ARRÊT N°
N° RG 21/04328 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IISH
CC
COUR DE CASSATION DE PARIS
06 janvier 2021
RG:1 F-D
[X]
C/
S.C.I. [E]
Grosse délivrée le 08 juin 2022 à :
- Me VAJOU
- Me PERICCHI
COUR D'APPEL DE NÎMES
4ème CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 08 JUIN 2022
APPELANT :
Monsieur [L] [X]
né le 14 Août 1972 à [Localité 1]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me LAPLACE-TREYTURE Lina, substituant Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me HUGUES Thomas, substituant Me Jean paul ARMAND de la SCP BOLLET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
S.C.I. [E] société civile immobilière inscrite au RCS de MARSEILLE sous le numéro 818 685 745, Venant aux droits de LA SCI DE LA VIEILLE EGLISE, Société civile immobilière au capital social 3.048,98€,immatriculée au R.C.S de Marseille sous le numéro 329 207 815, dont le siège social était sis [Adresse 5], par l'effet d'une opération de fusion absorption emportant transmission universelle de patrimoine selon un traité de fusion absorption du 1 er janvier 2016 et d'un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 13 avril 2016 ayant entrainé sa radiation du RCS de Marseille le 19 octobre 2017, prise en la personne de son gérant domicilié au siège social sis,
assignée à étude d'huissier
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Laure TRAPE, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Mme Corinne STRUNK, Conseillère,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
À l'audience publique du 21 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Juin 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 08 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ
Vu la saisine de la cour d'appel de Nîmes par déclaration au greffe du 2 décembre 2021 à la suite d'un arrêt n°1 F-D rendu le 6 janvier 2021 par la cour de cassation.
Vu les appels interjetés le 12 juin 2017 et 11 juillet 2017 par Monsieur [X] et Me [K] pris en sa qualité de liquidateur de la SAS [X] et de Monsieur [L] [X] à l'encontre du jugement prononcé le 15 mai 2017 par le tribunal de commerce de Marseille dans l'instance n°2016F00160.
Vu l'arrêt prononcé par la cour d'appel d'Aix en Provence le 23 mai 2019, en suite de l'arrêt mixte du 6 juillet 2018 dans l'instance n°17/11090.
Vu l'avis de fixation à bref délai à l'audience du 21 avril 2022 suite à renvoi après cassation adressé le 14 décembre 2021 à Monsieur [X].
Vu la signification de la déclaration de saisine de l'appelant avec assignation à comparaître délivrée le 21 décembre 2021 à la SCI [E], par acte laissé en l'étude de l'huissier.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 4 avril 2022 par l'appelant et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 11 février 2022 par la SCI [E], venant aux droits de la SCI Vieille Eglise, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l'ordonnance du 14 décembre 2021 de clôture de la procédure à effet différé au 14 avril 2021.
* * *
Le 1er septembre 2006, La SCI avait loué un local à usage de boulangerie, pour un loyer annuel de 40.000 euros HT.
Le 30 novembre 2012, puis le 15 juillet 2013, le fonds de commerce a été cédé à une société, liquidée depuis lors, le liquidateur judiciaire étant le demandeur en première instance.
Le 14 octobre 2013, le preneur (qui n'a pas payé les loyers) a fait constater par huissier de justice les désordres affectant le bien loué, à savoir la présence de fissures, la déformation du carrelage et la survenance d'infiltrations d'eau lors de précipitations. Il a ensuite saisi le juge des référés.
Par une ordonnance du 22 août 2014, le juge des référés a ordonné une mesure d'expertise. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 8 juin 2016.
Le 11 mars 2015 la SCI, bailleresse, a fait délivrer au preneur un commandement de payer de 13.149,40 euros au titre des loyers commerciaux impayés.
Les 11 mai 2015 et 29 juillet 2015, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert le redressement judiciaire puis la liquidation judiciaire du preneur et désigné le liquidateur. Le 3 juin 2015, la bailleresse a déclaré sa créance à titre privilégié à la procédure collective de la société preneuse pour la somme de 29.948,19 euros au titre des loyers et charges provisionnelles pour les 1er et 2ème trimestres 2015 outre les frais de commandement.
