ARRÊT N°
N° RG 21/03652 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IGP4
IR
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CARPENTRAS
31 août 2021
RG:21/00165
[E]
C/
[J]
Grosse délivrée
le 08/06/2022 à :
Me Garcia Brengou
Me Fouquet
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
3ème chambre famille
ARRÊT DU 08 JUIN 2022
APPELANTE :
Madame [W] [E]
née le 01 septembre 1945 à [Localité 9] (84)
[Adresse 2]
84170 MONTEUX
Représentée par la SCP TOURNIER & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me ANDRE de la SCP ANDRE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉ :
Monsieur [N] [J]
né le 06 janvier 1943 à [Localité 8] (83)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Lionel FOUQUET de la SELARL PYXIS AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 avril 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Isabelle ROBIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. André BEAUCLAIR, Président de Chambre
Madame Catherine DOUSTALY, Conseillère
Mme Isabelle ROBIN, Conseillère
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffière,
DÉBATS :
à l'audience publique du 04 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 juin 2022
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. André BEAUCLAIR, Président de Chambre, le 08 juin 2022,
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [N] [J] et Madame [W] [E] ont contracté mariage le 05 juillet 1965 devant l'officier d'état civil d'[Localité 3], après avoir adopté le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, par acte reçu le 14 juin 1965 aux minutes de Maître [P] notaire à [Localité 10] (83).
Par acte notarié en date du 05 juillet 2002, homologué par le tribunal de grande instance de NIMES le 04 mars 2003, ils ont adopté le régime de la séparation de biens et ont procédé au partage amiable d'une partie de leur patrimoine, aux termes d'un accord daté du 05 juillet 2002 sur la répartition des liquidités.
Par jugement du 03 décembre 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de CARPENTRAS a :
-prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs du mari,
-ordonné la liquidation des intérêts patrimoniaux,
-désigné à cette fin Maître [F] [I], notaire à [Localité 4], pour dresser un acte de partage,
-rejeté la demande de prestation compensatoire formée par Monsieur [J],
-débouté Madame [E] de sa demande de dommages et intérêts,
-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Monsieur [J] aux dépens.
Maître [I] a procédé à l'ouverture des opérations de liquidation le 14 juin 2016, qui a permis de trouver des accords partiels en ce qui concerne l'attribution de divers immeubles et éléments mobiliers incorporels, mais a fait apparaître des divergences à propos de l'ancien domicile conjugal.
Le notaire a établi en date du 04 février 2019 un procès-verbal de carence, Madame [E] ayant fait défaut bien que régulièrement convoquée par pli recommandé.
Par exploit délivré le 25 juin 2020 Monsieur [J] a fait assigner Madame [E] en partage, sollicitant notamment la licitation du bien immobilier litigieux.
Par jugement en date du 31 août 2021 le tribunal judiciaire de CARPENTRAS a :
-relevé que l'immeuble indivis est compris dans les intérêts pécuniaires dont le jugement de divorce a ordonné le partage,
-ordonné la licitation de l'immeuble sur une mise à prix de 700.000€ avec faculté de baisse d'un tiers,
-précisé les modalités de la licitation,
-rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [J],
-débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
-renvoyé les parties devant Maître [I] notaire, afin qu'elle reprenne et poursuive ses opérations,
-employé les dépens en frais privilégiés de vente et de partage.
Par déclaration en date du 05 octobre 2021 Madame [E] a relevé appel du jugement, tous les chefs étant expressément critiqués.
Par ses dernières conclusions remises et notifiées le 03 janvier 2022 Madame [E] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
-rejeter toute demande de licitation du bien,
-subsidiairement en fixer la mise à prix à 800.000€, avec faculté de baisse sans que celle-ci ne puisse aller en dessous de 10 % du montant de la mise à prix initiale,
-très subsidiairement ordonner toute mesure utile à l'estimation totale du bien,
-en tout état de cause :
$gt;désigner tel notaire qu'il plaira pour la poursuite des opérations,
$gt;condamner Monsieur [J] à lui payer la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
$gt;condamner Monsieur [J] aux dépens.
Elle soutient au visa de l'article 1686 du code civil que le bien immobilier peut être commodément partagé entre les parties après sa vente de gré à gré, les ex époux se partageant le prix de la vente.
Elle critique le jugement dans sa motivation et soutient :
-que les parties ne se sont jamais opposées à une médiation,
-qu'il n'existe aucune mésentente sur la valeur du bien entre les parties qui, s'appuyant sur un rapport d'expertise de 2017, avaient signé le 19 avril 2019 un mandat de vente du bien au prix de 919.000€, les prétentions de Monsieur [J] ne visant qu'à obtenir une mise à prix la plus basse possible.
Elle fait valoir que la licitation du bien aboutirait ainsi à une perte de l'ordre de 200.000€.
Elle ajoute que la licitation est donc plus mal fondée qu'aucune des parties ne se trouve dans une situation d'impécuniosité nécessitant une adjudication rapide de l'immeuble.
Elle indique enfin qu'il conviendra de désigner tout autre notaire que Maître [I], qui avait omis d'inclure dans son projet divers biens appartenant à Monsieur [J], et en qui elle n'a plus confiance.
Par ses dernières conclusions remises et notifiées le 25 mars 2022 Monsieur [J] demande à la cour de :
-confirmer le jugement entrepris,
-condamner Madame [E] à lui payer la somme de 3.000 € par application des dispositions
de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonner que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente.
Il observe qu'au final le seul point d'achoppement réside dans la valorisation du bien et réplique que Madame [E] est aujourd'hui bien mal venue de plaider que la vente amiable du bien serait la solution la moins contraignante alors qu'elle y a jusque là fait obstacle.
