de ce que les époux [X] ont fait jouer leur droit de rétractation, les intérêts du fait de la mise en oeuvre du droit de rétractation n'étant pas exigibles, comme l'a jugé le juge de l'exécution dans sa décision du 10 avril 2014 prononçant la nullité du prêt.
Par ordonnance du 29 octobre 2021, la procédure a été clôturée le 1er février 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 février 2022.
MOTIFS :
Les époux [X] qui cherchaient à acquérir un bien immobilier ont été mis en relation avec [R] [T] qui leur a proposé une maison située à [Localité 17].
Les appelants exposent qu'une information judiciaire a été ouverte du chef d'escroqueries en bande organisée contre [R] [T], laquelle réalisait des opérations immobilières frauduleuses avec la complicité de prête-noms et de son notaire, Maître [K] [Z]. Ils expliquent que [P] [I] était l'un de ces prête-noms: quoique bénéficiaire du RSA, il est ainsi devenu acquéreur et revendeur de quatre biens immobiliers dont celui vendu aux époux [X].
Sur l'inscription de faux et l'annulation de l'acte authentique du 27 juillet 2011:
Le tribunal pour prononcer la nullité de la vente a relevé que les mentions relatives au compromis de vente du 2 mai 2011 et à l'émission et l'acceptation de l'offre de prêt étaient fausses, que les formalités prévues par l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation n'avaient pas été respectées et que les époux [X] s'étaient rétractés.
Dans le dispositif du jugement, le tribunal a dit que l'acte authentique reçu le 27 juillet 2011 par Maître [K] [Z], notaire, membre de la SCP [Z], Bonnefond et Carre, titulaire d'un office notarial à Uzès, contenait plusieurs mentions fausses, que le présent jugement serait mentionné en marge de la minute dudit acte, que l'exécution de cet acte était suspendue et que la vente constatée par cet acte authentique était nulle.
Les époux [X] demandent à la cour de statuer à nouveau :
- de juger que l'acte authentique du 27 juillet 2011 est un faux en écritures authentiques et qu'il est nul et de nul effet,
- d'ordonner l'inscription en faux en écritures authentiques et le présent arrêt en marge de l'acte authentique du 27 juillet 2011.
Ils exposent que le premier juge a omis de préciser l'inscription en faux, cette omission leur étant préjudiciable car depuis 2015 ils demandent à ce que l'acte litigieux soit reconnu comme un faux en écritures publiques.
Aucune des autres parties ne conteste que l'acte authentique du 27 juillet 2011 est un faux en écriture authentique et qu'il est entaché de nullité dans son intégralité. Cette disposition du jugement sera donc confirmée et complétée, la cour précisant que l'acte authentique du 27 juillet 2011 est un faux en écriture authentique. Par application des dispositions de l'article 310 du code procédure civile, le présent arrêt sera mentionné en marge de la minute de l'acte authentique du 27 juillet 2011.
Sur les conséquences de l'annulation de l'acte authentique du 27 juillet 2011:
Aux termes de l'acte authentique passé le 27 juillet 2011 devant Maître [Z], notaire à [Localité 19], [I] [P] a vendu à [N] [X] et son épouse, [U] [W] une maison à usage d'habitation, sise [Adresse 10], figurant au cadastre à la section D, sous le numéro [Cadastre 4], au prix de 195 000 euros. Le Crédit immobilier de France est intervenu à l'acte en sa qualité de prêteur de deniers et a consenti aux époux [X] un prêt de 204 484 euros remboursable en trente années.
Les premiers juges ont retenu que la nullité de cet acte authentique entraînant l'effacement rétroactif du contrat, les parties devaient être remises dans l'état où elles se trouvaient avant l'exécution de ce contrat. L'expertise en écritures ayant établi que [I] [P] avait bien signé l'acte litigieux, le tribunal l'a condamné à rembourser le prix de vente de 195 000 euros aux époux [X] lesquels ont été condamnés à lui restituer le bien immobilier vendu.
Les époux [X] sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'ils les a condamnés à restituer au vendeur le bien immobilier vendu car ils ne sont jamais entrés en possession dudit bien.