Le liquidateur et le gérant de la société preneuse, ont agi en responsabilité contre la bailleresse pour obtenir notamment le paiement de l'intégralité du passif, et le paiement au titre du préjudice subi de la somme de 400 000 euros au titre de la perte de la valeur du fonds de commerce.
Par jugement du 15 mai 2017, le tribunal de commerce de Marseille a rejeté les demandes du liquidateur et du gérant, et déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la bailleresse tendant à la fixation de sa créance au passif de la société preneuse.
Le liquidateur et le gérant ont formé appel du jugement.
Par un premier arrêt du 6 juillet 2018, la cour d'appel d'Aix en Provence a infirmé le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau:
- condamné la SCI à payer au liquidateur la somme de 63 071,96 euros au titre de l'intégralité du passif de la société preneuse
- condamné la SCI à payer au gérant la somme de 6.000 euros en réparation de son préjudice moral,
Et avant dire droit, s'agissant du préjudice financier personnel subi par le gérant :
- dit qu'il y avait lieu d'enjoindre au liquidateur et au gérant de produire aux débats tous justificatifs comptables utiles afférents à la période allant du 1er janvier 2015 au jour du jugement prononçant le redressement judiciaire en date du 11 mai 2015, et ce dans le délai de deux mois à compter de la date du prononcé du présent jugement,
- décidé de surseoir à statuer tant sur ce préjudice financier personnel que sur
le surplus des demandes.
Par un second arrêt du 23 mai 2019, la même cour :
- déclaré irrecevable la demande de réparation du gérant,
- déclaré irrecevable la demande de la SCI tendant à se voir exonérée de toute responsabilité,
- déclaré irrecevable la demande du liquidateur tendant à voir condamner la SCI à lui payer la somme de 421 349,41€ au titre de l'intégralité du passif,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Le 6 janvier 2021, la cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable le gérant en sa demande de réparation de son préjudice personnel.
L'appelant (le dirigeant de la société preneuse) demande à la cour, dans ses dernières conclusions prises au visa de l'article 1382 ancien du code civil, L.641-9 du code de commerce, de :
In limine litis,
Débouter la bailleresse de son exception de nullité de la déclaration d'appel au titre du défaut d'effet dévolutif de l'appel pour absence de critique des chefs de jugement,
Sur le fond,
Infirmer le jugement prononcé le 15 mai 2017 en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,
Condamner la bailleresse au paiement de la somme de 558 974,24 euros au titre de son préjudice personnel financier se décomposant comme suit :
Investissements réalisés en pure perte : 90 000 euros,
Cautionnements : 159 205,46 euros,
Absence de rémunération : 33 000 euros,
Perte de chance de revendre le fonds de commerce : 260 000 euros,
Frais exposés pour obtenir réparation de son préjudice : 16 768,78 euros,
Condamner la bailleresse au paiement de la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral,
Prononcer la capitalisation des intérêts,
En tout état de cause,
Condamner la bailleresse à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la bailleresse aux entiers dépens de l'instance.
L'appelant expose que sa déclaration de saisine est parfaitement régulière en ce qu'elle vise le chef du jugement critiqué et que la saisine tend à obtenir, dans la limite de la portée de la cassation, l'annulation, l'infirmation ou à tout le moins la réformation du jugement déféré.
Au soutien de ses prétentions, l'appelant indique que, tiers au contrat de bail unissant la société preneuse et la société bailleresse, il a subi un préjudice personnel important du fait de la carence du bailleur dans l'exécution de ses obligations contractuelles.
