ARRÊT N°
N° RG 21/04345 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IIT3
CC
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS
27 octobre 2021
RG:21/00144
[X]
E.A.R.L. EARL LES ROSTIDES
C/
[Y]
Grosse délivrée le 08 juin 2022 à :
- Me MARTINEZ
- Me SROGOSZ
COUR D'APPEL DE NÎMES
4ème CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 08 JUIN 2022
APPELANTES :
Madame [O] [X] divorcée [Y]
née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Anthony MARTINEZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
E.A.R.L. EARL LES ROSTIDES, au capital de 30 000 euros, immatriculé au
Registre du Commerce et des Sociétés d'AVIGNON sous le n°392 802 336, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Anthony MARTINEZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉ :
Monsieur [M] [Y]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Fabrice SROGOSZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Christine CODOL, Présidente,
Madame Corinne STRUNK, Conseillère,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Juin 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 08 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 8 décembre 2021, enregistré le lendemain, par Madame [O] [X] et l'EARL Les Rostides à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 27 octobre 2021 par la présidente du tribunal judiciaire de Carpentras dans l'instance n° 21/00144 ;
Vu l'avis du 2 décembre 2021 de fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 11 avril 2022 ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 8 mars 2022 par Madame [X] et l'EARL Les Rostides, appelantes, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 6 avril 2022 par Monsieur [Y] [M], intimé, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 14 décembre 2021 de clôture de la procédure à effet différé au 7 avril 2022.
* * *
Monsieur [M] [Y] est associé de l'EARL Les Rostides et détient, au même titre que Madame [X] 99 parts sociales. Il est titulaire d'un compte courant d'associé créditeur.
Par exploit du 16 juin 2021, l'associé a fait assigner l'actuelle gérante et associée ainsi que l'EARL pour voir ordonner le remboursement par ladite société d'une provision de 18047,35 € représentant le montant de son compte courant d'associé ainsi que le paiement de sa rémunération lorsqu'il était gérant, laquelle s'élève à la somme de 21 000 €.
Par ordonnance du 27 octobre 2021, la présidente du tribunal judiciaire de Carpentras a :
condamné l'EARL à payer à l'associé la somme de 18 047,35 € en remboursement de son compte courant d'associé avec tes intérêts à compter de la présente décision,
rejeté le surplus des demandes,
dit que chacune des parties supportera ses dépens sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* * *
Le 8 décembre 2021, l'associée et l'EARL ont relevé appel de cette ordonnance pour la voir infirmer en toutes ses dispositions.
Elles exposent que l'exploitation agricole subit des difficultés économiques et financières et que la demande de remboursement du compte courant peut mener la société en état de cessation des paiements. Elles font grief à l'associé de ne jamais avoir réclamé, avant la présente action en justice, le remboursement de son compte courant ou le paiement de sa rémunération. Subsidiairement, les appelantes font valoir qu'elles ont payé une somme de 2371,43 excédentaire, en exécution de l'ordonnance déférée, dont la société doit être remboursée. Elles contestent le montant des sommes invoquées par l'associé au titre de son compte courant, eu égard à l'existence de contestations sérieuses tenant au fait qu'elles ne sont pas justifiées par les pièces produites. Elles précisent que le montant de la rémunération demandée par l'associé est intégré dans les opérations du compte courant et n'a pas à être sollicité deux fois.
Au terme de leurs dernières conclusions, l'associée et l'EARL, demandent donc à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, de :
A titre principal,
infirmer l'ordonnance rendue le 27 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Carpentras en ce qu'elle a :
- Condamné la société [A] à payer à l'intimé la somme de 18 047.35 euros en remboursement de son compte courant d'associé avec les intérêts à compter de la décision ;
- Rejeté le surplus des demandes ;
- Dit que chacune des parties supportera ses dépens sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
constater l'existence de contestations sérieuses faisant obstacle aux pouvoirs du juge des référés ;
En conséquence ;
se déclarer incompétent pour se prononcer sur la demande de provision au titre du remboursement du compte courant d'associé formulée par l'intimé ;
rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de l'intimé ;
A titre subsidiaire,
condamner l'intimé à verser à l'EARL la somme de 2 371.43 euros à titre de provision à valoir sur son compte courant d'associé débiteur,
En tout état de cause,
constater l'existence de contestations sérieuses faisant obstacles aux pouvoirs du juge des référés ;
En conséquence,
se déclarer incompétent pour se prononcer sur les demandes de provision formulées par l'intimé ;
rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de l'intimé ;
condamner l'intimé à verser à l'associée et à l'EARL la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner l'intimé aux entiers dépens.