[P] [I] soutient qu'il n'a pas acheté le bien immobilier objet de la vente litigieuse et qu'il n'en a d'ailleurs pas reçu le prix. Cet argument est inopérant, le notaire versant aux débats l'ordre de virement signé par lui et autorisant le notaire à régler diverses dépenses liées à la transaction, la somme de 132 000 euros à Maître [L] aux fins de règlement du prix du bien immobilier acquis le 10 mars 2011 et la somme de 19 259 euros à son profit.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné [P] [I] à rembourser aux époux [X] le prix de vente de 195 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement et en ce qu'il a condamné les époux [X] à restituer le bien vendu.
Sur le remboursement des fonds prêtés par le Crédit Immobilier de France Développement aux époux [X] :
Le tribunal a condamné les époux [X] à payer au CIFD la somme de 197 049,24 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2016. Après avoir indiqué que le prêt avait été annulé par jugement du juge de l'exécution du 10 avril 2014, lequel était devenu définitif, les premiers juges ont considéré que les époux [X] étaient tenus de restituer la somme prêtée à compter du 14 janvier 2016, date de notification des premières conclusions par lesquelles la banque sollicitait le remboursement des sommes prêtées.
Pour s'opposer à la restitution à la banque des fonds prêtés à la suite de l'annulation du contrat de prêt, les époux [X] considèrent que le CIFD, en débloquant les fonds sans ordre de déblocage signé par les emprunteurs, a commis une faute laquelle le prive de son droit de leur réclamer les fonds prêtés.
Le CIFD considère qu'en application de l'article 1304 du code civil, l'annulation du contrat de prêt emporte obligation pour les emprunteurs de restituer les fonds prêtés et pour le prêteur restitution des échéances payées. La banque demande donc à la cour de confirmer le jugement sauf sur la date du point de départ des intérêts au taux légal, laquelle est le 10 avril 2014, date du jugement aux termes duquel le juge de l'exécution a annulé le prêt.
La banque n'ayant pas consenti un prêt destiné à financer une vente en l'état futur d'achèvement ou un contrat de construction de maison individuelle, elle n'était pas tenue de faire signer aux emprunteurs un ordre de déblocage des fonds prêtés, lesquels ont été directement versés à l'étude du notaire en charge de la vente.
Les premiers juges ont estimé à bon droit que les époux [X] sont tenus de restituer la somme au Crédit Immobilier France Développement la somme de 197 049,24 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Sur l'indemnisation des préjudices subis par les époux [X] :
Sur la responsabilité du notaire :
Les époux [X], estimant que Maître [K] [Z] avait commis une faute engageant sa responsabilité en prêtant son concours à une vente frauduleuse dans l'intérêt de [R] [T] dont il était le notaire habituel et en insérant de nombreuses mentions qu'il savait fausses dans l'acte authentique dont il était tenu de garantir l'efficacité, ont demandé au tribunal de condamner le notaire et son assureur à régler la somme de 204 484 euros au Crédit Immobilier de France ainsi qu'à leur payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral et matériel.
Le tribunal a retenu que le notaire avait commis des fautes lors de la rédaction de l'acte du 27 juillet 2011 en ne s'assurant pas de l'expiration du délai de rétractation dont bénéficiaient les emprunteurs et en indiquant que Madame [X] intervenait à l'acte en qualité d'emprunteuse alors même qu'elle n'avait pas signé l'offre de prêt. Considérant qu'un notaire était tenu de restituer le prix de vente seulement si l'acte avait été annulé par sa faute et si les acquéreurs ne pouvaient pas récupérer le prix de vente à cause de l'insolvabilité du vendeur, le tribunal a jugé que l'insolvabilité de [I] [P] n'était pas établie et a débouté les époux [X] de leur demande de remboursement du prix de vente formée contre le notaire. Les premiers juges ont limité le montant de l'indemnité allouée aux époux [X] à la seule somme de 8 859 euros représentant les frais notariés qu'ils ont réglés indûment.
Les appelants sollicitent la réformation de cette disposition du jugement et demandent que le notaire, l'office notarial et leurs assureurs soient condamnés à les relever et garantir des conséquences de la nullité de l'acte de vente et du contrat de prêt et notamment de les condamner à restituer à la banque la somme de 204 484 euros et à leur payer la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et matériel causé par dix années de procédure.