Il rappelle que les arrêts de la cour d'appel d'Aix en Provence ont retenu une faute commise par la bailleresse (manquement à l'obligation de délivrance et à l'obligation d'entretien) en lien de causalité direct avec le dépérissement du fonds de commerce. Il précise que l'arrêt mixte du 6 juillet 2018 a écarté le moyen consistant à soutenir que le gérant avait participé à la survenance du dommage. L'appelant communique un rapport d'expertise comptable (pièce 16) relatif à son préjudice personnel, lequel comprend :
Des apports en compte courant effectués en pure perte,
Des engagements de cautionnement des prêts contractés par la société preneuse,
La privation de toute rémunération pendant 22 mois,
La perte de chance de revendre son fonds de commerce,
Les frais de justice indûment exposés pour obtenir la reconnaissance de ses droits.
L'appelant soutient, en ce qui concerne son préjudice moral indemnisé à hauteur de 6 000 euros par l'arrêt mixte du 6 juillet 2018, que son état de santé s'est aggravé depusi lors, de sorte qu'une indemnisation complémentaire doit être prononcée.
L'intimée (la société bailleresse) demande à la cour, au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile, 562, 564 et 633 et 901 4° du code de procédure civile, 1382 ancien du code civil, de :
Au principal,
Juger que l'appelant n'a pas respecté les conditions de l'article 901- 4° du CPC ni de l'article 562 du CPC dans la formalisation de son acte de saisine ni dans son expression par conclusions
Constater la nullité de la déclaration d'appel pour vice de forme
Juger que cette nullité n'est pas palliée par les conclusions de l'appelant
Juger que la déclaration de saisine et les conclusions notifiées ne développent aucune critique des termes du jugement du tribunal de commerce de Marseille du 15.07.2017 qu'elles ne reprennent sur aucun motif, se contentant d'en retranscrire grossièrement le dispositif dans sa chronologie.
Juger qu'est établi au visa de l'article 562 du CPC que la déclaration d'appel et les conclusions effectuées dans le même temps n'ont pas opéré la dévolution à la Cour
Juger qu'en l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la cour n'est saisie d'aucune demande de l'appelant tendant à voir réformer ou infirmer telle ou telle disposition du jugement entrepris
Juger n'y avoir lieu de statuer sur l'appel ni sur toutes les demandes de Monsieur [X] et le rejeter et les rejeter
En application des articles 542 et 954 du code de procédure civile CONFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS VU QUE l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement,
Subsidairement,
Déclarer irrecevable la demande en réparation du préjudice moral présentée par l'appelant au visa de l'article 562, 564 et 633 du CPC celui-ci ayant été exclu du renvoi devant la Cour d'appel de céans par arrêt du 06.01.2021 de la Cour de Cassation,
Constater l'exécution spontanée de l'arrêt du 06.07.2018 au titre du préjudice moral et l'extinction des droits de la victime à ce titre
Juger que l'appelant ne démontre pas le lien de causalité entre ses dommages personnels et la « faute » de la bailleresse
Juger que l'appelant a, par ses atermoiements fautifs, concouru directement et personnellement à la réalisation de son dommage personnel ;
Juger que les négligences de l'appelant conjuguées ensembles sont fautives.
Juger que leur conjugaison conjointe et cumulée a joué un rôle causal majeur exclusif dans la réalisation des dommages qu'il prétend avoir subi à titre personnel.
Juger que la faute du bailleur n'aurait pas été constituée ou aurait été constituée en moindre proportion si l'appelant avait laissé faire les travaux.
Juger qu'en conséquence est pleinement engagée la responsabilité de l'appelant dans la réalisation de ses propres dommages
Juger qu'ainsi est exonérée la bailleresse de toute responsabilité envers l'appelant pour ses préjudices personnels et financiers non tranchés par une décision devenue définitive
Débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
Rejeter la demande de l'appelant en condamnation de la bailleresse à payer (558.974,24 €) au titre du préjudice personnel financier à l'appelant:
Rejeter les demandes de condamnation à payer avec capitalisation au titre de :
' Investissements réalisés en pure perte : 90.000 €
' Cautionnements : 159.205,46 €
' Absence de rémunération : 33.000 €
' Perte de chance de revendre le fonds de commerce : 260.000 €
' Sur les frais exposés par l'appelant pour obtenir la réparation de son entier préjudice : 16.768,78 €
Au principal sur exception comme au subsidiaire
Condamner l'appelant à payer 10.000,00€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner l'appelant aux dépens.