* * *
L'associé expose que, par ordonnance du 27 octobre 2021, le juge des référés a désigné un expert judiciaire ayant pour mission de déterminer la valeur des parts sociales de l'exploitation agricole. Un sapiteur en comptabilité a été également désigné. Grâce à eux, le montant de son compte courant sera déterminé et le sursis à statuer s'impose, l'historique du compte courant produit par les appelantes n'étant pas fidèle. Il maintient subsidiairement que le solde de son compte courant, au vu des documents comptables est créditeur et prétend que la somme de 38 832,59 euros lui est dûe. Il conteste l'historique de compte produit par les appelantes qui est incohérent ainsi que les difficultés financières de l'exploitation agricole telles qu'alléguées par les appelantes.
Au terme de ses dernières conclusions, l'associé demande donc à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile, de :
Vu l'article 378 et suivants du code de procédure civile,
ordonner le sursis à statuer dans l'attente du rapport de l'expert devant déterminer la valeur de ses droits sociaux, et partant de son compte courant d'associé,
Subsidiairement,
confirmer l'ordonnance rendue le 27 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Carpentras.
Y ajoutant,
condamner, par provision, l'EARL à lui payer la somme de 20 785,24 € au titre du solde restant dû au titre de son compte courant,
débouter l'EARL et l'associée de leurs demandes, fins et conclusions plus amples et contraires,
condamner l'EARL à lui payer la somme de 2 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'instance.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur le sursis à statuer :
La cour est saisie, sur appel d'une ordonnance de référé, d'une demande de provision et il n'est pas nécessaire d'attendre le résultat d'une mission d'expertise destinée à évaluer les droits sociaux des associés, pour statuer sur cette demande. Soit l'obligation est incontestable et il y a lieu à versement d'une provision, soit elle ne l'est pas et la demande de provision doit être rejetée.
Par conséquent, la demande de sursis à statuer, qui ne répond pas à une bonne administration de la justice est rejetée.
Sur la demande de provision :
L'ordonnance de référé a rejeté la demande de provision correspondant à la rémunératio du gérant, au motif qu'elle était déjà intégrée dans le compte courant d'associé. Aucune prétention n'est formée à ce titre dans les dernières conclusions de l'associé, de sorte que le rejet de cette demande est confirmé.
A défaut de clause statutaire, l'associé est en droit de demander à tout moment le remboursement du solde créditeur de son compte courant. La société ne peut limiter le remboursement à la somme que peut supporter sa trésorerie, dès lors qu'aucune clause ne le prévoit (Com. 08/12/2009 n°08 16 418). L'inaction de l'associé avant sa demande en justice ne vaut pas renonciation à son droit et ne peut lui être reprochée. (Com. 04/02/2014 n° 13 11 094).
En l'espèce, il ressort de l'examen comparatif du grand livre et des assemblées générales que les soldes créditeurs du compte courant d'associé de l'intimé sont identiques : 30 387,35 euros au 31 décembre 2018, 9 554,76 euros au 31 décembre 2019, 18 047,35 euros au 31 décembre 2020.
L'obligation à remboursement de la somme de 18 047,35 euros n'est donc pas sérieusement contestable. Les appelantes qui ont exécuté l'ordonnance déférée portant sur cette somme, font valoir que le compte courant de l'associé est devenu débiteur le 31 décembre 2020 à hauteur de 2 371,43 euros. Ce ne sont pas à cause de prélèvements MSA comme le soutient l'intimé car il y a eu des contre-passations d'écritures. Ce découvert est essentiellement causé par deux libellés peu explicites « fournisseurs D Pl Ass Hor Agri » et « AT [M] », dont il n'est donné aucune information à la cour.
L'obligation à paiement de la part de l'intimé est donc sérieusement contestable.
Alors que l'associé demandait en première instance le paiement d'une provision de 18 047,35 euros correspondant au solde créditeur de son compte courant au 31 décembre 2020, - ce à quoi il a été fait droit - il soutient en cause d'appel qu'il existait des incohérences d'imputation entre 2019 et 2020, de sorte qu'il porte sa demande de provision à la somme totale de 38 832,59 euros.
Il ne précise pas quelles sont les imputations incohérentes, alors même que les appelantes produisent l'historique du compte courant d'associé dont les soldes ont été régulièrement rapportés en assemblée générale, sans contestation aucune.
La demande de provision complémentaire est donc sérieusement contestable et il n'y sera pas fait droit.
Il s'ensuit que l'ordonnance déférée est confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les frais de l'instance :
Les appelantes qui succombent dans leurs prétentions, devront supporter les dépens de l'instance d'appel.
L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Rejette la demande de sursis à statuer,
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette les demandes en paiement de provision complémentaire de la part de Monsieur [Y] et en paiement de provision de la part de l'EARL Les Rostides,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [X] et l'EARL Les Rostides aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Mme CODOL, Présidente de Chambre et par Monsieur LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,