Il rappelle qu'elle a déjà fait perdre beaucoup de temps en sollicitant dans un premier temps l'attribution de ce bien avant d'y renoncer, que les parties ont semblé s'accorder ensemble sur une valorisation de l'immeuble de Monteux pour la somme de 600.000 € alors qu'il était question à l'époque d'attribuer bien à l'épouse.
Il estime en conséquence que le montant de mise à prix, avec faculté de baisse, semble parfaitement répondre aux exigences des parties, et du marché, rappelant que le bien mis aux enchères ne se vend pas à la valeur de sa mise à prix, mais en considération de sa valeur marché.
Il fait enfin valoir que Madame [E] est mal fondée à soutenir que les parties ne sont pas en difficulté financière et qu'il n'y a pas urgence, alors qu'elle occupe le bien depuis l'ordonnance de non-conciliation du 21 mars 2013 sans s'acquitter d'une quelconque indemnité
d'occupation pourtant prévue à la dite ordonnance ; lui-même a dû se reloger et assume des charges à ce titre.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, de leurs prétentions et moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été fixée au 13 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions.
Aux termes des dernières écritures de l'appelante seul le principe de la licitation et le montant de la mise à prix font l'objet de critiques et de développements. Les autres prétentions sont donc abandonnées devant la cour et le jugement confirmé en ce qui les concerne.
Rappel chronologique :
-mariage le 05 juillet 1965 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts,
-acquisition le 26 août 1977 de plusieurs parcelles cadastrées à MONTEUX (84), d'une superficie totale de 3ha 24a 04ca, sur lesquelles ils ont fait édifier l'immeuble ayant constitué la résidence familiale jusqu'à la séparation du couple en juillet 2012,
-acquisition le 19 décembre 1986 dans un ensemble immobilier sis à [Localité 11] (38), d'un appartement et d'un garage,
- adoption du régime de la séparation le 04 mars 2003,
-acquisition à [Localité 5] (74), au prix de 530.000 €, d'un appartement, garage et cave, à concurrence de ¿ pour Monsieur et de ¿ pour Madame, constituant les lots 11, 3 et 7 de la copropriété « [Adresse 7] », estimé dans le cadre du projet de liquidation à la somme de 530.000 €,
-ordonnance de non-conciliation en date du 21 mars 2013,
-jugement de divorce en date du 03 décembre 2015,
-procès-verbal de carence du notaire en date du 04 février 2019,
-assignation en licitation le 25 juin 2020 de l'immeuble sis à Monteux.
1- Sur la licitation de l'immeuble :
Selon l'article 1686 du code civil, si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte, ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s'en trouve quelques-uns qu'aucun des copartageants ne puisse ou ne veuille prendre, la vente s'en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires.
Madame [E] ne saurait sérieusement contester le principe même d'une licitation du bien, alors même que la liquidation des intérêts pécuniaires des époux a été ordonnée il y a plus de six années et qu'il résulte des pièces du dossier :
-qu'elle n'a pas signé le mandat de vente qui devait être confié à la SARL Orphee Immobilier en octobre 2018,
-qu'elle a fait défaut au rendez-vous fixé chez le notaire le 04 février 2019,
-que le mandat de vente co-signé avec Monsieur [J] en date du 19 avril 2019 n'a pas permis la vente du bien.
Le montant de la mise à prix, fixé à 700.000€, se situe dans la fourchette médiane entre l'estimation proposée par Monsieur [J] à 600.000€, et celle proposée par Madame [E] à 750.000€ a minima.
Bien que l'immeuble ait été évalué à une somme comprise entre 950.000€ et 1.050.000€ aux termes d'une expertise amiable réalisée en juillet 2017 à la demande de Madame [E], cette estimation mérite d'être relativisée en ce que l'expert décrit des matériaux et équipements obsolètes, des problèmes d'étanchéité de toiture et d'humidité des murs, une piscine et un court de tennis hors d'usage, désordres qui à ce jour n'ont pas fait l'objet de travaux et se sont vraisemblablement aggravés.
L'expert souligne en outre que la vente de ce type de propriété avec de grandes surfaces habitables et de vastes terrains s'avère particulièrement compliquée car la clientèle disposant de budgets conséquents n'investit que très rarement dans cette partie du département, préférant à cette ville plutôt rurale des secteurs plus réputés comme le LUBERON, le MONT VENTOUX ou les environs de l'[Localité 6].
Si les parties sont convenues d'un mandat de vente au prix de 919.000€ le 19 avril 2019, force est de constater en l'absence de toute vente que ce prix était manifestement trop élevé, confirmant en cela les réserves de l'expert.
Enfin Madame [E] ne produit aucune pièce de nature à étayer ses prétentions sur une mise à prix de 800.000€, qui fait encourir un risque de carence des enchères alors que la licitation a pour objet de terminer les opérations de liquidation.
C'est donc à bon escient que le tribunal a considéré qu'en l'absence de toute possibilité viable de partage en nature, ou d'attribution de l'immeuble à l'une ou l'autre des parties, la licitation s'impose, et a fixé la mise à prix à 700.000€ avec faculté de baisse d'un tiers, puis d'un quart, puis de moitié à défaut d'enchères suffisantes.
Le jugement est confirmé de ce chef.
2- Sur la désignation du notaire :
Madame [E], qui critique les opérations de liquidation et projets établis par Maître [I], ne rapporte pas la preuve de manquements imputables à cet officier ministériel justifiant son remplacement. Le jugement est confirmé en ce qu'il a renvoyé les parties devant ce notaire afin qu'il poursuive ses opérations.
3- Sur les autres demandes :
Eu égard à la nature du litige, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
Madame [E], qui succombe, supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Statuant, publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne Madame [W] [E] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par M. BEAUCLAIR, Président de Chambre et par Mme VILLALBA, Greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,