L'intimée soulève une exception de procédure consistant à dire que la cour n'est saisie d'aucun chef du dispositif du jugement, la déclaration d'appel du 2 décembre 2021 se bornant à solliciter la réformation ou l'annulation de la décision sur des chefs qu'elle n'énumère pas. Les conclusions ne développent pas non plus une critique du jugement déféré et se contentent de retranscrire très partiellement le dispositif dans sa chronologie. L'effet dévolutif n'a donc pas joué.
Au fond, l'intimée considère que le préjudice moral de l'appelant est liquidé par l'arrêt mixte du 6 juillet 2018 et payé. Elle conteste tout lien de causalité entre l'aggravation alléguée qui résulterait d'un excès de travail pour maintenir le fonds alors que la liquidation judiciaire a été prononcée il y a 8 ans. En outre, il s'agit d'une demande nouvelle alors que la cour d'appel de renvoi n'est investie que de la disposition annulée, dans tous ses éléments de fait et de droit. Elle est donc irrecevable.
En ce qui concerne la réparation du préjudice financier subi par l'appelant, la bailleresse, intimée relève que le dirigeant de la société preneuse, appelant, est un tiers averti qui a pourtant tardé à signaler les causes de dégradation, alors qu'il avait un intérêt personnel à la conservation du bien de la société preneuse. C'est l'inertie du dirigeant qui est la cause exclusive du dommage, de sorte que ses demandes indemnitaires doivent être rejetées, le lien de causalité entre ses dommages personnels et la faute de la bailleresse n'étant pas démontré. Au contraire, les fautes du tiers « ont joué un rôle causal majeur exclusif dans la réalisation des dommages qu'il prétend avoir subi à titre personnel ».
La bailleresse ajoute que sa faute aurait été moindre ou n'aurait pas été constituée si le dirigeant de la société preneuse avait laissé faire les travaux, ce qui engage la responsabilité de ce dernier.
Dès lors que les fautes du dirigeant ont un lien de causalité direct et certain avec la perte du fonds et par voie de conséquence des ressources de la société preneuse, la bailleresse doit être exonérée de toute responsabilité envers l'appelant.
En ce qui concerne les préjudices dont il est réclamé indemnisation, la bailleresse fait valoir que l'appelant n'a pas déclaré sa créance de capital et de compte courant au passif de la société en procédure collective, Elle ajoute que le dirigeant a surestimé ses profits entraînant une surévaluation des investissements, qu'il a également acquis un fonds de commerce à un prix supérieur à celui qui aurait dû être retenu. La bailleresse n'a donc pas à réparer un préjudice qu'elle n'a pas causé, n'étant ni le vendeur du fonds de commerce, ni le gestionnaire de la société preneuse. Les frais de justice allégués sont e la résultante des atermoiements de l'appelant qui a présenté tardivement une demande de plan de surendettement, de sorte qu'elle n'a pas non plus à supporter leur prise en charge.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur la procédure :
La déclaration de saisine n'est pas une déclaration d'appel. La cour d'appel de renvoi est saisie de la procédure d'appel initiale, non atteinte par la cassation, résultant des déclarations d'appel des 12 juin 2017 et 12 juillet 2017. Les dispositions du décret du 6 mai 2017 n'étaient pas encore applicables à cette instance.
La déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi doit être conformément aux dispositions des articles 1032 et 1033 du code de procédure civile. En conséquence, elle doit contenir les mentions exigées pour l'acte introductif d'instance devant cette juridiction.
Au cas présent la déclaration de saisine, à laquelle est annexée l'arrêt de la cour de cassation et l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence partiellement censuré, comporte exclusivement la mention suivante : « la saisine de la cour d'appel de Nîmes désignée comme cour de renvoi, tend à obtenir, dans les limites de la portée de la cassation, l'annulation, l'infirmation ou à tout le moins, la réformation des chefs du jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille, ayant débouté Monsieur (X) de toutes ses demandes, fins et conclusions. »
Les irrégularités de la déclaration de saisine sont sanctionnées par une nullité de forme qui suppose la démonstration d'un grief, que l'intimée s'abstient de caractériser.