[K] [Z], la SCP Carre Guy Gallego Avignon et leurs assureurs, après avoir relevé que les appelants n'avaient pas qualité à leur demander de rembourser un tiers, ont conclu que le notaire ne pouvait pas être condamné à rembourser des fonds qu'il n'avait pas personnellement perçus et que les emprunteurs seraient en mesure de rembourser la banque avec le prix de vente de 195 000 euros restitué par le vendeur, [P] [I], dont l'insolvabilité n'était pas établie et qui était propriétaire du bien immobilier objet de la vente annulée.
La cour constate que Maître [K] [Z] ne conteste pas avoir engagé sa responsabilité lors de la rédaction de l'acte authentique du 27 juillet 2011 et que seule l'étendue du préjudice subi par les époux [X] est discutée.
A la suite de l'annulation d'un acte, toutes les parties doivent être néanmoins remises dans l'état où elles se trouvaient antérieurement. Si le patrimoine de l'une d'elles supporte un déficit parce que la restitution consécutive à l'annulation s'avère impossible à obtenir en raison de l'insolvabilité de celui qui en est débiteur, le notaire dont la faute est à l'origine de l'annulation peut être condamné à garantir cette restitution.
A la suite de l'annulation de la vente et du prêt, [P] [I] est tenu de restituer le prix de vente de 195 000 euros aux acquéreurs lesquels doivent restituer à la banque les fonds prêtés d'un montant de 197 049,24 euros.
Or, les époux [X] font valoir que [P] [I] est dans l'impossibilité d'assurer le règlement de la somme de 195 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement, que dans tous les documents produits aux débats il apparaît comme étant sans emploi et bénéficiaire du RSA, qu'il ne dispose d'aucun patrimoine et n'est intervenu à l'acte de vente qu'en tant que prête-nom de [R] [T].
Dans le dispositif de leurs conclusions, les époux [X] ont demandé à la cour de « condamner le notaire, l'office notarial et leurs assureurs à les relever et garantir des conséquences de la nullité de l'acte de vente et du contrat de prêt et notamment de les condamner à restituer à la banque la somme de 204 484 euros. »
En page 50 de leurs conclusions, ils ont demandé que le notaire soit condamné à « restituer la somme principale de 204 484 euros aux consorts [X] et en tout état de cause à restituer l'ensemble du prix de vente et de ses accessoires aux consorts [X], lesquels pourront à cette seule condition restituer les sommes revenant à l'établissement de crédit. »
La cour constate que les époux [X] rapportent la preuve de l'insolvabilité de [I] [P], lequel est débiteur à leur égard de la restitution du prix de 195 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 15 avril 2019. En effet, ils produisent un procès-verbal de saisie-attribution infructueuse relatant les diligences effectuées par l'huissier pour obtenir des informations sur la situation financière de [I] [P], lequel avait un solde créditeur de 39 euros sur son seul compte bancaire. N'ayant aucune perspective sérieuse de recouvrement de leur créance de 195 000 euros, les époux [X] justifient donc subir un préjudice imputable à la faute du notaire dans la mesure où leur vendeur se trouve dans l'impossibilité de leur restituer le prix de vente alors qu'ils sont tenus eux-mêmes à rembourser les fonds empruntés à la banque.
Maître [K] [Z], la SCP Carre Guy Gallego Avignon et leurs assureurs seront donc condamnés à garantir le paiement de la somme de 195 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement aux époux [X].
La faute commise par le notaire a de surcroît causé un préjudice financier aux époux [X] lesquels ont réglé indûment des frais notariés consécutifs à un acte de vente authentique ultérieurement annulé. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné solidairement Maître [K] [Z], la SCP Carre Guy - Gallego Avignon, et les MMA, à payer aux époux [X] la somme de 8 859 euros à titre de dommages et intérêts.
Le tribunal a mis en doute la totale bonne foi des époux [X] en relevant qu'ils s'étaient prêtés sciemment à certaines irrégularités commises à l'occasion de la transaction immobilière litigieuse. Selon les premiers juges, ils ont accepté que le prix de vente serve à payer une partie des frais notariés et savaient que l'acte authentique de vente avait été signé alors que leur délai de rétractation n'avait pas couru. [N] [X] savait par ailleurs que les bulletins de salaire fournis à la banque et établis par [R] [T] étaient faux et a lui-même effectué une fausse déclaration en affirmant qu'il était célibataire. Enfin, ils ont accepté de régler les premières mensualités du prêt avec des fonds prélevés sur le prix de vente et remis par le notaire ( chèque de 5000 euros émis par le notaire au profit des époux [X] le 20 février 2012 cf pièce n°54 communiquée par les appelants).