La portée de la cassation étant, en vertu des articles 624 et 625 du code de procédure civile, déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce, l'obligation prévue par l'article 1033 du code de procédure civile, de faire figurer dans la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation les chefs de jugement critiqués de la décision entreprise ne peut avoir pour effet de limiter l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi.
Civ 2ème 14/01/2021 n°1914293
Il s'ensuit que la demande de nullité pour vice de forme de la déclaration de saisine doit être rejetée et que la cour est valablement saisie par le dispositif de l'arrêt prononcé par la cour de cassation le 6 janvier 2021.
Sur le fond :
Le jugement du tribunal de commerce de Marseille a débouté l'appelant de l'ensemble de ses demandes.
Par arrêt du 6 juillet 2018, la cour d'appel d'Aix en Provence, après avoir infirmé kle jugement déféré en toutes ses dispositions, considéré que la bailleresse avait manqué à son obligation de délivrance et d'entretien a retenu l'existence d'un préjudice moral subi par le dirigeant au vu des justificatifs médicaux produits, évalué à 6000 euros. Il a en conséquence sursis à statuer sur la réparation de ce préjudice financier personnel, faute de justificatifs suffisants et a enjoint le liquidateur et l'appelant de produire des justificatifs comptables.
Par arrêt du 23 mai 2019, la cour d'appel d'Aix en Provence déclare irrecevable la demande en réparation du préjudice financier personnel de l'appelant, non sans avoir dit au préalable que la demande de la SCI tendant à se voir exonérer de toute responsabilité était irrecevable, la saisine de la cour étant vidée sur ce point par l'arrêt mixte qui avait tranché la question de la responsabilité.
La cour de cassation casse et annule cet arrêt mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable le gérant en sa demande de réparation de son préjudice personnel.
Dès lors, sous couvert d'une demande d'exonération, la bailleresse revient sur le principe de la responsabilité prononcé par l'arrêt mixte du 6 juillet 2018 conduisant à accorder d'ores et déjà une réparation au titre du préjudice moral subi par l'appelant. C'est la raison pour laquelle la disposition de l'arrêt du 23 mai 2019 qui déclare irrecevable la demande de la bailleresse tendant à se voir exonérer de toute responsabilité n'est pas censurée. Cette irrecevabilité de la demande d'exonération est irrévocable et tous les moyens développés à ce sujet sont inopérants.
L'appelant a vu son préjudice moral réparé par l'arrêt du 6 juillet 2018 qui considère que l'appelant, « à la suite du dépérissement de son fonds de commerce imputable aux manquements contractuels de son bailleur, a du subir des soins médicaux liés à son état dépressif ». Les justificatifs médicaux produits conduisent à accorder une indemnisation de 6000 euros à l'appelant.
C'est donc à juste titre que l'intimée soutient que le préjudice moral de l'appelant est liquidé et payé (par virement Carpa).
Cependant, l'appelant invoque une aggravation de son état qui est recevable en ce que la prétention constitue une demande complémentaire. Néanmoins, elle est infondée car le justificatif médical produit du 14 juin 2018 établit l'absence de lien de causalité entre ce préjudice et le dépérissement du fonds de commerce. En effet, le médecin atteste que les importantes lésions de l'appelant constituent les suites d'un accident de la circulation subi le 17 septembre 2012.
En ce qui concerne l'essentiel de la saisine de la cour, à savoir le préjudice financier personnel, la demande de réparation présentée au titre des investissements effectués en pure perte est irrecevable car il ne s'agit pas d'un préjudice personnel. Le dirigeant est un créancier de la procédure collective, il doit déclarer sa créance et seul le liquidateur judiciaire est investi du pouvoir de représentation de l'intérêt collectif des créanciers.
En ce qui concerne les autres demandes en réparation, l'appelant s'appuie sur un rapport d'expertise non contradictoire (pièce 16) et ne communique toujours aucun élément comptable. Il doit donc être corroboré par d'autres éléments du dossier.
Il ressort de cette pièce que le prêt contracté auprès du CIC concernait l'achat du fonds de commerce. L'intimée fait justement valoir que le conjoint de l'appelant faisait état d'un prix d'acquisition du fonds trop important. La demande en réparation fondée sur l'engagement de caution du dirigeant n'a donc qu'un lien causal partiel avec le manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance. Ce lien causal est celui du droit au bail cédé avec le fonds de commerce, droit au bail qui était obéré par le manquement à l'obligation de délivrance et d'entretien des grosses réparations par la bailleresse. Le jugement du tribunal de proximité du 26 juillet 2021 évalue la créance du CIC à la somme de 142 264,59 euros dont celle de 70 000 euros doit être mise à la charge de la bailleresse.
Il en va différemment de l'emprunt contracté auprès des Grand Moulins qui concernait l'activité du fonds de commerce, dont le dépérissement a été causé par les manquements de la bailleresse. Il ressort d'un décompte de l'huissier que la somme dûe par le dirigeant s'élève à la somme de 16 142,55 euros. Ce préjudice financier personnel doit être réparé par l'intimée.
Le fonds de commerce a été acheté 390 000 euros, il a été acquis par la société preneuse et la cession ne pouvait être faite qu'au profit de cette société. Il n'y aucun préjudice personnel à l'appelant qui sera débouté de ce chef de demande.
L'absence de rémunération peut être due à un ensemble de facteurs et le dirigeant commet une faute s'il s'octroie une rémunération alors que l'état de la société ne le permet pas. Aucun élément comptable n'est versé aux débats, alors qu'un bilan avait été établi pour l'exercice 2014. Il convient par conséquent de débouter l'appelant de cette demande d'indemnisation qui n'est pas fondée.
En ce qui concerne le présent contentieux, les frais de justice seront indemnisés dans l'appréciation de l'équité, les justificatifs produits (factures avocat en pièce 27) et la condamnation aux dépens.
Les frais de justice exposés dans le cadre du litige portant sur le cautionnement CIC seront indemnisés dans la limite de 3000 euros compte tenu de l'imputabilité partielle de ce préjudice à la bailleresse.
Celle-ci devra indemniser les frais de justice occasionnés par le litige Grands Moulins soit la somme de 3 768,70 euros.
La bailleresse qui succombe dans l'essentiel de ses prétentions, devra supporter les dépens de première instance, du présent appel et payer à l'appelant une somme équitablement arbitrée à 8000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, dans les limites de sa saisine résultant de l'arrêt de la cour de cassation du 6 janvier 2021,
Rejette l'exception de nullité de la déclaration de saisine,
Dit que la cour de renvoi est saisie par le dispositif de l'arrêt de cassation, à savoir la cassation de l'irrecevabilité de la demande de réparation du préjudice financier personnel de l'appelant,
Dit que la portée de la cassation ne concerne pas la disposition relative à l'irrecevabilité de la demande de la SCI [E] venant aux droits de la SCI Vieille Eglise tendant à se voir exonérer de toute responsabilité,
Dit que cette irrecevabilité a été irrévocablement prononcée,
Déboute Monsieur [L] [X] de sa demande en réparation de son préjudice morale à hauteur de 100 000 euros,
Déclare irrecevable la demande d'indemnisation de Monsieur [L] [X] fondée sur les investissements perdus à hauteur de 90 000 euros,
Condamne la SCI [E] à payer à Monsieur [L] [X] en réparation de son préjudice financier personnel les sommes suivantes :
- Cautionnements : 86 142,55 euros,
- Absence de rémunération : néant
- Perte de chance de revendre le fonds de commerce : néant
- Frais exposés pour obtenir réparation de son préjudice : 6 768,78 euros,
Dit que la SCI [E] supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à onsieur [L] [X] une somme de 8 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine CODOL, Présidente, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,