Devant la cour, les appelants, dont les conclusions sont pourtant très abondantes, ne se sont pas expliqués clairement sur les circonstances exactes dans lesquelles ils ont participé à cette transaction et leurs protestations de bonne foi manquent de vraisemblance, leur thèse selon laquelle ils se sont retrouvés débiteurs d'un crédit et propriétaires d'un immeuble malgré eux ne pouvant être retenue en l'état des pièces versées aux débats. Le tribunal les a donc à juste titre déboutés de leur demande tendant à la réparation du préjudice moral allégué.
Sur la responsabilité du Crédit Immobilier France Développement :
Les époux [X] reprochent à l'intimée d'avoir commis une faute en leur octroyant le prêt litigieux notamment en n'ayant pas averti [N] [X] du risque d'endettement important découlant de l'octroi du prêt. Ils sollicitent la condamnation de l'intimée au paiement de la somme de 10 000 euros à titrede dommages-intérêts.
Le Crédit Immobilier conteste la faute reprochée par les époux [X] et rappelle que les emprunteurs doivent coopérer de bonne foi en fournissant au prêteur des informations exactes sur leur situation: ils ne peuvent pas lui reprocher de ne pas avoir découvert qu'ils avaient travesti la réalité.
La cour constate que la faute reprochée à l'établissement de crédit n'est pas établie, l'emprunteur s'étant prévalu d'un salaire mensuel de 3130 euros, qu'il a déclaré n'avoir aucun crédit et prévoyait percevoir des revenus locatifs de 700 euros par mois.
Le jugement qui a débouté les époux [X] de leur demande de dommages-intérêts formée contre le CIFD sera confirmé sur ce point.
Sur la responsabilité de [I] [P] :
Les époux [X] dont le préjudice découle de l'annulation de la vente ne démontrent pas qu'il soit imputable au vendeur et seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts formée contre lui.
Maître [K] [Z], la SCP CARRE GUY-GALLEGO AVIGNON, la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard seront pareillement déboutés de leur demande de dommages-intérêts formée contre le vendeur, faute de démontrer qu'il a fait usage de mauvaise foi de son droit d'exercer un recours contre une décision judiciaire.
Sur l'article 700 et sur les dépens :
Il est équitable de condamner in solidum [I] [P], Maître [K] [Z], la SCP CARRE GUY-GALLEGO AVIGNON, la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard, parties succombantes, à payer aux époux [X] la somme de 3000 euros au titre de leurs frais irrépétibles exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise graphologique.
Aux termes de l'article 28 -4° du décret du 4 janvier 1955, sont obligatoirement publiées au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles les actes et décisions judiciaires lorsqu'ils portent sur des droits soumis à publicité foncière. La publication du présent arrêt sera donc ordonnée.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de condamlnation du notaire au remboursement du prix de vente,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne Maître [K] [Z], la SCP Carre Guy Gallego Avignon, la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard à garantir le paiement aux époux [X] de la somme de 195 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
Confirme pour le surplus les dispositions du jugement entrepris,
Y ajoutant,
Dit que l'acte authentique reçu le 27 juillet 2011 par Maître [K] [Z], notaire, membre de la SCP [Z], Bonnefond et Carre, titulaire d'un office notarial à Uzès, est un faux en écritures publiques,
Déboute [I] [P], les époux [X], [K] [Z], la Scp Carre-Guy Gallego Avignon a société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard de leurs autres demandes.
Condamne in solidum Maître [K] [Z], la SCP la Scp Carre-Guy Gallego Avignon, la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard à payer aux époux [X] la somme de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Ordonne la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière de la situation de l'immeuble concerné.
Condamne in solidum [I] [P], Maître [K] [Z], la SCP [Z], Bonnefond et Carre, la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iardaux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise graphologique exposés dans le cadre de la présente instance.
Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente et par Mme RODRIGUES, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,